D'autre part, la politique monétaire et financière de l'État, décisive pour l'élaboration de programmes de logements, a eu des effets restrictifs considérables. L'encadrement du crédit bancaire, la réduction ou le retard des prêts conventionnés ont rendu l'argent plus rare et provoqué une distorsion entre les autorisations de construire (+ 9 % en 1980) et les mises en chantiers (– 7 %), ce qui représente un écart record de 100 000 logements entre les besoins exprimés et les décisions de réalisation.
Austérité
Plus rare, le crédit immobilier est également devenu plus cher, en liaison avec la politique de défense du franc et de rémunération de l'épargne menée par les pouvoirs publics. Le taux d'intérêt maximal des prêts conventionnés est passé de 11,40 % au cours de l'été 1979 à 15 % un an plus tard, et celui des prêts au secteurs non aidé de 14 % à 18 %.
De tels coûts, pour des crédits à plus de quinze ans, portent les loyers et les mensualités d'accession à des niveaux qui éliminent de nombreux candidats au logement, lesquels doivent inclure dans leurs charges d'habitat des dépenses de chauffage qui ne bénéficient pas encore de la modération promise par l'énergie nucléaire ou, quand les conditions s'y prêtent, par la géothermie.
Obstacles
Au cours des premiers mois de 1981, rien ne laissait présager une amélioration rapide de l'activité du bâtiment, du moins dans le secteur du logement. Les taux d'intérêt s'alourdissaient, l'inflation ne régressait pas, le crédit n'était pas desserré et l'État n'envisageait pas d'accorder au logement une quelconque priorité, malgré l'accumulation des demandes non satisfaites, notamment dans le secteur du logement social.
Cette phase d'austérité ne saurait cependant, selon les instituts de prévision, durer trop longtemps car le logement s'apparente à un besoin trop fondamental pour ne pas susciter, en cas d'insatisfaction prolongée, des troubles sociaux graves. Un redressement pourrait donc se produire dès l'année prochaine, si l'on parvient à résoudre correctement le problème des terrains urbains à réserver à l'habitat collectif, catégorie d'habitat où la pénurie est le plus sensible.
Le 11 juin 1981, le nouveau gouvernement P. Mauroy, en Conseil des ministres, prévoit le lancement de 40 000 logements supplémentaires en accession à la propriété. Différentes mesures ont également été prises dans le secteur locatif et pour la réhabilitation du patrimoine social locatif ancien.
En attendant, les entreprises du bâtiment, à l'égal de leurs consœurs des travaux publics, cherchent fortune hors des frontières, où elles sont parvenues en 1980 à réaliser plus du dixième de leur chiffre d'affaires, souvent à l'occasion de grands marchés publics. Elles sont déçues davantage par les perspectives de modernisation du parc ancien français, qui se heurtent aux mêmes obstacles financiers que la construction neuve et que ne facilitent ni le statut de la propriété immobilière ni la réglementation de l'« aide personnalisée au logement » offerte aux ménages dont le logement est rénové.
Construction navale
En survie malgré la crise
On survit. Dans les premiers mois de 1981, Abu Dhabi commandait aux chantiers français trois navires transporteurs de produits pétroliers, et le Brésil, deux transporteurs de produits chimiques ; s'y ajoutaient deux plates-formes offshore pour la Norvège et pour les Pays-Bas, un transporteur de produits irradiés pour une société franco-suédoise, deux navires poseurs de câbles pour l'armement national. Et, du côté des petits chantiers, des commandes de navires de pêche et de ravitailleurs pour les plates-formes pétrolières en mer venaient aussi regonfler les carnets.
Surcapacité
Bref, il se confirme que la construction navale française a sans doute passé le creux de la vague. Mais personne ne s'autorise pour autant à afficher le moindre signe d'optimisme.
Dans une conjoncture chaotique, le marché mondial du transport maritime reste en effet marqué par une très forte surcapacité, et les experts les plus téméraires ne fixent pas avant 1987 le moment où les besoins de navires retrouveront leur niveau d'avant la crise — avec, peut-être, une anticipation de cette reprise vers 1985. L'essentiel est donc de pouvoir tenir la tête hors de l'eau jusque-là, et ce n'est déjà pas si mal d'y réussir.