En raison, surtout, du coup de frein enregistré dans la commercialisation de la viande de veau, provoquée par le mot d'ordre de boycott lancé par l'Union fédérale des consommateurs pour protester contre l'utilisation d'œstrogènes dans les élevages de type industriel. La production de porc, elle, progresse légèrement, mais est toujours loin de couvrir les besoins nationaux, d'où des importations onéreuses.

Raisonnable

Au total, l'année 1980 se solde par une augmentation de l'ordre de 4,3 % du volume de la production commercialisée. Un résultat remarquable après les fortes progressions des deux années précédentes, puisque, une fois encore, il traduit un développement de la production agricole supérieur à la tendance de longue période.

Les prix, eux, connaissent une évolution plus que raisonnable : la Commission des comptes de l'agriculture chiffre leur hausse à 5,3 % en moyenne pour l'année 1980, alors que les décisions prises à Bruxelles, au printemps, pouvaient laisser espérer un relèvement de quelque 10 %. Il est évident que dans le contexte inflationniste que connaît le pays — l'augmentation des prix à la consommation atteint 13,6 % en 1980 — cette situation mécontente considérablement les agriculteurs.

D'autant plus que l'explosion du coût des consommations intermédiaires (engrais, énergie, produits de traitements, aliments du bétail, etc.) rogne leurs recettes. Elles augmentent de 15,5 % sous le coup de la hausse des produits pétroliers (+ 40 %) et des engrais (+ 25 %), essentiellement. Les charges d'exploitation enchérissent, elles aussi : hausse de 12 % des salaires, de 20 % des cotisations sociales dues par les employeurs agricoles, de 21,8 % des cotisations sociales des exploitants, de 15,7 % des intérêts versés par les producteurs sur les emprunts contractés.

Aides

Bref, le revenu brut agricole moyen par exploitation diminue en 1980 de 6,2 % en F constants. Une chute brutale comme on n'en avait pas connu depuis des années. Une évolution pressentie depuis plusieurs mois puisque, à diverses reprises, le président Valéry Giscard d'Estaing, bien avant que ne soient connues les estimations de la Commission des comptes de l'agriculture, affirme que le revenu agricole sera maintenu. Le 5 décembre, les représentants des organisations agricoles arrivent, bien décidés à ne pas transiger, à l'hôtel Matignon, où le Premier ministre Raymond Barre s'apprête à présider la phase finale de la conférence annuelle. François Guillaume, le président de la FNSEA, résume en une petite phrase leur état d'esprit : « L'engagement du président de la République ne se négocie pas. » Il n'est pas négocié.

Raymond Barre ne conteste pas les calculs de la Commission des comptes de l'agriculture, qui chiffrent à 4,860 milliards de F la perte de revenu des exploitants agricoles. Déduction faite d'aides déjà accordées les mois précédents, le Premier ministre dégage un crédit de 4,120 milliards de F, qui sera versé sous diverses formes :
– des aides directes (2,3 milliards), plafonnées en tout état de cause à 15 000 F par exploitation, auxquelles donnent droit la plupart des productions, à l'exclusion des céréales (sauf maïs et sorgho), des betteraves, des oléagineux et protéagineux et des vins d'appellation ; les chèques commencent à arriver en mars 1981 ;
– la prise en charge des intérêts de certains prêts (510 millions) : prêts aux jeunes agriculteurs et prêts spéciaux de modernisation et d'élevage ;
– le financement de diverses mesures structurelles (1,31 milliard) : renforcement de l'organisation économique de la production de fruits et légumes, aide au stockage des céréales, développement de la prophylaxie des maladies animales, augmentation des crédits du FORMA pour des actions spécifiques en faveur de l'élevage.

Dans les organisations professionnelles, la satisfaction est sans mélange. « Le président de la République a tenu ses promesses », déclare François Guillaume. Cependant, Michel Fau, qui préside le Centre national des jeunes agriculteurs, dit d'emblée ce que beaucoup pensent : « Il convient, pour l'avenir, de maintenir le revenu par les prix et non par des aides directes. » François Guillaume et Louis Perrin, le président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, en sont bien d'accord. Et ils ne tardent pas à le proclamer.

Bataille

Dès les premières semaines de 1981, en effet, s'engage le débat sur les prix agricoles européens de la prochaine campagne : la campagne 1981-82. La Commission des communautés européennes transmet, le 18 février, au Conseil des ministres de l'Europe des Dix et à l'Assemblée européenne ses propositions. Elle recommande une augmentation moyenne des prix de soutien de 7,9 %. Une moyenne qui masque une hiérarchie des nouveaux prix plus favorable pour les productions animales que pour les productions végétales. Dans toute la Communauté, c'est le tollé chez les agriculteurs. Le Comité des organisations professionnelles agricoles de l'Europe, qui représente les quelque 8 millions d'exploitants du Marché commun, revendique, en effet, un relèvement des prix de 15,3 % en moyenne. La Commission est loin du compte ; mais, en plus, elle propose d'étendre à plusieurs productions le système de la coresponsabilité déjà appliqué aux producteurs de lait et aux planteurs de betteraves.