Ve République

Charles de Gaulle
Charles de Gaulle

Régime de la France fondé par la Constitution du 4 octobre 1958.

La Ve République est, comme les régimes républicains qui l'ont précédée, issue d'une crise : celle de la guerre d'Algérie, qui ramène au pouvoir le général de Gaulle en mai 1958 et provoque la fin de la IVe République.

Portée par les espoirs de la Libération, la IVe République est un régime très parlementaire que fragilisent les querelles de partis, de courants et de personnes. La grande instabilité ministérielle qui en découle empêche toute politique d’envergure tandis que la France doit évoluer dans un contexte marqué par la guerre froide et les guerres coloniales.

Les institutions de la Ve République, inspirées notamment des idées du général de Gaulle, mettent en place un régime semi-présidentiel. La Constitution de 1958 juxtapose effectivement un régime de type présidentiel – le président de la République, chef de l'État, dispose de nombreuses prérogatives, dont le droit de dissoudre l'Assemblée nationale – et un régime de type parlementaire, caractérisé par le renforcement du pouvoir que détient le Premier ministre, chef du gouvernement.

La Constitution de la Ve République a fait la preuve de sa flexibilité en permettant, à plusieurs reprises, l'alternance politique aux plus hautes responsabilités de l'État, ainsi que la « cohabitation » d'un président de la République et d'un Premier ministre de bords politiques opposés. Elle se caractérise par la stabilité de la vie politique, favorisée par la réorganisation de l’échiquier politique autour de deux grands partis.

1. La République gaullienne (1958-1969)

1.1. Deux moments forts

La vie politique des années 1960 est marquée par l'élection présidentielle de 1965 et la crise de mai 1968.

Après avoir fait campagne sur le thème « moi ou le chaos », le général de Gaulle n'est élu qu'au second tour de scrutin. L'élection de 1965 révèle les rapports de force, tendant à la bipolarisation du paysage politique français, en même temps que la montée du mécontentement.

Les événements de mai 1968, qui ont leur source dans une révolte étudiante, reflètent un malaise politique et social. Les revendications des jeunes traduisent la contestation de l'ordre établi, allant jusqu'au refus de l'autorité, la dénonciation de la société de consommation et, plus globalement, un conflit de générations (→ événements de mai 1968). Malgré la victoire écrasante de sa majorité aux élections législatives de juin 1968, le fondateur de la Ve République ne se remettra pas du soulèvement de mai. Le 27 avril 1969, constatant l'échec de son référendum sur la régionalisation et la réforme du Sénat, le général de Gaulle démissionne.

1.2. La politique étrangère

De 1962 à 1969, deux traits dominent la politique étrangère gaulienne : l'obsession du rang de la France dans le monde et l'affirmation de l'indépendance nationale, en particulier à l'égard des État-Unis. Le retrait des forces françaises du commandement intégré de l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique Nord), en 1966, de même que l'instauration d'un dialogue avec l'URSS et la reconnaissance de la République populaire de Chine procèdent de cette politique.

En matière européenne, de Gaulle plaide pour une Europe des patries, organisée autour de l'axe franco-allemand.

Le contexte économique est encore favorable : la présidence du général de Gaulle, puis celle de Georges Pompidou sont marquées par le taux de croissance qui caractérise ces années qu'on appelle les Trente Glorieuses (1949-1975).

Pour en savoir plus, voir les articles Charles de Gaulle, gaullisme.

2. Georges Pompidou (1969-1974) et Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981)

La sensibilité de Georges Pompidou, ancien Premier ministre de de Gaulle, diffère notablement de celle du général. Le nouveau président, élu en juin 1969, s'efforce d'être populaire, tout en mettant l'accent sur la modernisation du pays et le développement économique. Avec lui, le gaullisme s'institutionnalise, les objectifs demeurant l'indépendance et la grandeur nationales, ainsi que l'autorité de l'État. La maladie emporte le président Pompidou le 2 avril 1974.

Valéry Giscard d'Estaing, représentant de la pensée libérale, lui succède, alors que le premier choc pétrolier (1973) et la détérioration de la situation économique modifient les conditions d'exercice du pouvoir. Les premières réformes vont dans le sens de l'adaptation de la législation à l'évolution des mœurs : l'âge de la majorité est abaissé à 18 ans, l'interruption volontaire de grossesse (IVG) est légalisée. Les liens entre le pouvoir et les médias se détendent progressivement.

Le président veut donner de la France une image moins arrogante, en particulier en matière de construction européenne, et exprime des vues communes avec le chancelier social-démocrate de la République fédérale d'Allemagne, Helmut Schmidt. La fin du septennat est rendue difficile par les « affaires » qui se succèdent et par la fronde des gaullistes.

Pour en savoir plus, voir les articles Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing.

3. Le double septennat de François Mitterrand (1981-1995)

Le 10 mai 1981, François Mitterrand, rénovateur du parti socialiste (PS) en 1971, est élu à la présidence de la République avec une partie des voix gaullistes. Les élections législatives qu'il provoque, en juin, consacrent la victoire des partis de gauche, favorisée par l’usure de la droite et par le déclin du parti communiste (PCF), sur fond d’aggravation de la situation économique.

Pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, la gauche est au pouvoir. Il s'ensuit une vague de réformes qui visent à transformer la société – abolition de la peine de mort, légalisation des radios privées, dépénalisation de l'homosexualité – et à faire progresser les acquis sociaux – semaine de 39 heures, cinquième semaine de congés payés, retraite à 60 ans, régularisation de la situation de certains immigrés clandestins, hausse du SMIC et des allocations familiales.

Mais le contexte économique continue de s'alourdir. Les réformes sont alors freinées, et une politique d'austérité est mise en œuvre.

Cette rigueur, jointe à la montée du chômage, provoque la défaite de la majorité de gauche sortante lors des élections législatives de 1986. Celles-ci créent une situation inédite – la « cohabitation » : le président de la République est obligé de nommer au poste de Premier ministre un adversaire politique, en l'occurrence Jacques Chirac, leader du Rassemblement pour la République (RPR). Cette situation modifie les rapports de force entre les deux têtes de l’exécutif et tend à affaiblir le pouvoir.

Réélu pour un second septennat en 1988, le président Mitterrand fait campagne en faveur du traité de Maastricht, qui est ratifié de justesse, par référendum, en 1992. Dans un contexte de persistance de la crise économique, ce second mandat est marqué par la multiplication des scandales politico-financiers. La défaite de la gauche aux élections législatives de mars 1993 lui impose une deuxième période de cohabitation. Le pouvoir du chef de l'État est affaibli par les polémiques sur son passé et par la disparition dramatique du Premier ministre Pierre Bérégovoy, le 1er mai suivant.

Pour en savoir plus, voir l'article François Mitterrand.

4. Jacques Chirac (1995-2007)

4.1. La troisième cohabitation (1995-2002)

À l”élection présidentielle de 1995, lÉlysée revient à Jacques Chirac, élu sur les thèmes du changement et de la réduction de la fracture sociale. Mais la politique de rigueur de son Premier ministre Alain Juppé soulève le mécontentement et, dès 1997, la dissolution de l'Assemblée nationale est suivie d'une troisième période de cohabitation.

Lionel Jospin prend la tête d'un gouvernement de la gauche dite « plurielle », comprenant notamment des ministres communistes et des Verts. C'est ce gouvernement qui fait voter les lois sur la réduction du temps de travail à 35 heures hebdomadaires (1998 ; 2000) et qui gère le passage de la France à l'euro.

L’adoption du quinquennat (réforme constitutionnelle de 2000) pour le mandat présidentiel, qui atteste l'évolution doctrinale des gouvernants de la Ve République, vise à réduire les risques de cohabitation en alignant la durée du mandat présidentiel sur celle du mandat de l’Assemblée nationale.

4.2. La percée du Front national

Candidats l'un et l'autre à l'élection présidentielle de 2002, Jacques Chirac et Lionel Jospin se préparent à être les adversaires du second tour. Or, le premier tour de scrutin crée une situation à tous égards inédite en cumulant les effets de l'abstention (28,4 %) et de la force du vote dit « protestataire », qui profite à l'extrême gauche (10,44 % des voix) et surtout à l'extrême droite (19,2 % des voix). Si le président sortant (19,88 %) arrive en tête, le Premier ministre socialiste (16,18 %) est devancé par Jean-Marie Le Pen (16,86 %), représentant du Front national (FN), et est éliminé de la course à l'Élysée. Les forces de gauche décident alors de contribuer à la réélection de Jacques Chirac, qui recueille ainsi 82,22 % des voix.

La présence d’un candidat de l’extrême droite au second tour témoigne de son rôle de premier plan sur l’échiquier politique français depuis sa réapparition brutale dans les années 1980. Avec un programme basé sur la préférence nationale et la lutte contre l’immigration, le FN récolte les fruits de la crise économique, et de son corollaire l’exclusion sociale, et du déclin du parti communiste.

4.3. Le quinquennat (2002-2007)

Les élections législatives qui suivent, en juin 2002, apportent une nette majorité (399 sièges sur 577) à la droite modérée. Celle-ci, entre-temps, s'est restructurée en donnant naissance à une alliance électorale : l'Union pour un mouvement populaire (UMP). La lutte contre l'insécurité, la politique de décentralisation (dont le premier volet est le nouveau statut de la Corse, soumis à référendum le 6 juillet 2003 mais rejeté par une majorité d'électeurs), la baisse progressive de l'impôt sur le revenu et la réforme des retraites sont les chantiers prioritaires du gouvernement conduit par Jean-Pierre Raffarin.

Le fait marquant du début du quinquennat de Jacques Chirac se situe toutefois en politique extérieure. Face à la volonté des États-Unis dirigés par George W. Bush de faire la guerre en Iraq afin d'en chasser le régime de Saddam Husayn, le chef de l'État, soutenu par une grande partie de l'opinion publique tant en France qu'à l'étranger, déclare user, s'il le faut, du droit de veto de la France au Conseil de sécurité de l'ONU pour empêcher cette guerre, qu'il estime contraire au droit international. Dès lors, il contraint les États-Unis, ayant pour principal allié le Royaume-Uni, à déclencher leur offensive sans l'aval des Nations unies.

Deux échecs successifs marquent cependant le second mandat de J. Chirac. En 2004, l'électorat se sert des élections régionales pour renouer par d'autres voies avec l'esprit de la cohabitation : ainsi, 20 exécutifs régionaux sur 22 ont un président de gauche. En 2005, le projet de Constitution pour l'Europe que le chef de l'État soumet à référendum (29 mai) gomme certains clivages gauche-droite, mais se heurte à une alliance de mécontents, qui fait passer le « non » avec près de 55 % des voix.

Appelé au poste de Premier ministre, Dominique de Villepin doit plus que jamais combattre sur le front de l'emploi, tout en gérant les tensions internes à sa majorité. Pour la première fois sous la Ve République, le chef du gouvernement n'est plus le seul à exercer le leadership. Ce dernier lui est contesté par son propre ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, qui est aussi le président de l'UMP. De leur côté, les centristes de l'Union pour la démocratie française (UDF), groupés autour de François Bayrou, sont décidés à jouer leur va-tout politique.

L'explosion du « mal des banlieues », en 2005, et, en 2006, l'hostilité soulevée par le projet de « contrat première embauche » (CPE), destiné aux jeunes de moins de 26 ans, montrent les limites du « modèle social » à la française auquel s'identifiait la Ve République.

Pour en savoir plus, voir l'article Jacques Chirac.

5. Nicolas Sarkozy (2007-2012)

5.1. Un mandat de rupture

L’élection présidentielle de 2007 ouvre la voie à une nouvelle génération politique, incarnée par Nicolas Sarkozy et par Ségolène Royal, candidate de la gauche. Au second tour, Nicolas Sarkozy, qui réalise sur son nom l'union des droites – comme jamais sous la Ve République –, l’emporte avec 53,06 % des voix. Son mandat, placé sous le signe de la rupture et de la nécessaire réforme du pays, est renforcé en juin à l’issue des législatives qui donnent au nouveau gouvernement une confortable majorité et au chef de l’État les mains libres pour mettre en œuvre son programme.

Le président entend être présent sur tous les fronts – intérieur mais aussi international (et notamment européen, avec l'adoption d'un traité simplifié destiné à remplacer la Constitution précédemment rejetée en 2005) – au point d’éclipser ses ministres et le premier d’entre eux, François Fillon.

Dès les premiers mois sont votés nombre de projets inscrits dans le projet du candidat : autonomie des universités ; peines plancher et récidive des mineurs ; service minimal dans les transports terrestres ; renforcement du « bouclier fiscal » et abaissement des prélèvements sur les successions ; détaxation des heures supplémentaires ; immigration ; environnement…

Mais la multiplication tous azimuts des initiatives (réforme de la Constitution, accrocs au modèle républicain laïc, contrôle explicite de l’audiovisuel public, réorganisation de la carte militaire nationale et des services publics, adoption d’un revenu de solidarité active) comme les orientations néo-libérales et très nettement atlantistes de l’équipe au pouvoir (intégration de la France dans l’OTAN en 2009) désorientent vite l’opinion. En même temps, la détérioration prononcée de conjoncture économique fait douter de la pertinence des programmes mis en œuvre par le président et du bien-fondé de son activisme. Par ailleurs, l’affichage de la vie privée du chef de l’État qui divorce de son épouse et se remarie dans la foulée (2008) affecte sensiblement son image et sa cote de popularité.

5.2. La rupture avec l'opinion

Les scrutins successifs témoignent de cette désillusion et défiance accrue. Les élections municipales de 2008 sont un désastre pour la droite et ravigorent l'opposition. Les remaniements techniques, les succès sur la scène internationale, européenne notamment (2009), et le volontarisme affiché pour faire face à la crise financière majeure qui, à l’automne 2008, menace de faire plonger la planète dans une terrible dépression, n’y peuvent rien.

L'arrivée en tête de l'UMP aux élections européennes de 2009 et le score très médiocre d'un PS encore divisé et talonné par Europe Écologie-Les Verts (EE-LV) masquent un véritable étiage des forces de droite (40 %), tandis que la récession et les réformes (territoriale, des services publics, de l’enseignement…) continuent de plus belle à agréger des mécontentements attisés par une série d’affaires au sommet de l’État. L’adoption par N. Sarkozy et ses lieutenants d’un discours de plus en plus droitier et populiste ne parvient pas davantage à les faire taire.

Le résultat des élections régionales de 2010 a valeur d'avertissement. La droite de gouvernement s’effondre (autour de 35 %). Le PS dépasse l'UMP et redevient, non seulement le premier parti du pays, plus que jamais ancré dans les territoires, mais encore la composante dominante à gauche. Suit le Front national (FN), stimulé par les débats sur l'identité nationale. L'union des forces de gauche au second tour réalise une performance historique (54 % des voix) et, non contente de conserver les 20 Régions métropolitaines qu'elle dirigeait, leur ajoute la Corse. À droite, la sévérité de la défaite remet en cause la double stratégie présidentielle du parti unique et du siphonnage des voix du FN.

Soucieux de couper cours à la fronde qui monte des rangs de la majorité, N. Sarkozy décide d'adresser des signes à son électorat (agriculteurs, entrepreneurs, retraités) et renonce à la mise en place d’une taxe carbone. Pour apaiser des marchés de plus en plus inquiets de l’état financier des pays de la zone euro, et contre la mobilisation populaire, il fait passer une réforme du régime des retraites.

Mais les élections cantonales de 2011 constituent un nouveau revers pour l’UMP, désormais ouvertement menacée par le FN. S’ensuit le basculement historique du Sénat à gauche.

Avec les primaires (EE-LV, PS) et des stratégies d’union (Front de gauche), l’opposition se met en ordre de bataille pour l’échéance de la présidentielle de 2012. La campagne, âpre, oppose le président sortant à son challenger socialiste, François Hollande. Fait sans précédent dans la Ve République, celui-ci devance le président sortant au soir du premier tour. Marine Le Pen arrive troisième, avec un score également historique. Les autres prétendants, comme Jean-Luc Mélenchon ou F. Bayrou, et a fortiori les « petits » candidats sont marginalisés.

Le Front de Gauche et les Verts se rallient derrière F. Hollande, tout comme en somme F. Bayrou qui se prononce à titre personnel pour ce dernier. N. Sarkozy accentue dès lors son orientation très droitière sans pour autant obtenir le soutien de M. Le Pen, qui, elle, fait savoir qu’elle votera blanc.

Le résultat du 6 mai, plus serré qu’annoncé mais toujours marqué par une participation élevée (plus de 80 %), donne F. Hollande vainqueur, avec 51,6 % des voix. Lavant l’affront du 21 avril 2002, et comme dans une répétition du 10 mai 1981, celui-ci devient le septième président de la Ve République et le second socialiste à accèder à cette fonction.

Pour en savoir plus, voir l'article Nicolas Sarkozy.

6. La présidence de François Hollande

6.1. Le temps de la rigueur et des épreuves

À son entrée en fonction, F. Hollande nomme Jean-Marc Ayrault à la tête d’un gouvernement paritaire qui dispose, à l’issue des élections législatives de juin, remportées par le PS et ses alliés, d’une confortable majorité à l’Assemblée nationale. L’équipe a ainsi les coudées franches pour mener à bien la restauration des comptes publics – priorité de la campagne. Prônant l’austérité, elle revient sur les cadeaux fiscaux octroyés lors du précédent quinquennat et fait adopter le traité budgétaire européen tout en promouvant un choc dit de compétitivité destiné à mieux armer l’industrie française dans la compétition internationale.

Mais l’impression que le gouvernement donne de tarder à mesurer l’ampleur de la crise et la montée inexorable du chômage, associées aux hésitations de ses principaux leaders comme aux manifestations d’indépendance de sa majorité dans les deux chambres, sont sources de désillusions et accentuent le fossé entre la classe politique et le corps social, d’où la poussée d’un populisme dont ne profite guère pour l'heure le principal parti d’opposition, l’UMP, déchiré dans sa lutte pour la succession de N. Sarkozy.

Au début de 2013, l’intervention française au Mali et l’accord entre partenaires sociaux pour la sécurisation de l’emploi et la compétitivité des entreprises, puis le vote de la loi sur le mariage pour tous ne permettent guère au chef de l’État, au gouvernement et au PS de retrouver grâce auprès de l’opinion ; l’affaire Cahuzac, qui voit le ministre du Budget forcé en mars à la démission pour avoir caché l’existence d’un compte bancaire en Suisse, les discrédite, faisant le jeu avant tout d'un Front national plus que jamais en embuscade.

Impuissant à conjurer l’atonie de l’activité, la hausse du chômage et les mouvements de fronde fiscale qui agitent le pays, le gouvernement ne bénéficie guère de la réforme des retraites qu’il a négociée en septembre 2013, ni du pacte de responsabilité en faveur des entreprises qu’il met en avant à l’orée de 2014. Au contraire : consacrant la politique de l’offre choisie par le président, ces mesures mécontentent une partie de sa base qui s’abstient massivement lors des élections municipales de mars et inflige au PS en particulier et à la gauche en général une cinglante déroute. Celle-ci perd quelque 155 villes de plus de 10 000 habitants, dont des bastions comme Limoges, Nevers, Roubaix ou Pau, au profit de l’UMP et de ses alliés centristes, ainsi que du Front national qui, avec la conquête de 11 villes et un total de 1 400 conseillers, confirme son implantation locale.

6.2. Défis et impopularité

L’ampleur de la sanction oblige F. Hollande à se séparer de J.-M. Ayrault, qu'il remplace par Manuel Valls à la tête d’un gouvernement remanié et resserré. Toutes choses qui n’empêchent pas au scrutin européen de la fin mai de faire figure de tremblement de terre politique : arrivé en tête, le FN obtient près de 25 % des voix, loin devant une UMP empêtrée dans les conflits de personnes et les affaires (20,79 %) et un PS au plus bas, avec moins de 14 % des suffrages.

Ce séisme, ajouté à la révélation de nouvelles dérives financières, décapite la tête de l’UMP et précipite le retour de N. Sarkozy qui se porte candidat à sa présidence en septembre pour l’enlever finalement en novembre. Il suscite également des répliques à gauche, alimentant de plus belle la grogne contre la politique suivie par le gouvernement, au point de contraindre F. Hollande et M. Valls à congédier les contestataires A. Montebourg, B. Hamon et A. Filipetti en août et à procéder à un remaniement qui concrétise davantage l’option réformiste sociale-libérale suivie. Sans parvenir à étouffer mécontentement et protestation, ravivés tout au long de la fin d’année par de nouvelles affaires – et la morosité de la conjoncture. Les attentats terroristes des 7, 8 et 9 janvier 2015, qui font 17 morts parmi la rédaction de Charlie Hebdo, les policiers et les clients d’un hypermarché casher, créent un sentiment d’union nationale qui s’exprime notamment dans les immenses défilés républicains des 10 et 11 janvier. Mais le crédit accordé à l’exécutif pour sa gestion des événements se dissipe rapidement. Les élections départementales de mars infligent une nouvelle raclée au PS et à une gauche divisée, avec une perte sèche de 27 conseils, dont le Nord, les Bouches-du-Rhône, ou la non moins symbolique Corrèze, au profit de l’UMP et de l’UDI qui réalisent l’unité et parviennent à contenir l’implantation locale d’un Front national pourtant très haut dans les intentions de vote comme dans les urnes. Après le basculement logique dans son escarcelle du Sénat en septembre 2014, l’opposition de droite renforce son contrôle des territoires et amplifie la dynamique par défaut qui semble désormais l’animer. Rallié au principe de la primaire ouverte pour la fin 2016, N. Sarkozy renforce au printemps son contrôle de l’UMP renommée « Les Républicains » et proroge l’alliance avec l’UDI en vue des prochaines régionales.

Pendant l’été, marqué par la langueur de l’activité, les menaces terroristes accrues, et les inquiétudes que font peser sur l’UE le sort de la Grèce et la pression migratoire aux portes du continent, le gouvernement joue la carte de l’autorité et de l’action réformatrice (usage du 49-3 pour l’adoption de la loi « Macron » de modernisation économique), heurtant un peu plus sa majorité et sa base électorale.

Trois groupes de djihadistes de l’organisation État islamique ciblent à nouveau la capitale au soir du 13 novembre, faisant 130 morts et 352 blessés au Stade de France, dans des cafés de l’Est parisien, et au Bataclan. L’état d’urgence est décrété sur l’ensemble du territoire. Le 16, devant le Congrès, F. Hollande annonce son intention de modifier la Constitution pour en faciliter l’emploi. Afin de complaire aux représentants de droite prompts à demander des comptes, il projette de déchoir de la nationalité les binationaux coupables de terrorisme. Les deux chambres votent peu après l’extension à 3 mois des mesures d’exception, cependant que s’ouvre à Paris la Conférence internationale sur la planète et le climat (COP21).

Les élections régionales de décembre, maintenues, placent le FN en tête au premier tour avec 28 % des voix, contre 27 % à l’alliance LR-UDI et 23 % pour le PS. Pour lui faire barrage, ce dernier retire ses listes dans les régions qu’il menace de ravir (Nord-Pas-de-Calais-Picardie et PACA). Avec succès, puisque l’extrême-droite n’enlève aucun conseil régional, et que droite et gauche se partagent les exécutifs locaux (respectivement 7 et 5 chacun).

La question de déchéance de la nationalité empoisonne la gauche, tout en divisant à droite. La ministre de la Justice, en désaccord avec le projet, démissionne à la fin de janvier 2016. La départ de L. Fabius pour le Conseil constitutionnel en février suscite un mini-remaniement : J.-M. Ayrault prend la tête du Quai d’Orsay, tandis que 3 écologistes en rupture de ban avec leur formation réintègrent l’exécutif, comme pour mieux resouder une gauche de gouvernement à la peine, au moment où de nouvelles revendications catégorielles se font jour et que jeunes, syndicalistes et salariés montent au créneau contre la réforme annoncée du code du travail.

Bien qu’ayant obtenu le prolongement de l’état d’urgence pour 3 mois supplémentaires, puis à nouveau jusqu’à la fin juillet, le président, incapable de réunir la majorité des 3/5e requise pour réviser la Constitution, renonce à son entreprise à la fin mars, alors même que de nouveaux attentats font 32 victimes à Bruxelles. Mais, tablant sur les effets de l’amélioration de la conjoncture, et moyennant quelques aménagements, le gouvernement entend imposer sa réforme du travail : bravant les frondeurs de sa majorité à l’Assemblée, il recourt à nouveau à la procédure du 49-3 et parie sur l’épuisement des grèves et manifestations qui s’ensuivent.

Emmanuel Macron est élu président de la République le 7 mai 2017.

Pour en savoir plus, voir l'article France : vie politique depuis 1958.

Charles de Gaulle
Charles de Gaulle
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  • 1958 En France, constitution de la Ve République.
  • 1958-1960 R. Schuman, président du Parlement européen.
  • 1959 De Gaulle président de la République française.
  • 1959 M. Debré, Premier ministre en France (janvier).
  • 1960 Nouveau franc.
  • 1961 Référendum adoptant le principe de l'autodétermination en Algérie (janvier).
  • 1961 Création de l'O.A.S. (Organisation Armée secrète), après l'échec du putsh militaire d'Alger (avril).
  • 1961 Répression d'une manifestation algérienne à Paris (octobre).
  • 1962 Répression (8 morts et 200 blessés) lors d'une manifestation interdite, organisée par la gauche au métro « Charonne » le 8 février.
  • 1962 À la suite des accords d'Évian (18 mars), approuvés par référendum le 8 avril, indépendance de l'Algérie.
  • 1962-1968 G. Pompidou, Premier ministre (14 avril).
  • 1962 Discours de C. de Gaulle sur l'Europe « de l'Atlantique à l'Oural » (mai).
  • 1962 Attentat du Petit-Clamart (août).
  • 1962 Référendum sur l'élection du président de la République au suffrage universel (octobre).
  • 1964 Le Coup d'État permanent, ouvrage de François Mitterrand.
  • 1964 Scission à la C.F.T.C. (Confédération française des travailleurs chrétiens) : création de la C.F.D.T. (Confédération française démocratique du travail).
  • 1965 Réélection de C. de Gaulle en France (septembre).
  • 1966 Voyage officiel de C. de Gaulle à Moscou.
  • 1966 La France quitte l'organisation intégrée de l'O.T.A.N. (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord) [juillet].
  • 1966 Discours de C. de Gaulle à Phnom Penh (septembre).
  • 1967 Recul de la majorité gaulliste aux élections législatives (mars).
  • 1967 Voyage de C. de Gaulle au Canada, à l'occasion duquel il prononce la fameuse phrase « Vive le Québec libre ! ».
  • 1967 C. de Gaulle s'oppose à l'entrée du Royaume-Uni dans le Marché commun.
  • 1968 Ouverture de la conférence de Paris dans le but de mettre fin à la guerre du Viêt Nam.
  • 1968 En France, manifestations étudiantes, contestation politique et sociale (événements de mai).
  • 1968 En France, victoire de la droite aux élections législatives (juin).
  • 1968 En France, M. Couve de Murville remplace G. Pompidou comme Premier ministre (juillet).
  • 1968 Premier essai d'une bombe H par la France à Mururoa, dans le Pacifique (août).
  • 1969 Aide française au Tchad.
  • 1969 Référendum sur la réforme du Sénat et la régionalisation (avril) à la suite duquel C. de Gaulle démissionne de la présidence de la république.
  • 1969 G. Pompidou, président de la République en France (juin).
  • 1970 Le S.M.I.C. (salaire minimum interprofessionnel de croissance) remplace le S.M.I.G. (salaire minimum interprofessionnel garanti) en France.
  • 1970 Mort de C. de Gaulle (novembre).
  • 1971 Installation de missiles nucléaires sur le plateau d'Albion en France.
  • 1971 En France, congrès socialiste d'Épinay-sur-Seine.
  • 1972 Démission de J. Chaban-Delmas (juillet) du poste de Premier ministre ; P.Messmer le remplace (juillet).
  • 1972 Les partis communiste et socialiste adoptent un programme commun de gouvernement pour les élections de 1973. Les radicaux de gauche (M.R.G.) s'y rallient (juin-juillet).
  • 1974 En France, mort de G. Pompidou ; Valéry Giscard d'Estaing devient président de la République (avril).
  • 1974 Majorité à 18 ans en France (10 juin).
  • 1976 Démission de J. Chirac du poste de Premier ministre ; R. Barre lui succède (août).
  • 1978 Opération militaire des parachutistes français et belges à Kolwezi (République démocratique du Congo), à la suite d'un assaut des rebelles du « Front congolais de libération nationale », soutenus par l'Angola, qui voulaient s'emparer des mines de cuivres (mai).
  • 1978 Victoire de la droite aux élections législatives en France (mars).
  • 1981 En France, élection de François Mitterrand à la présidence de la République et formation d'un gouvernement de gauche.
  • 1981-1982 Réformes sociales du gouvernement Mauroy ; nationalisations en France.
  • 1981 Abolition de la peine de mort en France.
  • 1984 En France, manifestations contre le projet de loi Savary et en faveur de la liberté de l'enseignement (mars).
  • 1984 Le Front national obtient 11% aux élections européennes (juin).
  • 1985 Début de l'affaire du Rainbow Warrior (juillet).
  • 1986 La France intervient de nouveau au Tchad.
  • 1986 Victoire de la droite aux élections législatives en France.
  • 1986 À l'automne, manifestations étudiantes en France contre le projet Devaquet sur l'enseignement supérieur (autonomie des universités).
  • 1987 Troubles en Nouvelle-Calédonie.
  • 1988 Début du deuxième septennat de F. Mitterrand.
  • 1988 M. Rocard, Premier ministre de F. Mitterrand.
  • 1988 Mouvements de grèves en France (fonction publique, P.T.T., R.A.T.P.).
  • 1988 Création du R.M.I. (revenu minimum d'insertion) en France (12 octobre).
  • 1991 Départ de M. Rocard ; É. Cresson, première femme Premier ministre en France (mai).
  • 1991 Début du scandale du « sang contaminé » en France (octobre).
  • 1992 Les écologistes obtiennent 14% aux élections cantonales et régionales en France (mars).
  • 1992 P. Bérégovoy remplace É. Cresson au poste de Premier ministre en France (avril).
  • 1993 Victoire de la droite aux élections législatives en France (mars).
  • 1994 Campagne de privatisations en France.
  • 1995 Jacques Chirac est élu président de la République française.
  • 1995-1996 Attentats du Groupe islamique armé (G.I.A.) en France.
  • 1995 Vague de grèves en France ; manifestations contre le plan Juppé de réforme de la Sécurité sociale (décembre).
  • 1997 L. Jospin est nommé Premier ministre, c'est le début de la troisième cohabitation.
  • 1998 Loi limitant la durée hebdomadaire du travail à 35 heures en France (février).
  • 2002 Jacques Chirac est réélu à la présidence de la République (5 mai) .
  • 2007 Élection de Nicolas Sarkozy, candidat de l'UMP, à la présidence de la République française (mai).
  • 2012 François Hollande, président de la République française (6 mai).
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