Liège

en néerlandais Luik

Ville de Belgique, chef-lieu de la province et de l'arrondissement de Liège.

  • Population : 195 931 hab. (recensement de 2013)
  • Nom des habitants : Liégeois

GÉOGRAPHIE

Située au contact de la Hesbaye, du pays de Herve et du Condroz, la ville est située à la confluence de trois cours d'eau, la Meuse, l'Ourthe et la Vesdre, mais la plupart des bras de la Meuse et de l'Ourthe ont été comblés au siècle dernier pour ne plus former que deux axes enserrant une île, l'île d'Outremeuse. Le noyau central est sur la rive gauche de la Meuse, face à la confluence de l'Ourthe.

Centre industriel très ancien, la ville est un important carrefour de lignes ferroviaires, autoroutières et fluviales (troisième port fluvial européen derrière Duisbourg et Paris). Initialement dispersées dans le tissu urbain, les industries traditionnelles, liées aux charbonnages,ont progressivement disparu, alors que des implantations récentes, liées au transport routier, se sont multipliées dans les nouvelles zones d'activités, principalement au nord de la ville, sur le plateau hesbignon (métallurgie, mécanique, électronique, chimie, verrerie, armurerie). Un secteur tertiaire important (enseignement supérieur, banques et sièges sociaux) et un patrimoine remarquable assurent le rayonnement de la première ville wallonne.

L'HISTOIRE DE LIÈGE

La ville naît d'un portus mérovingien. Vers 720, saint Hubert, évêque de Tongres-Maastricht, y fixe son siège. À l'époque féodale, les empereurs saxons et franconiens transforment par leurs donations l'évêché en principauté. L'évêque Notger (972-1008) rend sa ville célèbre par les écoles qu'il organise. Plus tard, le pouvoir épiscopal se heurte aux Liégeois, qui forment une commune vers 1100, et aux villes de la principauté. Au xiiie s., la grande bourgeoisie dispute l'administration de la ville au chapitre de Saint-Lambert, chargé d'élire l'évêque, et aux métiers. Comme dans le reste des Pays-Bas, les patriciens perdent leur pouvoir après 1303. La paix de Fexhe (1316), due à Adolphe de La Marck (1313-1344), rétablit l'ordre pour un temps en équilibrant les pouvoirs. Liège connaît une révolution économique à la fin du xive s., avec le développement des mines de charbon. Les vieux métiers sont submergés par une plèbe turbulente, qui ne peut supporter les allures autoritaires des princes-évêques. Jean de Bavière (1389-1418), chassé par ses sujets, est le premier à faire appel au duc de Bourgogne, qui songe à incorporer l'évêque dans ses possessions des Pays-Bas. Jean sans Peur écrase les Liégeois à Othée (1408). En 1456, Philippe le Bon impose comme évêque son neveu Louis de Bourbon, qui est bientôt chassé (1458). Les Liégeois, malgré leur infériorité, se révoltent contre le duc et font ainsi le jeu de Louis XI, qui n'hésitera pas à les abandonner. Charles le Téméraire saccage Dinant (1466), bat les Liégeois à Brustem (1467) et brûle leur ville en 1468 ; il place alors la principauté sous son protectorat. Après la mort du Téméraire, l'aventurier Guillaume de La Marck soulève l'évêché et fait tuer Louis de Bourbon (1482). Si La Marck est décapité (1485), Maximilien doit finalement reconnaître la neutralité du pays de Liège, qui coupe en deux les Pays-Bas (1492). Le remaniement épiscopal de 1559 limite la juridiction de l'évêque à sa principauté. Au xvie s., Liège échappe au déclin économique des Pays-Bas et à l'Inquisition ; de nouvelles industries (armurerie, tréfilerie, clouterie, verrerie, laines) développent des classes sociales qui supportent mal la domination des princes-évêques. À partir de 1581, Liège échoit à un prince de Bavière, également Electeur de Cologne, ce qui lui permet de réprimer facilement les émeutes de la principauté mosane. La neutralité est abandonnée, et Liège, qui souffre du passage des troupes, se voit ôter le duché de Bouillon par Louis XIV (1678). Les évêques du xviiie s., moins puissants, résident à Liège et partagent le pouvoir avec le chapitre et les États. La capitale, qui atteint 85 000 habitants, est, grâce à ses industries, plus importante que les villes des Pays-Bas. L'élite européenne, qui fréquente les eaux de Spa, contribue à répandre les Lumières dans la principauté. L'exemple de la Révolution française entraîne un véritable bouleversement : l'évêque s'enfuit (26 août 1789) ; le chapitre et les nobles émigrent. Mais, en janvier 1791, l'armée autrichienne rétablit l'Ancien Régime. Occupée par les Français (novembre 1792), la principauté vote son rattachement à la France (25 février 1793), à la veille du retour des Autrichiens. Annexé par les Français, le territoire liégeois (Campine, Hesbaye, comtés de Looz et de Horne, marquisat de Franchimont, Condroz, Entre-Sambre-et-Meuse) disparaît dans la division en départements (octobre 1795). Liège est une des capitales industrielles de l'Empire, grâce aux établissements métallurgiques. Les traités de 1815 ne rétablissent pas la principauté, annexée au royaume des Pays-Bas, et, après 1830, Liège suit les destinées de la Belgique.

Lors de la Première Guerre mondiale, son camp retranché, bien défendu par le général Leman, résiste du 6 au 16 août 1914 aux assauts allemands, ce qui permet à l'armée française de se réorganiser avant la rencontre décisive de la Marne. Il n'en est pas de même en 1940 : la ville est occupée en deux jours (12 et 13 mai) par les troupes de Hitler ; elle subira d'importantes destructions au cours de la Seconde Guerre mondiale.

LIÈGE, VILLE D'ART

La présence romaine est attestée par les vestiges d'une villa et d'un hypocauste découverts place Saint-Lambert, où se dressa pendant des siècles la cathédrale de ce nom. La ville ne prend réellement sa personnalité de métropole religieuse qu'au xe s., sous l'impulsion de l'évêque Notger.

La plupart des églises ont subi des transformations radicales, tout en gardant des traces de leur style roman primitif. Une des plus anciennes, Saint-Martin (vers 965), perchée sur le coteau de Publémont, domine de sa tour carrée la ville basse ; incendiée en 1312 et réédifiée au xvie s., elle est de style gothique.

Le roman pur s'est maintenu à Saint-Barthélemy (1015). Flanquée de deux tours jumelles, l'église a cinq nefs et un décor intérieur classique. Elle possède les fameux fonts baptismaux de Renier de Huy, un des chefs-d'œuvre de la dinanderie, exécutés vers 1107-1108. Sainte-Croix a conservé, elle aussi, son aspect roman, avec sa tour octogonale et une belle abside datant du début du xiie s., mais, à l'intérieur, les trois nefs sont gothiques.

Détruite par Notger et reconstruite par ses soins, l'église Saint-Denis (987) a gardé une tour et un austère narthex de style roman ; le chœur est ogival, et la décoration intérieure est de pur style rococo, avec des voûtes fleuries d'arabesques. Dans le transept, un magnifique retable en bois sculpté représente les scènes de la passion du Christ. D'origine brabançonne, il fut réalisé vers 1510.

Dans la cathédrale Saint-Paul se retrouvent les trois formes du gothique. De son aspect primitif (971) ne subsiste que son narthex roman. Sa tour date du xive s., le portail est de style Renaissance, et l'intérieur est orné de rinceaux à l'italienne (1557). Un cloître à trois galeries jouxte l'édifice. Son trésor, provenant en majeure partie de l'ancienne cathédrale Saint-Lambert, comporte deux reliquaires fameux, celui de saint Lambert et celui de Charles le Téméraire. Le musée diocésain est lui aussi attenant à la cathédrale.

L'église Saint-Jean-l'Évangéliste fut construite au xe s. par l'évêque Notger sur le modèle du sanctuaire carolingien d'Aix-la-Chapelle ; rebâtie au xviiie s., elle le fut curieusement sur le même plan octogonal. Le cloître attenant a des galeries gothiques ; le seul vestige de l'époque romane est la tour édifiée vers 1200. La décoration intérieure de plusieurs autres églises de Liège présente un caractère baroque très pur.

Le premier et principal monument profane est le palais des Princes-Évêques (1526-1538). Brûlé et rebâti en 1737, il porte les traces de ces vicissitudes. Ses façades extérieures en ont pâti, mais la première cour intérieure, aux soixante arcades, est imposante, tandis que la seconde cour a un charme plus intime. Conçu par Arnold Van Mulken, qui fut aussi l'architecte de l'église Saint-Jacques aux riches voûtes flamboyantes, ce palais reste, malgré quelques rénovations contestables, l'édifice le plus marquant de Liège.

La maison Curtius (vers 1600), bâtie pour un riche munitionnaire, est un exemple typique de Renaissance mosane. Dans ses collections, le Moyen Âge est particulièrement bien représenté. Parmi les pièces les plus précieuses, l'évangéliaire de Notger, dont le plat de la reliure est orné d'un bel ivoire mosan (vers 980-1000). Dans les annexes, le musée du Verre possède, outre ses collections anciennes, une section moderne internationale.

Ville séculaire d'armuriers, Liège se devait d'avoir un musée d'Armes : établi dans l'ancienne préfecture du département de l'Ourthe, nombre de souvenirs de l'époque napoléonienne y sont conservés. L'hôtel d'Ansembourg (vers 1735) est remarquable par l'authenticité de son décor. Il abrite de très beaux meubles de style liégeois et des objets du xviiie s.

D'un charme discrètement vieillot, le musée Grétry, établi dans la maison natale du compositeur, est pleine de souvenirs personnels. L'hôtel de ville, dit « la Violette », nom que l'on retrouve dans les textes depuis le xiiie s., fut démoli en 1691. Le bâtiment actuel, d'ordonnance classique, fut élevé entre 1714 et 1718. Sur la même place se trouve le Perron, curieux vocable pour désigner une fontaine symbolisant les franchises communales : conçu en 1697 par le sculpteur liégeois Jean Delcour (1627-1707), il est orné de charmantes figures des trois Grâces soutenant la pomme de pin, « symbole de la solidarité civique ». Du même artiste, la Vierge à la fontaine (1695), dressée à l'entrée de la rue Vinâve-d'Ile.

Liège possède plusieurs autres musées : le musée d'Art religieux et d'Art mosan, qui présente des objets de culte (romans et gothiques) et des tableaux (Maître de Sainte-Gudule, Patinir, etc.) ; le musée la Vie wallonne, voué principalement à la vie quotidienne de la Wallonie au xixe s. ; le musée d'Art wallon, groupant peintres et sculpteurs, depuis Lambert Lombard (1506-1566) jusqu'à Paul Delvaux ; le musée d'Art moderne et contemporain, riche en œuvres d'expressionnistes flamands et surtout de peintres de l'école de Paris ; le musée en plein air du moderne campus universitaire de Sart Tilman ; le musée Simenon (archives, manuscrits, bibliothèque de l'écrivain), installé dans le château de Colonster (xviie s.).

Au crédit de l'architecture moderne, il y a lieu de citer le vaste palais des Congrès (1958) et la tour cybernétique de Nicolas Schöffer (1961) dans le parc de la Boverie.