Syrie : vie politique depuis 1941

L'histoire de la Syrie, de l'Antiquité à 1941 est développée à l'article Syrie : histoire.

1. Les débuts difficiles de la République syrienne (1941-1954)

1.1. La Syrie et le conflit israélo-arabe

L'indépendance de la République syrienne, proclamée en septembre 1941 par le général Catroux, n'est effective qu'en avril 1946, après la fin de la Seconde Guerre mondiale et la signature de traités garantissant les intérêts de la France, à l'issue d'un conflit qui a opposé les Français, les Anglais et les nationalistes arabes (1945-1946), ces derniers étant représentés par Chukri al-Quwwatli, le premier président de la République syrienne élu en août 1943.

La Syrie, membre fondateur de la Ligue arabe (en mars 1945), va très vite être confrontée au conflit israélo-arabe. Soutenant les nationalistes palestiniens anti-hachémites, elle intervient en Israël (mai 1948), mais ses troupes sont arrêtées à proximité de la frontière. L'armistice syro-palestinien, signé en juillet 1949, n'empêchera pas de multiples affrontements frontaliers.

1.2. La Syrie fragilisée par ses voisins, Israël et l'Iraq

De 1949 à 1954, les coups d'État vont se multiplier, les premières années de la jeune République étant troublées par la défaite de la Palestine et l'échec militaire des troupes syriennes, qui provoque un mouvement de contestation contre les dirigeants. Le colonel Husni al-Zaim renverse en mars 1949 le fragile régime civil du président Quwwatli, favorable à une entente avec l'Égypte, avant d'être lui-même déposé et tué sur les ordres du général Sami al-Hinnawi (août 1949).

Ce dernier, encouragé par l'Iraq, dont le Premier ministre cherche à réaliser l'union des pays arabes, est à son tour écarté par le colonel Adib al-Chichakli (décembre 1949), qui interdit très vite les partis politiques et fait approuver une nouvelle Constitution (juillet 1953). Mais, devant le risque de guerre civile et n'étant plus assuré du soutien de l'armée, il est contraint de s'exiler (février 1954). Les civils reviennent au pouvoir dans un pays instable, fragilisé par ses difficultés frontalières avec Israël et où les luttes politiques sont encouragées par Bagdad.

Pour en savoir plus, voir les articles Ligue arabe, Question palestinienne.

2. L'alliance avec l'Égypte

Pour se garantir contre la menace irakienne, la Syrie cherche en priorité à conclure une alliance avec l'Égypte. Souhaitant également garder son indépendance vis-à-vis des Occidentaux, elle établit dès 1954 des liens de coopération avec l'Union soviétique.

Alors que le pacte de Bagdad (février 1955), réunissant la Turquie et la Jordanie sous les auspices de l'Angleterre, menace la Syrie, cette dernière et l'Égypte acceptent la fourniture d'armes soviétiques. Pendant la crise de Suez (octobre 1956), Damas prend le parti du Caire et rompt les relations diplomatiques avec Londres et Paris (novembre). Face à l'axe hachémite Amman-Bagdad, pro-occidental, la Syrie et l'Égypte fusionnent, en février 1958, dans une République arabe unie (RAU) présidée par Gamal Abdel Nasser. Cependant, en septembre 1961, l'armée syrienne met fin à cette union, et la Syrie redevient un État indépendant.

Pour en savoir plus, voir les articles canal de Suez, Gamal Abdel Nasser

3. La montée du Baath

Créé à Damas dans les années 1940 par un chrétien orthodoxe, Michel Aflak, et un sunnite, Salah al-Din al-Bitar, le Baath, dont le premier congrès se tient en 1947 à Damas, fusionne avec le parti socialiste arabe d'Akram al-Hawrani (1953) et devient le Baath arabe socialiste. Autour du slogan « Unité, Libération, Socialisme », il se revendique comme un parti de la nation arabe, étendant ses ramifications en Transjordanie (1948), au Liban (1949-1950) et en Iraq (1951). Expression du nationalisme arabe révolutionnaire, il est de sensibilité laïque, même si l'islam est considéré comme élément constitutif de l'arabisme, et ne parviendra pas à devenir un parti de masse.

L'échec de la République arabe unie (RAU) en septembre 1961 provoque une crise interne au sein du parti, parvenu au pouvoir à la faveur du coup d'État qui renverse le gouvernement syrien, en mars 1963. L'état d'urgence est proclamé, les établissements financiers sont nationalisés. Opposés aux nationalistes fondateurs du parti, Aflak et Bitar, les régionalistes, regroupés autour de Nur al-Din al-Atasi, Hafiz al-Asad et Salah Djadid, s'imposent progressivement, avant de chasser leurs rivaux du pouvoir lors du putsch de février 1966. Les fondateurs du parti s'exilent.

Une junte militaire dirigée par Nur al-Din al-Atasi, considérée comme progressiste et orientée vers le marxisme, s'installe à la tête de l'État. Elle est vite confrontée à la guerre des Six-Jours (juin 1967), qui provoque de nombreuses pertes dans les rangs arabes. La Syrie perd alors le plateau du Golan, avant d'accepter le cessez-le-feu conclu par Israël et l'Égypte, le 8 juin.

4. Le coup d'État du général Asad (13 novembre 1970)

Les conflits internes au Baath vont réapparaître lors des événements de septembre 1970 (Septembre noir), au cours desquels des affrontements opposent l'armée jordanienne aux forces palestiniennes. Salah Djadid entend intervenir aux côtés des Palestiniens, mais le général Hafiz al-Asad, ministre de la Défense, refuse l'intervention de l'aviation.

Mis en minorité, ce dernier fait arrêter ses principaux adversaires et prend le pouvoir (13 novembre). Il fait adopter un amendement à la Constitution qui stipule que le chef de l'État sera désormais élu au suffrage universel pour sept ans. Élu pour un premier mandat (mars 1971) et régulièrement réélu par la suite, Hafiz al-Asad fait preuve d'une certaine ouverture politique : une charte signée par le Baath et par quatre autres partis de gauche permet la constitution d'un Front national progressiste (FNP, mars 1972), tout en maintenant la prééminence du Baath.

Souhaitant sortir le pays du relatif isolement dans lequel il se trouve, Hafiz al-Asad se rapproche de l'Égypte. Dans le même temps, le pouvoir renforce son contrôle sur les organisations palestiniennes présentes dans le pays et interdit les opérations contre les positions israéliennes lancées par des commandos palestiniens à partir du territoire syrien.

En octobre 1973, le quatrième conflit israélo-arabe (guerre du Kippour) voit l'engagement des troupes syriennes, qui réussissent, avec l'armée égyptienne, à pénétrer les lignes israéliennes. La « victoire » est de courte durée, et l'affrontement endommage sérieusement les infrastructures de l'économie syrienne. Un accord de désengagement syro-israélien est signé à Genève le 31 mai 1974.

5. L'engagement libanais, l'opposition interne et la révolte de Hama

En juin 1976, les troupes syriennes entrent au Liban, aux côtés de la droite maronite et à la demande du gouvernement libanais, Damas ayant par ailleurs toujours considéré que le pays du Cèdre était son prolongement naturel lui permettant d'avoir un accès à la Méditerranée.

Sur le plan intérieur, l'ouverture politique alors prônée par Hafiz al-Asad reste extrêmement limitée, et sa politique extérieure suscite des remous. L'organisation des Frères musulmans (représentant l'islam sunnite) accepte mal que les troupes syriennes interviennent au Liban afin d'y réinstaurer le pouvoir des chrétiens ; la prééminence des Alawites, communauté dont est issu le chef de l'État, à tous les postes clés du pays – malgré sa faible représentation ne dépassant pas 10 à 12 % de la population syrienne – provoque le ressentiment des sunnites. Une opposition violente s'exprime à partir du milieu des années 1970. Le commandant de la garnison de Hama est tué (1976) puis le recteur de l'université de Damas (1977) ; 100 cadets de l'académie militaire d'Alep sont massacrés (1979) ; l'insurrection de Hama (février 1982), au cours de laquelle 20 000 civils trouveront la mort, annihile l'opposition pour une longue période.

L'année suivante, la maladie du président Hafiz al-Asad provoque des tensions à Damas entre les différents candidats à sa succession, et des affrontements armés opposent plusieurs généraux en 1984. Une accalmie, un remaniement ministériel (octobre 1987) permet une légère amélioration de la situation économique. Les élections législatives de mai 1990 laissent voir quelques changements, la multiplicité des candidatures étant autorisée. Si le FNP est toujours largement majoritaire, des « indépendants » font leur apparition. Parallèlement, une timide libéralisation politique est engagée : de nombreux prisonniers politiques sont libérés entre 1991 et 1992, dont certaines figures emblématiques comme Nur al-Din al-Atasi et Salah Djadid. Dans un souci de réhabilitation aux yeux de la communauté internationale, Hafiz al-Asad permet au cheikh Abdel Fattah Abu Ghadda, l'un des dirigeants des Frères musulmans, de rentrer en Syrie (fin 1995) après un exil de quinze ans en Jordanie. La Syrie participe en novembre 1995 à la conférence de Barcelone qui fonde le partenariat euroméditerranéen.

6. La Syrie et l'Iraq, deux frères ennemis

Le Baath arrive au pouvoir en même temps en Iraq et en Syrie et se maintient à la tête de l'État dans les deux pays, entre lesquels se développe une forte opposition, chacun revendiquant le rôle de gardien de la doctrine du parti. Outre cette dimension idéologique, le problème de la répartition des eaux de l'Euphrate est un facteur de tension, ainsi que l'intervention syrienne au Liban, où chaque pays soutient des factions palestiniennes rivales, ce qui met en difficulté le camp islamo-progressiste. Les groupes soutenus par Damas s'opposent au Fatah d'Arafat et aux groupes du Front du refus, soutenus par Bagdad.

La réconciliation qui a lieu entre Hafiz al-Asad et Arafat (octobre 1976) sera de courte durée. De 1983 à 1987, les Syriens se chargent de « liquider » les dernières séquelles de la présence de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) au Liban et tentent, sans succès, de marginaliser définitivement Arafat, en créant en 1985 une coalition anti-Arafat et pro-syrienne basée à Damas, le Front de salut national palestinien (FSNP). Mais l'objectif d'Hafiz al-Asad, qui était de maîtriser la carte palestinienne, échoue.

7. L'alliance stratégique avec l'Iran et la politique libanaise

À partir de 1979, Damas noue une alliance stratégique avec Téhéran. En apparence, tout oppose ces deux pays, l'Iran constituant une République islamique, la Syrie se revendiquant comme un État laïc (même si les religieux ont obtenu d'Hafiz al-Asad que l'islam soit la religion du chef de l'État). Cependant, leur rapprochement s'effectue contre l'Iraq, avec lequel chacun des deux pays entretient des relations difficiles.

Après le déclenchement par l'Iraq de la guerre contre l'Iran (→  guerre Iran-Iraq), Téhéran propose à la Syrie de lui livrer du pétrole gratuitement, lui demandant en échange d'empêcher le pétrole irakien de transiter sur son territoire pour être exporté. En 1984, un accord est signé, permettant aux chiites iraniens de venir en pèlerinage à Damas, les Syriens remboursant ainsi une partie de leur dette à l'égard de Téhéran.

Sur la scène libanaise, l'alliance de la Syrie avec l'Iran par le truchement de la milice chiite du Hezbollah permet à celle-ci d'obtenir le départ des troupes israéliennes (1982). Son intervention au Liban, qui met un terme aux affrontements sanglants entre les milices libanaises, lui donne un quasi-monopole sur les affaires du pays. L'accord interlibanais de Taif (novembre 1989) entérine la tutelle syrienne sur le Liban ; celle-ci est confirmée en mai 1991 par un traité de fraternité et de coopération entre les deux pays. L'engagement de la Syrie dans la coalition occidentale contre l'Iraq lors de la guerre du Golfe (1990-1991) lui permet d'obtenir carte blanche au pays du Cèdre et de maintenir son rôle d'acteur incontournable des négociations de paix dans la région.

8. Le problème de la paix avec Israël

À partir de 1985, Hafiz al-Asad prend conscience que son rêve de parvenir à la parité stratégique avec Israël est irréaliste. L'appui de l'Union soviétique étant insuffisant, la Syrie s'efforce désormais d'obtenir le soutien des pays occidentaux afin de ne pas être le grand perdant dans le cadre d'un règlement négocié avec Israël. Elle tente ainsi d'améliorer ses relations avec Washington et condamne officiellement le terrorisme.

Cherchant à sortir de son isolement diplomatique, la Syrie renoue les liens avec l'Iraq (mai 1987) et les Palestiniens (visite d'Arafat à Damas en avril 1988, libération d'environ 3 000 détenus palestiniens entre 1989 et 1990), rétablit des relations diplomatiques avec l'Égypte (décembre 1989) avant de participer à la conférence de paix de Madrid sur le Proche-Orient (novembre 1991).

Opposée à la démarche d'Anouar el-Sadate – qui s'était rendu à Jérusalem en 1977 –, la Syrie réaffirme son engagement pour une paix globale et son opposition à tout accord séparé. Les négociations israélo-syriennes s'engagent en août 1992. Pour le régime syrien, il s'agit de « contenir » Israël dans ses frontières d'avant 1967, ce qui implique le retour du plateau du Golan sous souveraineté et contrôle syriens, la disparition de la zone de sécurité occupée par Israël au Sud-Liban et le rétablissement des droits nationaux des Palestiniens.

Le sommet Asad-Clinton à Genève (janvier 1994) permet de renouer le dialogue ; les chefs d'état-major des deux pays se rencontrent à Washington (juin 1995) afin de tenter de rapprocher leurs positions sur les problèmes de sécurité liés à un éventuel retrait israélien du Golan, mais aucun accord formel n'est conclu et discussions s'achèvent en février 1996.

De même, aucune négociation n'a lieu avec Israël sous le gouvernement nationaliste de Benyamin Netanyahou, qui refuse de prendre à son compte les engagements de son prédécesseur Yitzhak Rabin. À la faveur du retour des travaillistes dans l'État hébreu (juin 1999), les pourparlers israélo-syriens reprennent en décembre aux États-Unis mais sont repoussés sine die dès janvier 2000. Fin mai, le retrait de l'armée israélienne du Liban-Sud ôte à la Syrie un atout important dans sa stratégie pour récupérer le Golan, Damas ayant longtemps escompté troquer la garantie pour Israël d'une frontière sécurisée avec le Liban contre ses territoires perdus en 1967. Par ailleurs, la Syrie apparaît désormais comme la seule puissance occupante au Liban.

9. La Syrie face à l'axe israélo-turc

Après la signature d'un accord de coopération militaire israélo-turc (février 1996), dénoncé par Damas comme étant une tentative d'encerclement, la Syrie redoute à nouveau d'être isolée. Les relations se dégradent avec Ankara, alors que des contentieux anciens existent entre les deux pays, notamment le problème de la répartition des eaux de l'Euphrate et surtout l'asile accordé par la Syrie au parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), engagé depuis 1984 dans une rébellion armée contre la Turquie. Après un premier accord entre les ministres des Affaires étrangères syrien et turc en février 1993, la tension monte à nouveau en octobre 1998, mais un nouvel accord est finalement signé, par lequel Damas s'engage à cesser son soutien au PKK et à interdire l'entrée sur son territoire de son chef Abdullah Öcalan (arrêté au Kenya en février 1999).

10. L'évolution dynastique du régime

10.1. La fulgurante ascension politique de Bachar al-Asad

Les élections législatives de novembre 1998 et le référendum présidentiel de février 1999 ont été de pure forme, l'opposition étant réduite à néant. Hafiz al-Asad, gravement malade depuis plusieurs années, n'a de cesse de faciliter l'ascension de son fils Bachar, pressenti comme dauphin depuis le décès accidentel de son frère aîné Bassel en 1994.

Commandant d'un bataillon de chars (1995), Bachar devient colonel de l'armée en 1999. Son oncle Rifat, dernier obstacle à son ascension, a été démis de son titre de vice-président en février 1998. Peu après le décès de son père (10 juin 2000), Bachar est prestement intronisé : propulsé à la tête des forces armées puis proclamé dirigeant du Baath, il est élu président de la République (l'âge d'éligibilité a été ramené de 40 à 34 ans, l'âge de Bachar). Plébiscité le 10 juillet par un référendum populaire (97,2 % des voix), le nouveau chef de l'État prête serment le 17 devant le Parlement pour une durée de sept ans.

10.2. Le « printemps de Damas »

L'arrivée au pouvoir de Bachar est suivie d'une ouverture politique aussi timide que brève. Le « printemps de Damas », lancé en septembre 2000 par des artistes et intellectuels réclamant le respect des libertés civiques et politiques essentielles, permet l'amnistie de quelque 600 prisonniers politiques (dont des Frères musulmans, des membres de la Ligue d'action communiste et des baassistes pro-irakiens), la fermeture de la vieille prison de Mezzé à Damas, la reparution après plus de 50 ans d'absence de la Voix du peuple, le journal du parti communiste syrien, et le gel de la loi martiale en vigueur depuis 1963.

10.3. La mainmise sur l'opposition

Dès février 2001 cependant, la reprise en main se fait brutale et sèche. Jugés coupables de déstabiliser le régime, des opposants (dont Kamal Labouani, fondateur du Rassemblement libéral démocratique) sont arrêtés. Les technocrates, formés à l'étranger et arrivés au pouvoir avec Bachar, sont écartés au profit du clan familial sur lequel s'appuie le président : son frère cadet Maher al-Asad, responsable dans l'armée, et son beau-frère Assef Chawkat, qui contrôle les services de renseignements. Hormis l'instauration du secret bancaire et l'autorisation de créer des banques privées (avril 2001), les réformes économiques, régulièrement annoncées, tardent à venir. Sur les 31 membres du nouveau gouvernement formé en septembre 2003 avec pour principal objectif de réformer une administration bureaucratique minée par la corruption,18 sont issus du Baath et détiennent les postes clés.

Le Xe Congrès du Baath (juin 2005) confirme la mainmise du parti sur l'ensemble des institutions : l'état d'urgence est maintenu, la plupart des membres de la vieille garde héritée de Hafiz al-Asad est mise à l'écart, les formations de l'opposition – Frères musulmans et partis nationalistes kurdes – demeurent illégales, et les réformes, superficielles. Les élections législatives d'avril 2007, marquées par une abstention massive, permettent au Baath de conserver son emprise sur le Parlement où il contrôle désormais 172 des 250 sièges. L'opposition, durement frappée par une série de condamnations, boycotte le référendum présidentiel du 27 mai, à l'issue duquel Bachar al-Asad est reconduit avec 97,6 % de votes favorables à la présidence syrienne.

11. L'isolement de la Syrie sur la scène internationale

La Syrie voit son isolement s'accroître. L'arrivée au pouvoir d'Ariel Sharon en mars 2001 marque un net durcissement de l'État hébreu à l'encontre de la Syrie, accusée de soutenir le Djihad islamique, le Hezbollah ou le Hamas, dont le chef du bureau politique, Khaled Mechaal, vit en exil à Damas.

À l'automne 2003, en représailles à un attentat suicide à Haïfa, revendiqué par le Djihad islamique, Israël lance une attaque aérienne contre un camp d’entraînement de l'organisation situé en Syrie. Cette logique d'affrontements s'intensifie lors du déclenchement en juillet-août 2006 des opérations israéliennes au Sud-Liban en rispote à une attaque du Hezbollah contre des soldats israéliens. Simultanément, Damas demande en vain la reprise des négociations de paix pour la restitution du Golan.

En mars 2003, la Syrie s'oppose à l'intervention américano-britannique en Iraq qu'elle considère comme une tentative d'achèvement de l'encerclement amorcé par l'accord de coopération militaire israélo-turc conclu en février 1996 sous l'égide des États-Unis. Accusée depuis 1979 de soutenir le terrorisme, d'accueillir l'opposition sunnite irakienne en fuite et de développer des armes de destruction massive, elle est frappée de sanctions économiques par les États-Unis (2004), sanctions renforcées en 2005.

En 2004, Damas entre en conflit ouvert avec le Premier ministre libanais Rafic Hariri à propos de la prolongation du mandat du président prosyrien Émile Lahoud, qu'elle finit par imposer. À l'instigation de la France et des États-Unis, le Conseil de sécurité de l'ONU adopte la résolution 1559, qui appelle au respect de la souveraineté libanaise, au retrait de toutes les forces étrangères du Liban et au désarmement des milices armées. Le texte vise les 20 000 soldats syriens présents au Liban et le Hezbollah, principal allié de Damas sur la scène politique libanaise.

Soupçonnée d'être responsable de l'attentat qui, le 14 février 2005, tue l'ex-Premier ministre R. Hariri ainsi que 18 autres personnes à Beyrouth, la Syrie est contrainte, sous la pression de l'opposition libanaise et de la communauté internationale, de procéder au retrait précipité de ses soldats (achevé le 26 avril) et de ses services de renseignements présents depuis 29 ans au pays du Cèdre. Une commission d'enquête indépendante de l'ONU sur l'assassinat de R. Hariri est créée en avril 2005 ; ses rapports successifs mettent en cause l'implication des services secrets syriens et libanais et certains officiels syriens. À l'instigation des États-Unis, qui prorogent leurs sanctions économiques à l'encontre du régime syrien, le Conseil de sécurité adopte le 30 mai 2007, la résolution 1757 instituant un Tribunal spécial pour le Liban (TSL).

En 2006, la Syrie décide de rétablir des relations diplomatiques avec l'Iraq (rompues en 1982 à l'initiative de Bagdad, reprises en 2001 au niveau des chargés d'affaires, elles avaient à nouveau été distendues après l'invasion de l'Iraq par les États-Unis et le Royaume-Uni en 2003). Le réchauffement entre les deux pays se concrétise par la signature d'une série d'accords économiques (réouverture de l'oléoduc de Kirkuk vers le port syrien de Banias) en 2007. Damas, régulièrement accusé avec Téhéran par l'Arabie saoudite, l'Égypte et la Jordanie de mettre en œuvre d'importantes capacités de déstabilisation au Liban, en Palestine et en Iraq, retourne l'accusation en traitant ses détracteurs d'instruments de la politique américaine.

12. La guerre civile (depuis 2011, jusqu'en 2015)

12.1. Un soulèvement pacifique anti-Asad violemment réprimé…

Non épargné par la vague de contestation qui secoue le monde arabe depuis la fin de l'année 2010, le régime de Bachar al-Asad est confronté, au printemps 2011, à un soulèvement aussitôt réprimé dans le sang.

Parties le 15 mars de Deraa (bastion historique du Baath) à la suite de l’arrestation et la torture de jeunes écoliers auteurs de graffitis anti-Asad, les manifestations, bien que violemment réprimées par les services de sécurité, s'étendent de ville en ville (Lattaquié, Homs, Alep, Damas) et prennent une ampleur inédite depuis la révolte de Hama en février 1982.

12.2. …en lutte contre un système clanique

Tergiversant, Bachar al-Asad laisse la garde républicaine – composée majoritairement d'Alawites et placée sous le commandement de Maher al-Asad, son propre frère, et de Rami Maklouf, son cousin – tirer sur les manifestants. Alternant répression féroce et annonce de réformes symboliques (augmentation des salaires des fonctionnaires, libération de prisonniers politiques, nomination d'un nouveau Premier ministre, levée de l'état d'urgence en vigueur depuis 1963 [21 avril]), le régime, désorienté face aux cortèges spontanés et pacifiques, n'a de cesse de vouloir attribuer les troubles à un complot ourdi de l'extérieur et à des groupes « terroristes » pour justifier sa répression à huis clos. Les « vendredi de la résistance » auxquels se rallient les manifestants se transforment en bains de sang.

12.3. Une communauté internationale divisée

Les premières réactions de la communauté internationale se traduisent par l'adoption, en mai, de sanctions économiques par les États-Unis et l’UE ; la Ligue arabe proposant, de son côté, après la mise en place d’une mission d’observation, un premier plan de sortie de crise pacifique et démocratique. L’opposition syrienne se regroupe au sein du Conseil national syrien (CNS) créé en août à Istanbul, tandis que des déserteurs forment une « armée syrienne libre » (ASL).

En novembre, face à l’obstination de B. al-Asad, qui, après avoir laissé espérer un semblant d’ouverture, refuse de tenir ses engagements, la Ligue arabe suspend la Syrie de ses instances et adopte, à son tour, des sanctions économiques. Une commission internationale, mandatée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, fait état de crimes contre l'humanité perpétrés par l’armée et les forces de sécurité syriennes, y compris à l’égard des enfants.

En janvier 2012, rejetant toute ingérence dans ses affaires intérieures, la Syrie oppose une fin de non recevoir à la feuille de route de la Ligue arabe qui, excluant toute intervention étrangère militaire, prévoyait notamment après délégation du pouvoir au vice-président, la formation d’un gouvernement d’union nationale et l’organisation d’élections.

L'adoption d’une position commune par les Nations unies se heurte au veto de la Russie, l'allié traditionnel politique et militaire de Damas, et de la Chine. Rejetant toute pression extérieure en faveur d’un changement de régime, ces dernières – qui avaient déjà refusé de condamner la répression lors d’un premier vote en octobre –, bloquent de nouveau, le 4 février, le projet de résolution soutenu par les États arabes et européens. Ne mentionnant explicitement ni le départ du président ni l’adoption de sanctions (des concessions aux exigences russes), le texte condamnait « toutes les violences », demandant au gouvernement syrien la fin immédiate de « toutes les violations des droits de l’homme » et l’instauration d’« un processus politique dirigé par les Syriens ». Sur le terrain, l’armée poursuit ses opérations à l’arme lourde contre les rebelles.

12.4. Un conflit asymétrique

En juin 2013, plus de deux ans après le déclenchement de l’insurrection et un an après le fiasco d’une première conférence internationale (« Genève I », juin 2012), le bilan de la guerre civile serait de plus de 93 000 morts et de 1,5 million de réfugiés répartis pour la plupart entre la Turquie, la Jordanie et le Liban. Opposant des combattants très mobiles mais sous-équipés et une armée syrienne s’appuyant sur ses blindés aidés par l’aviation, le conflit reste très dissymétrique : aux actions de guérilla, l’armée répond par des bombardements indiscriminés, visant parfois les hôpitaux, et dont la population civile est la première victime.

Si la rébellion a pu affaiblir la capacité de frappe du régime en s’emparant de plusieurs bases aériennes et prendre l’avantage dans le nord du pays, d’importantes zones, dont les régions d’Alep et de Damas, restent très disputées. L’utilisation d’armes chimiques, comme le gaz sarin, par les forces gouvernementales est par ailleurs désormais établie.

12.5. Une opposition incapable de s'unir

Face à la détermination du régime, soutenu principalement par la Russie et l’Iran, ses deux parrains, l’opposition reste politiquement très fragmentée. La création en novembre 2012 à Doha (Qatar) d’une Coalition nationale des forces de la révolution et de l’opposition syrienne est une tentative d’en rassembler les composantes au-delà du CNS et de surmonter les clivages communautaires et surtout idéologiques entre « islamistes » et « nationalistes »/« laïcs ». Reconnue par les pays occidentaux et les États arabes, cette alliance peine cependant à se doter d’une direction et d’une stratégie, tandis que sur le terrain la coordination des groupes armés sous l’autorité de l’ASL fait défaut. De son côté, la Coordination nationale pour le changement démocratique en Syrie, tolérée par le régime, réunit, depuis sa création à Damas en juin 2011, divers partis politiques laïcs d’opposition, d’obédience socialiste ou nationaliste, mais reste à l’écart de la coalition.

12.6. Confessionnalisation et régionalisation du conflit

La guerre civile tend à s’islamiser et à prendre un tour confessionnel à travers la polarisation entre sunnites (modérés liés aux Frères musulmans mais aussi plus radicaux) appuyés plus ou moins directement par le Qatar et/ou l’Arabie saoudite, voire la Turquie, et un « axe chiite » rassemblant les forces progouvernementales, l’allié iranien et le Hezbollah libanais. Renforcée par ce dernier, l’armée syrienne parvient ainsi à reprendre le contrôle de la ville de Qoussayr, proche de la frontière libanaise, verrou stratégique tant pour le gouvernement que pour la rébellion. Prélude à une offensive vers le nord et sur Alep, cette bataille a pour conséquence un changement du rapport de force en faveur du régime.

Dans le camp des rebelles – où se battent des combattants très aguerris – les brigades islamistes « djihadistes » – dont celles du mouvement Jabhat al-Nosra, lié à al-Qaida et entraîné à l’origine en Iraq – sont aussi pleinement engagées dans la lutte, ce qui explique en partie la prudence et l’attentisme des pays occidentaux quant à l’armement des insurgés.

Cette radicalisation de la lutte sur ce qui devient une nouvelle « terre de djihad » pour de nombreux combattants étrangers se traduit par l’intrusion de l’État islamique en Iraq et au Levant (EIIL), ainsi que par des conflits au sein même de la rébellion entre ce dernier, son rival Jabhat al-Nosra et d’autres factions islamistes.

En novembre 2013, plusieurs groupes dont Ahrar al-Sham, la brigade Tawhid (Alep), la brigade Haq (Homs) et l’Armée de l’islam (Damas) s’unissent pour former une nouvelle alliance. Présenté comme la composante la plus puissante de l’insurrection sur le terrain, ce nouveau « Front islamique » se positionne idéologiquement entre l’ASL et les djihadistes de l’EIIL ou de Jabhat al-Nosra. Quelle que soit sa pérennité, qui dépend des rapports de force établis au gré des combats, cette mouvance reste hostile à toute ouverture de discussions avec le régime.

12.7. L’échec de la conférence de « Genève II » (janvier-février 2014)

L’hypothèse de frappes aériennes occidentales contre les forces gouvernementales syriennes à la suite de l’utilisation par ces dernières d’armes chimiques ayant été finalement écartées, celle d’une solution politique réapparaît à la fin de l’été 2013.

L’ouverture de cette deuxième conférence avec la médiation du représentant de l’ONU Lakhdar Brahimi fait en effet suite à l’accord intervenu au mois de septembre entre la Russie et les États-Unis – la France se rangeant à l’avis de ces derniers – en vue de la destruction du stock d’armes chimiques de la Syrie.

Seule la coalition nationale syrienne accepte d’y participer et de discuter avec la délégation gouvernementale. Les positions s’avèrent cependant inconciliables : l’opposition exige avant tout la formation d’un gouvernement de transition d’où serait écarté B. al-Asad, tandis que le régime syrien n’évoque que la lutte contre le terrorisme. Les bombardements contre la population civile, menacée désormais également par le blocage des approvisionnements en nourriture, se poursuivent, portant à plus de 140 000 morts le bilan de cette guerre près de trois ans après son déclenchement.

12.8. Offensive des forces gouvernementales et affirmation de l’« État islamique »

En mai, après deux ans de siège, les troupes gouvernementales parviennent à reprendre le contrôle de la ville de Homs : les belligérants passent un accord pour l’évacuation de la ville par les forces de la rébellion. Cette victoire dans la « capitale de la révolution » conforte B. al-Asad, réélu à la tête de l’État le mois suivant dans les territoires contrôlés par le régime. Qualifiée de farce par l’opposition, cette réélection n’en marque pas moins une étape dans la guerre civile et un succès pour le pouvoir en place alors que le camp adverse semble plus que jamais éclaté.

Après avoir dû quitter Alep sous la pression des autres groupes rebelles, les djihadistes de l’EIIL s’imposent dans plusieurs localités autour de l’Euphrate, de Raqqa à la zone d’Abu Kamal, frontalière avec l’Iraq. Leur offensive fulgurante dans le nord irakien (juin 2014) conduit à la prise de Mossoul et à la proclamation d’un « califat » réunissant les territoires conquis en Syrie et en Iraq.

Les forces fidèles à l’ASL doivent toujours affronter plusieurs adversaires à la fois, tandis que Jabhat al-Nosra subit d’importants revers au profit de son rival dans la province pétrolière de Deir ez-Zor, dans l’est du pays.

Au mois d’août, renforcé par les ralliements d’autres groupes djihadistes et par ses prises en Iraq, l’État islamique (nouveau nom de l’EIIL également désigné par l’acronyme arabe Daech) reprend ses offensives dans le nord d’Alep et consolide sa présence autour de son fief de Raqqa, parvenant à combattre simultanément sur les deux fronts irakien et syrien. Ces avancées de l’EI redistribuent ainsi les cartes au sein de l’insurrection. Elles se confirment au cours des mois suivants : si fin janvier 2015, après quatre mois de combats destructeurs, les forces kurdes, appuyées par les frappes aériennes de la coalition internationale forgée par les États-Unis contre Daech, parviennent à reprendre, sur la frontière syro-turque la ville de Kobani, puis le poste-frontière de Tall Abyad (juin), les djihadistes de Daech lancent en mai une importante offensive en direction de Damas et de Homs en prenant le contrôle de la ville de Palmyre. Face à ces succès de l’EI, dont les capacités militaires et stratégiques semblent avoir été sous-estimées en Syrie comme en Iraq, le pouvoir doit resserrer les rangs du « camp chiite » comptant notamment sur l’appui de l’Iran et des milices paramilitaires mobilisées sur le modèle du Hezbollah libanais, autre allié aguerri engagé sur le terrain depuis 2013.

13. L’imbroglio syrien (depuis 2015)

13.1. L’engagement militaire de la Russie et de la Turquie

L’intervention militaire directe de la Russie dans le conflit syrien à partir du 30 septembre 2015 marque un nouveau tournant dans la guerre. Destinée en priorité à aider par des frappes aériennes le régime d’Assad, dont les bastions alawites du nord-est du pays pourraient être menacés (autour de Lattaquié et de Hama notamment), elle prend aussi pour cibles, mais marginalement, des positions de Daech. En dépit de l’appel lancé par Vladimir Poutine en faveur d’une nouvelle coalition globale « antiterroriste », elle vise la rébellion sans discrimination dans les provinces de Homs, d'Idlib et d'Alep, favorisant les offensives des forces progouvernementales, tout en respectant un modus vivendi avec la coalition internationale conduite par les États-Unis.

Appuyés surtout par les États-Unis tout en jouant leur propre partition dans la guerre en étant les plus actifs parmi les mouvements rebelles dans la lutte contre Daech, les Kurdes de Syrie font aussi désormais partie des adversaires prioritaires d’Ankara, qui assimile le PYD à la branche syrienne du PKK et redoute la création d’un Kurdistan autonome, le Rojava, à ses frontières.

Après l’apaisement des tensions entre Moscou et Ankara, l’armée turque entre ainsi dans le nord de la Syrie à partir d’août 2016 dans le but principal de contenir les forces kurdes et de briser la continuité territoriale du Kurdistan syrien. Cet engagement, qui reçoit l’aval de Washington dans la mesure où il vise aussi à affaiblir l’EI, permet de sécuriser la frontière turco-syrienne, mais ne facilite pas pour autant la résolution du conflit.

13.2. L’étroite fenêtre diplomatique

Alors que plusieurs États impliqués directement ou indirectement dans le conflit syrien (Russie, France, Turquie, Liban) sont visés eà partir de 2015 par des attentats meurtriers attribués à l’EI (Suruç, 20 juillet ; Ankara, 10 octobre) ou revendiqués par celui-ci (explosion d’un avion de ligne russe au-dessus du désert du Sinaï, 31 octobre ; Beyrouth, dans un quartier contrôlé par le Hezbollah, 12 novembre ; Paris, 13 novembre), les intérêts contradictoires et les doubles jeux rendent la situation inextricable.

De nouvelles initiatives diplomatiques visent pourtant à la débloquer : à commencer par les déclarations de Vienne (30 octobre et 14 novembre 2015) signées par 17 pays, dont la Russie, l’Iran et l’Arabie saoudite et appelant à un cessez-le-feu en vue de l’organisation d’une transition politique.

Tandis le royaume saoudien invite une partie de l’opposition syrienne à surmonter ses divisions lors d’une rencontre à Riyad (10 décembre) entre divers opposants et représentants de certains groupes armés (à l’exclusion de l’EI et de Jabhat al-Nosra), il entend aussi répondre aux critiques occidentales sur son manque d’engagement dans la lutte contre l’EI en annonçant la création d’une nouvelle coalition « antiterroriste » de 34 États musulmans dont la Turquie avec laquelle les relations sont par ailleurs resserrées.

Les États-Unis et la Russie ayant aplani leurs différends, le Conseil de sécurité de l’ONU peut ainsi adopter à l’unanimité, le 18 décembre, une résolution de compromis (passant sous silence la question de l’éviction du président B. al-Asad), dans le but de poser les nouvelles bases politiques d’un éventuel processus de paix. Une troisième conférence est ainsi organisée à Genève à partir du 1er février 2016. En raison d’une offensive sur Alep, appuyée par l'aviation russe, de l'armée syrienne et de ses forces supplétives, elle doit cependant être suspendue avant de reprendre en mars et en avril, mais sans résultat, après l’instauration d’un cessez-le-feu précaire. Ce dernier ne concerne cependant ni le front al-Nosra ni l’EI, qui est chassé de Palmyre par l’armée syrienne et ses alliés (mars-décembre 2016 et mars 2017).

13.3. La reprise d’Alep, les pourparlers d’Astana et la défaite de Daech

Sourd aux appels des Nations unies en faveur d’un cessez-le-feu afin de venir en aide à la population assiégée, B. al-Asad fait de la reconquête à tout prix de la totalité d’Alep une priorité et un enjeu majeur dans le conflit, afin d’aborder en position de force d’éventuelles négociations.

En décembre 2016, après plus de trois mois de bombardements massifs par l’aviation russe et d’offensives au sol de l’armée syrienne et des milices chiites (rassemblant le Hezbollah libanais et des brigades iraniennes, afghanes et irakiennes), les groupes rebelles qui contrôlaient l’est de la ville depuis 2012 sont écrasés et doivent quitter leurs derniers bastions. À la suite d’un accord entre la Russie et la Turquie, les combattants et des milliers de civils sont évacués.

La Russie reprend alors la main sur le plan diplomatique. Avec la collaboration de la Turquie et de l’Iran, elle réunit ainsi une conférence dans la capitale kazakhe, Astana, à partir de janvier 2017 en vue d’obtenir un cessez-le-feu. Éclipsant le « processus de Genève », ces discussions conduisent à un accord en mai et septembre sur la création de quatre « zones de désescalade », dans la province de Deraa (à la frontière syro-jordanienne), dans la banlieue de Damas, au nord de la province de Homs et autour d’Idlib.

Alors que ces pourparlers permettent une réduction momentanée des violences dans les zones concernées, une offensive décisive des « Forces démocratiques syriennes » (forces arabo-kurdes dominées par les YPG [Unités de protection du peuple kurde], bras armé du PYD) soutenue par les États-Unis et la coalition internationale, est lancée contre l’EI à Raqqa, en juin 2017.

Après avoir été chassé de Mossoul en Iraq en juillet, Daech est défait dans sa « capitale » syrienne en octobre, tandis que l’armée syrienne, appuyée par son allié russe, reprend le contrôle de Deir ez-Zor dans la foulée. S’il conserve sa capacité de nuisance, l’« État islamique » perd ainsi la quasi-totalité de son assise territoriale.

13.4. L’évolution du conflit après la défaite de Daech

L’adversaire commun désormais écarté, les contradictions entre acteurs du conflit réapparaissent et le renforcement du régime syrien semble en être le résultat principal. D’autant que la stratégie américaine depuis l’accession de Donald Trump à la présidence reste hésitante.

Les bombardements russes et les offensives des forces pro-Assad contre les derniers bastions tenus par diverses factions rebelles syriennes reprennent ainsi sans répit. Et l’engagement (toujours affiché par la Russie) en vue d’une « désescalade » vole en éclat, notamment dans la région d’Idlib (nord-ouest) et dans celle de Damas où la Ghouta orientale est soumise pendant plusieurs mois à d’intenses pilonnages faisant de nombreuses victimes parmi la population civile.

À partir de janvier-février 2018, l’échec du sommet de Sotchi organisé par les Russes, la reprise des offensives de la Turquie contre les combattants kurdes dans la province d’Afrin (partie la plus occidentale du Kurdistan syrien) et les raids israéliens contre des positions tenues par les forces iraniennes et le Hezbollah libanais ajoutent à la grande incertitude quant à l’évolution future du conflit.