déduction

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin deductio, de deducere, « déduire ».


Déduire, dans la langue de Descartes, c'est simplement « trouver ». Il y a loin de cette déduction cartésienne à celle qui apparaît dans l'idéalisme le plus intransigeant. Déduction et induction sont les deux articulations majeures des théories de la connaissance. L'induction, lorsqu'elle se porte sur les objets physiques et se fait source des lois, est empirisme. La déduction, menée depuis les principes jusqu'aux effets les plus complexes, est idéalisme. C'est le sens logique de la déduction qui la transforme en un outil métaphysique dès qu'on l'applique aux objets du monde et non plus aux seules idéalités.

Philosophie Générale, Philosophie Cognitive

Opération rationnelle par laquelle on conclut une affirmation à partir de prémisses sans avoir recours à l'expérience et selon des procédures formellement arrêtées.

On trouve une formalisation claire de la notion de déduction dans les Eléments d'Euclide, mais elle s'inscrit plus précisément dans un cadre aristotélicien, tel qu'il se donne dans les Analytiques(1). Pour Aristote, le syllogisme constitue l'archétype de la déduction : il consiste à déduire une proposition à partir d'une proposition initiale, dite « majeure », et d'une proposition intermédiaire, dite « mineure ». Ainsi, à partir de la majeure « tous les hommes sont mortels », et de la mineure « Socrate est un homme », on peut conclure que « Socrate est mortel ». Simplement, il existe des syllogismes captieux, c'est-à-dire des déductions logiquement valides mais ontologiquement irrecevables ; par exemple, déduire de la majeure « ce qui est rare est cher », et de la mineure « un cheval boîteux est rare », qu'un « cheval boîteux est cher », c'est affirmer quelque chose que le bon sens récuse. Autrement dit, la cohérence formelle ici ne fait qu'accuser une césure entre ce qui est simplement logique et ce qui existe réellement.

C'est pourquoi Descartes rejette vigoureusement la syllogistique, en l'accusant de perdre de vue ce que nous donne l'intuition, le contenu qui ne requiert rien d'autre que l'attention de l'esprit et la lumière naturelle pour distinguer le vrai du faux. Ainsi, dans les Règles pour la direction de l'esprit(2), « Je trouve d'une médiocre utilité ces chaînes, par lesquelles les dialecticiens pensent gouverner la raison humaine ». Ce qui donne désormais à une déduction son caractère de vérité, et non plus seulement de validité, c'est qu'elle est susceptible d'être ramenée à une évidence simple. Contrairement à l'expérience sensible, source d'erreurs, la déduction ne peut d'elle-même générer des erreurs – si elle est fautive, c'est uniquement de notre fait et non de celui du raisonnement, alors que le fait même de l'expérience peut produire une erreur.

On voit par là que la perfection de la déduction vient de ce qu'elle est reconductible à une série d'intuitions, toujours marquées du sceau irréfutable de l'évidence.

Clara da Silva-Charrak

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Aristote, Analytiques, I, trad. J. Tricot, Vrin, Paris, 1992.
  • 2 ↑ Descartes, R., Règles pour la direction de l'esprit, Œuvres philosophiques, Garnier, Paris, 1988, tome I, p. 83-84.
  • Voir aussi : Blanché, R., L'Axiomatique, PUF, Paris, 1959.
  • Deleuze, G., La Philosophie critique de Kant, PUF, Paris, 1963.
  • Kant, E., Critique de la raison pure, trad. Tremesaygues et Pacaud, PUF, Paris, 1944.
  • Marion, J.-L., L'Ontologie grise, Vrin, Paris, 1981.

→ évidence, intuition, logique, raisonnement, vérité

Logique, Philosophie Cognitive

1. Au sens informel, argument ou raisonnement par lequel on tire une conclusion de certaines hypothèses ; la déduction est dite correcte si la vérité des hypothèses entraîne celle de la conclusion. – 2. Dans un système formel, suite finie de formules dont la dernière est la conclusion, et dont chacune, est soit un axiome du système, soit l'une des hypothèses de la déduction, ou bien provient de formules qui la précèdent dans la suite par application de l'une des règles d'inférence du système ; on parle aussi, en ce sens, de dérivation (formelle), en tant qu'objet syntaxique éventuellement capable de représenter une déduction au sens informel.

Dans les années 1930, Gentzen(1) a contesté la possibilité de représenter adéquatement les arguments déductifs par une suite linéaire d'énoncés, et il a proposé de remplacer les systèmes formels de type hilbertien par une nouvelle présentation de la logique, le « calcul de déduction naturelle » (Kalkül des natürlichen Schliessens). Dans ce calcul, qui ne comporte aucun axiome, une hypothèse peut être introduite à tout endroit d'une preuve, quitte à être éventuellement « déchargée » plus loin moyennant l'introduction d'un symbole d'implication. Ce format, dont les propriétés ont été systématiquement étudiées par Prawitz(2) dans les années 1960, reflète assez fidèlement le raisonnement « naturel », dans lequel les lois logiques interviennent moins comme des principes initiaux desquels on tire des conclusions que comme des règles d'inférence en vertu desquelles certaines conclusions peuvent être obtenues à partir des hypothèses que l'on admet.

Jacques Dubucs

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Gentzen, G., Recherches sur la déduction logique, trad. J. Ladrière, PUF, Paris, 1955.
  • 2 ↑ Prawitz, D., Natural Deduction. A Proof-Theoretical Study, Stockholm, Göteborg et Uppsala, Almqvist & Wiksell, 1965.

→ implication, raisonnement