logique

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec logikos, dans les expressions logikê épistêmê (ou pragmateia) ou logikon meros.


La logique est, dit-on, sortie toute faite du cerveau d'Aristote. Ainsi en est-il de ce vaste ensemble que l'on nomme la logique classique. Cette dernière a produit dès les Premiers Analytiques une théorie de la démonstration formelle complète en son genre : la syllogistique. Mais la logique est donnée, chez Aristote, avec une première analyse des parties du langage : celle, rationnelle, des manières de conclure en vertu de la seule forme se nomme apophantique. Celle qui regarde la construction des énoncés se nomme grammaire et se trouve distribuée entre les traités des Catégories, de l'Interprétation et des Topiques. Portée à sa plus grande efficacité avec l'introduction de la notion de modèles et celle d'interprétation des modèles qui fait passer la logique du calcul des propositions à celui des prédicats, le développement d'une logique mathématisée conduit au xixe s. à la formulation d'axiomatiques censées fournir aux mathématiques elles-mêmes l'ordre et la rigueur d'une unité formelle qui lui faisait (et qui lui fait encore) défaut La crise des fondements ainsi ouverte par la promotion de la sémantique au rang d'index mathematicis n'enthousiasma que très peu – doux euphémisme – les mathématiciens, qui, tels Poincaré, ne désiraient pas réduire les mathématiques à un corps de propositions déductibles en droit de la logique seule. Ni la sémantique, ni le logicisme ou logistique au sens de Russell et Whitehead, ni la métamathématique de Hilbert n'ont réussi à faire de la logique contemporaine la source vivante de l'esprit mathématique. L'incomplétude des systèmes formels établie par Gödel, mais aussi les résultats de Church montrent en effet que seuls les systèmes formalisés ouverts (ceux dont toutes les branches ne sont pas calculables au sens de l'axiomatique) présentent un intérêt pour les mathématiques. Ces dernières ne sont sans doute pas constituées par de simples interprétation des modèles de la sémantique elles construisent elle-mêmes des structures formelles à partir de ce qui peut (ou ne peut pas) être dé montré, produisant des contenus irréductibles à toute science générale visant à ordonner les lois de la pensée.

Philosophie Antique

Partie de la philosophie relative au logos (raison ou langage) comprenant la dialectique, la rhétorique et, dans certains cas, la théorie du critère (épistémologie).

C'est l'académicien Xénocrate (396-314 av. J.-C.) qui a le premier divisé la philosophie en logique, en éthique et en physique. Cette division n'existe en effet chez Aristote que sous la forme d'une division des problèmes, et non pas comme division de la philosophie(1). La logique comme logikon meros, partie rationnelle de la philosophie, a été développée par les stoïciens à partir de Chrysippe, surtout dans l'une de ses parties, la dialectique. L'existence d'une partie logique de la philosophie est rejetée par Épicure, chez qui la place de la logique est occupée par une canonique(2), et les péripatéticiens soutiennent que la discipline logique, logikê pragmateia, est un instrument, organon, de la philosophie et non pas une partie(3). Le néoplatonisme opposera la logique comme discipline formelle à la dialectique comme science de l'intelligible(4).

Le sens antique du terme est assez éloigné du sens moderne, qui correspond plutôt à la partie sur les signifiés de la dialectique stoïcienne.

Jean-Baptiste Gourinat

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Aristote, Topiques, I, 14, 105b19-29, trad. J. Tricot 1950, Vrin, Paris.
  • 2 ↑ Diogène Laërce, Vie des philosophes illustres, X, 29-31, trad. R. Genaille, 1965, Flammarion, Paris.
  • 3 ↑ Alexandre d'Aphrodise, Commentaire des Premiers Analytiques d'Aristote, pp. 1-4.
  • 4 ↑ Plotin, Ennéades, I, 3, 4.

→ aristotélisme, critère, dialectique, rhétorique, stoïcisme




logique classique

Logique, Mathématiques

La logique contemporaine est née avec la publication de la Begriffsschrift [Idéographie] de Frege, en 1879. Elle s'est rapidement développée, donnant naissance aux trois volumes des Principia Mathematica, où Russell et Whitehead tentèrent de réduire toutes les mathématiques à la nouvelle logique qui comprenait le calcul des propositions ainsi que le calcul des prédicats monadiques et polyadiques (relations). Chacun de ces calculs se présente aujourd'hui comme un système déductif complètement formalisé, analysable selon trois dimensions : 1) la syntaxe (relevant de la théorie de la démonstration), composée d'un alphabet et des règles de formation des formules, ainsi que des axiomes et des règles de déduction des théorèmes ; 2) la sémantique (théorie des modèles), comprenant les règles d'interprétation et de validation des formules ; 3) enfin la métalogique, qui assure la consistance, la complétude et la décidabilité du système.

Cette logique s'est imposée par sa puissance analytique et sa fécondité au point de devenir classique et d'être débordée par une efflorescence de systèmes nouveaux qui en sont soit des présentations différentes (par exemple déduction naturelle, logique dialogique), des extensions (logique des modalités aléthiques, déontiques, épistémiques, temporelles, etc.), soit enfin des alternatives (logique tri- et plurivalentes, intuitionniste, floue, dynamique, méréologie, etc.).

Il en résulte qu'il n'est plus possible, comme le faisaient encore Frege, Russell et Wittgenstein, de parler de la logique au singulier et de la tenir pour la science « des lois de l'être vrai » (Frege). La pluralité de logiques incompatibles est un fait qui pose la question de la logicité des différents systèmes en même temps qu'elle témoigne éloquemment de l'extrême vivacité de cette science formelle.

Denis Vernant

Notes bibliographiques

  • Gochet, P., et Gribomont, P., Logique, Hermès, Paris, vol. 1, 1990.
  • Quine, W. V. O., Méthodes de logique, A. Colin, Paris, 1972.

→ logique, combinatoire, intuitionnisme, logique libre, méréologie, métalogique, sémantique, syntaxe




logique combinatoire

Logique

Discipline qui traite des règles de combinaison de séquences de symboles quelconques.

Dès 1920, M. Schönfinkel proposa d'éliminer toutes les variables (non les métavariables) des calculs standards(1). Par exemple, la définition usuelle du conditionnel p → q = Df ¬ p v q ne dépend en rien des variables propositionnelles p et q. On peut la réécrire en notation polonaise : Cpq = Df ANpq et omettre les variables pour ne considérer que les opérateurs : C = Df AN. En 1929, H.B. Curry(2) développa une logique fondée sur le concept de combinateur, conçu comme une action de transformation d'une séquence de symboles en une autre obtenue par combinaison : Xx1, ... Xxn → y1, ... yn. On admet par exemple :
Ix → x (Identificateur)
Cxyzxzy (Permutateur).

On peut alors définir toutes les opérations de la logique standard. Ainsi, la converse d'une relation (si xRy alors yRCx) s'obtient aisément à partir du Permutateur : RC = CR.

La logique combinatoire admet quelques applications en sciences humaines (par exemple en linguistique), mais son intérêt majeur demeure spéculatif : elle constitue une « prélogique » permettant d'expliciter et de formaliser les opérations (par exemple, les règles de substitution) qui demeurent implicites dans les logiques habituelles.

Denis Vernant

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Schönfinkel, M., « Sur les éléments de construction de la logique mathématique » (1924), trad. Vandevelde, G., Mathématiques, Informatique et Sciences de l'homme, no 112, 1990, pp. 5-26.
  • 2 ↑ Curry, H. B., et Feys, R., Combinatory Logic 1, North-Holland Publ. Comp., 1958.
  • Voir aussi : Ginisti, J.-P., la Logique combinatoire, PUF, Paris, 1997.

→ combinatoire




logique épistémique

Logique

Variété de logique modale dans laquelle l'opérateur de nécessité, noté ici K, est destiné à formaliser l'expression « x sait que ».

Créée en 1962 par Hintikka(1), la logique épistémique usuelle est caractérisée par les trois axiomes suivants : la véracité KA □ A (« tout ce qui est su est vrai »), l'introspection positive KA □ KKA (« ce qui est connu est connu comme connu ») et l'introspection négative ¬KA □ K ¬KA (« ce qui est inconnu est connu comme inconnu »). Plus récemment, des logiques « multi-épistémiques » ont été proposées, dans lesquelles la modalité de connaissance est relativisée à des agents déterminés (KiA se lit « l'agent i sait que A »). On peut alors définir de nouvelles modalités, dont la connaissance universelle ( signifie que chacun, dans le groupe G, sait que A) et la connaissance commune, ou notoriété publique ( signifie que, dans le groupe G, chacun sait que A, chacun sait que chacun sait que A, chacun sait que chacun sait que chacun sait que A, etc.). Ces modalités, dont les caractéristiques formelles sont activement investiguées, sont aujourd'hui très largement utilisées dans l'étude des performances cognitives des collectivités d'agents.

Jacques Dubucs

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Hintikka, J., Knowledge and Belief. An Introduction to the Logic of the Two Notions, Cornell University Press, Ithaca et Londres, 1962.
  • Voir aussi : Dubucs, J., « The Logical Way of Describing Societies », Revue internationale de systémique, VIII, 1994, pp. 123-134.



logique du flou

Logique

→ flou




logique intensionnelle

Logique

→ intensionnelle (logique)




logique libre

Logique

L'interprétation classique de la quantification existentielle est objectuelle : elle suppose au moins un objet dont la réalité (empirique, fictionnelle, etc.) doit être initialement admise. S'impose un engagement ontologique sur les valeurs des variables quantifiées existentiellement. La vérité de Ex (x est un homme) requiert la réalité d'au moins un individu, par exemple Socrate.

Mais on peut aussi adopter une interprétation purement substitutionnelle. Déjà Lesniewski avait admis une quantification particulière prenant ses valeurs sur un domaine de simples inscriptions. L'idée, reprise par R. Barcan-Marcus(1), donna naissance à la logique libre qui n'impose plus qu'un engagement sur des mots. « Pégase » n'est plus le nom d'un individu, mais une simple marque, et la vérité de la phrase « Pégase est un cheval ailé » requiert simplement que le mot « Pégase » rende vraie la fonction « x est un cheval ailé » dans Ex (x est un cheval ailé). La question de la référence éventuelle de certaines marques ne relève pas d'une décision proprement logique(2). La logique se libère ainsi de tout engagement ontologique.

Denis Vernant

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Barcan-Marcus, R., « Nominalism and the Substitutional Quantifier », The Monist, vol. 61, no 3, 1979.
  • 2 ↑ Kripke, S., « Is There a Problem about Substitutional Quantification ? », in Truth and Meaning : Essays on Semantics, M. G. J. Evans et J. H. McDowell (éd.), Clarendon UP, Oxford, 1976.

→ existence, quantification




logique modale

Logique

Variété de logique consacrée à l'étude formelle des opérateurs de modalité comme la nécessité et la possibilité.

Inaugurée par Aristote(1), la logique modale traite des notions de nécessité, de possibilité, de contingence et d'impossibilité, qui ont entre elles les relations suivantes : le possible est ce dont la négation n'est pas nécessaire, le contingent est ce qui est possible et dont la négation est également possible, l'impossible est ce dont la négation est nécessaire. L'apport médiéval à ce domaine a notamment consisté à distinguer deux emplois de la modalité : de re, lorsque la modalité modifie le prédicat, comme dans « a est nécessairement ɸ », et de dicto, lorsqu'elle détermine la nature de l'énoncé, comme dans « il est nécessaire que a soit ɸ ». Écartées par Frege, qui les voyait plutôt se rapporter à la théorie de la connaissance qu'à la logique, les modalités ne reçoivent un traitement sémantique convaincant qu'au début des années 1960, où Kripke(2) en propose une interprétation qui généralise l'idée leibnizienne selon laquelle la nécessité est la vérité dans tous les « mondes possibles ».

Jacques Dubucs

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Aristote, Premiers Analytiques, trad. J. Tricot, Vrin, Paris, 1966, livre I, chap. 8-22.
  • 2 ↑ Kripke, S., « Semantical Analysis of Modal Logic I (Normal Modal Propositional Calculi », Zeitschrift für mathematische Logik une Grundlagen der Mathematik, IX, 1963, pp. 67-96.
  • Voir aussi : Chellas, B. F., Modal Logic. An Introduction, Cambridge University Press, 1984.



logique multivalente

Logique

Variété de logique propositionnelle dans laquelle les formules peuvent prendre d'autres valeurs encore que les valeurs de vérité classiques « vrai » et « faux » ; ainsi, la logique trivalente considère l'attribution d'une tierce valeur I, « indéterminée ».

Non « classiques », les logiques multivalentes ont été introduites pour traiter les cas où l'attribution de l'une des deux valeurs V et F est problématique, soit parce que nous ignorons la valeur de vérité de l'énoncé, soit même parce qu'il est douteux qu'il en possède une bien déterminée, comme il arrive avec les « futurs contingents » (il y a aura demain une bataille navale) ou avec les phrases paradoxales (la présente phrase est fausse, qui est une phrase fausse si elle est vraie, et vraie si elle est fausse). Dans de telles logiques, certains principes classiques, comme le principe du tiers exclu A ou non-A ou le principe de non-contradiction Non(A et non-A), cessent d'être valides.

Jacques Dubucs

Notes bibliographiques

  • Lukasiewicz, J., « On Three-Valued Logic », in St. McCall (éd.), Polish Logic 1920-1939, Oxford University Press, 1967, pp. 16-18.

→ logiques non classiques




logiques non classiques

Logique

La prolifération de systèmes « non classiques » est l'un des phénomènes les plus spectaculaires de l'histoire récente de la logique. Traditionnellement confinée à l'étude formelle des mathématiques, l'analyse logique s'applique aujourd'hui à des domaines aussi divers que l'informatique, l'intelligence artificielle, la théorie du comportement économique ou la linguistique. Cette diversité conduit à étendre la logique classique ou à réviser certains de ses principes fondamentaux.

Les extensions de la logique classique sont des systèmes formels conçus pour élargir les capacités expressives de la logique traditionnelle en enrichissant son vocabulaire de base et en définissant des modes d'inférence spécifiques pour les énoncés rédigés dans ce lexique agrandi. Tous les théorèmes classiques y restent démontrables, et les seuls nouveaux théorèmes sont ceux qui s'énoncent à l'aide du vocabulaire étendu. Ces extensions sont elles-mêmes de deux sortes. Le cas le plus simple est celui où l'on élargit la quantification usuelle, dite du « premier ordre », qui porte exclusivement sur les individus, et où l'on autorise des quantificateurs portant sur des ensembles d'individus (logique du « second ordre »), ou même des ensembles d'ensembles d'individus, etc. (« théorie des types »). À vrai dire, la nécessité de cette extension procède déjà de la considération des mathématiques elles-mêmes, puisqu'une notion familière comme celle de « bon ordre » (un ensemble est bien ordonné si chacune de ses parties non vides possède un premier élément) ne peut visiblement pas être exprimée dans un langage du premier ordre. Au reste, Frege lui-même, lorsqu'il écrivait l'ouvrage(1) qui marqua le renouveau de la logique à la fin du xixe s., utilisait librement ce genre de quantification, et ce n'est que bien après lui que le calcul des prédicats du premier ordre en vint à être considéré comme l'expression même de « la » logique classique. Lorsque l'on entend la quantification d'ordre supérieur dans son sens dit standard, c'est-à-dire lorsque les variables de second ordre parcourent exactement les sous-ensembles du domaine d'individus, cette logique étendue ne possède pas les « bonnes » propriétés satisfaites par le fragment du premier ordre. En particulier, elle n'est pas complète : il ne peut exister de système formel dont les théorèmes recouvrent exactement l'ensemble des formules valides dans cette sémantique. En revanche, de telles « bonnes propriétés » sont retrouvées si l'on retient l'interprétation dite non standard de la quantification d'ordre supérieur, dans laquelle les variables de second ordre parcourent simplement des objets de catégorie différente de celle des individus du domaine. Moyennant cette dernière sémantique, la logique d'ordre supérieur peut être considérée comme un simple raffinement de la logique classique, consistant à prendre en considération plusieurs types d'objets et non un seul.

Assez différent est le cas des extensions obtenues en adjoignant au vocabulaire classique des opérateurs de modalité, comme la nécessité (□ A se lit « Il est nécessaire que A ») ou la possibilité (◊ A se lit « Il est possible que A »). À l'inverse des connecteurs classiques, qui sont vérifonctionnels (ainsi, la valeur de vérité de la négation ¬A est une fonction de la seule valeur de vérité de A), les opérateurs modaux permettent de former des expressions dont la valeur de vérité ne se déduit pas de celle de leurs composants. Aussi a-t-on dû créer, pour les logiques modales, une sémantique originale : les formules sont évaluées non pas « absolument », mais en chaque point (« monde possible ») d'un certain espace, la formule □ A étant alors réputée vraie dans un monde w donné lorsque A est vraie dans tous les mondes reliés à w de manière appropriée, et dans ce cas seulement. Cette sémantique, qui généralise l'idée leibnizienne selon laquelle une proposition est nécessaire lorsqu'elle vaut dans tous les mondes possibles, fournit un vaste domaine d'applications de la logique aux discours comportant des locutions comme croire que, savoir que, etc., donnant lieu selon les cas à diverses branches de la logique modale, comme la logique « épistémique » ou la logique « doxastique ».

À côté de ces deux variétés d'extensions de la logique classique, on trouve également des logiques « déviantes », supposer rivaliser avec elle ou s'y substituer. Le signe distinctif de ces systèmes est que certains théorèmes classiques, par exemple le principe du tiers exclu A v ¬A sont plus démontrables. On notera qu'ils n'en deviennent pas réfutables pour autant, le logicien « déviant » se contentant de s'abstenir d'asserter certains énoncés classiques, mais n'allant évidemment pas jusqu'à asserter leur négation. À cette catégorie appartiennent, par exemple, la logique intuitionniste, les logiques multivalentes et la plupart des « logiques du flou ».

Jacques Dubucs

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Frege, G., Begriffschrift (1879), trad. in F. Rivenc et P. de Rouilhan (éd.), Logique et fondements des mathématiques. Anthologie (1850-1914), Payot, Paris, 1992, pp. 93-129.
  • Voir aussi : Dubucs, J., « Logiques non classiques », in Dictionnaire des mathématiques, Encyclopaedia Universalis et Albin Michel, Paris, 1998, pp. 319-362.

→ intensionnelle (logique), intuitionnisme, logiques du flou




logique quantique

Logique

→ quantique (logique)




logique temporelle


Calque de l'anglais tense logic.

Linguistique, Logique

Système logique comprenant un langage formel susceptible d'exprimer des relations temporelles entre des événements, ainsi qu'une interprétation pour ce langage.

C'est à A. Prior qu'on doit le développement des logiques temporelles(1). Prior construit le langage formel d'une logique temporelle en ajoutant des opérateurs temporels, « P » et « F », au langage de la logique propositionnelle, mais on peut généraliser sa théorie en les ajoutant à un langage du premier ordre. Intuitivement, « P » est l'analogue formel du passé simple en français, et « F » celui du futur. Formellement, il s'agit d'opérateurs phrastiques, semblables à « nécessairement » ou à « possiblement » dans les logiques modales. On peut paraphraser « Pp » par « ce fut le cas que p », et « Fp » par « ce sera le cas que p ». Afin d'interpréter ces opérateurs, il faut disposer d'une structure temporelle, c'est-à-dire d'un ensemble d'entités nommées des instants, totalement ordonnés par une relation de précédence temporelle. Un modèle M pour le langage de la logique temporelle peut dès lors être conçu comme une paire composée d'une part d'une structure temporelle, et d'autre part d'une fonction d'interprétation au sens classique. Les conditions de vérité des formules complexes dans lesquelles figurent P ou F, relativement à un modèle M, ressemblent fort à celles des formules modales, la quantification sur les instants remplaçant dans le métalangage la quantification sur les mondes possibles : (1) Pɸ est vraie dans M au moment t si et seulement s'il existe t′ tel que t est antérieur à t′ et ɸ est vraie dans M à t′ ; (2) Fɸ est vraie dans M au moment t si et seulement s'il existe un instant t′ tel que t′ est antérieur à t et ɸ est vraie dans M à t′.

La logique temporelle a subi deux attaques, l'une philosophique(2), l'autre linguistique(3). Philosophiquement, la conséquence majeure de l'adoption de l'analyse priorienne des temps linguistiques réside dans la relativisation aux instants, ou points temporels, du prédicat « est vrai ». Cela conduit cependant à s'interroger sur l'objet auquel ce prédicat lui-même s'applique : peut-on dire de façon cohérente que des contenus propositionnels soient vrais non pas de façon absolue, mais relativement à des instants ? G. Evans répond par la négative à cette question. Les linguistes se sont interrogés sur la capacité d'un système tel que celui de Prior à refléter la nature anaphorique des temps linguistiques. Une succession de phrases au passé simple, dans un discours, exprime en général une succession d'événements ordonnés les uns relativement aux autres ; mais la logique de Prior apparaît de prime abord incapable d'exprimer cette cohésion temporelle du discours, puisqu'une quantification différente, et indépendante de toutes celles qui l'ont précédée, correspond dans le métalangage à chaque occurrence d'une phrase au passé simple.

Pascal Ludwig

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Prior, A., Past, Present and the Future, Clarendon Press, Oxford, 1967.
  • 2 ↑ Evans, G., « Does Tense Logic Rest upon a Mistake ? », in Collected Papers, Oxford University Press, 1985.
  • 3 ↑ Partee, B., « Nominal and Temporal Anaphora », Linguistics and Philosophy, 7, pp. 243-286, 1984.
  • Voir aussi : Kamp, H., et Reyle, U., From Discourse to Logic, Kluwer, Dordrecht, 1993.

→ anaphore, logique, logique modale, monde, temps




logique et mathématiques

Logique

La logique entretient avec les mathématiques un double rapport. D'inclusion tout d'abord, puisqu'elle constitue aujourd'hui une branche particulière des mathématiques, et qu'elle en partage la méthode démonstrative. D'application ensuite, puisque les questions relatives aux fondements des mathématiques ont été à l'origine de sa renaissance à la fin du xixe s., et qu'elles continuent à constituer une grande partie des problèmes dont elle traite.

Les divers systèmes qui formalisent les mathématiques sont eux-mêmes envisagés par la logique de deux points de vue distincts, qualifiés respectivement de sémantique et de syntaxique, selon que l'on prend ou non en considération le rapport entre les formules et les diverses interprétations dont elles sont susceptibles. Les notions centrales de la sémantique sont celles de satisfaction (dans une structure) et de validité ; celles de la syntaxe sont celles de démonstration et de déduction. La relation entre ces deux perspectives est précisée par les théorèmes de complétude ou d'incomplétude, qui déterminent si toutes les formules valides dans les structures d'un certain type sont ou non démontrables dans un système formel donné.

Historiquement, la sémantique (ou théorie des modèles) prend sa source dans les recherches menées au xixe s. sur les fondements de la géométrie, lorsque les mathématiciens avaient entrepris d'examiner systématiquement toutes les interprétations du vocabulaire primitif de la géométrie dans lesquelles les axiomes usuels étaient vrais (la découverte des géométries « non euclidiennes » consista justement à remarquer qu'il existait des interprétations de ce type dans lesquelles le cinquième postulat d'Euclide était faux, ce qui établit l'« indépendance » de ce postulat par rapport aux autres axiomes). Au cours du xxe s., d'autres secteurs des mathématiques ont fait l'objet d'investigations sémantiques approfondies ; ainsi, l'une des applications les plus fameuses de la théorie des modèles a consisté à montrer que l'axiome du choix et l'hypothèse du continu étaient à la fois consistants avec les autres axiomes de la théorie des ensembles et indépendants d'eux.

De son côté, la syntaxe (ou théorie de la démonstration, ou encore métamathématique) a été immédiatement utilisée par son fondateur, D. Hilbert(1), dans un vaste programme visant notamment à établir la consistance de l'arithmétique sans jamais recourir à la considération du sens des énoncés mathématiques. Bien que les résultats d'incomplétude de Gödel aient montré que ce programme ne pouvait être mené à bien sous sa forme originale, les recherches relatives à la structure logique des démonstrations mathématiques ont été activement poursuivies. En particulier, Gentzen(2) a montré les conditions dans lesquelles une preuve arithmétique pouvait être transformée en une preuve dite « directe » ou « sans coupure ». Dans la période récente, ces travaux ont été largement utilisés dans l'étude théorique des programmes informatiques, rejoignant ainsi un troisième secteur de la logique mathématique, à savoir la théorie générale de la calculabilité par algorithmes, inaugurée par Turing(3) dans les années 1930. À l'actif de cette dernière, il convient de mentionner certains résultats d'insolubilité relatifs des questions mathématiques fameuses ; ainsi, il a été établi en 1970 qu'il ne pouvait exister de méthode mécanique pour déterminer si une équation « diophantienne » possède ou non une solution en nombres entiers. Ce résultat, qui tranche par la négative une question posée par Hilbert soixante-dix ans plus tôt, illustre assez bien l'impact de la logique contemporaine sur les mathématiques.

Jacques Dubucs

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Hilbert, D., « Sur l'infini » (1925), in J. Largeault (éd.), Logique mathématique, textes, A. Colin, Paris, 1972, pp. 215-245.
  • 2 ↑ Gentzen, G., « La consistance de l'arithmétique élémentaire » (1935), in J. Largeault (éd.), Intuitionnisme et théorie de la démonstration, Vrin, Paris, 1992, pp. 286-357.
  • 3 ↑ Turing, A. M., « Sur les nombres calculables, avec une application à l'Entscheidungsproblem » (1936), in J.-Y. Girard (éd.), la Machine de Turing, Seuil, Paris, 1995.
  • Voir aussi : Kleene, S. C., Logique mathématique, A. Colin, Paris, 1971.

→ arithmétique, calculabilité, complétude, consistance, coupure, déduction, démonstration, Gödel (théorème de), interprétation, métamathématique, modèle, satisfaction