Louis XIII
(Fontainebleau 1601-Saint-Germain-en-Laye 1643), roi de France (1610-1643), fils d'Henri IV et de Marie de Médicis.
1. Tenu à l'écart du gouvernement
1.1. La régence
À la mort de son père (1610), il n'a que 9 ans. Sa mère, qui exerce la régence, le marie à Anne d'Autriche en 1615. La politique catholique et proespagnole suivie par Marie de Médicis et la faveur dont jouit Concini, véritable chef du gouvernement, provoquent une opposition gallicane au parlement et le mécontentement des protestants et des grands, qui se livrent à des prises d'armes et exigent de la régente la réunion des états généraux (1614-1615).
Tenu à l'écart du gouvernement par sa mère malgré sa majorité (déclarée le 2 octobre 1614), Louis XIII, pénétré du sentiment de la grandeur royale, souffre de cette humiliation. Sur les conseils de Luynes, il fait assassiner Concini (24 avril 1617), puis disgracie les ministres de sa mère, qu'il exile à Blois.
1.2. Le duc de Luynes
Mais le roi ne prend pas effectivement le pouvoir : il laisse gouverner Charles d'Albert de Luynes, qui poursuit la politique catholique de la régente. Aussi l'opposition des grands, qui intriguent avec Marie de Médicis, se reconstitue-t-elle, ainsi que celle des protestants. Après avoir dispersé l'armée des princes et de sa mère aux Ponts-de-Cé (7 août 1620), Louis XIII mène une expédition contre les protestants qui se sont soulevés dans le Midi, sous la direction de Rohan, après le rétablissement du culte catholique en Béarn et Basse-Navarre et la réunion à la Couronne de ces provinces (1620). L'armée royale ayant échoué devant Montauban (1621), puis Montpellier (1622), le roi confirme l'édit de Nantes (paix de Montpellier, 18 octobre. 1622).
2. Avec Richelieu, « souverain confident »
Après la mort de Luynes (décembre 1621), Louis XIII, conscient de ses propres limites et de la nécessité d'une ferme direction des affaires du royaume, décèle chez Richelieu le ministre d'envergure qui lui manque. Bien qu'il se défie du cardinal, qui est un protégé de sa mère, il l'appelle au Conseil le 29 avril 1624. Devenu principal ministre quatre mois plus tard, Richelieu le demeurera jusqu'à sa mort (1642).
Ainsi s'établit dans la France d'Ancien Régime une nouvelle forme de gouvernement, le ministériat, système fondé sur « l'étroite association du roi et de son ministre, leur collaboration et mutuelle confiance ». Richelieu (« souverain confident ») suggère au roi les décisions qui s'imposent, mais Louis XIII est seul à décider ; la puissance du ministre lui vient de ce que la confiance royale lui délègue l'autorité. Le système (qui ne fonctionne réellement qu'à partir de 1630) restera précaire en raison de la nature très complexe de Louis XIII, dont Richelieu redoutera toujours les crises d'instabilité. Une santé médiocre, une enfance privée d'affection expliquent en partie le caractère timide, secret et ombrageux du roi, ainsi que ses amitiés passionnées qui le lient notamment à Marie de Hautefort, à Mlle de La Fayette, à Luynes et à Cinq-Mars.
Profondément pieux, Louis XIII vouera son royaume à la Vierge (10 février1638). Jaloux de son autorité et imbu de ses droits et de ses devoirs de roi, il est passionné pour les choses de la guerre mais a peu de goût pour la politique. Avec Richelieu, homme d'État plus qu'administrateur, il va s'efforcer, pendant huit ans, de restaurer l'autorité royale et de rétablir en Europe la puissance de la monarchie française.
2.1. La mise au pas des huguenots et l'édit de grâce d'Alès
En 1624, le royaume est en proie à l'anarchie : « les huguenots partageaient l'État avec le roi, les grands se conduisaient comme s'ils n'eussent pas été ses sujets et les plus puissants gouverneurs des provinces comme s'ils eussent été souverains en leurs charges [...]; la dignité de la majesté royale était tellement ravalée [...] qu'il était presque impossible de la reconnaître » (Richelieu). Dès 1629, le parti huguenot est brisé : vaincus à La Rochelle (1628) et en Languedoc (1629), les protestants sont privés de leurs privilèges politiques (assemblées) et militaires (places de sûreté) par l'édit d'Alès (28 juin 1629). Mais cet édit, qui maintient les dispositions religieuses de l'édit de Nantes, indigne le parti dévot, hostile à la tolérance.
2.2. Le choix décisif
Appuyé sur la très grande majorité des Français sensibles à la « renaissance catholique », ce parti réprouve les alliances protestantes et la guerre contre les Habsbourg, champions de la Contre-Réforme, que préconisent Richelieu et le parti des bons Français : il réclame la paix pour réformer l'administration du royaume « plein de séditions » (Michel de Marillac) et soulager le peuple misérable et accablé d'impôts. Le parti des bons Français estime, au contraire, que le salut de l'État exige que l'on abatte la maison d'Autriche, qui prétend à la monarchie universelle, et que le roi doit séculariser sa politique pour défendre l'indépendance de la Couronne de France.
Désavouant les dévots lors de la journée des Dupes (10 novembre 1630), Louis XIII choisit la politique de guerre et de grandeur suggérée par Richelieu, abandonnant « toute pensée de repos, d'épargne et de règlement du dedans du royaume ». Toute la politique intérieure va être subordonnée aux exigences de la lutte contre les Habsbourg.
3. Un régime de guerre
3.1. L'effort de guerre
L'effort de guerre se traduit par une aggravation du fardeau fiscal et un renforcement de l'absolutisme monarchique et de l'appareil étatique. Pour faire face à ses besoins financiers sans cesse croissants, la monarchie en guerre recourt à toutes sortes d'expédients : elle procède à des emprunts aux traitants et financiers et à des mutations monétaires (création du louis d'or, 1640) ; elle multiplie les ventes d'offices nouveaux (dévaluant ainsi les anciens) et accroît le don gratuit du clergé ; surtout, elle augmente la taille et la gabelle et crée des taxes nouvelles de consommation. Mais le déficit sera constant.
3.2. Le relèvement de l'État
Afin d'assurer l'autorité royale dans tout le royaume et la tranquillité publique, Richelieu utilise les institutions existantes mais en les rendant plus efficaces et en les peuplant d'hommes de confiance (tels les surintendants Bouthillier et Bullion, le chancelier Séguier, le Père Joseph). Le parlement voit ses droits et ses devoirs fixés (édit du 21 février 1641). En province, les gouverneurs sont surveillés, doublés ou remplacés par des lieutenants généraux ; l'emploi des commissaires et des intendants devient intensif, quasi systématique : chargés de maintenir l'ordre et de contrôler tous les corps provinciaux dotés de privilèges, les intendants dépossèdent pratiquement de leurs fonctions les officiers de finances (trésoriers, élus) [règlement d'août 1642]. De plus, pour tenir l'opinion publique et défendre leur politique, Louis XIII et Richelieu entretiennent des pamphlétaires et utilisent la Gazette (1631) de Théophraste Renaudot. La fondation de l'Académie française (1635) relève, en partie, du même souci de propagande monarchique.
3.3. Le choix de la fermeté
Contre la noblesse séditieuse…
Ce régime et ces finances de guerre imposés à un pays attaché à ses privilèges et à ses libertés, et au moment d'un fléchissement de toute l'économie (renversement de la conjoncture européenne, de hausse en baisse, vers 1630-1640, et crises de subsistances en 1629-1630 et 1636-1639), provoquent de multiples résistances. Supplantée par la noblesse de robe, qui est omniprésente dans l'appareil étatique, la noblesse d'épée ourdit de nombreux complots qui sont d'autant plus redoutables que des membres de la famille royale y sont impliqués (en particulier Gaston d'Orléans, héritier du trône jusqu'en 1638), et que les princes du sang et les grands seigneurs, dotés de larges clientèles nobiliaires, négocient parfois avec des souverains étrangers et même avec une puissance ennemie (Espagne).
Louis XIII frappe impitoyablement les conjurés (exécutions du comte de Chalais [1626], du duc de Montmorency [1632], de Cinq-Mars [1642]). Il prend des mesures sévères contre les duels, fait démanteler les châteaux forts et attache davantage les nobles au service de ses armées. Malgré ces mesures, l'esprit de sédition nobiliaire subsistera : la noblesse turbulente, qui obéit encore à une morale féodale et cultive la notion romanesque du « héros », restera étrangère à la notion de « raison d'État » chère à Richelieu.
… les révoltes populaires
Les révoltes populaires (rurales et urbaines) qui éclatent chaque année sont dues à la pression fiscale qui s'accroît considérablement à partir de 1635 avec l'ouverture des hostilités. Les plus fortes effervescences se situent en 1630 et de 1635 à 1643 (révoltes des croquants [1636-1637], des va-nu-pieds [1639-1640], etc.). Encadrées parfois par des nobles qui craignent que leurs paysans pressurés par le roi ne puissent plus leur payer rentes, droits ou fermages, ces « émotions » sont encouragées par la passivité complice des parlements, des municipalités et des officiers locaux, menacés dans leurs privilèges par les progrès de l'administration monarchique. Sans cohésion, ni programme, ces révoltes populaires seront brisées impitoyablement.
4. Pour le premier rang en Europe
4.1. Contrecarrer l'hégémonisme des Habsbourg
La guerre est destinée à contrecarrer les visées hégémoniques des Habsbourg de Vienne et de Madrid, et à enrayer leur expansion, mais aussi à améliorer la sécurité des frontières du royaume et à donner à la France une place prépondérante en Europe.
Dans l'Empire, où se déroule un conflit entre l'empereur et les princes protestants (→ guerre de Trente Ans), la France s'efforcera de « garantir les princes contre l'oppression de la maison d'Autriche ». Mais son but essentiel sera d'écarter la menace d'encerclement que les possessions espagnoles font peser sur le royaume : pour ce faire, écrit Richelieu au roi le 13 janvier 1629, il convient « d'ouvrir des portes dans tous les États voisins pour mieux intervenir contre l'éventuelle menace espagnole ».
Le 6 mars 1629, Louis XIII force le pas de Suse, puis s'empare de Pignerol (1630), faisant ainsi échec à l'Espagne en Italie (→ traité de Cherasco). En 1634, la France étend sa zone de couverture vers l'est en occupant la Lorraine.
4.2. La « guerre couverte »
Pratiquant la « guerre couverte » (1630-1635), Louis XIII soutient les adversaires de l'empereur Ferdinand II (princes protestants allemands, Gustave II Adolphe, Maximilien de Bavière) et de Philippe IV d'Espagne (Provinces-Unies).
4.3. La déclaration de guerre
Puis, le 19 mai 1635, il ouvre le conflit avec l'Espagne, entrant ainsi dans la guerre de Trente Ans. Après des revers (prise de Corbie, 1636 ; désastre de Fontarabie, 1638), la France et ses alliés remportent des succès : l'occupation de Brisach (1638) ouvre les portes de l'Allemagne; la prise d'Arras (1640) garantit solidement la frontière du Nord ; en 1642, le Roussillon est conquis (capitulation de Perpignan, 9 septembre).
Ces succès et le soutien accordé par Richelieu aux révoltes du Portugal et de la Catalogne (1640) [Louis XIII est proclamé comte de Barcelone en 1641] amorcent le déclin de la puissance de l'Espagne. Louis XIII et Richelieu meurent peu avant la victoire de Rocroi (19 mai 1643) sur les Espagnols.
La guerre qu'ils ont entamée en 1630 malgré l'opinion catholique, et qu'ils ont menée au moyen d'une séparation des intérêts politiques et religieux, aboutira aux traités de Westphalie (1648) et des Pyrénées (1659), qui consacreront l'échec des ambitions des Habsbourg et la prépondérance française en Europe.
Avant de mourir (14 mai 1643), Louis XIII organise la régence de son fils, le futur Louis XIV, en créant un conseil de régence comprenant Anne d'Autriche et Mazarin.
5. Le bilan d'un règne
Son règne a associé la grandeur de l'État et la misère du peuple, la puissance extérieure et la fragilité intérieure, avec la détresse financière, la précarité économique et les troubles sociaux. Son action, conjuguée à celle de Richelieu, a été décisive : elle a porté la France au premier rang en Europe, transformé l'absolutisme doctrinal en absolutisme pratique et renforcé l'unité du royaume. Mais l'effort de soumission fiscale que le roi a exigé d'un peuple récalcitrant a suscité une masse de mécontentements qui gronde dans des révoltes durant tout son règne et explosera lors de la Fronde.
La rigueur de cette époque tourmentée et tumultueuse n'a nullement enrayé les progrès de la civilisation. Le règne de Louis XIII occupe les trente-trois années centrales du « premier xviie siècle » (1600-1660), ce demi-siècle dit « baroque » qui est marqué par un réveil éclatant du catholicisme et par une floraison de talents littéraires et artistiques : c'est l'époque de saint François de Sales, de saint Vincent de Paul, de Bérulle et de Saint-Cyran ; celle d'Honoré d'Urfé, de la marquise de Rambouillet, de Scarron, de Théophile de Viau, de Corneille, de Descartes, de Pascal, de Simon Vouet, de Philippe de Champaigne, de Le Sueur, etc.