Jacques Cartier
Navigateur français (Saint-Malo 1491 ?-Saint-Malo 1557).
Il prit possession du Canada, à Gaspé, au nom de François Ier (24 juillet 1534), et remonta le Saint-Laurent au cours d'un deuxième voyage (1535). Il revint au Canada en 1541.
1. L'envoyé de François Ier
Cartier est déjà un marin expérimenté lorsque François Ier fait appel à lui, mais on ignore tout de ses débuts. On sait qu'il est recommandé au roi de France par Jean Le Veneur, brillant prélat qui vient d'obtenir du pape une interprétation laxiste de la bulle de 1493, partageant le monde entre l'Espagne et le Portugal. Dès lors, François Ier estime avoir les mains libres pour effectuer des voyages de découvertes dans des régions qui ne sont pas encore fréquentées par les Ibériques. Il prête d’abord une oreille attentive aux dires du navigateur italien Verrazano, certifiant l'existence d'un passage par le nord pour atteindre les Indes et le Cathay (la Chine), ce qui pourrait assurer une nouvelle route vers l'or et les épices. Verrazano part en reconnaissance en 1524, longe l'Amérique du Nord, et revient en France en passant par Terre-Neuve. Puis, Cartier est chargé d'aller vers les terres inconnues situées au-delà du détroit de Belle-Isle, entre le Labrador et Terre-Neuve. Le but essentiel est la découverte de grandes quantités d'or « et autres riches choses ». Mais il était possible, aussi, que la découverte le conduise vers l'Orient.
2. L'arrivée au Canada
Parti avec deux petits navires le 20 avril 1534, le Malouin traverse l'Océan en 20 jours seulement, franchit le détroit de Belle-Isle, suit les rivages désolés du Labrador et le littoral occidental de Terre-Neuve, puis, vers le sud, gagne les îles de la Madeleine et celles qui porteront le nom de Prince-Édouard, puis la baie des Chaleurs. Il prend possession du littoral continental en érigeant une haute croix sur les falaises de la future baie de Gaspé (24 juillet), ce qui marque la prise de possession du pays au nom du roi de France. Après une rencontre avec les Amérindiens, finalement amicale, il met la voile pour l'Europe par le détroit de Belle-Isle, emmenant bon gré mal gré deux fils de caciques, qui serviront plus tard d'interprètes. Il revient à Saint-Malo le 5 septembre. Les récits de deux indigènes ramenés en France évoqueront les richesses des terres encore à découvrir.
3. Le deuxième voyage et le premier hivernage des Français
Encouragé, François Ier confie trois navires à Cartier pour une nouvelle expédition, plus minutieuse : la Grande-Hermine, la Petite-Hermine et l'Émerillon. On met à la voile le 19 mai 1535. La traversée est, cette fois, difficile : les navires ne se regroupent dans la baie des Châteaux que le 26 juillet. Puis ils suivent le littoral qui prolonge celui du Labrador. Au-delà de Terre-Neuve, la voie maritime vers le « Cathay » de Marco Polo semble découverte lorsque se révèle l'immense estuaire du Saint-Laurent.
Cartier donne le nom de Saint-Laurent à une petite baie limitée par l'île Sainte-Geneviève (en face d'Anticosti) : le nom sera ensuite étendu à l'estuaire et au grand fleuve du Canada. L'ouverture vers l'ouest est enfin trouvée. Après avoir dépassé l'embouchure du Saguenay, l'expédition atteint l'île aux Coudres le 6 septembre. Le surlendemain, Cartier rencontre le chef Donnacona.
Le 14 septembre, les Français s'établissent sur les bords de la rivière Sainte-Croix (aujourd'hui Saint-Charles), en face du promontoire du village indien de Stadaconé, où allait s'établir Québec. L'installation des Français inquiète les Amérindiens, qui veulent sans doute se garder le monopole des trafics situés plus en amont : ils vont chercher par des cérémonies magiques à dissuader les nouveaux venus de poursuivre plus avant. Mais le 19 septembre, Cartier repart sur l'Émerillon vers l'amont. Après plusieurs étapes, il parvient, avec deux chaloupes, le 2 octobre, à Hochelaga, gros village amérindien entouré d'une palissade, au pied des hauteurs baptisées Mont-Royal (c'est le site de Montréal). Les rapides de « Lachine », qui évoquent toujours la quête d'un Orient fabuleux, arrêtent l'exploration.
De retour à Stadaconé, Cartier s'installe dans le fortin que ses compagnons, restés sur place, ont édifié entre-temps : les relations avec les Amérindiens se sont, en effet, détériorées et il faut prendre des mesures de sécurité. La véritable épreuve commence avec le terrible hiver canadien. Les mauvaises conditions alimentaires entraînent une épidémie de scorbut qui emporte vingt-cinq marins : un pèlerinage est promis à Rocamadour pour inciter le Seigneur à la pitié. Ce sont les Amérindiens qui, par une tisane de feuilles de cèdre blanc, apportent le remède.
Le 6 mai 1536, abandonnant la Petite-Hermine, Cartier met la voile, emmenant avec lui, par force, le chef Donnacona et plusieurs de ses sujets. Il emprunte le détroit dit plus tard « de Cabot » et prouve ainsi l'insularité de Terre-Neuve. Le 16 juillet, les deux navires restant entrent dans le port de Saint-Malo.
4. François Ier précise sa doctrine concernant l'expansion outre-mer
François Ier, auquel le rapport de son explorateur laisse espérer la découverte de grandes richesses minières, est satisfait de l'entreprise et donne à Cartier la Grande-Hermine. Toutefois, la guerre vient de reprendre contre Charles Quint et la commission pour un troisième voyage n'est délivrée à Jacques Cartier qu'en octobre 1540.
La période d'attente qui commence est capitale pour l'histoire coloniale de la France. C'est alors, en effet, que, face aux prétentions de l'Empereur et de la cour de Lisbonne sur l'ensemble de l'Amérique, François Ier précise sa doctrine concernant l'expansion outre-mer, établissant le principe de la légitimité des prises de possession basées sur l'occupation effective, et la mise en valeur des terres nouvelles qui ne sont fréquentées ni par les Espagnols ni par les Portugais.
À la tête d'une entreprise qui prend une nouvelle dimension, de colonisation et d'évangélisation, il faut désormais un personnage important, un noble : le protestant Jean-François de La Roque de Roberval sera donc le lieutenant général des terres nouvelles. Cette nomination d'un gentilhomme devait donner du poids à l'entreprise, qui devient un véritable début de colonisation, avec occupation effective du pays découvert.
5. Une dernière expédition suivie d'une désillusion
Autorisé à précéder son chef, Cartier part avec 5 navires et environ 1 500 hommes, le 23 mai 1541. Ce dernier voyage est difficile, puisque le havre de la rivière Sainte-Croix n'est atteint que le 23 août. Un nouveau camp, qui prendra le nom de Charlesbourg-Royal (près de Stadaconé), est établi, sur le Saint-Laurent, au confluent de la rivière du cap Rouge (aujourd'hui près du pont de Québec). Cartier commence aussitôt la mise en valeur des terres.
En septembre, sur deux barques, Cartier repart pour Hochelaga et les pays où il espère trouver enfin l'or et les diamants. Mais les rapides du Saint-Laurent et de l'Ottawa ne permettent pas d'aller très loin vers l'amont. Muni d'échantillons de pierres qu'il croit précieuses et de pépites qu'il pense être aurifères, Cartier revient vers le cap Rouge aux approches de la mauvaise saison. L'hivernage est rude et marqué par divers excès à l'encontre des Amérindiens, qui commencent à se montrer hostiles. Sans attendre Roberval, Cartier entreprend de repartir en juin 1542. Il rencontre enfin son chef à Terre-Neuve mais, pressé de montrer ses trésors, le Malouin refuse de revenir au Canada pour ouvrir la voie à son chef : Roberval va connaître un piteux échec dans cette première tentative de colonisation du Canada. Cartier est de retour à Saint-Malo à la fin de l'été 1542, mais ses richesses s'avèrent n'être que pyrites et des micas, soit des roches sans aucune valeur… La cruelle désillusion qui en résulte va condamner pour un temps les entreprises en direction de la « Nouvelle-France ».
Il faudra plus d'un demi-siècle pour que les Français s'intéressent de nouveau, avec Champlain, à ces terres septentrionales. Cartier, quant à lui, allait se consacrer à la mise en valeur de son domaine du Limoilou, près des remparts de Saint-Malo.