Grèce : histoire de la Grèce moderne
L'histoire de la Grèce jusqu'à la fin de la domination romaine (mort de Théodose, 395 après J.-C.) est traitée dans l'article histoire de la Grèce antique.
Résumé
La Grèce byzantine (395-1453)
Christianisée dès le ive siècle, la Grèce occupe dans l'Empire byzantin une place essentielle par son adhésion à la religion orthodoxe. La réaction locale à l'occupation franque après la prise de Constantinople par les Croisés, en 1204 (→ croisades), favorise la formation d'une conscience nationale.
La Grèce dans l'Empire ottoman (xve-xixe siècles)
Près de cinq siècles de domination turque au sein de l'Empire ottoman ne remettent pas en cause l'adhésion des Grecs à la religion orthodoxe.
Le sentiment national se développe ; les Grecs émigrés entretiennent en Occident un soutien à la cause grecque que justifie le prestige de la Grèce antique.
La Grèce indépendante (1832-1944)
Lorsque le pays accède à l’indépendance en 1832, après dix ans de lutte contre le pouvoir ottoman, il n’est encore qu’un petit royaume « protégé » par l’Angleterre, la France et la Russie. Jeux d’influence des grandes puissances, guerre de Crimée, guerre russo-turque, aussi bien que révoltes internes affectent la formation de la Grèce moderne.
Dans ce processus heurté, se distingue, au début du xxe siècle, la figure d’Elefthérios Venizélos, qui obtient, au terme des guerres balkaniques (1912-1913), d’importants avantages territoriaux.
Issue de la guerre gréco-turque (1921-1922), la République grecque (1924-1935) sombre dans l’anarchie et la dictature, avant d’être happée par la Seconde Guerre mondiale, entre occupation italienne et allemande.
De 1944 à nos jours
Après une guerre civile (1944-1949) opposant les résistants communistes aux partisans royalistes, la Grèce – qui se trouve être l'un des enjeux de la guerre froide – est intégrée dans le camp occidental (OTAN, 1952), mais la démocratie reste fragile.
Sa consolidation après la dictature des colonels (1967-1974) est confirmée par l’adhésion à l’Union européenne (1981). Une intégration fortement ébranlée, depuis 2009, par les effets dévastateurs de la crise économique et financière.
1. La Grèce byzantine (ive-xve siècles)
1.1. Une modeste province soumise aux invasions barbares
À la mort de l'empereur Théodose (395), la Grèce se trouve incluse dans l'Empire romain d'Orient. Elle sera ravagée à maintes reprises par les invasions : Wisigoths, Ostrogoths, Huns, Slaves (à partir de 547), Avars (591), Arabes, qui prendront Chypre (649) et Rhodes (654).
Les Slaves colonisent l'intérieur du pays, lentement, pacifiquement et aussi très inégalement selon les régions : la population gréco-romaine trouve refuge dans les grandes villes, dans les régions côtières et les îles. Les Slaves se convertissent au christianisme à partir du ixe s.
L'organisation administrative se transforme. Le péril des invasions entraîne la création de circonscriptions militaires, les thèmes (quatre en Grèce), obéissant à des stratèges. Mais, surtout après la disparition de l'empire romain d'Occident (476), la Grèce prend dans l'Empire byzantin une place éminente dans le domaine culturel.
1.2. Un héritage culturel remarquable
Théodose II, sous l'influence de sa femme Eudoxie, une Grecque, fonde à Constantinople (l'Antique Byzance) une université grecque (425) et autorise à rendre les jugements en langue hellénique. Si Justinien ferme en 529 les écoles philosophiques d'Athènes – regardées comme un foyer de paganisme –, il publie nombre de ses décrets en grec. Vers 630, Héraclius adopte le titre de basileus et fait du grec la langue officielle ; l'Église chrétienne, usant de cette langue, contribue à sa diffusion.
La Grèce est entraînée dans les querelles religieuses qui déchirent l'Empire, et se soulève, en 727, contre Léon III l'Isaurien, l'empereur iconoclaste. Comme le reste de l'Orient d'alors, elle adhère au schisme de 1054 et se rallie au patriarche de Constantinople.
1.3. Nouvelles menaces et invasions (ixe-xie siècles)
Les Arabes, un moment contenus par Constantin V qui a réoccupé Chypre (746), s'emparent de la Crète (826), qui sera reprise en 961, puis de Thessalonique (904) dans le nord de la Grèce. Mais ce sont surtout les Bulgares, dont les incursions se font plus menaçantes. L'ambitieux tsar Samuel s'avance jusqu'aux Thermopyles, où il est finalement vaincu, après trente ans de lutte, par Basile II le Bulgaroctone (Sperkhios, 996).
L'accalmie consécutive à la destruction du royaume bulgare dure presque deux siècles. En 1081, les Normands débarquent en Épire, ravagent l'Eubée et l'Attique (1147).
Ces invasions plongent la Grèce dans la misère. Beaucoup de paysans refluent vers les villes, tandis que dans les campagnes, se forment de grands domaines féodaux.
À partir du xie siècle, les souverains byzantins (→ Alexis Ier Comnène en 1081) recherchent contre les Barbares l'appui de la République de Venise, qui en profite pour obtenir des bases commerciales.
1.4. Dans l'enjeu des croisades (xiie-xve siècles)
Au cours de la troisième croisade, le roi d'Angleterre Richard Cœur de Lion fait la conquête de Chypre (1191), qu'il cède l'année suivante à l'ancien roi de Jérusalem Gui de Lusignan.
La prise de Constantinople par les croisés (quatrième croisade, 1204) aboutit à la dislocation de l'Empire byzantin, à la création d'un éphémère Empire latin – confié au comte de Flandre Baudouin qui étend son autorité sur la Thrace – et à la formation de principautés franques : le royaume de Thessalonique (repris par les Byzantins dès 1224) ; le Péloponnèse, devenu la principauté d'Achaïe ou de Morée ; le duché d'Athènes.
Pour en savoir plus, voir les articles croisade, Empire latin de Constantinople.
Contre les Francs et les Vénitiens, les empereurs grecs, c'est-à-dire byzantins (Michel VIII Paléologue en premier lieu qui reprend Constantinople en 1261) s'appuient sur les Génois, auxquels ils abandonnent Phocée (1275), les îles de Chio (1304) et de Lesbos (1355). Mais ils sont chassés d'Asie Mineure par les Turcs dès le deuxième quart du xive siècle.
Au xve siècle, la civilisation grecque byzantique brille néanmoins d'un éclat plus vif encore qu'au début de l'Empire d'Orient. Mais cette renaissance est arrêtée par la conquête turque.
2. La Grèce dans l'Empire ottoman (1456-1832)
2.1. Une conquête progressive et inachevée
Le 4 juin 1456, Athènes tombe aux mains des Turcs. Les progrès des conquérants ont été facilités par les querelles entre princes byzantins et par la politique de Venise, qui a longtemps essayé de s'entendre avec eux pour obtenir des avantages commerciaux.
La conquête des terres grecques par les Turcs n'est cependant pas achevée en 1456 : l'empire de Trébizonde survivra jusqu'en 1461 ; Rhodes tombera seulement en 1522, Chypre en 1571, la Crète en 1669, Tínos en 1715 ; quant aux îles Ioniennes, elles échapperont presque totalement aux Ottomans.
D'autre part, la pacification de la Grèce ne sera jamais totale, et de nombreux soulèvements se produiront : en Morée (1463-1479), à Rhodes (1522), en Grèce centrale (1571).
2.2. Une relative autonomie civile, administrative et religieuse
Cependant, les Turcs ne sont pas plus impopulaires aux yeux des Grecs que les Vénitiens et, en général, les Latins. Les sultans se montrent tolérants à l'égard des Grecs, qui gardent leur langue, leur religion et leur organisation religieuse.
La Grèce est soumise à un administrateur de l'Empire ottoman, le beylerbey, sous l'autorité duquel est placée la division administrative ou l'eyalet de Roumélie ; celle-ci est elle-même divisée en sept provinces, ou sandjaks (Morée, Eubée, Béotie-Attique, Thessalie, Étolie-Arcadie, Épire, Grèce centrale), et en districts administrés par un subaşi. Plus tard apparaîtront des groupements de sandjaks – les vilayets – dirigés par des pachas.
Une partie des terres est confisquée pour être distribuée en fiefs militaires aux sipahi (cavaliers) ou attribuée en pleine propriété à des musulmans ou au clergé islamique. Mais les Ottomans laissent leurs biens aux monastères orthodoxes et aux grands propriétaires qui se soumettent ; dans les régions montagneuses, les indigènes conservent aussi leurs terres et leur liberté.
L'occupation turque se présente finalement comme celle d'une armée campée en pays conquis et se préoccupant surtout du maintien de l'ordre ; aussi le patriarche de Constantinople devient-il un chef national pour les Grecs. La perception des impôts étant affermée, des Grecs s'en chargent et acquièrent dans leurs localités une autorité consacrée par leur reconnaissance comme chefs de villages, plus tard assistés de conseillers municipaux élus.
2.3. L'essor du négoce
À la faveur des capitulations signées par le sultan avec la France, l'Angleterre (1580) et les Provinces-Unies (1612), le commerce se développe dans le monde méditerranéen et beaucoup de Grecs s'y adonnent, prenant la place jadis tenue par les Vénitiens. À Constantinople, les Grecs du quartier du Phanar – les Phanariotes – s'enrichissent et forment une bourgeoisie influente jusque sur le gouvernement, qui leur abandonne certaines fonctions, comme celle de drogman (interprète) de la Porte ou Sublime Porte – nom donné autrefois au gouvernement ottoman.
D'autres essaiment comme négociants dans les ports du Levant et de l'Occident, surtout en Russie, où certains entrent au service du tsar (→ Capo d'Istria) ; les principautés roumaines de Moldavie et de Valachie sont placées sous l'autorité de hospodars (princes) phanariotes à partir de 1711.
2.4. L'éveil du sentiment national (xviiie siècle)
Le sentiment national grec s'éveille au xviiie siècle sous le double effet de la décadence turque et de la volonté de la Russie de prendre en main la cause de tous les orthodoxes soumis aux Turcs et de trouver des débouchés maritimes par les Détroits (zone formée, entre mer Noire et Méditerranée, par le Bosphore et les Dardanelles).
En 1768, la tsarine Catherine II entre en guerre contre la Turquie et envoie sa flotte sur les côtes de Morée ; la lutte s'achève par le traité de Kutchuk-Kaïnardji (juillet 1774), qui établit le protectorat russe sur les orthodoxes de Moldavie et Valachie, et permet aux bateaux grecs de naviguer sous pavillon russe. La Russie va désormais avoir les Grecs pour fidèles « clients ».
Les Grecs émigrés entretiennent chez les Occidentaux, impressionnés par le prestige de la Grèce antique, le soutien à leur cause. Parmi eux se détachent Coraï (Koraís), Smyrniote qui se rend en France pendant la Révolution, et Feraíos (Konstandínos Ríghas), qui séjourne à Vienne, où il fonde la société patriotique de l'Hétairie et compose la Marseillaise hellénique – livré aux Turcs, il sera exécuté en 1798.
L'Hétairie est reconstituée en 1814, à Odessa, sous la présidence du Grec Ypsilanti, devenu aide de camp du tsar Alexandre Ier (qui entre en relation avec Ali Pacha de Tebelen, en conflit avec le sultan).
Pour en savoir plus, voir l'article question d'Orient.
2.5. La guerre d'indépendance (1821-1830)
En mars 1821, tandis qu'Ypsilanti tente de soulever les Roumains, l'archevêque de Patras, Ghermanós, et un membre de l'Hétairie, Papafléssas, appellent les Grecs à l'insurrection. Les klephtes (montagnards) de Theódhoros Kolokotrónis, les marins de l'amiral Miaoúlis et de Konstandínos Kanáris leur apportent leur concours.
Après la prise de Trípolis (1821), en Morée, le congrès d'Épidaure, présidé par Mavrocordato, proclame l'indépendance de la Grèce (1er-12 janvier 1822). Mais les Turcs se ressaisissent, pendent le patriarche et se livrent à des massacres (→ Chio, avril 1822).
Soutiens occidentaux
Les Grecs sollicitent en vain l'appui de la Russie au congrès de Vérone, qui suit la politique conservatrice de Metternich. Cependant, l'opinion publique, en Europe et aux États-Unis, s'enthousiasme pour leur cause, et un peu partout se créent des comités de soutien pour leur envoyer des volontaires, des armes ou de l'argent. Les volontaires les plus célèbres ont été le colonel français Fabvier, le poète anglais Byron et lord Cochrane.
Dissensions grecques et sursaut turc
Mais les Grecs, divisés en plusieurs gouvernements locaux, se dispersent en querelles internes. Ils facilitent ainsi la tâche des troupes modernes du pacha d'Égypte Méhémet-Ali, appelées en 1825 par le sultan et qui, sous les ordres d'Ibrahim Pacha, reprennent le pays en deux ans, après la chute de Missolonghi (1826) et de l'Acropole d'Athènes, défendue par Fabvier (1827).
Interventions étrangères
La situation est sauvée par le tsar Nicolas Ier, le cabinet britannique de George Canning et le ministère français de Villèle, qui s'entendent, à Londres, pour exiger l'autonomie de la Grèce (juillet 1827). Malgré Metternich, ces États envoient leurs flottes, qui détruisent l'escadre turco-égyptienne en rade de Navarin (→ bataille de Navarin, 20 octobre 1827). Nicolas Ier déclare ensuite la guerre à la Turquie (avril 1828), et la France fait occuper la Morée par les troupes du général Maison.
2.6. L'indépendance sous protection
Le sultan doit signer le traité d'Andrinople (septembre 1829), qui fait des pays grecs situés au sud d'une ligne tirée du golfe d'Arta à celui de Volos, avec les îles d'Eubée et des Cyclades, un État vassal de la Turquie.
Par le traité de Londres (3 février 1830), l'Angleterre, la France et la Russie reconnaissent de fait l'indépendance de la Grèce en offrant la couronne à Léopold de Saxe-Cobourg, qui l'accepte, mais qui est écarté par Jean Capo d'Istria. Celui-ci, élu en 1827 président de la Grèce par l'Assemblée de Trézène, renforce sa dictature à l'encontre des bourgeois libéraux menés par le probritannique Mavrocordato. Mais il est assassiné le 9 octobre 1831.
Après une période d'anarchie, la Convention de Londres (7 mai 1832) fait de la Grèce un royaume indépendant protégé par les trois puissances. La couronne est offerte à Otton de Bavière.
Pour en savoir plus, voir l'article Empire ottoman.
3. La Grèce indépendante entre monarchistes et républicains (1832-1944)
Le pays qui accède à l’indépendance en 1832 reste amputé de nombreux territoires dont la Crète, la Thessalie, la Thrace, l’Épire et la Macédoine. La reconquête de son intégrité territoriale devient ainsi le principal objectif des gouvernements grecs, objectif qui ne sera atteint qu’avec les guerres balkaniques de 1912-1913 et la dislocation de l'Empire ottoman après la Première Guerre mondiale.
3.1. La naissance du royaume de Grèce
Otton, le nouveau roi, transfère la capitale à Athènes (1834), mais, en peuplant l'administration et l'armée d'Allemands, il s'attire l'hostilité de ses sujets grecs. Un coup d'État dirigé par Kallérghis (septembre 1843) l'oblige à promettre une Constitution, que vote, en mars 1844, une Assemblée nationale ; une Chambre des députés élue au suffrage censitaire et un Sénat nommé à vie par le roi sont établis, mais il n'y a pas de régime parlementaire. Otton peut ainsi maintenir son autorité avec l'appui de la Russie.
Résurgence de la « Grande Idée »
Otton est très peu populaire, sauf lorsqu'il embrasse la cause de la « Grande Idée », expression forgée en 1844 par le Premier ministre Ioannis Kolettis, qui se fait le champion des Grecs nés hors du royaume. La « Grande Idée » – l'idée de la reconquête de Byzance par les Grecs – parcourt la littérature néohellénique et hante la culture populaire. Au milieu du XIXe siècle, elle passe de la tradition populaire à l'idéologie politique.
Mus par un mouvement nationaliste et irrédentiste, les politiciens grecs, à l'heure où le petit royaume de Grèce est inféodé aux puissances alliées, exaltent l'idéal d'une Grande Grèce « des cinq mers et des trois continents », recouvrant les frontières de l'ancien Empire byzantin à son apogée.
Jeux d'influence
Mécontente, l'Angleterre bloque Le Pirée au début de 1850. Mais cette intervention maladroite renforce l'influence russe, d'autant que le tsar s'est entremis pour faire admettre au sultan l'indépendance administrative de l'Église grecque.
Pendant la guerre de Crimée (1854-1856), les sympathies grecques pour la Russie et les soulèvements des Hellènes dans les provinces turques d'Épire et de Thessalie amènent la France et la Grande-Bretagne à débarquer au Pirée des troupes, qui y demeureront jusqu'en 1857.
D'un roi à l'autre
Le 13 février 1862, la garnison de Nauplie se révolte contre Otton ; le 22 octobre, c'est au tour d'Athènes, où Dhimítrios Voúlgharis, soutenu par les Anglais, proclame la déchéance du roi. Pour établir son influence sur la Grèce, dont la position en Méditerranée orientale est capitale sur la route de l'Inde, l'Angleterre impose comme souverain le beau-frère du prince de Galles, Georges de Danemark, qui prend le nom de Georges Ier (octobre 1863) ; afin de s'attacher la nouvelle dynastie, elle lui donne les îles Ioniennes (1864).
La Constitution de 1864 limite les droits du souverain et établit le suffrage universel. En 1866, Georges Ier favorise un soulèvement des Crétois contre les Turcs, mais non appuyé par les puissances, doit laisser l'île au sultan.
Pendant la guerre russo-turque (1877-1878, → crises et guerres des Balkans), les Grecs pénètrent en Thessalie, province dont la plus grande partie – ainsi qu'une portion de l'Épire – leur sera cédée en 1881.
Le soulèvement des Crétois
Les Crétois s'irritent de la non-exécution des promesses de réformes qui leur ont été faites par le pouvoir turc au congrès de Berlin en 1878. Ils se soulèvent en mars 1896, avec l'appui de volontaires grecs, et, en février 1897, le gouvernement grec fait débarquer ses troupes en Crète.
Par ailleurs, commandés par le prince Constantin (→ futur Constantin Ier), les Grecs entrent en Macédoine, mais sont battus.
La médiation des puissances impose un armistice, et, par le traité de Constantinople (décembre 1897), la Crète est déclarée autonome, dans le cadre de l'Empire turc.
En septembre 1898, de nouvelles révoltes en Crète incitent les puissances à faire nommer dans l'île un haut-commissaire, le prince Georges de Grèce, le second fils du roi. Mais celui-ci, par son autoritarisme, provoque une révolte en 1905 et son remplacement par Aléxandhros Zaímis.
3.2. Les crises balkaniques
La crise balkanique, ouverte en octobre 1908 et qui voit Serbes, Grecs et Bulgares se liguer contre le pouvoir ottoman, entraîne un mouvement nationaliste en Grèce et en Crète, où Elefthérios Venizélos, à la tête de l'insurrection crétoise, proclame le rattachement au gouvernement d'Athènes.
Les efforts unificateurs de Venizélos
En 1910, sollicité par la Ligue militaire – un groupe d'officiers libéraux à l'origine d'une nouvelle rébellion en août 1909 – Venizélos devient Premier ministre après la victoire de ses partisans à des élections démocratiques. Attaché à la réalisation de la Grande Idée, il s'efforce de réunir tous les territoires habités par des Hellènes. D'autre part, il fait voter en 1911 une Constitution assurant les principales libertés et procède à la réorganisation du pays.
En guerre contre les Turcs
Sous le patronage de la Russie, la Grèce s'allie à la Bulgarie, à la Serbie et au Monténégro (mai 1912), et cette Ligue balkanique déclare, le 18 octobre 1912, la guerre à la Turquie. L'armée grecque envahit l'Épire et la Macédoine, s'empare de Salonique (Thessalonique) en novembre puis d'Ioánnina (février 1913).
En mars 1913, Georges Ier est assassiné, et la couronne revient à Constantin, beau-frère de l'empereur allemand Guillaume II.
La Grèce recouvre ses territoires
La conférence de Londres de mai 1913 met fin au premier conflit, mais les discussions sur le partage de la Macédoine entraînent une seconde guerre, opposant principalement la Bulgarie et ses anciens alliés. La défaite de la Bulgarie est suivie du traité de Bucarest (août 1913), qui assure à la Grèce une grande partie de la Macédoine avec Thessalonique, la Chalcidique, Kavála, l'Épire méridionale, la Crète et les îles de Sámos, Chio, Mytilène et Lemnos.
Pour en savoir plus, voir l'article crises et guerres des Balkans.
3.3. La Grèce dans la Première Guerre mondiale
Entre soutien à l'Allemagne et soutien aux Alliés
Lors de la Première Guerre mondiale, le gouvernement grec est divisé entre les germanophiles, groupés derrière le roi, et ceux, qui, avec Venizélos, veulent se ranger aux côtés des Alliés. Quand ces derniers entreprennent l'expédition des Dardanelles, Venizélos propose l'entrée en guerre de la Grèce, mais Constantin Ier l'oblige à démissionner (6 mars 1915).
Venizélos revient en août, à la faveur des élections ; lors de l'invasion de la Serbie (octobre 1915), il veut tenir les engagements de l'alliance de 1913 et conseille secrètement aux Alliés de débarquer à Thessalonique, ne protestant ensuite que pour la forme. Il doit démissionner de nouveau le 5 octobre et est remplacé par Zaímis, puis par Stéfanos Skouloúdhis qui maintient une neutralité favorable aux Empires centraux (Allemagne, Autriche-Hongrie, Bulgarie et Empire ottoman), tandis que les Alliés multiplient les ultimatums.
La constitution, à Thessalonique (septembre 1916), d'un gouvernement républicain par Venizélos, l'amiral Pávlos Koundouriótis et le général Dhanglís amène Constantin à envisager une alliance avec les Empires centraux. Cette politique entraîne le général français à la tête de l'armée d'Orient, Maurice Sarrail, à occuper la Thessalie en mai 1917 ; le 11 juin, celui-ci fait remettre par le haut-commissaire des Alliés, Charles Jonnart, un ultimatum exigeant l'abdication de Constantin. Ce dernier se soumet, et la couronne revient à son second fils, Alexandre, qui rappelle aussitôt Venizélos. Le 26 juin, la Grèce déclare la guerre aux Empires centraux.
Après la guerre
Les revendications de la Grèce sont incomplètement satisfaites, en novembre 1919, lors du traité de Neuilly avec la Bulgarie (acquisition de la Thrace occidentale et de la côte égéenne autour d'Alexandhroúpolis) et, en août 1920, lors de celui de Sèvres avec la Turquie (acquisition de la Thrace orientale, des îles d'Imbros [Imroz] et de Ténedos, de la région de Smyrne).
En septembre 1920, Venizélos dissout la Chambre, mais, battu aux élections du 14 novembre, il s'installe à Paris. En octobre, Alexandre Ier meurt, et le plébiscite du 5 décembre rappelle Constantin Ier.
Pour en savoir plus, voir l'article Première Guerre mondiale.
3.4. La guerre gréco-turque (1921-1922)
En janvier 1921, poussé par les Alliés, le Premier ministre Ghoúnaris lance une offensive générale en Anatolie. Mais l'armée turque de Mustafa Kemal remporte d'éclatants succès sur les Grecs, qui doivent signer l'armistice de Mudanya en octobre 1922.
Des officiers partisans de Venizélos, entraînés par le colonel Plastíras, ont obligé, en septembre, Constantin Ier à abdiquer en faveur de son fils, Georges II ; celui-ci gouverne avec le comité révolutionnaire de Plastíras et de Ghonatás ; Ghoúnaris et les généraux tenus responsables de la défaite sont exécutés en novembre.
Pour en savoir plus, voir l'article crises et guerres des Balkans.
Un échec lourd de conséquences
Par le traité de Lausanne (juillet 1923), la Grèce doit renoncer à Smyrne ainsi qu'à la Thrace à l'est de la rivière Évros (Marica) et accepter d'échanger les minorités avec ses voisins turcs. 1 400 000 réfugiés, dont 200 000 seulement émigrent, aggravent la situation économique.
Ces difficultés provoquent la formation de partis d'opposition : Union démocratique de Papanastassíou, parti communiste appuyé sur un syndicat ouvrier puissant. Cependant, après une tentative de coup d'État royaliste par Metaxás (novembre 1923), les élections de décembre sont un succès pour les partisans de Venizélos, et Georges II se retire en laissant la régence à l'amiral Koundouriótis (18 décembre 1923).
3.5. La République grecque (1924-1935)
Entre anarchie et dictature
La république, proclamée le 25 mars 1924, est confirmée en avril par un plébiscite, l'amiral Koundouriótis devenant président. Mais le pays sombre dans l'anarchie. Le général Pángalos prend le pouvoir en juin 1925 et établit bientôt une dictature, qui sera renversée par le général Kondhýlis en août 1926 ; ce dernier rétablit Koundouriótis à la tête de la République. Après des élections sans majorité, Zaímis forme un gouvernement d'union républicaine et publie en juin 1927 une Constitution parlementaire. La situation intérieure est aggravée par les difficultés financières.
Le retour de Venizélos
Appelé en juillet 1928 à la présidence du Conseil, Venizélos dissout la Chambre, et les élections d'août lui assurent une large majorité, qui lui permet d'exercer un pouvoir personnel. Mais il doit renoncer à son ancienne politique irrédentiste – la réalisation de la Grande Idée – et conclut un traité d'amitié avec l'Italie (septembre 1928), puis avec la Yougoslavie (mars 1929). Il reçoit même le président turc Ismet Inönü (1931) et ne soutient pas le mouvement nationaliste de Chypre.
Ce revirement et l'abandon de l'étalon-or en mai 1932 l'obligent à démissionner (mai 1932) et à céder la place à Papanastassíou, puis, en novembre, à Tsaldháris, chef du parti populaire.
Après une nouvelle tentative de coup d'État (mars 1933) par le général Plastíras, le général Kondhýlis prend le pouvoir (mars 1935) et abolit la république le 10 octobre.
3.6. La restauration de la royauté et la Seconde Guerre mondiale
Rappelé par un plébiscite, Georges II revient en novembre 1935, tandis que Venizélos part pour l'exil. Après avoir formé un cabinet Dhemerdzís, le roi laisse le général Metaxás abolir la Constitution de 1927, dissoudre le Parlement et établir une dictature, qu'il exercera de 1936 à sa mort (1941).
La Grèce, qui a adhéré en février 1934 à l'Entente balkanique, est menacée par les ambitions de Mussolini depuis l'annexion de l'Albanie (avril 1939).
Entre occupation italienne et allemande
Le 28 octobre 1940, l'Italie envahit son territoire.
En avril 1941, les Allemands viennent seconder les Italiens, auxquels les Grecs opposent une résistance acharnée. Après l'occupation de Corinthe par les parachutistes allemands, Athènes tombe le 27 avril, et, le 28, l'ennemi occupe toute la Morée.
Georges II se retire en Crète, défendue par les Britanniques. Le 20 mai, l'île est attaquée par les parachutistes allemands. Après la perte de Khaniá (La Canée) le 27 mai, les Anglais se rembarquent le 1er juin, Georges II allant installer son gouvernement au Caire.
Guérilla et résistance grecques
Les Allemands établissent à Athènes le gouvernement fantoche du général Tsolákoghlou, contre lequel la guérilla est activement menée, à partir de mars 1942, par des organisations de résistance : communistes de l'EAM (Front national de libération) et de l'ELAS (Armée nationale populaire de libération), modérés de l'EKKA (Mouvement de libération sociale et nationale) et de l'EDES (Armée nationale démocratique grecque).
Pour en savoir plus, voir l'article Seconde Guerre mondiale.
4. La Grèce après la Seconde Guerre mondiale
4.1. La guerre civile (1944-1949)
Le 10 mars 1944 est constitué par Svólos un comité provisoire de libération nationale. Georges II appelle dans le gouvernement en exil des représentants de toutes les nuances, notamment Gheórghios Papandhréou, et s'engage à ne rentrer en Grèce qu'après un plébiscite. Par suite de l'offensive russe en Roumanie, les Allemands évacuent la Grèce en octobre 1944 ; les Britanniques débarquent au Pirée (14 octobre).
Mais les résistants de gauche, constituant un front national à direction communiste, refusent de déposer les armes et engagent la lutte contre les Anglais, le 3 décembre. Le roi remet alors ses pouvoirs à un régent, le métropolite d'Athènes, Monseigneur Damaskinos (Dhamaskinós). Celui-ci confie la direction du gouvernement au général Plastíras (janvier 1945). La trêve de Várkiza est alors conclue avec l'EAM-ELAS (12 février). Lors des élections du 31 mars 1946, après une campagne violente des éléments de droite, les partis de gauche s'abstiennent ; victorieux, les populistes (royalistes) organisent le plébiscite du 1er septembre, qui rappelle Georges II.
Les anciens résistants communistes refusent de se rallier à la royauté, et la guerre civile reprend dans les montagnes du Nord, menée par l'armée du général Márkos, qui institue, en décembre 1947, à Kónitsa, en Épire, un Gouvernement provisoire de la Grèce libre, soutenu par les Soviétiques. La lutte est menée contre lui d'abord par les Britanniques, puis, à partir de mars 1947, par les Américains.
Le traité de paix avec l'Italie, signé à Paris (février 1947), donne à la Grèce les îles de Rhodes et du Dodécanèse. Peu après, Georges II meurt (avril) et est remplacé par son frère, Paul Ier.
La guerre civile ne s'achève qu'en octobre 1949, avec la prise, par les forces gouvernementales du général Papághos, des monts Ghrámmos, centre principal des insurgés.
4.2. Une démocratie sous tension (1950-1967)
Les élections de mars 1950 donnent la victoire au parti « centre gauche » du général Nikólaos Plastíras, qui forme le gouvernement (avril 1950). Les partis de droite se réorganisent, sous la direction du maréchal Aléxandhros Papághos, dans le Rassemblement hellénique, tandis que le fils de Venizélos forme une Union des centres. Une nouvelle Constitution, reprenant les principes de la monarchie parlementaire, est adoptée en janvier 1952.
En raison de son importance stratégique, la Grèce reçoit largement l'aide américaine et est admise dans l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) en février 1952.
Papághos forme un gouvernement en novembre 1952. Pour améliorer la situation économique, son ministre Markezínis dévalue la drachme (avril 1953) et signe des conventions commerciales avec la Tchécoslovaquie et l'Allemagne de l'Ouest (1954). Il poursuit une politique de détente avec les États voisins : traités de 1953 avec la Yougoslavie et la Turquie, reprise des relations diplomatiques avec l'URSS.
Après la mort de Papághos (octobre 1955) est mis en place le gouvernement dirigé par Konstandínos Karamanlís, qui, appuyé sur le parti de l'Union nationale radicale (ERE), est à la tête du pays jusqu'en 1963. Le 11 juin, il démissionne après l'assassinat du député de gauche Lambrákis en mai. Les élections du 3 novembre 1963 et celles du 16 février 1964 sont marquées par le succès de l'Union des centres, dont le chef, Gheórghios Papandhréou, dirige dès lors le gouvernement. Au roi Paul Ier, mort le 6 mars 1964, succède son fils, Constantin II.
L’aggravation des tensions entre les communautés turque et grecque de Chypre en 1964 et le rapprochement sur cette question de la Turquie et de l’URSS – qui prend brusquement ses distances avec Monseigneur Makários en 1965 –, incitent le Premier ministre à chercher, prudemment, une solution de conciliation. Cible des attaques de la presse grecque de droite qui l’accuse d'abandonner la cause des Grecs de Chypre partisans de l'Enôsis, et soutenus depuis l’indépendance de l’île en 1959, Gheórghios Papandhréou entre également en conflit avec les militaires et le roi. Ce dernier, sous la pression de l’armée, refuse de signer le décret d’application destituant le ministre de la Défense et du chef d’état-major. Reprochant au roi d'avoir violé la Constitution, le Premier ministre est obligé de démissionner le 15 juillet 1965.
La crise semble trouver une issue provisoire en septembre, avec la constitution d'un cabinet de compromis, dirigé par Kostís Stefanópoulos et appuyé par la droite. Mais la nouvelle équipe gouvernementale se révèle impuissante à sortir le pays de l'instabilité, alors que des manifestations se déroulent en faveur de Gheórghios Papandhréou (mars 1966). Stefanópoulos démissionne en décembre 1966, et le roi appelle Joánnis Paraskevópoulos à former un cabinet avec des personnalités extraparlementaires. Ce cabinet, investi le 13 janvier 1967, démissionne dès le 30 mars. Kanellópoulos prend la tête du gouvernement, dissout la Chambre le 14 avril 1967 et fixe des élections au 28 mai.
5. Le temps des militaires (1967-1974)
5.1. Le coup d'État militaire du 21 avril 1967
Dans la nuit du 20 au 21 avril 1967, deux jours avant l'ouverture de la campagne électorale, un coup d'État militaire est fomenté par un groupe d'officiers : le général Stylianós Pattakós, le colonel Gheórghios Papadhópoulos et le colonel Makarézos. Un nouveau gouvernement, présidé par Kostandínos Kóllias (avec le général Pattakós comme ministre de l'Intérieur et le général Spandidhákis comme vice-Premier ministre et ministre de la Défense), prête serment devant le roi. Se déclarant avant tout anticommuniste et « au-dessus des partis », le nouveau gouvernement prend immédiatement des mesures autoritaires, atteignant surtout l'extrême gauche.
5. 2. Le régime des colonels
À l'extérieur, le « régime des colonels » est confronté à une nouvelle crise grave à propos de Chypre. Devant l'attitude de plus en plus menaçante d'Istanbul, il doit accepter, en novembre 1967, le principe du retrait de ses troupes de l'île, concurremment à celui des forces turques. Le 13 décembre, le roi Constantin tente un « contre-coup d'État », mais il échoue et se réfugie à Rome. Le colonel Papadhópoulos prend la tête du gouvernement, et le général Zoïtákis est nommé régent du royaume.
En septembre 1968, une nouvelle Constitution, adoptée par référendum, attribue l'essentiel des pouvoirs à l'exécutif et reconnaît la prééminence de l'armée dans l'État. À l'été et à l'automne de 1968, une forte opposition se manifeste : un attentat contre le colonel Papadhópoulos est organisé par un militant centriste, Alékas Panaghoúlis ; le 3 novembre, une manifestation hostile se déroule à Athènes, à l'occasion des obsèques de Gheórghios Papandhréou. Mais l'opposition a du mal à s'organiser. La plupart des chefs de parti sont en exil : ainsi l'ancien ministre Konstandínos Karamanlís et le fils de Gheórghios Papandhréou, Andhréas Papandhréou, qui prend, en 1968, la direction du Mouvement de libération panhellénique (PAK). À la suite d'un accord entre le PAK, le Front patriotique (d'extrême gauche) et le mouvement « Défense démocratique » (centre gauche), des structures communes de résistance sont créées à Stockholm le 2 avril 1969. En fait, l'opposition est divisée.
5.3. Tentative de démocratisation
À partir de 1970, la réalité du pouvoir appartient au seul colonel Papadhópoulos. Se refusant toujours à organiser des élections, ce dernier crée, au début de 1970, un organe consultatif dont les membres sont soit nommés par le gouvernement, soit élus par les organisations socioprofessionnelles. Une certaine libéralisation est tentée. Mais, le 25 mars 1971 (jour anniversaire de l'insurrection de 1821 contre les Turcs), 133 personnalités de la gauche et de la droite monarchiste réclament le rétablissement de la souveraineté populaire. Le gouvernement réplique par des procès politiques. Papadhópoulos élimine le régent Zoïtákis et prend en main l'appareil de l'État (mars 1972). Craignant un revirement de l'opposition en faveur du roi, le colonel Papadhópoulos, le 1er juin 1973, proclame la république, qui est ratifiée au référendum du 29 juillet ; le colonel accède alors à la magistrature suprême.
5.4. La chute du général Papadhópoulos
Le 14 novembre 1973, des étudiants d'Athènes et d'autres universités se retranchent dans l'École polytechnique d'Athènes et lancent des appels à la révolte. Soutenus par une partie de la population, ils sont expulsés par les forces armées le 17, après une sanglante répression. La loi martiale est proclamée le même jour, et les tribunaux militaires sont mis en place. Le 25 novembre, Papadhópoulos est renversé par une junte dirigée par le général Ghizíkis, qui se proclame président de la République et forme un nouveau gouvernement. La Constitution est suspendue, et la loi martiale prorogée. La répression contre l'opposition s'amplifie, cependant que la Grèce subit une des inflations les plus fortes d'Europe.
Pour en savoir plus, voir l'article Grèce : vie politique depuis 1974.
Pour partir en voyage en Grèce, nous recommandons la fiche : Voyager en Grèce avec Le Routard