Tchécoslovaquie
en tchèque Československo
Ancien État de l'Europe centrale (1918-1992), formé de l'union de la Bohême, de la Moravie (qui constituaient la République tchèque) et de la Slovaquie ; 127 889 km2 ; capitale : Prague. La Tchécoslovaquie a été scindée le 1er janvier 1993 en deux États indépendants, la République tchèque et la Slovaquie.
Résumé
1918-1938 : la république de Tchécoslovaquie
La défaite de l’Autriche-Hongrie et son éclatement après la Première Guerre mondiale conduisent à l’union des Tchèques et des Slovaques et à la naissance de la Tchécoslovaquie. L'Ukraine subcarpatique lui est rattachée ; les traités de Saint-Germain et de Trianon fixent les frontières de l'État tchécoslovaque, qui est présidé, de 1918 à 1935, par Tomás Garrigue Masaryk, puis à partir de 1938, par Edvard Beneš.
1938-1945 : la république démembrée
Après avoir été sacrifiée lors des accords de Munich, la république est l’une des premières victimes de la politique d'annexions et d'agressions de l'Allemagne nazie qui occupe la Bohême-Moravie et y instaure son protectorat ; la Slovaquie forme un État séparé. Beneš constitue à Londres un gouvernement en exil (1940). Libérée par l'armée soviétique, la Tchécoslovaquie est restaurée dans ses frontières de 1919, à l'exception de la Ruthénie subcarpatique, cédée à l'URSS (juin 1945).
1946-1948 : vers le coup d'État communiste
Le communiste Klement Gottwald, devenu président du Conseil, rejette, en 1947, le plan Marshall, et exécute le coup d'État (« coup de Prague ») qui assure au parti communiste le pouvoir absolu sur la Tchécoslovaquie (février 1948).
1948-1968 : la démocratie populaire et la république socialiste
Gottwald préside à l'alignement sur l'Union soviétique : premier plan quinquennal (1952-1954) et procès de Prague (ou Slánský). Sous la direction d'Antonín Novotný, la Tchécoslovaquie devient une république socialiste. La fronde des intellectuels et le mécontentement slovaque se développent à partir de 1962-1963. Lors du « printemps de Prague » (1968), le parti communiste, dirigé par Alexander Dubček, tente de s'orienter vers un « socialisme à visage humain ». L'intervention soviétique, en août, met un terme au cours novateur.
1969-1989 : de la « normalisation » à la « révolution de velours »
La Tchécoslovaquie devient un État fédéral formé des Républiques tchèque et slovaque. Gustav Husák met en œuvre la « normalisation ». D'importantes manifestations entraînent sa démission, l'abolition du rôle dirigeant du parti et la formation d'un gouvernement d'entente nationale, où les communistes sont minoritaires. Le dissident Václav Havel est élu à la présidence de la République. Cette transition pacifique est désignée sous le nom de « révolution de velours ».
1990-1993 : vers la scission
Devenu la République fédérative tchèque et slovaque, le pays voit ses premières élections libres remportées par les mouvements démocratiques. Entamé en 1992, le processus de partition de la Tchécoslovaquie aboutit à sa scission en deux États indépendants, la Slovaquie et la République tchèque (1er janvier 1993)
1. L'union des Tchèques et des Slovaques
L'idée de réunir en un État les peuples tchèque et slovaque, séparés depuis le xe siècle, a fait son apparition au moment des révolutions de 1848. À la fin du xixe siècle, Tomáš Garrigue Masaryk reprend cette idée. Mais il faut attendre le bouleversement de la Première Guerre mondiale et le processus de désintégration de l'Empire austro-hongrois, pour que Tchèques et Slovaques envisagent de s'unir en dehors du cadre de la monarchie des Habsbourg.
Après son départ de Bohême, en 1914, Tomáš G. Masaryk organise à Londres, puis à Paris, un Conseil national des pays tchèques (1916) qui prépare l'intervention d'une armée nationale aux côtés des Alliés (1917). Il constitue un gouvernement provisoire le 14 octobre 1918. Son action est soutenue en Bohême par le Comité national de Prague (formé en juillet 1918), qui prend le pouvoir le 28 octobre 1918, lors de l'effondrement du gouvernement impérial de Vienne.
La République tchécoslovaque, proclamée à Prague aussitôt après, est reconnue le 30 octobre 1918 par le Conseil national slovaque. En novembre se réunit à Prague une assemblée de 201 Tchèques et 69 Slovaques ; les Allemands de Bohême et les Hongrois de Slovaquie, qui refusent de reconnaître le nouvel État, n'y sont pas représentés. Tomáš G. Masaryk est alors nommé président de la République par les députés présents à l'assemblée.
2. La Ire République : la démocratie parlementaire (1918-1938)
2.1. Instauration d'un régime parlementaire et centralisé
Héritier du royaume de Bohême, le nouvel État réprime les tentations sécessionnistes des Allemands (décembre 1918 à mars 1919) et se saisit de la Silésie de Těšín (→ Cieszyn), à majorité polonaise (janvier 1919) ; en juillet 1920, la conférence de Spa confirme cette annexion. L'Assemblée nationale constituante établit, en février 1920, une Constitution d'inspiration française et américaine (avec un régime parlementaire et centralisé ainsi qu'une forte autorité du président de la République). À cette occasion, Tomáš G. Masaryk est élu à la tête de l'État jusqu'en 1935, faisant de la présidence de la République le centre réel du pouvoir.
2.3. La question des minorités et le centralisme tchèque
Avantagée par les traités de Versailles (1919), de Saint-Germain (1919) et de Trianon (1920), qui établissent ses frontières avec l'Allemagne, l'Autriche et la Hongrie, la Tchécoslovaquie est confrontée à un important problème de minorités (3 200 000 Allemands, 700 000 Hongrois et 500 000 Ruthènes), qui constituent 32 % de la population. Au lieu de mener une politique d'égalité des droits, elle se contente d'autoriser celles des minorités, qui représentent 20 % de la population, dans l'un des 21 districts, à user de leur langue devant les tribunaux et les administrations. Les Slovaques, pauvres et d'obédience catholique, restent méfiants à l'égard des Tchèques, souvent protestants et plus riches. De plus, l'abbé Andrej Hlinka, chef de file des autonomistes slovaques et leader du parti national slovaque, ne cesse de mener des campagnes contre le centralisme tchèque.
Cependant, à l'extérieur, l'État tchécoslovaque, qui a hérité de la majeure partie des industries des domaines des Habsbourg, est perçu comme un pays riche et démocratique. Cette perception vient, entre autres, de la puissance du parti social-démocrate, lequel, appuyé sur une classe ouvrière nombreuse et encadrée par des syndicats puissants, regroupe 2,3 millions d'adhérents et détient le pouvoir entre 1919 et 1920. Le parti communiste tchécoslovaque naît en mai 1921 de la scission de l'aile gauche du parti social-démocrate.
2.4. La politique étrangère d'Edvard Beneš
L'agitation sociale et les grèves marquent les années 1920. La crise de 1929 provoque de violents affrontements. Pourtant, les bons résultats économiques du pays, fondés sur les exportations de produits de qualité, permettent au gouvernement de mener une certaine politique sociale.
Ministre des Affaires étrangères de 1918 à 1935, Edvard Beneš cherche à prémunir la Tchécoslovaquie d'un relèvement des vaincus de la Première Guerre mondiale. C'est pourquoi il inaugure ce qui va devenir la Petite-Entente par un pacte conclu avec la Yougoslavie contre l'irrédentisme hongrois (août 1920), tout en s'assurant de la protection des puissances occidentales (accords de Locarno en 1925). Mais, s'avérant insuffisante, cette Petite-Entente est suivie d'un autre pacte, conclu cette fois avec l'URSS, en mai 1935.
2.5. La question des Sudètes et les accords de Munich
Le danger d'un réveil du nationalisme des Allemands de Tchécoslovaquie est pressenti dès l'arrivée de Hitler au pouvoir en Allemagne en 1933. En effet, le pouvoir nazi réveille les velléités sécessionnistes des Allemands de Bohême. Subventionné par Berlin, Konrad Henlein, qui dirige le parti allemand des Sudètes, réclame l'autonomie pour sa nationalité. Après l'Anschluss (annexion de l'Autriche) en mars 1938, le Reich intensifie son soutien aux Allemands des Sudètes. Edvard Beneš, qui a succédé à Tomáš G. Masaryk en 1935, doit donc faire face aux revendications accrues de Konrad Henlein et aux menaces d'Adolf Hitler.
Après la rencontre du Premier ministre britannique, Neville Chamberlain, avec Hitler, les autorités de Londres et de Paris choisissent d'éviter le conflit avec l'Allemagne et obligent le gouvernement de Prague à accepter que les districts à majorité allemande soient transférés au Reich (→ accords de Munich, septembre 1938). Hitler exige que les cessions soient effectives avant le 1er octobre 1938. Le gouvernement tchécoslovaque décrète la mobilisation générale et rejette l'ultimatum allemand. La France et la Grande-Bretagne ayant renoncé à intervenir, la Wehrmacht occupe la région tchécoslovaque des Sudètes (1er-10 octobre 1938).
Pour en savoir plus, voir l'article Sudètes.
3. Le morcellement et l'occupation étrangère (1938-1945)
3.1. Le démembrement du pays
L'occupation allemande des Sudètes est suivie de celle de Těšín et de Bohumín par la Pologne (1er octobre 1938), l'arbitrage Ribbentrop-Ciano attribuant à la Hongrie le sud de la Slovaquie (2 novembre 1938). Hitler achève de morceler le pays en accordant une autonomie à la Ruthénie et en formant un gouvernement autonome slovaque, dirigé par Monseigneur Jozef Tiso à Bratislava (octobre 1938), qui proclame l'indépendance de la Slovaquie le 14 mars 1939.
À Prague, Edvard Beneš, qui a démissionné le 5 octobre 1938, est remplacé par Emil Hácha (30 novembre 1938). Hitler, qui accuse les Tchèques « incorrigibles » de molester les Allemands restés en Bohême, convoque à Berlin le président Emil Hácha (14 mars 1939) ; sous la menace, celui-ci signe un document qui remet le destin du peuple tchèque entre les mains du Führer ; le pays est occupé par la Wehrmacht dans la nuit du 14 au 15 mars 1939 et transformé en protectorat de Bohême-Moravie, avec Emil Hácha à la présidence. Les troupes hongroises entrent, quant à elles, en Ruthénie, celle-ci s'étant proclamée indépendante le 15 mars 1939.
3.2. La résistance des Tchèques face à la tyrannie hitlérienne
Tandis que la Slovaquie forme un État satellite du Reich, les Tchèques subissent la tyrannie nazie. La résistance intérieure, qui s'affirme dès novembre 1939 par des manifestations d'étudiants, est durement réprimée : 25 000 exécutions, 200 000 déportations de 1939 à 1945. Les Juifs tchèques sont exterminés et de nombreux massacres sont commis – ainsi celui de Lidice, en représailles à l'assassinat du Reichsprotektor, Reinhard Heydrich, en mai 1942.
Edvard Beneš, qui s'est exilé, a organisé un Comité national tchécoslovaque. Passé à Londres en juin 1940, le Comité se transforme en gouvernement provisoire, reconnu par la Grande-Bretagne en juillet 1940. C'est cependant l'Union soviétique qui, la première, reconnaît à la Tchécoslovaquie ses frontières de 1919, Moscou hébergeant par ailleurs de nombreux communistes tchécoslovaques et soutenant la résistance locale.
4. La IIe République (1945-1948)
4.1. Le gouvernement de coalition et le programme de Košice
La Tchécoslovaquie reconstituée en 1945 est le résultat d'un compromis entre le président Edvard Beneš et l'URSS de Joseph Staline, dont l'Armée rouge, entrée en Slovaquie en octobre 1944, est toujours présente sur le territoire. Le Conseil national slovaque, fondé en 1943, avait au préalable enclenché une insurrection populaire où s'étaient illustrés des dirigeants communistes tels que Gustáv Husák.
Le 4 avril 1945, un gouvernement de coalition, installé à Košice et composé des partis qui n'ont pas collaboré avec les nazis, est mis en place. Les communistes, avec Klement Gottwald, vice-président du Conseil, y détiennent des ministères-clés. La Tchécoslovaquie est restaurée dans ses frontières de 1919, à l'exception de la Ruthénie subcarpatique, cédée à l'URSS (juin 1945). Le nouveau gouvernement expulse les Allemands (2,4 millions) qui n'ont pas soutenu la Résistance et conclut avec les autorités de Budapest un accord d'échange de population, qui prévoit le départ de 500 000 Hongrois.
4.2. Égalité entre Tchèques et Slovaques
L'égalité entre les peuples tchèque et slovaque est proclamée, la Slovaquie recevant cependant des institutions autonomes, afin d'étouffer toute résurgence nationaliste. Les communistes estiment que le problème du nationalisme slovaque résulte d'une inégalité de développement économique, qui peut être compensée par une industrialisation rapide. On retrouve cette conception dans le programme économique biennal pour 1947-1948 adopté, après les élections de mai 1946, par le nouveau gouvernement de coalition de Klement Gottwald.
4.3. Nationalisation
La réforme agraire s'effectue en juin 1945 d'autant plus facilement que les riches propriétaires allemands et hongrois ont été expulsés. Ainsi, 1 700 000 hectares sont distribués aux paysans démunis. Par ailleurs, les banques, les mines et les entreprises de plus de 500 personnes sont nationalisées en octobre 1945. Une nouvelle vague de nationalisation des entreprises de plus de 50 employés a lieu en avril 1948. Outre ces nationalisations, la période de 1945 à 1948 est caractérisée par de nombreux conflits au sein de la classe politique.
5. La démocratie populaire et la République socialiste (1948-1967)
5.1. Le « coup de Prague » (février 1948)
Le parti communiste tchèque (PCT), qui compte 1 300 000 adhérents et qui dispose de postes clés dans l'appareil d'État, met finalement un terme à l'expérience démocratique en s'emparant du pouvoir, en février 1948. Après ce qu'on a appelé le « coup de Prague », le parti social-démocrate se fond avec le PCT en avril 1948 et la coalition gouvernementale est progressivement épurée. La Constitution du 9 mai 1948 fait de la Tchécoslovaquie une démocratie populaire.
5.2. Développement économique et procès staliniens
Le premier plan quinquennal 1949-1953 reprend l'idée d'un développement de l'industrie lourde en Slovaquie. Il est suivi d'un autre plan, entre 1956 et 1960, qui maintient cette priorité et poursuit la collectivisation de l'agriculture.
S'alignant en cela aussi sur Moscou, la période des années 1950 est en outre marquée par une politique anticléricale agressive. Pour obtenir le serment d'allégence des ecclésiastiques, les autorités internent l'archevêque de Prague Monseigneur Beran (juin 1949-1963) et font condamner des évêques. Les écoles confessionnelles sont sécularisées (1948), un grand nombre de monastères fermés (1950).
La période 1950-1954 est marquée par les grands procès staliniens, montés avec l'aide de conseillers soviétiques (condamnation et exécution de Vladimir Clementis et du secrétaire général du PCT, Rudolf Slánský en 1952). L'un des survivants du procès Slánský, Artur London, décrira les mécanismes de fabrication des aveux arrachés sous la torture dans L'Aveu (1968), ouvrage d'après lequel Costa-Gavras réalisera le fim du même nom sur un scénario de Jorge Semprun.
5.3. La République socialiste
La présidence de la République passe de Gottwald (mort en mars 1953) à Antonín Zápotocký (mort 1957), puis à Antonín Novotný, qui reste secrétaire général du PCT. La présidence du Conseil va à Viliam Široký (mars 1953), éliminé en 1963 pour stalinisme et remplacé par Lenárt. La Tchécoslovaquie prend la qualité de « république socialiste » (Constitution du 11 juillet 1960).
À partir de 1962, la censure devient moins stricte, malgré des périodes de réaction en 1964 et en 1967. On assiste à de nombreuses mais distrètes réhabilitations de personnalités condamnées pendant la prériode des grands procès. Le cinéma (Miloš Forman,Věra Chytilová, etc.), la littérature (Milan Kundera, Josef Škvorecký, etc.) connaissent un renouveau complet tandis qu'augmente le rôle des intellectuels. L'effondrement du revenu national de 1961 à 1964 oblige le parti à adopter une réforme économique, préparée par Ota Šik. Celle-ci est définitivement mise en application à partir du 1er janvier 1967. Une coalition d'opposants se forme contre Antonín Novotný : nationalistes slovaques, Tchèques partisans de réformes libérales, centristes indécis. Le 5 janvier 1968, le Comité central remplace Novotný par Alexander Dubček au poste de premier secrétaire. En mars 1968, Novotný est obligé de démissionner de la présidence de la République. Il est remplacé par le général Ludvík Svoboda. En avril, Oldřich Cerník dirige un gouvernement rénové.
6. L'évolution démocratique
6.1. Le printemps de Prague (janvier-août 1968)
Les nouveaux dirigeants politiques, qui veulent créer un « socialisme à visage humain » mettent en application le « programme d'action », défini le 11 avril 1968 ; le Parlement approuve, ainsi, en juin, la levée de la censure ; de même, Ota Šik propose la réalisation d'importantes réformes économiques et sociales ; sur le plan extérieur, la Tchécoslovaquie engage des négociations économiques avec la République fédérale d'Allemagne. Toutefois, Alexander Dubček critique les propositions des progressistes radicaux et accepte que les manœuvres des forces du pacte de Varsovie se déroulent sur le sol tchécoslovaque.
Le 4 juillet 1968, Leonid Brejnev se déclare prêt à intervenir militairement si le socialisme était menacé dans un pays frère. Quelques jours plus tard, l'URSS, la Pologne, la Hongrie, l'Allemagne de l'Est et la Bulgarie adressent une mise en garde au gouvernement de Prague. Les armées soviétique, polonaise, est-allemande et bulgare pénètrent en Tchécoslovaquie dans la nuit du 20 au 21 août 1968 ; en quelques heures, elles occupent toutes le villes. Les principaux dirigeants tchécoslovaques, sauf le général Svoboda, chef de l'État sont arrêtés et emmenés en détention en Union soviétique. L'intervention militaire suscite une vague d'émotion dans les pays occidentaux. Elle est aussi condamnée par la Chine, la Roumanie et la Yougoslavie, ainsi que par les partis communistes français et italien.
Les actes de résistance se multiplient ; des incidents violents éclatent entre certains soldats soviétiques et Tchécoslovaques. Les Soviétiques ne parviennent pas à former un nouveau gouvernement : le 22 août, le PCT réunit clandestinement dans une usine de Prague, son XIVe Congrès, prévu pour le 9 septembre ; les 22 et 23 août, toute activité est suspendue pendant une heure, dans le pays. Svoboda, accompagné de membres du parti, dont Gustav Husák, rencontre, le 23 août, à Moscou, les autorités soviétiques ; sur sa demande, Dubček et les autres dirigeants tchécoslovaques participent aux négociations et à la conclusion d'un accord qui met fin à la politique inaugurée en janvier.
Pour en savoir plus, voir l'article printemps de Prague.
6.2. La politique de « normalisation »
La politique menée par Gustav Husák, est celle d'une normalisation appuyée par les Soviétiques. La loi sur la fédéralisation de la Tchécolovaquie, adoptée le 28 octobre 1968, contribuera à la promotion économique et sociale des Slovaques. Dans un premier temps, elle oblige à un remaniement du gouvernement et des assemblées fédérales qui permet d'écarter les partisans du printemps. Husák cherche d'abord à reprendre le contrôle du parti. Il est élu premier secrétaire du PCT en remplacement d'Alexander Dubček en avril 1969. Lubomir Strougal devient Premier ministre en janvier 1970. À partir de mai 1970, des commissions d'épuration éliminent les opposants, 20 % des effectifs. C'est seulement du 25 au 29 mai que 1971, que Husák peut réunit un congrès du parti qui s'intitule le XIVe Congrès (celui d'août 1968 ayant été annulé). L'épuration touche l'ensemble de la société. Husák renforce son pouvoir. Le 27 mai 1975, il fait mettre à l'écart par le Comité central du parti le président de la République Svoboda, pour raison de santé, et il se fait élire à sa place. Les réformes économiques de 1965 sont annnulées. Le but n'est plus de moderniser l'économie, mais avant tout de satisfaire les demandes de l'Union soviétique en lui fournissant des machines et du matériel pour l'industrie nucléaire. Le traité soviéto-tchécoslovaque du 6 mai 1970 est le premier à faire entrer dans un accord entre États le droit d'intervention au nom de la défense du socialisme.
6.3. La Charte 77
Malgré la répression contre les opposants, un groupe d'intellectuels, dont le philosophe Jan Patočka, l'ancien ministre des Affaires étrangères de 1968, Jiří Hájek, et l'écrivain Václav Havel, mais également un grand nombre d'ouvriers, publie en 1977 un manifeste baptisé la Charte 77, qui réunit un millier de signataires. Tous demandent le respect des libertés élémentaires – liberté de la pratique religieuse, liberté de conscience, garantie contre les arrestations arbitraires –, c'est-à-dire l'application par l'État tchécoslovaque et sa justice des principes qu'il a théoriquement reconnus en signant les accords d'Helsinki (1975). La répression est brutale : ainsi Jan Patočka meurt après un interrogatoire en mars 1977 ; Václav Havel est condamné à quatre ans et demi de prison en 1979.
Dans la partie tchèque du pays, on a tendance à identifier la dictature du PCT à des mesures de favoritisme pour les Slovaques. Cependant, si la nomination de Slovaques à des postes importants de l'État et du parti est une réalité du régime de G. Husák, il n'en reste pas moins que la répression contre les intellectuels est avant tout le résultat d'une incapacité du système communiste à envisager sa propre réforme. Cette rigidité est d'autant plus forte dans le cas tchécoslovaque, que l'intervention militaire des pays du pacte de Varsovie a laissé des traces durables dans les consciences.
6.4. L'évolution démocratique en Europe orientale
Pendant les années 1980, l'idée d'une réforme du système communiste revient en force avec Mikhaïl Gorbatchev, au pouvoir en URSS, et qui lance le concept de perestroïka, devenu, malgré son manque de contenu, un mot à la mode. Repris par des communistes réformateurs dans l'ensemble des pays du bloc socialiste, ce mot devient le symbole du changement. Changement économique tout d'abord, puisque une crise profonde, faite de pénurie et d'inflation, frappe les sociétés d'Europe de l'Est. Mais changement stratégique aussi puisque l'idée d'un rapprochement avec l'Union européenne est évoquée par des chefs d'États occidentaux (→ François Mitterrand, Helmut Kohl).
Mikhaïl Gorbatchev parle lui-même de la mise en place d'un « toit commun » entre l'Europe de l'Ouest et l'Europe de l'Est. Profitant de ce contexte international plus favorable, en Tchécoslovaquie, les dissidents reprennent la parole pour changer la politique. Ils y arrivent d'autant plus facilement qu'ils n'ont jamais cessé leurs actions, même au plus fort de la répression. Ils bénéficient en outre du soutien moral de la population.
7. La « révolution de velours »
Les manifestations à l'occasion des commémorations des dates clés de l'histoire nationale prennent une ampleur inhabituelle à partir de 1988. En novembre 1989, les manifestations organisées pour commémorer la mort de l'étudiant Jan Palach (qui s'était immolé par le feu en janvier 1969 pour protester contre l'intervention soviétique), sont violemment réprimées. Douze mouvements indépendants constituent, à l'initiative du dissident Václav Havel, un Forum civique qui demande et obtient l'ouverture de négociations.
La direction du PCT démissionne en bloc le 24 novembre. Puis le rôle dirigeant du parti est aboli par l'Assemblée fédérale. Enfin, en décembre, le communiste Marian Čalfa devient Premier ministre et forme un gouvernement d'entente nationale, à majorité non communiste, ce qui provoque la démission du président Husák. Les 28 et 29 décembre, Alexander Dubček et Václav Havel sont élus respectivement président de l'Assemblée fédérale et président de la République.
En avril 1990, le pays prend officiellement le nom de République fédérative tchèque et slovaque. En juin, les premières élections libres depuis 1946 sont remportées par le Forum civique et son homologue slovaque – « Public contre la violence » – qui obtiennent 46,6 % des votes, tandis qu'une dizaine de petits partis se partagent le reste des suffrages. Rapidement, se pose la question de l'ampleur et de la nature des réformes à entreprendre. L'attrait pour le modèle occidental anglo-saxon domine. Ainsi, un groupe d'experts, ayant travaillé à l'Institut de recherches prospectives et convaincus des vertus de l'ultra-libéralisme, proposent des transformations en profondeur. Parmi eux, Václav Klaus, nommé ministre des Finances, préconise une « thérapie de choc » : convertibilité de la monnaie, libéralisation des prix, ouverture au commerce mondial, privatisations, etc.).
À l'opposé, redoutant que ces changements brusques provoquent la baisse de production et une montée du chômage, les tenants du gradualisme pensent nécessaire d'étaler les réformes économiques dans le temps en prenant en considération la dimension sociale. En accord avec le Fonds monétaire international (FMI), un programme de stabilisation macroéconomique est mis en place.
8. Vers la scission
Parallèlement, un processus de « décommunisation », qui vise les anciens collaborateurs de la police politique, est engagé. La démocratisation en cours fait paradoxalement renaître le débat sur les différences de développement au sein du pays. Les Slovaques estiment que les Tchèques concentrent trop de pouvoir économique. D'abord minoritaires, les tendances nationalistes prennent le dessus et les relations entre les deux nations deviennent le thème principal de la vie politique, entre 1990 et 1991. Les élections de juin 1992 renforcent les partisans de la séparation. Václav Klaus, partisan du fédéralisme et du libéralisme économique l'emporte en République tchèque, tandis que Vladimír Mečiar, un nationaliste, arrive en tête du scrutin en Slovaquie.
Constatant l'impossibilité de parvenir à un accord sur les futures structures de l'État fédéral, les Premiers ministres des républiques tchèque et slovaque conviennent d'engager un processus devant mener à la partition du pays. Le président Václav Havel, refusant de cautionner l'éclatement de la fédération, démissionne le 20 juillet 1992. Après plusieurs votes de résistance, l'Assemblée fédérale adopte, en novembre 1992, la loi proclamant l'extinction de la République fédérative tchèque et slovaque. La scission de la Tchécoslovaquie en deux États indépendants, la République tchèque et la Slovaquie, prend effet le 1er janvier 1993.
Pour en savoir plus, voir les articles République tchèque : vie politique depuis 1993, Slovaquie : histoire.