La proportionnelle

La loi électorale a été arrêtée en Conseil des ministres les 3 et 10 avril. Les élections législatives de 1986 seront organisées au scrutin de liste départementale et à la représentation proportionnelle, à la plus forte moyenne ; il n'y aura qu'un seul tour et un seuil de 5 % des suffrages exprimés sera nécessaire pour l'attribution des sièges. Il est prévu un député pour 108 000 habitants et un minimum de deux élus par département. Le nombre des députés passera de 491 à 577. Paris en aura moins qu'auparavant. Le même mode de scrutin s'appliquera à l'élection des conseillers régionaux, qui aura lieu le même jour. C'est la première fois en France que ces conseillers seront désignés par le suffrage universel direct. La durée de leur mandat est fixée à six ans.

La réforme n'est pas sans rappeler le mode de scrutin des élections d'octobre 1945 et de juin 1946, qui provoqua des débats houleux. Ce retour au passé ravive les critiques de la part de l'opposition, du parti communiste, du mouvement des radicaux de gauche, voire même des socialistes. Le 4, M. Michel Rocard, ministre de l'Agriculture, manifeste son désaccord en présentant sa démission au président de la République.

Le 19, l'UDF et le RPR déposent une motion de censure à l'Assemblée nationale ; elle est repoussée le 23. Le 26, la représentation proportionnelle est adoptée grâce aux voix socialistes et à un petit nombre d'autres votes isolés.

Coup d'État au Soudan

En mars, l'augmentation de 33 % du prix du pain avait provoqué de violentes émeutes. Le 4 avril, une grève générale se déclenche, en l'absence du président Gafaar el-Nemeyri, en voyage en Amérique. Le 5, le président, averti des rumeurs de coup d'État, fait escale au Caire et ne peut revenir au Soudan. Le 6, une proclamation des putschistes suspend la Constitution, destitue les principaux dirigeants et proclame l'état d'urgence. Le général Abdel Rahman Sewar el-Dahab, qui dirige le mouvement, appelle à la reprise du travail, qu'il obtient le 8. Des militaires sont désignés pour occuper provisoirement les fonctions de gouvernement. Leurs prédécesseurs sont arrêtés ou mis en résidence surveillée. Le maréchal Nemeyri a pâti de la réduction de l'aide étrangère, originaire des États-Unis, de l'Égypte et des pays du Golfe, en dépit de son action passée contre les communistes locaux. Le déclin économique et la sécheresse ont affaibli le pays. L'islamisation autoritaire et rétrograde n'a pas résolu les problèmes.

Les nouveaux dirigeants annoncent la rédaction d'une charte d'unité nationale et promettent une politique extérieure non alignée. Les États arabes, dans leur ensemble, se félicitent du coup d'État.

Menace sur les sectes

Le 9 avril, M. Alain Vivien, vice-président de l'Assemblée nationale, rend public le rapport sur les sectes qui lui avait été demandé en 1982 par le Premier ministre d'alors, M. Pierre Mauroy, à la suite des infractions réitérées au Code pénal dont s étaient rendues coupables différentes associations implantées en France.

Actuellement, 116 sectes, qui regroupent 100 000 adeptes, ont été recensées, mais plus de 200 « organisations à prétention religieuse ou philosophique » sont connues et influencent près de 500 000 personnes, âgées pour la plupart de moins de 30 ans. Ces organisations, qui sont presque toutes d'origine étrangère, ont été réparties par le rapport en « mouvance orientale », majoritaire, en « syncrétiques et ésotériques » et en « racistes, fascistes et divers ». Elles semblent affectionner tout particulièrement certaines régions, comme les Bouches-du-Rhône ou le Bas-Rhin.

Les 9 propositions avancées par M. Vivien tendent à préserver la liberté individuelle en recherchant « un équilibre entre le laxisme et la répression ». La principale mesure envisagée prévoit la création d'un « juge de la famille », qui sera chargé de mettre en œuvre cette nouvelle politique.

Les réactions des sectes sont diverses. Un porte-parole de Moon (2 millions d'adeptes dans le monde) fait observer que la législation française interdit toute discrimination entre les associations et rend illégales les suggestions du rapport. D'autres commentateurs critiquent la séparation, qu'ils jugent injustifiée, entre sectes et religions. Enfin, l'ADFI (Association pour la défense de la famille et de l'individu), qui lutte contre les manipulations mentales des jeunes, exprime son approbation mitigée du rapport Vivien, que le Père Michel Boullet, porte-parole de l'épiscopat catholique, juge positif.

Enver Hoxha

M. Enver Hoxha, chef de l'État albanais, est mort le 11 avril.

Sa succession est assurée par M. Ramiz Alia, dont l'ascension politique a coïncidé avec une légère réouverture économique de l'Albanie vers certains pays occidentaux.

Né à Gjirokastër, dans le sud du pays, en 1908, Enver Hoxha vient en France poursuivre ses études et adhère alors au parti communiste. De retour en Albanie, il fonde en 1941 le Parti communiste du travail, unissant les différents groupes marxistes dans la résistance aux occupants italiens, puis allemands. En 1944, il devient commandant en chef de l'armée et président du gouvernement provisoire. En 1948, il est nommé secrétaire général du parti, mais reste à la tête du gouvernement jusqu'en 1954.

Communiste « plus pur » que ceux des pays de l'Est, stalinien non repenti, il dirige alors le pays en combattant tout déviationnisme à l'intérieur et en pourfendant dans ses propos le révisionnisme de l'URSS et ses ingérences dans les affaires intérieures de l'Albanie.

Tenté par la voie chinoise dans les années 60, il reçoit de Mao Zedong une aide économique, mais se brouille avec les nouveaux dirigeants chinois après 1976 et confine son pays dans un isolement presque complet.

À sa mort, l'Albanie refuse les condoléances de l'URSS.

Bébés-éprouvette et mères porteuses

Le débat sur les méthodes de procréation artificielle, l'insémination artificielle, la fécondation in vitro (ou en éprouvette) et la location d'utérus (les mères porteuses) est maintenant totalement ouvert : au début du mois, Mme Patricia Lavisse a donné naissance à Isabelle, qu'elle avait accepté de porter, moyennant rétribution, pour le compte d'une autre femme.

Cet événement et la question de la rémunération en particulier posent de nombreux problèmes éthiques ou juridiques et suscitent plusieurs controverses.

Le 19, M. Edmond Hervé, secrétaire d'État à la Santé, annonce son intention de réglementer les centres de conservation du sperme et de fécondation in vitro ; il déclare en même temps trouver nécessaire qu'un choix soit effectivement et clairement fait entre deux conceptions : celle selon laquelle l'utilisation de ces nouvelles méthodes doit être limitée au traitement de la stérilité et celle selon laquelle tout doit être fait pour permettre à chacun le plein exercice du droit à la procréation libre et volontaire.

Brésil : de Neves à Sarney

M. Tancredo Neves, président de la République brésilienne, est mort le 21 avril, à São Paulo, au terme d'une agonie de plus d'un mois, au cours de laquelle il avait dû subir plusieurs interventions chirurgicales. Le jour même, de nombreuses manifestations, sur la voie publique, expriment l'attachement de la population à son récent mais éphémère président. Les 23 et 24, à l'occasion de ses obsèques, les scènes de désespoir sont fréquentes.

Tancredo Neves est né en 1910 à São João del Rey, dans l'État de Minas Gerais. Avocat et conseiller municipal, il est élu député social-démocrate en 1947 et assume les fonctions de ministre de la Justice en 1953-1954. Entre 1961 et 1963, il est Premier ministre sous la présidence de João Goulart, renversé en 1964 par les généraux. Resté à l'écart du régime militaire, il est élu gouverneur de l'État de Minas Gerais en 1982. Le 15 janvier 1985, il est élu président de la République et devient ainsi le premier civil à assumer de telles fonctions depuis vingt ans. Il doit inaugurer son mandat le 15 mars, mais il est hospitalisé la veille et décède sans avoir pu l'exercer un seul jour.

Le vice-président, M. José Sarney, prend alors officiellement la succession. Il s'engage à appliquer intégralement le programme de son prédécesseur et refuse la démission collective présentée par le gouvernement qu'avait choisi Tancredo Neves ; il garde toutefois une image assez énigmatique aux yeux des Brésiliens, qui n'ont pas oublié son très récent abandon du parti militaire officiel.