seconde Restauration
Nom donné au régime de la France, sous Louis XVIII et Charles X (1815-1830).
1. Le régime et les partis
Défini par la Charte de 1814, le régime est une monarchie constitutionnelle : une Chambre des pairs, héréditaire, est nommée par le roi ; une Chambre des députés renouvelable par cinquième chaque année est élue au suffrage censitaire (il faut au moins 300 francs d'impôts directs et 30 ans pour être électeur, au moins 1 000 francs et 40 ans pour être éligible). Le « pays légal » est ainsi limité à un peu plus de 100 000 électeurs et le peuple est exclu. Les ultraroyalistes, nostalgiques de l'Ancien Régime, sont hostiles même à la Charte ; leur chef réel est le comte d'Artois (le futur Charles X), frère du roi. À l'opposé, les « libéraux » ou « indépendants » apparus vers 1817-1818, rassemblent des monarchistes tièdes (→ Benjamin Constant, Casimir Perier, Laffitte), des bonapartistes et d'anciens républicains.
2. Des débuts difficiles (1815-1816)
2.1. La Terreur blanche
Après Waterloo (18 juin 1815) et la seconde abdication de Napoléon, Louis XVIII se hâte de regagner Paris occupé (8 juillet). Le gouvernement, contraint d'accepter une paix rigoureuse (second traité de Paris, 20 novembre 1815), est débordé par l'esprit de vengeance des ultraroyalistes. Une Terreur blanche entraîne des massacres dans le Midi, surtout à Avignon, Nîmes, Toulouse.
2.2. La « Chambre introuvable »
Les élections d'août 1815 donnent une « Chambre introuvable » où les ultras ont une majorité écrasante. Louis XVIII, en septembre, renvoie le ministère Talleyrand-Fouché et fait appel au duc de Richelieu, ami du tsar. Les ultras imposent le procès des généraux « complices » des Cent-Jours (exécution de Ney, décembre 1815), le bannissement des Conventionnels régicides, la création de cours prévôtales, la suspension des libertés, l'épuration de la fonction publique. Ils en viennent à reprocher au roi sa modération. Louis XVIII, poussé par les alliés, dissout la Chambre introuvable (5 septembre 1816).
3. L'expérience constitutionnelle (1816-1820)
Les élections sont favorables aux constitutionnels. Richelieu reste au pouvoir jusqu'à la fin de 1818, puis est remplacé par un ministère Dessolle, dont le vrai chef est Decazes, protégé du roi qui l'appelle « mon fils ». Cette période est féconde : la bonne gestion financière du baron Louis et de Corvetto, permet le règlement des indemnités de guerre. La loi militaire de Gouvion-Saint-Cyr (1818), en supprimant les privilèges nobiliaires pour l'accès aux grades, donne à la France une armée d'environ 240 000 hommes et permet la libération du territoire de toute occupation étrangère. Les lois De Serre (1819) octroient un régime très libéral à la presse. Mais les succès électoraux des libéraux font le jeu des ultras. Après l'assassinat de son neveu le duc de Berry (13 février 1820), Louis XVIII rappelle le duc de Richelieu.
4. La politique de réaction (1820-1828)
4.1. La revanche des ultras
Les ultras sont au pouvoir dans le ministère Richelieu (février 1820-décembre 1821), puis dans celui du comte de Villèle (décembre 1821-janvier 1828). Ils sont encore renforcés à la mort de Louis XVIII (16 septembre 1824), par l'avènement de Charles X (le comte d'Artois). Grâce à la loi de juin 1820 dite du « double vote », ils triomphent aux élections de 1820, puis de 1824. La liberté de presse est réduite (1822). La France intervient en Espagne pour rétablir l'absolutisme royal : le duc d'Angoulême dirige une rapide campagne marquée par la prise du fort du Trocadéro, 1823). Les émigrés sont indemnisés pour leurs biens vendus sous la Révolution (le milliard des émigrés, 1825). Mais, avant tout, cette politique est cléricale (« union du trône et de l'autel ») avec une forte emprise du clergé sur l'enseignement, le rite archaïque du sacre de Charles X (mai 1825) et la loi sur le sacrilège (1825).
4.2. Les limites de la réaction
Au début, l'opposition est clandestine : une société secrète, la Charbonnerie, organise des complots militaires, facilement réprimés (exécution des quatre sergents de La Rochelle, 1822). À partir de 1826, l'opposition s'élargit et s'exprime légalement : bourgeoisie anticléricale, catholiques gallicans et même royalistes dissidents dont Chateaubriand. La Chambre des pairs repousse un projet rétablissant en partie le droit d'aînesse (avril 1826). Le gouvernement doit retirer un projet très restrictif sur la presse qualifié de « loi vandale » par Chateaubriand (avril 1827). Les manifestations se multiplient. Villèle, défié, dissout la Chambre. Il perd les élections et démissionne (janvier 1828).
5. La fin du régime (1828-1830)
Charles X se résigne à un ministère de transition, dirigé en fait par Martignac, qui interdit les collèges de jésuites et limite le nombre d'élèves des petits séminaires (juin 1828). Puis, le 8 août 1829, il appelle au pouvoir son ami le prince de Polignac, qui s'entoure d'ultras affirmés. Le roi se croit populaire et mise sur les succès extérieurs : expédition de Morée (1828), prise d'Alger (5 juillet 1830). Mais l'opposition devient anti-dynastique : réveil des républicains (Godefroy Cavaignac, Armand Marrast) ; campagne pour remplacer Charles X par le duc d'Orléans (→ Thiers, Armand Carrel, Talleyrand). La Chambre répond à un discours du trône menaçant par « l'adresse des 221 », hostile à Polignac (mars 1830). Elle est dissoute. Mais, aux élections de juin-juillet, la majorité opposante passe de 221 à 274. Charles X et Polignac ripostent par les ordonnances du 25 juillet 1830 : suspension de la liberté de la presse, dissolution de la nouvelle Chambre, réforme électorale favorisant l'aristocratie. Paris se soulève. Les journées des 27, 28 et 29 juillet (→ Juillet 1830) contraignent Charles X à l'abdication et à l'exil.
Pour en savoir plus, voir l'article France : histoire.