François Hollande
Homme politique français (Rouen 1954).
1. Aléas d’une carrière d’apparatchik
Issu de la bourgeoisie rouennaise, passé à l'École des hautes études commerciales (HEC) et formé à l’Institut d’études politiques de Paris avant de briller à l’École nationale d'administration (ENA), François Hollande entre comme auditeur à la Cour des Comptes en 1980. Membre du parti socialiste (PS) depuis 1979, il devient chargé de mission de François Mitterrand de 1981 à 1982, puis, en 1983, directeur de cabinet de Max Gallo et de Roland Dumas, alors porte-paroles successifs du gouvernement.
Envoyé dans la circonscription d’Ussel (Corrèze), fief de Jacques Chirac aux législatives de juin 1981, il est battu par ce dernier mais finalement élu en 1988. Très attaché à son enracinement local, il y remplira successivement plusieurs mandats : conseiller municipal de Tulle (1995-2001), vice-président du Conseil régional du Limousin (avril 1998-mars 2001), maire de Tulle (2001-2008) et président du Conseil général de la Corrèze de 2008 à 2012.
Professeur d’économie à l'Institut d'études politiques de Paris de 1988 à 1992, il perd son mandat de député en 1993 et se consacre d'avril 1993 à juin 1997 à la présidence du Club Témoin, groupe de réflexion d’obédience social-démocrate créé par Jacques Delors.
En novembre 1994, F. Hollande devient secrétaire national du PS chargé des questions économiques, puis secrétaire national à la presse et porte-parole, en octobre 1995. Nommé premier secrétaire délégué du PS au lendemain de la victoire de la gauche plurielle aux législatives de juin 1997 (à l'issue desquelles, il retrouve son siège de député), il est élu par 90 % des militants au poste de premier secrétaire lors du Congrès de Brest le 27 novembre 1997. Il engrange les succès lors des élections régionales et européennes de 1997 et 1999, mais ne perçoit pas le coup de semonce lancé au gouvernement de Lionel Jospin par les Français lors des municipales de 2001.
Devenu le véritable chef de l'opposition au lendemain du retrait la vie politique du Premier ministre (à l’issue de la présidentielle en avril 2002), F. Hollande est l'artisan de la progression spectaculaire de sa formation qui, en mars 2004, remporte 20 des 22 Régions et retrouve, lors des élections européennes de juin, la place de premier parti de France.
Partisan de la ratification du traité constitutionnel européen, François Hollande sort affaibli du référendum du 29 mai 2005 qui donne le « non » largement vainqueur, mais il est réélu, le 24 novembre, premier secrétaire du parti avec 77 % des voix.
Dans la perspective de l'élection présidentielle de 2007, il organise en novembre 2006 des primaires qui désignent – contre Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius – sa compagne Ségolène Royal comme candidate du parti. Mais si cette dernière se qualifie pour le second tour, elle s'incline le 6 mai 2007 face à Nicolas Sarkozy avec 46,94 % des suffrages.
À la faveur d’un second tour qui corrige le tsunami annoncé de la droite aux législatives qui s’ensuivent, F. Hollande est réélu député de la Corrèze en juin 2007 et rejoint à l’Assemblée les bancs d’une opposition quelque peu renforcée. Ayant annoncé dès lors qu'il ne se représenterait pas à sa propre succession à la direction du PS après lui avoir fait remporter de nouveaux succès aux élections cantonales et municipales de mars 2008, il n'en lègue pas moins en novembre à Martine Aubry un parti profondément divisé, détenant l'essentiel des pouvoirs locaux mais apparaissant incapable de remporter le moindre scrutin national.
2. L’irrésistible ascension d'un présidentiable
Replié sur ses terres corréziennes dont il a conquis le conseil général en mars 2008, F. Hollande entreprend peu à peu un retour sur la scène nationale, notamment en multipliant les visites de terrain.
Aussi se sent-il prêt à concourir lorsque la nouvelle secrétaire du PS se prononce en faveur de primaires ouvertes pour désigner le candidat de la formation à la présidentielle de 2012. Après Arnaud Montebourg puis celle qui a longtemps partagé sa vie, Ségolène Royal, fort de sa réélection à la tête du conseil général de Corrèze à l’issue des cantonales de mars 2011, et malgré la popularité de Dominique Strauss-Kahn à la tête du Fonds monétaire international (FMI), il fait savoir au début du printemps qu’il entre lui aussi dans la course. Quand, à la mi-mai, le patron du FMI est inculpé pour affaire de mœurs et contraint de renoncer à toute participation prochaine à la vie politique hexagonale, F. Hollande devient le favori de la consultation.
Prônant le rétablissement des valeurs et de l’intégrité de la république, la réforme fiscale, l’équilibre des comptes publics et le soutien à une jeunesse en panne d’espoir et de rêve, il devance presque sans discontinuer l’ensemble de ses concurrents.
Arrivé en tête au premier tour de la primaire citoyenne avec 39,2 % des voix des quelque 2,6 millions d’électeurs qui se sont déplacés le 9 octobre, soutenu par Manuel Valls, Jean-Michel Baylet, puis S. Royal et enfin, mezzo vocce, Arnaud Montebourg, F. Hollande obtient 56,6 % des 2,8 millions de suffrages face à M. Aubry le 16 et est investi par le PS le 22.
Réunissant dans son équipe de campagne des fidèles tout autant que nombre de ses anciens opposants aux primaires et/ou leurs seconds, il fait montre d'un souci de concertation et de rassemblement destiné à trancher ostensiblement avec les méthodes du président sortant, son véritable adversaire, dont il capitalise sur le rejet massif dans la population. Plus que jamais favori des sondages, sachant imposer son rythme, il mène une campagne peut-être un peu terne et prudente mais cohérente par rapport au projet social-démocrate dont il est porteur, respectueuse des traditions politiques nationales et en définitive sans faute : le 22 avril 2012, au terme du premier tour, il arrive, fait inédit dans les annales de la Ve République, en tête du scrutin, avec 28,6 % des voix et près d’un point et demi d’avance sur le président sortant. Refusant de suivre N. Sarkozy dans ce qui lui apparaît comme une dérive droitière, avec un score de 51,6 % plus serré que prévu, il emporte l’élection le 6 mai, et devient le second socialiste à accéder à la magistrature suprême.
3. Un président dans l’épreuve
Entré en fonction le 15 mai, il nomme Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes et chef du groupe socialiste à l’Assemblée depuis quinze ans Premier ministre, préférant ce social-démocrate à M. Aubry, avec laquelle les rapports personnels sont moins faciles. Le gouvernement que ce dernier compose se veut à l’image de la présidence « normale », apaisée et « irréprochable » que F. Hollande entend incarner, ouvert aux sensibilités écologistes et radicales qui l’ont soutenu dans sa campagne, et par ailleurs renouvelé et paritaire. Les premières mesures (réduction du salaire et du train de vie des membres de l’exécutif, réaménagement de la réforme des retraites en fonction de la pénibilité du travail, de l’entrée dans la vie active ou des maternités, hausse de l'allocation rentrée pour les familles…) rencontrent un large assentiment et valent au PS et à ses alliés d’obtenir une très confortable majorité à l’Assemblée nationale lors des élections législatives de juin.
Le nouvel exécutif s’engage alors plus nettement sur la voie de la rigueur, remettant notamment en cause les largesses fiscales concédées par la précédente administration. Mais il donne l’impression de tarder à prendre la mesure de l’ampleur de la crise, symbolisée par la hausse inexorable du chômage, et fait parfois entendre des voix discordantes, qui ont tôt fait de confiner aux cafouillages. D’où, très rapidement, un procès en amateurisme qui fait chuter de manière spectaculaire les cotes de popularité du président et de son Premier ministre, signant la fin de l’état de grâce.
Malgré le retrait acté en octobre des forces françaises en Afghanistan, la priorité accordée à la restauration de la compétitivité de l’économie, la signature en janvier 2013 d’un accord entre partenaires sociaux sur la sécurisation de l’emploi et l’envoi de troupes au Mali pour combattre l’avancée des groupes islamistes, le chef de l’État peine à retrouver la confiance de ses compatriotes. L’affaire Cahuzac, en mars 2013, écorne l’image d’exemplarité qu’il entendait donner à son quinquennat, et les mesures prises dans la foulée pour moraliser la vie politique et la rendre plus transparente ne semblent guère de nature à restaurer le crédit du président et de son équipe. La question du mariage homosexuel, que la majorité parvient à faire voter en avril, s’accompagne de grandes manifestations d’opposition qui avalisent l’idée d’une profonde division des Français. Dans ce contexte dégradé, la succession de revers du PS lors des huit législatives partielles qui se succèdent de décembre 2012 à juin 2013, sonne comme un avertissement.
La négociation d’une énième réforme des retraites en septembre n’offre guère de répit à une équipe au pouvoir fragilisée par la panne de l’activité, vilipendée pour ses coups de rabot successifs dans la dépense publique ainsi que ses hausses d’impôts continues, et minée par ses dissensions. L’échec de la promesse faite par F. Hollande d’inverser la courbe du chômage avant la fin de l’année achève de décrédibiliser une parole présidentielle qui dès lors se fait ouvertement favorable à la politique de l’offre (pacte de responsabilité à l’intention des entreprises au début 2014 et austérité renforcée), au grand dam d’une partie de la base et de l’appareil socialistes.
Face à la lourde sanction qu'administrent les élections municipales de mars, le chef de l'État se résout à se séparer du fidèle J.-M. Ayrault pour le remplacer, à la tête d’une équipe resserrée et de combat, par l’ambitieux M. Valls. À charge pour lui de mener à bien les réformes engagées, d’imposer la discipline aux membres d’un gouvernement que les écologistes ont bon gré mal gré quitté, ainsi qu’à une majorité parlementaire potentiellement frondeuse, et de redynamiser un PS tétanisé par l’ampleur des défaites successives. Celui-ci subit néanmoins une nouvelle déroute aux européennes de mai 2014, tombant sous la barre des 14 % de voix, loin derrière une UMP fort affaiblie à à peine plus de 20 % et un Front national en tête et triomphant, à 25 %.
Le président s’emploie à reprendre la main, notamment en matière de politique étrangère, en faisant office d’intermédiaire entre Ukrainiens et Russes lors des commémorations du 70e anniversaire du débarquement en Normandie, puis en décembre et, de concert avec la chancelière A. Merkel, en février 2015 ; en septembre 2014, il associe des forces aériennes à la coalition internationale contre l'organisation État islamique en Iraq et approfondit le rapprochement avec les monarchies du Golfe ; enfin il œuvre en amont à la préparation du grand sommet international sur le climat qui doit se tenir à Paris à la fin 2015… Sur le plan intérieur, il sanctionne au sein de son camp les frondeurs, au premier rang desquels ses ministres A. Montebourg, B. Hamon et A. Filipetti, qu’il congédie à la fin août 2014 à la suite de la prise de distance qu’ils ont manifestée par rapport à la ligne économique suivie par le gouvernement. Le remaniement successif, qui fait entrer l’ex-banquier et secrétaire général adjoint de l’Élysée E. Macron, affiche sans ambages l’option sociale-libérale de l’exécutif. Mais la permanence de la contestation parmi les députés PS en l’absence de tout redémarrage de l’activité, une succession de scandales (démissions du tout-nouveau secrétaire au Commerce pour négligence fiscale en septembre, du fidèle préposé aux Anciens combattants, Kader Arif, pour soupçons de favoritisme en novembre, et du conseiller présidentiel Faouzi Lamdaoui pour abus de bien social en décembre), la mort d’un jeune manifestant en octobre dans le Tarn et le brûlot sorti un peu auparavant par l’ancienne compagne du chef de l’État, Valérie Trierweiler, continuent à arrimer F. Hollande au plancher de la popularité.
La réponse apportée aux attentats terroristes des 7, 8 et 9 janvier 2015 réhausse l’image du président et de son équipe. Mais l’union nationale qui s’ensuit et qu’il incarne ne dure guère. Si le PS conserve en février le siège de député du Doubs laissé vacant par le départ pour Bruxelles de P. Moscovici, interrompant par là une succession de cinglantes défaites, dès le milieu du mois le chef du gouvernement est contraint à l’utilisation de la procédure du 49.3 pour ressouder sa majorité à l’Assemblée et lui faire adopter un plan Macron de libéralisation de l’économie. Et la gauche se présente dispersée au scrutin départemental de la fin mars, qui se solde pour elle et en particulier pour sa principale formation par une hécatombe : 27 conseils, dont des bastions et des symboles comme la Corrèze, et au-delà, des centaines de postes locaux perdus. De quoi raviver la protestation en interne – et redoper une opposition qui cherche à se présenter unie, emmenée désormais par N. Sarkozy.
Malgré les charges répétées de C. Duflot, de M. Aubry, des frondeurs, F. Hollande n’entend nullement infléchir la ligne réformatrice sociale-libérale qu’il défend, ce qui l’amène parfois à recourir au passage en force : la loi « Macron » de modernisation économique est imposée au Parlement sans discussion, via la procédure du 49-3, quitte à ce que se creuse encore plus le fossé qui sépare le gouvernement et ses soutiens du reste du PS et de la gauche. Face aux exigences renouvelées de la Grande-Bretagne de D. Cameron, il oppose, de concert avec A. Merkel, un objectif d’intégration européenne renforcée, puis opère une médiation réussie lors de la nouvelle crise grecque de l’été 2015. Il se démarque cependant de sa partenaire allemande sur la question, de plus en plus préoccupante, des réfugiés de Syrie et se rallie tardivement à l’idée de l’accueil, en France, d’un petit contingent de réfugiés. De fait, le pays fait l’objet de menaces terroristes redoublées et d’actions ponctuelles d’agitateurs se réclamant de l’organisation État islamique, des sites du califat en Iraq et en Syrie deviennent la cible de l’armée de l’air dès le début de l’automne, et les flux migratoires à l’est accroissent les dissensions au sein de l’UE tout en faisant le jeu des extrémistes populistes.
À la suite des attentats du 13 novembre, qui font 130 morts à Paris et Saint-Denis, le Président décrète l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire. Devant le Congrès rassemblé à Versailles, il annonce son intention de modifier la Constitution pour faciliter l’utilisation de ce dispositif et, soucieux de se concilier l’opposition, défend l’idée de déchéance de la nationalité des binationaux coupables de terrorisme tout en augmentant les moyens de protection et en appelant à la concertation avec les Russes sur le dossier syrien. Le virage sécuritaire inquiète vite les responsables les plus à gauche, sans satisfaire la droite qui demande des mesures plus radicales. La COP21 qui s’ouvre peu après dans la capitale n’en aboutit pas moins, cependant que les élections régionales de décembre, maintenues, voient le FN arriver en tête au premier tour. Mais la mobilisation citoyenne et le front républicain mis en place par l’état-major socialiste (désistement dans deux grandes régions au profit de la droite) font que cette formation n’obtient aucun exécutif. Au total, gauche et droite se partagent les conseils régionaux, tandis que l’extrême droite renforce son implantation territoriale.
La déchéance de la nationalité agite la majorité. La ministre de la Justice, en désaccord, démissionne à la fin de janvier 2016 pour être remplacée par un proche de M. Valls, J.-J. Urvoas. La nomination de L. Fabius à la tête du Conseil constitutionnel, en février, permet au Président de remanier l’équipe gouvernementale en faisant entrer J.-M. Ayrault au Quai d’Orsay et en réintégrant trois écologistes, ce qui renforce l’assise de la gauche de gouvernement, alors même que se succèdent les revendications catégorielles et que jeunes, syndicalistes et salariés se mobilisent contre un projet de réforme du code du travail.
Bien qu’ayant obtenu le prolongement de l’état d’urgence pour trois mois supplémentaires, puis à nouveau jusqu’à la fin de juillet, le Président, incapable de réunir la majorité des 3/5e nécessaire à la révision constitutionnelle qu’il appelle de ses vœux, se voit dans l’obligation d’y renoncer à la fin de mars. En revanche, tablant sur une amélioration de la conjoncture et sur une éventuelle inversion de la courbe du chômage, il pousse le gouvernement à imposer sa loi sur le droit du travail et à utiliser à cette fin le 49-3, dans l’espoir de mettre fin, par là, au climat de contestation qui s’est répandu dans le pays.
Pour en savoir plus, voir l'article France : vie politique depuis 1958.