Empire colonial français
Ensemble des pays d'outre-mer colonisés par la France.
1. Des premières tentatives (xvie siècle) au premier Empire colonial (1661-1763)
1.1. Des initiatives sans lendemain (xvie siècle)
Jusqu'au xviie siècle, exploration, conquête et peuplement de terres lointaines sont le fait d'initiatives dispersées soutenues épisodiquement par la volonté royale. Au xvie siècle, le seul établissement solide est la Nouvelle-France (Canada) grâce à Jacques Cartier, qui, soutenu par François Ier remonte le Saint-Laurent (1535). Mais, faute d’or et de passage du Nord-Ouest vers la Chine, elle est délaissée après 1541. Les autres établissements français, au Brésil et en Floride, tournent court en 1559 et 1565. Seules les pêches miraculeuses de Terre-Neuve maintiennent l’intérêt français pour le Nouveau Monde.
1.2. Une volonté politique nouvelle (début du xviie siècle)
À partir d’Henri IV (1589-1610), et surtout de Louis XIII (1610-1643) et Richelieu (1624-1642), la colonisation française est soutenue plus activement par la royauté, qui tente de donner l’impulsion à des initiatives privées jugées déficientes. Le mercantilisme, théorisé par Antoine de Montchrestien en 1615, considère qu’il faut dégager des excédents commerciaux par la création de colonies d’exploitation destinées à ne produire et commercer qu’au profit exclusif de la métropole.
Dès 1608, Samuel de Champlain relance le comptoir de Québec, puis Montréal est fondé en 1642 : la Nouvelle-France se peuple et se développe, tout comme les Antilles, où les Français s'emparent notamment de Saint-Christophe (1625), de la Guadeloupe et de la Martinique (1635). Pour intensifier la traite des Noirs, des comptoirs sont fondés à l’embouchure du Sénégal (1626), à l’île Bourbon (actuelle → Réunion, 1638) et à Madagascar (Fort-Dauphin, 1642), et surtout en Inde, où, grâce à la Compagnie française des Indes orientales, la France dispose en 1701 des établissements de Pondichéry, Mahé, Karikal, Yanaon, Masulipatam, Chandernagor
1.3. Le premier empire colonial (1661-1763)
Sous le règne personnel de Louis XIV (1661-1715), Colbert, secrétaire d’État de la marine, impose la colonisation comme une nécessité pour la prospérité de la France.
L’empire colonial s’agrandit de la partie occidentale de Saint-Domingue (1665), riches de ses produits tropicaux (café, sucre, etc.). Cavelier de La Salle prend possession de la Louisiane (1682) : la France n'aura de cesse de joindre ce second noyau à la Nouvelle-France. Des comptoirs sont fondés sur les côtes de Guinée et du Sénégal (→ Saint-Louis, 1659 ; Gorée, 1677).
Le domaine colonial français continue à s'étendre au xviiie siècle avec notamment l'occupation de l'île de France (→ île Maurice) [1715] et, à partir de 1741, l'action de Dupleix en Inde. Avec 10 millions de km2 et 30 millions d'habitants en 1754, l'empire est alors à son apogée.
2. La perte des colonies (1763-1814)
2.1. Les faiblesses du premier empire colonial
Mais la colonisation se heurte à de multiples obstacles : à l'intérêt étroitement mercantile des compagnies (qui obtiennent en 1754 le rappel de Dupleix, parce qu’elles désapprouvent sa politique expansionniste en Inde), la faiblesse démographique des colonies (particulièrement visible en Amérique du Nord, en regard de l’implantation anglaise) et les vicissitudes de la politique étrangère.
2.2. La rivalité franco-anglaise au xviiie siècle
La rivalité franco-anglaise commence sous Louis XIV et se solde par de premières pertes territoriales, encore limitées, au traité d’Utrecht (1713) : Acadie (façade atlantique du Canada), territoire de la baie d’Hudson, Terre-Neuve et Saint-Christophe. Elle aboutit au traité de Paris (1763), qui réduit le domaine colonial français à quelques territoires des Antilles (Martinique, Guadeloupe, Saint-Domingue, Sainte-Lucie), à la Guyane, à Gorée, aux îles de France et Bourbon et à cinq comptoirs en Inde, auxquels s'ajouteront en 1783 (→ traité de Versailles) les comptoirs du Sénégal et Tobago. Les Seychelles ont été occupées entre-temps.
En outre, l'opinion et les élites sont indifférentes aux affaires coloniales, du moment que les intérêts commerciaux sont garantis par la possession des « Isles à sucre » des Antilles, des comptoirs des Indes et des relais pour la traite de Gorée.
2.3. Révolution et Empire
Les colonies redeviennent objet de débat sous la Révolution, à propos de l'esclavage, qui est aboli par la Convention (1794) mais rétabli par Bonaparte (1802). Ce dernier abandonne ses velléités impérialistes d'outre-mer après l'échec de Saint-Domingue (1801-1803) et vend la Louisiane (à peine récupérée sur l’Espagne en 1800) aux États-Unis (1803). Enfin, la France doit céder à la Grande-Bretagne Tobago, Sainte-Lucie, les Seychelles et l'île de France par le traité de Paris (1814).
3. Renouveau de la colonisation (1830-1880) et impérialisme (1880-1919)
Au xixe siècle, dans le cadre de la révolution industrielle et des rivalités impérialistes, la colonisation française, désormais orientée par une volonté politique claire, acquiert une autre dimension.
3.1. Les premiers jalons (1830-1870)
La Restauration rouvre l'ère des aventures d'outre-mer avec l'expédition d'Alger (1830). La conquête de l'Algérie par Bugeaud s'achève avec la reddition d'Abd el-Kader (1847) et l'occupation de la Kabylie (1857).
La route de l'Afrique est rouverte avec la fondation de comptoirs sur la côte occidentale, qui forment en 1862 les Établissements français de la Côte-de-l'Or et du Gabon, tandis qu'à l'est, la France achète Obock (1862), au débouché de la mer Rouge. Le Sénégal, conquis par Faidherbe (1854-1865), devient une base de pénétration vers l'Afrique intérieure. Mayotte (1843), Tahiti (1842-1847) et la Nouvelle-Calédonie (1853) intègrent le domaine français.
Enfin, les bases de l'Indochine française sont jetées avec l'occupation de la Cochinchine (1862-1867) et l'établissement du protectorat sur le Cambodge (1863).
3.2. L’œuvre de la IIIe République (1880-1919)
Les raisons d’un essor
Toutefois, c'est la IIIe République qui crée définitivement l'empire colonial français. La pression des puissants intérêts financiers et industriels, qui veulent contourner les barrières protectionnistes mises en place après la crise économique de 1873, et un certain nationalisme de substitution qui, à défaut de « revanche » en Europe, recherche gloire et puissance outre-mer, contribuent à la formation de cet Empire, qui se construit en une trentaine d'années à partir de 1880.
Les conquêtes en Afrique subsaharienne
La France contrôle successivement le Moyen Congo (→ Congo, 1885), la Côte-d’Ivoire (1893), le Dahomey (→ Bénin, 1893), la Haute-Volta (→ Burkina, 1893), le Soudan (→ Mali : histoire, 1893), l’Oubangui-Chari (→ Centrafrique, 1894), la Guinée (1896), le Niger (1897-1899), le Tchad (1900) et la Mauritanie (1902), mais se heurte à l'expansion anglaise lorsqu'elle tente d'établir une zone d'influence continue du Congo à Djibouti (→ affaire de Fachoda, 1898).
Deux fédérations regroupent ses territoires d’Afrique subsaharienne, l'Afrique-Occidentale française ou A-OF (capitale Dakar), créée en 1904, et l'Afrique-Équatoriale française ou A-ÉF (capitale Brazzaville), fondée en 1910.
Les autres conquêtes jusqu’à la Première Guerre mondiale
Dans le même temps, son empire s'agrandit de la Tunisie (1881), de Madagascar (1885), des Comores (1886), de la côte des Somalis (1892), des Nouvelles-Hébrides (→ Vanuatu) – placées sous condominium franco-anglais en 1906 – et surtout, en Extrême-Orient, du Tonkin, de l'Annam (1885) et du Laos (1895). Sa dernière grande conquête est le Maroc, placé sous protectorat en 1912 et dont la pacification et la mise en valeur sont entreprises par Lyautey.
Les acquis de la Première Guerre mondiale
À l'issue de la Première Guerre mondiale, par le système des mandats (territoire enlevé à une puissance vaincue et placé sous mandat confié par la Société des Nations, en théorie comme transition vers l’indépendance), la France obtient le contrôle de la Syrie et du Liban, enlevés à l’Empire ottoman, et de la majeure partie du Cameroun et du Togo, retirés à l’Allemagne (→ traité de Versailles, 1919).
4. Le second Empire colonial (1919-1946)
4.1. L’apogée de l’Empire
L'Empire français a alors atteint son étendue maximale avec 12 millions et demi de km2 et 65 millions d'habitants. L'Exposition coloniale internationale, qui se tient à Paris en 1931, consacre son apogée. Sa création est considérée comme une des plus belles réalisations de la IIIe République, qui la légitime au nom de sa mission civilisatrice.
4.2. L’idée coloniale
Depuis la fin des années 1870, avec Gambetta (plus qu'avec Jules Ferry), bien des républicains se sont convertis à l'idée coloniale, considérée sous l'angle de la puissance, des affaires et du progrès. La colonisation a ses doctrinaires (tel Paul Leroy-Beaulieu, auteur en 1874 de De la colonisation chez les peuples modernes) et ses partisans, qui forment un groupe parlementaire officiel. Les milieux d'affaires s'intéressent particulièrement aux territoires d'outre-mer, sources de matières premières, de débouchés pour l'industrie et de placements de capitaux : c'est à la défense de ces intérêts qu'est voué le parti colonial, groupe parlementaire formé par Eugène Étienne en 1892. Les pays de l'Empire doivent produire essentiellement ce dont a besoin la métropole, et leurs habitants ne bénéficient que d'une participation dérisoire dans les institutions représentatives.
4.3. Les prémices de la dislocation
Malgré les critiques du parti communiste et les premiers signes de craquement en 1925-1926 (révolte d’Abd el-Krim au Maroc et du djebel Druze en Syrie [→ campagnes de Syrie]), cette doctrine n’est pas remise en question dans les années 1920.
Les prémices de la dislocation de l'Empire se manifestent vraiment avec la crise mondiale de 1929 et surtout lors de la Seconde Guerre mondiale, qui entame gravement le prestige de la métropole. La France doit reconnaître l'indépendance de la Syrie et du Liban (1941). Si, à la conférence de Brazzaville (1944), elle écarte sans équivoque toute idée d'autonomie ou d'indépendance, des mouvements nationalistes naissent et s'affirment, cependant, particulièrement en Afrique du Nord et en Indochine, où le Viêt-minh proclame l'indépendance du Viêt Nam (1945).
5. La décolonisation
5.1. Les tentatives de réorganisation de l’Empire
Dès lors, en moins de vingt ans, le mouvement de décolonisation et d'émancipation va faire disparaître la majeure partie de l'Empire français, et ce malgré la départementalisation de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de La Réunion, l'attribution de la citoyenneté française à tous les nationaux (1946), puis la loi-cadre du 23 juin 1956 qui marque un tournant vers l'autonomie, et deux tentatives de réorganisation de l'Empire, transformé en Union française (1946) puis en Communauté (1958).
5.2. Les indépendances
La France doit reconnaître l'indépendance de l'Indochine (Laos, Cambodge et Viêt Nam coupé en deux jusqu'en 1975) en 1954, de la Tunisie et du Maroc (1956), de la Guinée (1958), puis des treize républiques (plus la République malgache) qui se substituent à ses anciens territoires d'Afrique noire (1960), de l'Algérie (1962), des Comores (1975), des Afars et Issas, ancienne Côte française des Somalis (→ République de Djibouti, 1977), et des Nouvelles-Hébrides (→ Vanuatu, 1980).
Autour de la métropole ne gravitent plus aujourd'hui que les départements et Régions d'outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion et Mayotte, qui n'a obtenu ce statut qu'en 2011), et les collectivités d'outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, Terres australes et antarctiques françaises).
Pour en savoir plus, voir les articles colonisation, décolonisation.