canal de Suez
Voie navigable d'Égypte, perçant l'isthme de Suez.
Le canal de Suez mesure 161 km entre Port-Saïd, sur la Méditerranée, et Suez, sur la mer Rouge. L'aménagement de chenaux en mer Rouge et en Méditerranée a fait passer sa longueur totale à 195 km. L'itinéraire choisi, presque rectiligne, met à profit à la fois la faible altitude de l'isthme de Suez et l'importante étendue de lacs salés qui s'y trouvent (lacs Amers, lac Timsah, lac Manzala). Le canal ne comporte pas d'écluses ; sa largeur, depuis les travaux achevés en 1980, est de 170 m, sa profondeur de 20 m. Il est doublé aujourd'hui sur 67 km. Sur le reste du trajet, les navires doivent encore circuler en convois et s'arrêter pour le croisement. La traversée demande de douze à seize heures. Une voie ferrée double le canal de bout en bout. Un tunnel routier sous la voie d'eau a été ouvert en 1981. Plusieurs grandes villes se sont développées sur ses rives : Suez, au débouché sur la mer Rouge ; Ismaïlia, à mi-chemin de la traversée ; Port-Saïd et Port-Fouad, au débouché sur la Méditerranée.
1. Un raccourci entre l'Asie et l'Europe
En permettant aux navires d'éviter de contourner l'Afrique par la route du cap de Bonne-Espérance, le canal de Suez raccourcit considérablement les distances entre l'Asie et l'Europe (de plus de 80 % le trajet entre le port saoudien de Djedda et Constanţa sur la mer Noire, de presque la moitié le trajet entre le golfe Persique et la mer du Nord et de près du quart celui entre Tokyo et Rotterdam ; le trajet entre Bombay et Rotterdam passe de 10 743 milles à 6 337 milles).
2. Un passage maritime majeur, source de devises pour l'Égypte
Le trafic annuel, avant la fermeture provoquée par la guerre de 1967 et l'occupation israélienne du Sinaï, atteignait, en 1966, 242 Mt (194 de la mer Rouge vers la Méditerranée, dont 168 Mt de pétrole, et 48 de la Méditerranée vers la mer Rouge). Ce chiffre représentait 13 % du trafic maritime mondial, les péages constituant 5 à 6 % du produit national brut (P.N.B.) de l'Égypte. Après la réouverture, en 1975, le changement de structure de la flotte mondiale (augmentation de la taille des pétroliers) ne lui a pas permis de retrouver le tonnage antérieur. En 1980, le trafic pétrolier n'était plus que de 85 Mt, en raison notamment de la concurrence de l'oléoduc Suez-Alexandrie, ouvert en 1976, alors que le trafic des autres marchandises avait retrouvé son niveau antérieur. Le trafic s'est peu à peu accru pour atteindre aujourd'hui de l'ordre de 270 Mt par an (dont une part importante de produits pétroliers). Chaque année, quelque 18 000 navires traversent le canal de Suez, alors que 65 000 navires transitent par le détroit de Malacca et 12 000 par le canal de Panamá. Avec des recettes de plus de 300 millions de dollars, soit 4 % du produit intérieur brut, le canal de Suez constitue pour l'Égypte la troisième source de rentrée de devises, après le tourisme et les transferts financiers.
Le trafic nord-sud est composé essentiellement par des produits manufacturés, alors que les produits bruts l'emportent dans le sens sud-nord. Parmi les minéraux acheminés vers l'Europe, certains ont une véritable importance stratégique : chrome, manganèse, étain, nickel. Ce trafic est cependant menacé par la cherté du coût pour les bateaux et par la piraterie au large de la Somalie, qui incitent les armateurs à se détourner du canal de Suez pour se reporter vers l'ancienne route maritime du cap de Bonne-Espérance. Cette voie maritime est aussi empruntée par des navires de guerre (environ 200 par an).
HISTOIRE
Un canal entre le Nil, le lac Timsah et la mer Rouge, commencé par le pharaon Néchao II (600 avant J.-C.), fut achevé par Ptolémée II, utilisé épisodiquement et remis en état sous l'empereur Trajan. Il s'ensabla définitivement au viiie s. L'expédition de Bonaparte fait renaître le projet, encouragé par les saint-simoniens, précisé par Lesseps, consul de France à Alexandrie. L'avènement du vice-roi Said (1854), dont Lesseps est l'ami, permet la création d'une compagnie, bénéficiaire d'une concession de 99 ans à dater de l'ouverture. Les travaux commencent en 1859 et sont retardés par des manœuvres de l'Angleterre, qui veut garder le contrôle de la route des Indes. Mais, après l'ouverture du canal (1869), l'Angleterre achète les titres du vice-roi Ismaïl Pacha (1875), ce qui est à l'origine de l'installation des Britanniques en Égypte (1882). Un statut international est fixé par la convention de Constantinople du 29 octobre 1888 : le canal doit être accessible en tous temps à tous les navires. Son rôle, après des débuts difficiles, se révèle capital, en raccourcissant les trajets maritimes vers l'Asie. Le traité anglo-égypien de 1936 assurant à la Grande-Bretagne le contrôle militaire du canal est révisé en 1954, à l'issue d'une guérilla dans la zone du canal (1951-1953). La nationalisation de la compagnie du canal par Nasser (juillet 1956) et la guerre menée en octobre-novembre conjointement par Israël, la France et la Grande-Bretagne se soldent, après l'intervention de l'URSS et des États-Unis, par l'évacuation totale des forces britanniques. Le trafic est interrompu après la guerre des Six-Jours (juin 1967) et ne reprend qu'en 1975 à l'issue de la guerre d'octobre 1973, qui permet à l'Égypte de retrouver la souveraineté sur les deux rives du canal. Le trafic israélien y est désormais autorisé.
Pour en savoir plus, voir les articles campagne d'Égypte, Ferdinand de Lesseps, Gamal Abdel Nasser, guerre des Six-Jours, Ismaïl Pacha, Muhammad Said Pacha, Napoléon Ier.