satisfaction
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Du latin satisfactio, dérivé de satisfacere, littéralement « faire assez », c'est-à-dire « s'acquitter » (au sens juridique) et « assouvir ».
Esthétique
État dans lequel on éprouve une forme de contentement, et spécialement en relation au plaisir espéré ou attendu devant une œuvre d'art.
On pourrait considérer que, conformément à l'étymologie, la satisfaction est « ce qui suffit » à garantir notre accès aux productions de l'art. Bien que parfois nécessaire, cette justification est loin de caractériser dans l'absolu notre façon d'envisager l'art. Il est certes possible d'isoler la satisfaction (das Wohlgefallen, ou enjoyment) qui, au niveau primaire, reste liée à la perception en acte : celle que nous inspire la beauté attractive par la capture rétinienne de certains effets de couleurs, celle de la musique « comme elle sonne », celle qui correspond au rétablissement d'un équilibre ou à certaines manifestations gracieuses ou décoratives, etc. Mais une telle attitude psychologique, qui se veut immédiate et ne présuppose pas un contenu conscient, implique aussi qu'un certain nombre de conduites aient été intégrées chez celui qui s'en réclame.
Adorno fait remonter à Kant l'origine du « tabou » portant sur le plaisir sensuel(1). Mais, pour lui, les autres formes sociales de gratification ou de bénéfice obtenu sont tout aussi privées de justification interne. L'art serait associé à la promesse d'un bonheur (de vivre ou de comprendre) que la nature des rapports sociaux a rendu impossible à satisfaire, depuis l'époque où l'art a conquis son autonomie. À l'opposé des versions sociologisantes, le relativisme subjectif – dans son sens fort – maintient que le seul processus d'attention est dispensateur de ce sentiment de convenance ou d'adéquation entre l'œuvre et son objet, comme entre son objet et son destinataire(2). On peut néanmoins rappeler que, pour Kant, il est impossible par définition que la satisfaction soit communicable(3) : elle repose sur un plaisir de jouissance, selon lui essentiellement passif, qui doit être invalidé au regard de celui que nous éprouvons sous certaines conditions de droit en tant qu'elles ressortissent à la finalité subjective du goût.
Jean-Maurice Monnoyer
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Adorno, T.W., Aesthetische Theorie, Suhrkamp, 1973, trad. M. Jimenez et E. Kaufholtz, Théorie esthétique, Klincksieck, Paris, 1989.
- 2 ↑ Genette, G., l'Œuvre de l'art, t. 1 et 2, Seuil, Paris, 1997.
- 3 ↑ Kant, I., Critique de la faculté de juger I, § 39, trad. J.-R. Ladmiral, M. B. de Launay, et J.-M. Vaysse, Gallimard, Paris, 1985.
Logique
Satisfaction d'une formule A par une suite 6 dans une structure S, concept central de la théorie des modèles, introduit par Tarski pour définir la notion de vérité relative aux formules d'un langage comportant des quantificateurs ; dans le cas, par exemple, où la formule A se réduit à ɸxy (ɸ étant un symbole de prédicat binaire, x et y étant deux variables libres), la suite σ satisfait A dans S lorsque la situation suivante est vérifiée : (1) la structure S permet d'interpréter A, et l'on a notamment défini la relation ɸS entre éléments du domaine D de S, qui va être l'interprétation de ɸ ; (2) la suite 6 est formée de deux éléments de D, pris dans cet ordre (par exemple σ = <o1,o2>, où o1 et o2 sont dans D) ; (3) <o1,o2> fait partie de ɸS ; ainsi, dans la structure géographique qui a pour domaine les villes du monde, la formule x est plus grand que y, prise dans son interprétation naturelle, est satisfaite par la suite <Paris, Bayonne>.
Dite parfois « objectuelle », la définition tarskienne de la vérité par la satisfaction permet de surmonter certaines difficultés inhérentes à la définition traditionnelle, dite « substitutionnelle » : cette dernière, qui caractérise, par exemple, la vérité de ∃xψx par la vérité d'au moins une « instance de substitution » ψa, où le nom « a » fait partie du langage pour lequel on cherche à définir une notion de vérité, se heurte notamment au problème des objets qui n'ont pas de nom dans le langage en question.
Jacques Dubucs
Notes bibliographiques
- Tarski, A., « Le concept de vérité dans les langages formalisés » (1935), in Logique, sémantique, métamathématique, A. Colin, Paris, 1972, vol. 1, pp. 157-269.