Belgique : histoire

Jan Van Eyck, Arnolfini et sa femme
Jan Van Eyck, Arnolfini et sa femme

Résumé

57-51 avant J.-C.

La Gaule Belgique, occupée par les Celtes, est conquise par César. Sous l'Empire, elle joue un rôle important dans la stratégie et l'économie romaines.

ive-vie siècle

Le Nord est envahi par les Francs.

843

Au traité de Verdun, le pays est divisé entre la Francie occidentale (future France) et la Francie médiane (future Lotharingie, rattachée en 925 au royaume de Germanie), avec l'Escaut pour frontière.

ixe-xive siècle

Les comtés et duchés qui se consolident (Flandre, Brabant, Hainaut, Limbourg, Luxembourg) passent, tout en conservant leurs particularismes, sous l’autorité des ducs de Bourgogne ; à l’exception de Liège, qui préserve son indépendance jusqu’en 1795. Les villes – Bruges, Anvers, Bruxelles, Louvain, Gand – deviennent des centres commerciaux florissants (draperies falmandes).

xive-xve siècle

Les « Pays-Bas », dans lesquels la Belgique est intégrée, se constituent en un ensemble progressivement unifié entre les mains des ducs de Bourgogne.

1477

La mariage de Marie de Bourgogne avec Maximilien d'Autriche fait passer les Pays-Bas à la maison des Habsbourg.

xvie-xviie siècle

L'absolutisme de Philippe II d'Espagne et les excès du duc d'Albe provoquent la révolte des Pays-Bas. En 1579, les sept provinces septentrionales s'émancipent de la tutelle impériale avec la création des Provinces-Unies acquises à la Réforme ; celles du Sud demeurent sous la suzeraineté des Habsbourg et sous l'influence catholique.

1713

Le traité d'Utrecht remet les Pays-Bas espagnols à la maison d'Autriche.

1789

Le sentiment national, exaspéré par les réformes que veut imposer l'empereur Joseph II, se forge, cristallisé par la révolution brabançonne.

xixe siècle

En dépit de plusieurs tentatives d'annexion, de neutralisation ou de réunification avec les Provinces-Unies, la Belgique accède à l'indépendance en 1830, avec l'aide la France. Le pouvoir passant aux élites francophones et le développement économique profitant surtout à la Wallonie industrielle tandis que décline la Flandre autrefois florissante, un mouvement flamand commence à se développer à partir du milieu du siècle.

Première moitié du xxe siècle

Sous Léopold II, l'essor industriel se double d'un implantation en Afrique. Sous Albert Ier (1909-1934) et sous Léopold III (1934-1951), la Belgique, État neutre, est occupée par les Allemands pendant les deux guerres mondiales.

1. Des origines jusqu'au xvie siècle

1.1. La province romaine

Avant l'arrivée des Romains, des populations d'origine généralement celtique (Morins, Ménapiens, Nerviens, Trévires, Éburons, Aduatuques) habitent la Gaule Belgique, qui s'étend de la Seine au Rhin. Celle-ci est conquise par César (57-51 avant J.-C.) et organisée en province sous l'empereur Auguste (avec pour capitale Reims) ; elle est ultérieurement subdivisée en trois provinces : la Germanie Seconde, le long du Rhin, la Belgique Première plus à l'ouest et la Belgique Seconde, au sud.

En partie couverte de landes et de forêts, notamment la forêt Charbonnière, la Belgique joue pourtant, grâce à ses productions (blé, jambons, lainages, fer) et à ses voies de communication, un rôle économique assez important dans l'Empire romain.

Vers le milieu du ive siècle, s'installent au nord du pays les Francs Saliens, auxquels Julien l'Apostat reconnaît (358) le statut de fédérés ; ils passent, sous Clovis (dont le père était roi de Tournai), à la conquête de la Gaule tout entière (vers 500) : leur place est ensuite prise par les Francs Ripuaires, auparavant installés dans la région de Cologne. Les régions limoneuses de la Moyenne-Belgique et la Haute-Belgique, fortement romanisées, ne sont que faiblement atteintes par l'immigration franque. Ainsi se dessine la limite des peuplements germanique et wallon.

1.2. Le Moyen Âge

Portion du royaume franc où s'élabore la puissance des Carolingiens dès le viie siècle (le centre de leurs domaines familiaux était situé dans la région liégeoise), la Belgique est divisée par Charlemagne (768-814) en comtés, origine des circonscriptions féodales du Moyen Âge.

Des principautés en quête d'autonomie

Après le partage de l’empire carolingien (→ traité de Verdun, 843), la Belgique est divisée de part et d’autre de l’Escaut entre le futur royaume de France (auquel est rattaché le comté de Flandre) et la Basse-Lotharingie (landgraviat de Brabant, comté de Hainaut), rattachée bientôt à la Germanie, cœur du Saint Empire romain germanique ; mais ces liens restent assez lâches comme en témoigne, notamment, la résistance des Flamands à l’annexion par Philippe le Bel (→ bataille des Éperons d’or, 1302).

Essor des villes et du commerce

Si l'histoire politique des principautés belges, qu'elles soient fief français ou terres d'Empire, se confond avec celle des Pays-Bas, à partir du xiiie siècle, une société urbaine et marchande s'épanouit en territoire flamand ou brabançon, notamment autour de cités comme Gand, Louvain, Bruges ou Anvers qui deviennent de grandes places commerciales.

Des ducs de Bourgogne aux Habsbourg

L'œuvre d'unification des Pays-Bas, tentée par les ducs de Bourgogne, surtout Philippe le Bon, dans le cadre des États bourguignons, dont seule reste exclue la principauté ecclésiastique de Liège, est poursuivie par les Habsbourg. Ceux-ci héritent de ces territoires à la suite du mariage de Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, avec le futur empereur germanique Maximilien d'Autriche (1477).

En 1493, leur fils, Philippe le Beau, devient maître des Pays-Bas, en passe de devenir État indépendant. Il épouse Jeanne la Folle, fille des Rois catholiques, souverains d'Aragon et de Castille. Le sort des Pays-Bas est désormais lié à celui de la maison d'Espagne.

Après la mort de Philippe le Beau, son fils Charles, dit Charles Quint, reçoit les Pays-Bas en 1515, en attendant d'hériter des Espagnes (1516) et d'être élu à la tête du Saint Empire romain germanique (1519). Les Pays-Bas constituent dès lors un véritable État dont la puissance démographique (évaluée à 3 millions d'habitants en 1557) renforce la puissance économique.

Si Charles Quint, respectueux des libertés locales, gouverne les Belges avec fermeté, mais prudence, il n'en est pas de même de son fils Philippe II, qui monte sur le trône d'Espagne en 1556, héritant également des Pays-Bas.

1.3. Le soulèvement contre la domination espagnole

Les atteintes portées par Philippe II, devenu prince des Pays-Bas, aux libertés des provinces, provoquent une explosion du sentiment national, incarné par les comtes d'Egmont et de Hornes, qui sont exécutés à Bruxelles (1568). La lutte pour les libertés politiques va de pair avec celle des calvinistes pour la tolérance religieuse alors que le souverain espagnol, soucieux avant toute chose de maintenir l’unité religieuse de l’Empire, entend appliquer les dispositions de la Contre Réforme (→ concile de Trente).

Cependant, la résistance des catholiques wallons à l'emprise des protestants les amène à former la Confédération d'Arras (1579) et à se rapprocher du gouverneur espagnol Alexandre Farnèse, qui reconquiert ensuite la Flandre et le Brabant (1581-1585). Les rebelles intransigeants ont de leur côté conclu l'Union d'Utrecht (1579), acte de naissance des Provinces-Unies qui marque la rupture de l'unité des Pays-Bas.

2. Des Habsbourg à l'indépendance

Les provinces du Sud, maintenues dans le giron du catholicisme, connaîtront la domination des Habsbourg d'Espagne jusqu'au début du xviiie siècle.

Véritable boulevard militaire des Provinces-Unies d'une part, les Pays-Bas méridionaux se trouvent d'autre part entraînés dans les guerres auxquelles participe l'Espagne.

Le cadre territorial de la future Belgique se précise ainsi au xviie siècle : cession aux Provinces-Unies du Brabant septentrional et de la Flandre zélandaise (afin de contrôler les bouches de l'Escaut en vue d'empêcher le développement d'Anvers : traité de Münster, 1648) ; abandon à la France de l'Artois (→ traité des Pyrénées, 1659), de la Flandre et du Hainaut français (traités d'Aix-la-Chapelle [1668] et de Nimègue [1678]).

2.1. Sous la tutelle autrichienne (1713-1795)

En 1713, le traité d'Utrecht remet les Pays-Bas méridionaux à l'Autriche.

Les souverains autrichiens ont le souci de promouvoir la prospérité des Pays-Bas méridionaux. Le réseau routier se modernise, la mortalité recule. Le pays est l'un des plus peuplés d'Europe avec 100 habitants au kilomètre carré au Brabant et en Flandre. La population est essentiellement rurale (Bruxelles et Liège n'ont respectivement que 75 000 et 55 000 habitants) ; elle bénéficie des nouvelles techniques agricoles encouragées par les physiocrates (économistes prônant le respect des « lois naturelles » et donnant la prépondérance à l'agriculture).

L'industrie wallonne est en plein essor : charbonnages, métallurgie, verrerie, textile même, révolutionné par le machinisme naissant. Mais le prolétariat enfle, avec la disparition progressive des famines et des épidémies. À la fin du xviiiie siècle, si brillant pour la bourgeoisie et les privilégiés, la misère est grande dans les campagnes belges.

Au nom du despotisme éclairé, l'empereur germanique Charles VI puis sa filleMarie-Thérèse d'Autriche réduisent les prérogatives du clergé belge, limitent le développement des couvents (les Jésuites sont chassés en 1773) et taxent les biens ecclésiastiques.

2.2. Révoltes et révolutions (1789-1795)

À la fin du xviiie siècle, en réaction contre des réformes conçues par Joseph II, sans tenir compte des particularismes locaux, le fait national belge devient réalité. La révolution brabançonne (1789) chasse les Autrichiens, réunit à Bruxelles les états généraux, qui n'ont pas siégé depuis 1632, et qui proclament, le 11 janvier 1790, l'indépendance des États belgiques unis.

Mais les Belges se divisent, et les Autrichiens réoccupent leur pays (décembre 1790) ; ils en sont chassés par les Français (→ bataille de Jemmapes novembre 1792). Les Autrichiens l'occupent à nouveau du 18 mars 1793 (victoire de Neerwinden) au 26 juin 1794 (→ bataille de Fleurus). La France, finalement victorieuse, l'annexe le 1er octobre 1795, y compris le pays de Liège, et l'Autriche reconnaît le fait accompli au traité de Campoformio (17 octobre 1797) et la cession des Pays-Bas méridionaux à la France.

2.3. La Belgique française (1795-1815)

Le régime français (1795-1815) unifie administrativement la Belgique, dont la division en départements, cadre des futures provinces belges de 1830, achève de détruire les autonomies provinciales et le régime féodal. Les principes révolutionnaires (liberté individuelle, égalité de tous devant la loi) et le Code civil napoléonien y sont introduits. Napoléon rétablit la paix civile et religieuse compromise par les persécutions de la Convention et du Directoire ; le pays retrouve une prospérité économique, mais la conscription rend le gouvernement impopulaire.

2.4. Le royaume des Pays-Bas (1815-1830)

Lors de l'effondrement de l'Empire (1814), les Alliés et surtout l'Angleterre reviennent à la vieille idée de barrière destinée à contenir la France, et ils décident (21 juillet 1814) le principe d'une union des Provinces-Unies, des anciens Pays-Bas autrichiens et de l'évêché de Liège en un royaume uni des Pays-Bas, créé au profit du prince d'Orange, devenu le roi Guillaume Ier (16 mars 1815).

Hollande et Belgique auraient pu former une monarchie puissante ; économiquement, la Hollande, commerçante et coloniale, offre un débouché à la Belgique, déjà fortement industrialisée.

Finalement l'hostilité des catholiques aux Néerlandais calvinistes et celle de la bourgeoisie francisée à l'usage du néerlandais comme langue officielle rendent l'union impossible. Le 25 août 1830, exalté par la réussite de la révolution parisienne de juillet (→ journées de juillet 1830), Bruxelles s'insurge ; le 27 septembre, les troupes néerlandaises l'évacuent et, en octobre, elles abandonnent toute la Belgique, à l'exception de la citadelle d'Anvers.

2.5. L'indépendance (1830)

Les états généraux proclament la séparation du Nord et du Sud (29 septembre 1830) et, le 4 octobre, l'indépendance de la Belgique.

Le 3 novembre, le Congrès national est élu au scrutin direct et censitaire ; le 4, s'ouvre à Londres une conférence qui, le 20 janvier 1831, reconnaît l'indépendance de la Belgique et garantit l'intégrité et l'inviolabilité de son territoire, limité au nord par l'ancienne frontière de 1790. Le Congrès élabore la Constitution qui sera promulguée le 11 février 1831 ; dès le 3, il offre la couronne au duc de Nemours, fils de Louis-Philippe, roi des Français, qui, redoutant l'hostilité de l'Angleterre, n'ose l'accepter pour son fils ; elle est alors proposée au prince Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha, qui devient Léopold Ier, roi des Belges : il prête serment à la Constitution le 21 juillet 1831.

Cependant le 2 août 1831, les Néerlandais envahissent la Belgique, qui fait appel aux Français. Ceux-ci délivrent le territoire belge, mais ils ne peuvent s'emparer d'Anvers qu'en décembre 1832.

Par ailleurs, le traité des Vingt-Quatre-Articles, par lequel l'Europe reconnaît l'indépendance de la Belgique, enlève à celle-ci, au profit des Pays-Bas, Maastricht, le Limbourg néerlandais et le Luxembourg de langue allemande (14 octobre 1831) et lui impose la neutralité. Et ce n'est qu'en 1839 que le roi des Pays-Bas reconnaît l'indépendance belge.

3. Le royaume de Belgique jusqu'à la « question royale » (1830-1951)

La Constitution de 1831 fait de la Belgique une monarchie constitutionnelle. Léopold Ier (1831-1865), qui a épousé Louise-Marie d'Orléans, fille de Louis-Philippe, tente de maintenir l'union nationale, mais libéraux et catholiques, une fois l'indépendance assurée, accentuent leurs divisions. Ils constitueront des partis séparés rivaux, les premiers en 1846, les seconds en 1868.

Sous Léopold II (1865-1909), la vie politique belge est d'abord dominée par le problème scolaire. Les libéraux, bourgeois anticléricaux, exercent le pouvoir de 1847 à 1870 (avec une interruption de 1855 à 1857) et de 1878 à 1884, les catholiques dans l'intervalle et de 1884 à 1914. Le ministre libéral Frère-Orban (1878-1884) fait voter une loi (1879) réglant la question scolaire dans le sens de la laïcité. Son successeur, le catholique Jules Malou (1884), permet aux communes de remplacer leurs écoles neutres par des écoles confessionnelles, mais, face à une violente opposition des libéraux, il doit céder la place à Beernaert, catholique plus modéré (1884-1894).

Pour en savoir plus, voir l'article Constitution belge.

3.1. L'essor économique

Les atouts de la Belgique

Après 1860, la vie économique de la Belgique, qui compte alors 5 millions d'habitants, se développe rapidement sous l'impulsion du libre-échange. Les activités sur lesquelles s'appuie son essor sont : une agriculture riche, aux procédés hardis, aux rendements les plus élevés d'Europe ; des sources d'énergie abondantes (17 millions de tonnes de houille en 1880, 24 en 1908) ; une production métallurgique et textile considérable ; un commerce extérieur dont le volume quadruple entre 1850 et 1890.

L'expansion économique est en outre bien desservie par d'excellents moyens de communication (réseau ferroviaire le plus dense du monde, huit fois plus long en 1908 qu'en 1845, bien doublé par des canaux fluviaux ou maritimes).

L'orientation coloniale

Les capitaux belges s'investissent à l'étranger : compagnies de tramways en Europe, usines du Donets (dans le Donbass en Ukraine), du Brésil, de la Chine du Sud et de l'Afrique australe.

Surtout, orientant les Belges dans la voie de la colonisation, Léopold II, homme d'affaires avisé, fonde l'Association internationale africaine (1876) et fait explorer par Stanley (1876-1884) le Congo – dont la propriété personnelle lui est reconnue à conférence de Berlin (26 février 1885) et qui est érigé en État indépendant sous sa souveraineté. Il en tire de gros bénéfices, mais est violemment critiqué pour ses méthodes d'exploitation qui pressurent les indigènes et font près de 10 millions de victimes. Aussi Léopold II lègue-t-il finalement le Congo à la Belgique en 1908.

3.2. Le problème social et la représentation politique

Ce remarquable essor économique et colonial modifie la vie sociale et politique de la Belgique. Dans ce pays de bas salaires et de longues journées de travail – « paradis du capitalisme » selon les termes de Karl Marx, qui y avait vécu en exil –, une lutte va se développer sur deux terrains : le suffrage électoral et la législation sociale.

Le parti ouvrier belge

Un parti socialiste, le parti ouvrier belge (POB) est fondé en 1885 ; il recrute ses premiers adhérents surtout dans les régions industrielles (vallées de la Sambre et de la Meuse, agglomérations de Bruxelles, d'Anvers et de Gand) ; ses chefs ne sont pas seulement des intellectuels, comme Émile Vandervelde et Destrée, mais aussi des ouvriers, tels le marbrier L. Bertrand et le tisserand E. Anseele. Peu férus de théorie, ils créent coopératives, mutualités et syndicats.

Sur le plan politique, opposés au système électoral censitaire, ils forcent l'adoption, sous la pression de grèves, du principe du suffrage universel (1892), mais l'Assemblée constituante le tempère par le vote plural qui accorde une ou deux voix supplémentaires aux électeurs pères de famille, jouissant d'une certaine aisance ou titulaires d'un certificat d'enseignement secondaire (loi Nyssens).

Le parti libéral et le parti catholique

En même temps qu'il donne une représentation parlementaire aux socialistes, ce système aboutit, aux élections de 1894, à éliminer pratiquement le parti libéral. Libéraux et socialistes réclament une nouvelle réforme électorale, et le ministre Paul de Smet de Naeyer fait adopter le scrutin de liste par province, avec représentation proportionnelle (1899), ce qui permet au parti libéral de se reconstituer.

Le parti catholique conserve cependant la majorité absolue et gardera le pouvoir jusqu'à la Première Guerre mondiale (Auguste Beernaert, 1884-1894 ; Paul de Smet de Naeyer, 1896-1907 ; Franz Schollaert, 1908-1911). Il s'adapte à l'entrée des masses dans la vie politique par la constitution d'une aile démocratique, la Jeune-Droite, animée par Henry Carton de Wiart et attentive aux applications sociales de l'encyclique Rerum novarum (1891).

La question de la langue

L'« École de Liège », qui réclame l'intervention de l'État et de la législation dans le règlement de la question sociale, est représentée par Godefroid Kurth, l'abbé Antoine Pottier, Monseigneur Victor Doutreloux. Le syndicalisme chrétien belge s'avère très vigoureux.

La démocratisation pousse aussi le parti catholique à s'intéresser aux revendications flamandes, la majeure partie des voix qu'il recueille lui venant des régions agricoles flamandes. Dès les premières années de l'indépendance, la langue néerlandaise avait connu un renouveau littéraire, qui avait provoqué la naissance d'un mouvement politique flamingant, réclamant pour le néerlandais l'égalité de droits avec le français. Plusieurs lois lui donnent, entre 1873 et 1898, de larges satisfactions.

Quant à la question scolaire, l'enseignement religieux est rendu obligatoire (1895).

3.3. Le règne d'Albert Ier (1909-1934)

Au début du règne d'Albert Ier, l'agitation contre la majorité catholique se développe : les socialistes recourent en vain à la grève générale d'avril 1913 (800 000 participants) pour l'abolition du vote plural. Le cabinet Charles de Broqueville (1911-1918) fait adopter en 1913 le service militaire obligatoire et général. La Première Guerre mondiale surprend donc la Belgique à l'apogée de sa puissance économique, mais en pleine réorganisation militaire.

Pendant la Première Guerre mondiale

Quand, le 2 août 1914, l'ultimatum allemand viole la neutralité belge, les luttes intérieures cessent aussitôt et, dès le 4 août, les deux chefs de l'opposition, le libéral Paul Hymans et le socialiste Émile Vandervelde, sont nommés ministres d'État.

L'invasion allemande submerge la Belgique, malgré la résistance du roi Albert autour de Liège et de Namur. Le gouvernement doit se retirer à Anvers, puis à Furnes et finalement au Havre, tandis que l'armée belge, défendant avec héroïsme, derrière l'Yser (→ bataille de l'Yser), les dernières parcelles du territoire national non occupées, s'intègre à l'aile gauche du dispositif allié. L'Allemagne tente alors d'exploiter, mais en vain, l'opposition entre la Flandre et la Wallonie, en décrétant la séparation administrative des deux régions (1917).

La Belgique occupée ne cessa de témoigner, sous la domination des gouverneurs allemands, d'une dignité parfaite, soutenue par le cardinal Mercier, archevêque de Malines, et le bourgmestre de Bruxelles, Adolphe Max.

Le traité de Versailles (1919) lui attribue Eupen et Malmédy et un mandat de la Société des Nations (SDN) sur le Ruanda-Urundi, mais il n'est plus question de neutralité.

L'après-guerre

Les élections de 1919 inaugurent le régime du suffrage universel sans voix supplémentaires. Désormais, socialistes et catholiques se disputent la première place pour obtenir la majorité absolue ; les libéraux, moins nombreux, apportent le plus souvent aux catholiques leur appoint pour constituer des cabinets de coalition. La poussée du nationalisme flamand complique encore la lutte des partis. La législation sociale se complète, mais la grande dépression de 1929 entraîne un chômage important.

3.4. Léopold III (1934-1951)

Après la mort accidentelle d'Albert Ier (février 1934), Léopold III, dans une Europe en fièvre, ramène la Belgique à une neutralité volontaire, qui n'empêche pas son territoire d'être, une fois de plus, violé. Attaquée le 10 mai 1940, en même temps que les Pays-Bas et le Luxembourg, la Belgique est occupée à nouveau par les Allemands.

Pendant la Seconde Guerre mondiale

Le 28 mai, le roi des Belges, comme chef suprême de l'armée, capitule, et regagne le château de Laeken, tandis que des membres de son gouvernement, présidé par le catholique Hubert Pierlot (1939-1945), partent pour Londres, d'où ils dirigeront la résistance belge.

Se déclarant prisonnier de guerre, le roi se tient, pendant quatre ans, à l'écart des affaires publiques. Mais, bien que s'abstenant de toute collaboration avec l'Allemagne, il rencontre discrètement Hitler, au cours d'une entrevue à Berchtesgaden (novembre 1940).

Par ailleurs, veuf de la princesse Astrid de Suède, qui jouit d'une grande popularité auprès des Belges, il épouse en 1941 Liliane Baels, qui devient princesse de Réthy. Ce remariage (avec une femme considérée par certains comme une intrigante) et l'attitude ambiguë du monarque vis-à-vis de l'Allemagne et du gouvernement en exil lui sont vivement reprochés, contribuant, après la libération du territoire belge, à la naissance de la « question royale ».

En attendant le règlement de cette dernière, le Parlement confère à son frère, le prince Charles, la régence (20 septembre 1944), alors que le souverain et ses proches ont été emmenés en Allemagne. Libéré en 1945, Léopold se retire en Suisse.

La reprise économique de l'après-guerre

Le gouvernement, qui entreprend le redressement économique du pays, bénéficie de conditions exceptionnelles : les destructions sont relativement faibles, tandis que l'utilisation du port d'Anvers par les Américains a procuré des réserves considérables de dollars. À la fin du conflit, la Belgique est le seul pays créancier des États-Unis. D'autre part, le marché intérieur est rapidement assaini par l'opération de résorption de la masse monétaire, doublée d'un blocage des avoirs, réalisée par le ministre des Finances Camille Gutt (octobre 1944).

L'abdication en faveur de Baudouin

De 1945 à 1950, huit gouvernements se succèdent, les personnalités dominantes étant les socialistes Achille Van Acker et surtout Paul Henri Spaak, qui dirige la politique étrangère de la Belgique durant dix ans et se fait l'apôtre de l'idée européenne.

En 1950, bien que rappelé par les Chambres et le gouvernement social-chrétien, conformément au référendum du 12 mars, Léopold III doit, devant l'opposition de la gauche, remettre ses pouvoirs à son fils, le prince Baudouin (1er août), en faveur duquel il abdique un an après (16 juillet 1951).

Pour en savoir plus, voir l'article Belgique : vie politique depuis 1951.