Nuri al-Maliki
Homme politique irakien (Abu Gharaq, près de Karbala, 1950).
1. L’opposant chiite au régime de Saddam Husayn
Arrière petit-fils d'un notable tribal des Albu Ali, qui fut brièvement, en 1927, ministre de l'Éducation dans le premier gouvernement monarchique d'Iraq, Nuri al-Maliki, titulaire d'une licence de sciences islamiques et d'une maîtrise de littérature arabe, rejoint le parti chiite Dawaa (« l'Appel ») en 1970. La nomination de Saddam Husayn à la tête de l'État le contraint à s'exiler en octobre 1979 (il sera condamné à mort par contumace par les tribunaux baathistes en 1980). D'abord réfugié en Syrie, il séjourne en Iran (1992-2000) avant de retourner à Damas où, sous le nom de guerre « Jawad », il prend la tête de la branche syrienne du parti Dawaa et met en place des actions violentes contre les intérêts irakiens à l'étranger.
2. L’accession au pouvoir
Rentré en Iraq après l'entrée de la coalition américano-britannique en 2003, il préside quelque temps le comité national de débaathification chargé de purger l'ancien parti unique au pouvoir. Élu à l'Assemblée nationale en janvier 2005, il participe à la rédaction de la Constitution (adoptée en octobre 2005). Il est désigné Premier ministre le 22 avril 2006, après d'âpres négociations entre les différentes factions politiques, et présente un gouvernement d'union nationale en mai.
Confronté à une situation intérieure très difficile en raison de la lutte opposant sunnites et chiites, il parvient progressivement à imposer son autorité et celle de l'État central. En mars 2008, il sort renforcé de l'offensive militaire qu'il lance contre la milice chiite de l'Armée du Mahdi de l'imam radical Muqtada al-Sadr.
3. Le fragile équilibre entre communautés
Par ailleurs, moyennant sa volonté de dialogue politique, le Premier ministre parvient, comme en témoignent les élections régionales de janvier 2009, à faire revenir dans le jeu politique la minorité sunnite, marginalisée depuis 2003 par l'arrivée au pouvoir des partis chiites issus de l’opposition, ainsi que par sa propre attitude de boycott lors des élections législatives de 2005.
Sur le plan extérieur, l'accord obtenu sur le retrait des forces américaines (adopté par le Parlement irakien le 27 novembre 2008) ainsi que les accords sur le retrait des autres forces étrangères (principalement britanniques), représentent une étape importante dans le recouvrement par l'Iraq de sa souveraineté.
Faisant le pari du multiconfessionnalisme, le Premier ministre décide de constituer pour les élections de mars 2010 sa propre coalition électorale, comprenant aussi bien des chiites, des sunnites, des Kurdes que des chrétiens. Ce bloc, baptisé « Pour un État de droit », est cependant distancé de justesse par la liste à dominante sunnite et laïque conduite par Iyad al-Alawi, lui-même issu de la communauté chiite. Mais ce dernier ayant été écarté pour le poste de Premier ministre, Nuri al-Maliki est reconduit dans ses fonctions à l’issue de longues tractations. Il forme alors un fragile gouvernement menacé par les divisions, alors que les dernières troupes américaines quittent le pays et que la violence resurgit.
4. Une dérive autoritaire dans un pays au bord de l’implosion
La politique de plus en plus sectaire du Premier ministre mise en œuvre au nom de la débaathification et de la lutte contre le terrorisme, ainsi que sa tentative de monopolisation du secteur pétrolier comme moyen de consolider son autorité suscitent des tensions, exacerbées par la guerre civile en Syrie. Fin 2012, les motifs de discorde entre Bagdad et Erbil (exploitation des hydrocarbures, tracé des frontières, statut de Kirkuk) placent l'armée irakienne et les pershmerga à deux doigts de la confrontation armée. Excédées d'être marginalisées par le pouvoir central sourd à leurs revendications et accusé d'être inféodé à l'Iran, les tribus sunnites se soulèvent au printemps 2013 dans plusieurs provinces (Anbar et Ninive notamment) et multiplient les appels à la sécession. En y répondant par la manière forte, le Premier ministre déclenche un nouveau cycle de violences et une radicalisation du camp sunnite, dont profitent les extrémistes issus en partie d'al-Qaida – l'État islamique d'Iraq et du Levant (EIIL) – qui s'emparent de Falluja (janvier 2014), puis de Mossoul (juin). Critiqué de toutes parts, y compris dans le camp chiite et dans son bloc parvenu en tête des élections, ne pouvant plus compter ni sur l’appui des États-Unis ni sur celui, essentiel, de l’Iran, Nuri al-Maliki est contraint de renoncer à briguer un troisième mandat en août 2014. Il obtient néanmoins le poste protocolaire de vice-président, aux côtés notamment de l'ex-chef de gouvernement I. al-Alawi.
Pour en savoir plus, voir l'article Iraq : histoire.