Les Verts
abréviation de Les Verts, Confédération écologique – Parti écologiste
Parti politique français formé en 1984 par le regroupement de plusieurs mouvements sur le modèle des Verts allemands (Die Grünen).
1. Du mouvement au parti : les années 1970-1980
Les Verts sont en quelque sorte les enfants de mai 1968 et du Club de Rome. Ce dernier, en 1972, publie un rapport significativement appelé « Halte à la croissance », d'inspiration malthusienne, qui dénonce vigoureusement le gaspillage des ressources naturelles par les sociétés industrielles. Les premiers mouvements écologiques naissent à cette époque. Ils sont multiples, divers, généralement liés à des luttes précises : contre l'implantation de centrales nucléaires militaires (Larzac) ou civiles (Plogoff). Ce foisonnement, associé à un rejet des appareils des partis, explique le « spontanéisme » qui va longtemps caractériser l'écologie politique en France, comme le « ni droite ni gauche » prôné par de nombreux militants et certains dirigeants.
2. Naissance et consolidation du parti : les années 1990
Le parti Les Verts naît officiellement le 29 janvier 1984 à Clichy, lors du Congrès qui unifie les deux formations intéressées par l’écologie politique (Confédération et Parti écologistes). L'histoire du parti des Verts, marquée par d'interminables débats internes et de nombreuses querelles de personnes, est jalonnée d'événements significatifs : l'échec relatif de la liste Europe-Écologie, conduite par Solange Fernex aux élections européennes de 1979, qui prélude à un déclin de plusieurs années ; le choc provoqué en avril 1986 par l'accident de la centrale nucléaire soviétique de Tchernobyl, qui donne une véritable audience aux Verts ; le redressement de 1989 avec 1 400 élus aux municipales et 10,6 % aux européennes pour la liste d'union conduite par Antoine Waechter ; la concurrence, au cours des années 1980, entre Les Verts et Génération Écologie, dont le leader, Brice Lalonde, va accepter de participer aux gouvernements de Michel Rocard et d'Édith Cresson ; enfin, l'élection de Marie-Christine Blandin à la présidence de la Région Nord-Pas-de-Calais en 1992 grâce à une alliance avec les socialistes et les communistes, ce qui anticipe sur l'évolution du parti.
3. L'ancrage à gauche
En effet, sous l'impulsion de Dominique Voynet, Les Verts adoptent en 1995 une motion qui prévoit une alliance électorale avec les partis de gauche. La jeune leader entre au gouvernement de « gauche plurielle » de Lionel Jospin en 1997, démarche qui est approuvée par l'électorat vert, puisque la liste conduite par Daniel Cohn-Bendit obtient 9,7 % des voix aux élections européennes de 1999, devançant le parti communiste. Cette situation est confirmée par la présidentielle de 2002 : malgré un changement in extremis et déroutant de candidat, Les Verts emmenés par Noël Mamère recueillent 5,25 % des suffrages, qui en font le second parti de gouvernement de la gauche. Ayant recueilli 4,44 % des suffrages exprimés au premier tour des élections législatives du 9 juin, ils parviennent à maintenir 3 députés à l'Assemblée, mais leur secrétaire nationale, D. Voynet, est sévèrement battue.
Sous la conduite de Gilles Lemaire à partir de janvier 2003, Les Verts augmentent légèrement leur nombre d'élus lors des régionales de mars 2004 ; ils voient, en revanche, leur score s'effriter aux européennes du 13 juin, à l'issue desquelles ils obtiennent 7,2 % des suffrages et 6 députés. À Yann Wehrling, élu secrétaire général du parti en janvier 2005, succède, en décembre 2006, Cécile Duflot. Désignée péniblement candidate des Verts à l'élection présidentielle de 2007 à l'issue d'un imbroglio interne dommageable, encore une fois, à l'image du parti et à la crédibilité politique de ses leaders, D. Voynet ne parvient à réunir que 1,57 % des suffrages. Contre toute attente, Les Verts réussissent à faire élire leurs 3 députés sortants pourtant en difficulté au premier tour des législatives de juin 2007, ainsi qu'un quatrième représentant. Ces derniers rejoignent les communistes pour former un groupe parlementaire.
4. L'alliance avec Europe Écologie
À l'issue de leur congrès national (décembre 2008), qui réélit C. Duflot au poste de secrétaire nationale, Les Verts affichent leur unité. La motion intitulée « L'alternative écologiste », résultant de la fusion de 4 des 6 textes soumis au vote des militants en novembre 2008, prône une « décroissance sélective équitable et solidaire » et annonce la participation active des Verts au regroupement des écologistes aux élections européennes de juin 2009. Bénéficiant des talents de rassembleur de D. Cohn-Bendit, qui réussit à réunir Les Verts et leurs concurrents environnementalistes, ainsi que de la mauvaise image dont pâtit le parti socialiste (PS), Les Verts obtiennent, grâce à leur alliance au sein d'Europe Écologie, 16,28 % des voix (14 élus, contre 6 auparavant), leur meilleur score. Ils parviennent à asseoir cette recomposition ainsi que le succès électoral qui s’en est suivi dans la durée, puisqu’au premier tour du scrutin régional de mars 2010, leurs listes atteignent 12,5 % des suffrages. L’union réalisée presque partout avec le PS et ses alliés permet au mouvement de bénéficier de la poussée de la gauche et d’accroître très sensiblement le nombre de ses représentants au sein des conseils territoriaux.
La concrétisation de l’ancrage des Verts dans le pays rebat les cartes au sein de l’opposition, faisant de ceux-ci – et non plus du MoDem – les principaux associés putatifs des socialistes. Leur recentrage, dénoncé par la députée de Paris, Martine Billard, qui rejoint en juillet 2009 le parti de Gauche, semble à l’inverse susceptible de séduire d’anciens soutiens de François Bayrou, à l’instar de Corinne Lepage et de son mouvement Cap 21, même si cette dernière finit par choisir de faire cavalier seule, pour tenter, finalement en vain, de se présenter en son nom à la présidentielle de 2012. En juillet 2010, la candidate de la gauche, la Verte Anny Poursinoff bat son concurrent UMP lors d’une législative partielle dans un bastion de la droite, Rambouillet, entérinant à la fois la crédibilité du parti et le bien-fondé de sa stratégie.
5. Naissance d'Europe Écologie – Les Verts
Le 13 novembre 2010, lors d'assises nationales à Lyon, Europe Écologie fusionne avec Les Verts pour donner naissance à un nouveau mouvement : Europe Écologie – Les Verts, présidé par Cécile Duflot.
Avec 15 000 adhérents annoncés, cette force vise à fédérer l'ensemble des familles de l'écologie politique, même si, en définitive, elle ne semble conférer à sa composante dominante qu’un peu plus de poids. La nouvelle formation n’en concrétise pas moins les progrès électoraux jusque-là enregistrés par les Verts lors des cantonales de mars 2011, où, avec 8,2 % des voix au premier tour, ils constituent le seul parti à obtenir plus de suffrages que lors de la précédente consultation de 2004, et à doubler leur score. De fait, avec 2,7 % au second tour, ils multiplient par deux leur représentation dans les conseils généraux, portée désormais à 27 (soit 16 sièges supplémentaires).
La motion de C. Duflot, qui prône une participation active du mouvement à la présidentielle contre la proposition faite par D. Cohn-Bendit de s'effacer derrière le prétendant socialiste moyennant un accord généreux pour les législatives de 2012, l'emporte à la fin de mai et, dans la foulée, reconduit celle-ci à la tête du parti.
Les primaires pour désigner le candidat aux élections à la fonction suprême s’engagent alors, opposant essentiellement l’ex-magistrate Eva Joly derrière laquelle C. Duflot s’est rangée un an plus tôt, et le présentateur de TF1 Nicolas Hulot. Manquant de peu d’être élue au premier tour (49,75 % des voix des militants, contre 40,2 % pour son principal rival), la première se voit confier le 10 juillet, avec 58,2 % des suffrages, la charge de porter les couleurs des écologistes le 10 juillet pour la campagne de l'élection présidentielle 2012.
Le capital de sympathie dont bénéficie tout d'abord E. Joly, de par son positionnement original, marqué par l’authenticité et l’exemplarité, s’effrite rapidement du fait de maladresses de communication, de propositions de réformes jugées malheureuses (14 Juillet, calendrier des jours fériés, droit de veto de la France au Conseil de sécurité de l’ONU) et d’une nette propension dans l’électorat au vote utile. En outre, E. Joly doit accepter que l’accord législatif conclu par EE-LV avec le PS en novembre contredise ses vues à propos de l’avenir de la filière nucléaire française. Anticipé par certains ténors et Cassandre du parti, son score au premier tour s’avère si décevant : 2,3 % des voix, qu’elle appelle aussitôt à se porter sur le nom du candidat de la gauche, François Hollande.
Membres de la nouvelle coalition présidentielle, les Verts entrent dans l’équipe gouvernementale Ayrault : C. Duflot hérite du ministère de l’Égalité des territoires et du Logement, et l’eurodéputé Pascal Canfin du secrétariat au Développement.
6. Dans la majorité présidentielle
6.1. L’expérience ministérielle
Aux élections législatives de juin, EELV obtient à peine 5,6 % des voix au premier tour, mais, du fait de l’accord électoral conclu avec le PS, remporte au total 18 sièges, de quoi permettre la constitution inédite d’un groupe parlementaire vert à l’Assemblée. C. Duflot, reconduite à son poste dans le nouvelle équipe Ayrault, laisse son fauteuil de représentante de Paris à sa suppléante socialiste, la sortante Danièle Hoffman-Rispal, et abandonne de même sa casquette de chef du mouvement au profit de Pascal Durand.
Si la ministre écologiste s’impose rapidement par l’élaboration d’un vaste plan logement (promouvant à la fois l’encadrement des loyers dans un certain nombre d’agglomérations, le renforcement de la clause de la loi SRU – solidarité et renouvellement urbains – qui impose un seuil minimum de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants et la mise en place d’un dispositif fiscal destiné à encourager la construction d’habitations à destination des foyers les moins favorisés), elle n’en doit pas moins tour à tour entériner le report de la fiscalité écologique, avaliser la rigueur toujours plus marquée affichée par le gouvernement, et se contenter de l’indécision qui règne au sommet de l’État quant à la réduction de la part du nucléaire en France. Tout juste peut-elle se féliciter de l’interdiction initiale faite par la ministre de l’Écologie – la socialiste Delphine Batho –, de la fracturation hydraulique dans le cadre de l’exploitation potentielle du gaz de schiste dans le pays.
De leur côté, les Verts n’hésitent guère à faire bientôt état de leur déception et mécontentement. Contre l’avis de D. Cohn-Bendit, ils se prononcent majoritairement contre la ratification du traité de budget européen en octobre. Dans le même temps, ils s’inquiétent du projet de grand aéroport soutenu par le Premier ministre à Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, manifestent régulièrement leur hostilité aux plans de rigueur et votent, à l’Assemblée, contre la loi sur l’enseignement supérieur à la fin mai 2013. Poursuivant dans cette stratégie d’autonomisation par rapport au PS, ils sont de plus en plus tentés de faire cavalier seul lors du premier tour des municipales de 2014. Alors que l’écologie semble faire les frais des arbitrages gouvernementaux pour l’année 2014, certains ténors du mouvement, à l’instar de Jean-Vincent Placé (président du groupe écologiques au Sénat), émettent publiquement des doutes quant à leur raison d’être au sein de la majorité présidentielle et a fortiori dans l’exécutif.
Il n’empêche : en dépit du limogeage au début juillet 2013 de D. Batho, coupable d’avoir dénoncé la sensible baisse des crédits de son ministère et les mauvaises orientations prises, à ses yeux, par l’équipe Ayrault, et malgré de nouvelles passes d’armes entre C. Duflot et le chef du gouvernement ou son ministre de l’Intérieur Manuel Valls (au sujet des Roms), les Verts confirment, bon gré mal gré, leur présence dans l’équipe et la coalition au pouvoir.
Fragilisé à la tête du mouvement par l’ultimatum maladroit qu’il lance au gouvernement en septembre à propos de la transition énergétique, P. Durand décide de ne pas briguer un nouveau mandat, toutes choses qui permettent à C. Duflot et J.-F. Placé de reprendre un peu plus la main sur l’appareil. Dénonçant ces manœuvres, Noël Mamère annonce son retrait du parti, ce qui n’empêche pas la motion d’Emmanuelle Cosse, ex-présidente d’Act-Up et proche de la ministre du Logement, d’arriver en tête, même péniblement, lors du congrès de la fin novembre.
Désormais officiellement principale responsable des Verts, cette dernière peut se féliciter de la relative résistance de ses listes aux municipales de mars 2014, dramatiques pour le PS et fort mauvaises pour la gauche en général. Si la formation écologiste perd Montreuil, où D. Voynet ne se représentait pas, et subit les contrecoups de la débâcle partout où membres de la majorité et communistes finissent par se rassembler, EE-LV alliée au Front de gauche ravit aux socialistes la mairie de Grenoble.
6.2. Hors du gouvernement
Hostiles, pour des raisons de compatibilité politique, à l’idée de rempiler dans la nouvelle équipe gouvernementale dirigée par M. Valls, les deux membres écologistes de l’exécutif sortant, C. Duflot et P. Canfin, arrachent à leurs collègues du mouvement le principe d’un soutien sans participation au pouvoir socialiste. Au reste, ils sont 7 sur 17 parlementaires à s’abstenir lors du vote de confiance qui s’ensuit. Et 12 à rejeter le plan de rigueur de 50 milliards d'euros présenté à l’Assemblée par le nouveau Premier ministre à la fin du mois d’avril. D’où aussi des appels du pied de la part d’un parti de Gauche prompt à repérer les convergences politiques, mais pour l'heure en vain.
Les élections européennes de la fin mai sont loin de renouveler l’exploit réalisé en 2009 par un D. Cohn-Bendit qui, à près de 70 ans, choisit de se mettre en retrait de la vie politique : privé de son charisme, et dans un contexte de rejet de la gauche et d’essor de la protestation FN, EE-LV, qui n'arrive qu'en cinquième position, voit son score divisé par près de 2, à 8,9 %, et n’envoie à Strasbourg que 6 représentants au lieu de 15.
C’est désormais C. Duflot qui, à l’Assemblée, au sein du parti et dans les médias, prend la tête de la charge contre les choix politiques et économiques des gouvernements Valls successifs. Au grand dam d’un D. Cohn-Bendit qui se voit parfois contraint de sortir du silence de sa retraite pour dénoncer ce qu’il estime être une dérive sectaire gauchiste ou, non sans paradoxe, d’un J.-F. Placé qui désormais, comme quelques autres dans les groupes parlementaires, n’a de cesse de plaider pour un retour des Verts dans l’exécutif. D’autant que le mouvement, seul, doit se contenter d’un piètre score de 2 % des voix et que les tickets communs préférentiels avec le Front de gauche ne résistent guère mieux à la bérézina des élections départementales de mars 2015. Fin août, le départ de J.-F. Placé, après celui de François de Rugy, son homologue à l'Assemblée nationale, ouvre définitivement la crise au sein du parti.
Rejoints bientôt par d’autres élus comme Barbara Pompili, ils créent dans la foulée un nouveau mouvement intitulé Écologistes !, qui se veut compatible avec les orientations social-démocrates de l’exécutif. Désormais privé de sa double tête, le groupe parlementaire EE-LV porte C. Duflot à sa co-présidence en octobre 2015, cependant que le parti se montre indifférent à la consultation populaire organisée au même moment par la direction socialiste en vue de forcer la main des Verts et de les amener à constituer des listes communes pour les régionales de décembre. C’est au contraire la ligne défendue par C. Duflot, à savoir celle de l’autonomie ou de l’association avec le parti de Gauche (dans quatre régions) qui prime – sans grand succès, puisqu’avec 6,68 % des voix au premier tour, et malgré la fusion avec le PS dans la plupart des zones où il se maintient, les écologistes voient leur représentation dans les conseils laminée (division par 4 de leurs sièges, à désormais 66).
6.3. Divisions internes et retour partiel au gouvernement
Plus que jamais hostile aux initiatives de l'exécutif, en particulier à son projet de révision de la Constitution et de déchéance de la nationalité consécutif aux attentats de novembre 2015, le mouvement se déchire autour de l’idée d’une possible participation à des primaires à gauche à l’horizon 2017. Il doit aussi faire avec le brusque départ de sa secrétaire nationale E. Cosse, nommée ministre du Logement lors d’un mini-remaniement en février 2016, tandis que J.-V. Placé et B. Pompili deviennent secrétaires d’État. La franche opposition de nombre d’élus et militants EE-LV au projet de réforme du droit du travail présenté par l’équipe au pouvoir et la participation de la plupart des députés Verts à l’élaboration d’une motion de censure de gauche en mai précipitent le départ de six des leurs vers le PS, ce qui met de facto fin au groupe parlementaire, accentue le climat de crise interne et fragilise un peu plus ce qui reste de l’appareil, à la veille de nouvelles échéances d’importance.
Pour en savoir plus, voir les articles Bündnis 90/Die Grünen, écologie, France : vie politique depuis 1958, Ve République.