Or, les hasards de l'histoire industrielle ont fait que les aciers spéciaux ne sont pas produits par Usinor et Sacilor mais par Creusot-Loire (une filiale du groupe Empain) et Ugine-acier (une filiale de Pechiney-Ugine-Kuhlmann). Ni le groupe Empain ni PUK, dont ce n'est pas le métier principal, n'y consacrent les sommes voulues pour atteindre un niveau de compétitivité satisfaisant. D'où l'idée, favorisée par les pouvoirs publics, de céder les aciers spéciaux de Creusot-Loire à Usinor et ceux d'Ugine-acier à Sacilor. Un plan cohérent comme seuls savent en produire dans le secret de leur bureau les hauts fonctionnaires.
Malheureusement, cette idée simple s'est trouvée compliquée par des problèmes sociaux et des problèmes d'argent puisque, pour le moment, les aciers spéciaux ne sont pas rentables. Usinor et Sacilor se sont donc fait tirer l'oreille, refusant non seulement de payer mais encore demandant à l'État des subventions pour moderniser les unités de production d'aciers spéciaux. À cela se sont ajoutées des querelles de personnes, querelles très fréquentes dans ces milieux industriels, où les PDG, de peur de perdre la face, multiplient des exigences qui ne sont pas toujours conformes à l'intérêt général bien compris.
Participation
Un accord a enfin été conclu, fin mars 1981, entre Philippe Boulin, patron de Creusot-Loire et Claude Etchegaray, patron d'Usinor. L'opération se résume à une prise de participation de 75 % d'Usinor dans une société nouvelle qui reprend la majeure partie des actifs industriels de Creusot-Loire en matière d'aciers spéciaux ; parallèlement, les pouvoirs publics apportent 500 millions de F, sous forme de prêts participatifs à faible taux.
Les choses traînent davantage du côté de Sacilor et d'Ugine-acier, sans doute parce que les pertes d'Ugine-acier ont été catastrophiques en 1980 et que Sacilor est suffisamment exsangue de son côté pour ne pas accepter sans de sérieuses garanties un fardeau supplémentaire.
L'entrée en force d'Usinor et de Sacilor dans les aciers spéciaux constitue cependant un atout important et nouveau pour la sidérurgie française. Cela ne suffira pas à la sauver, mais, dans la grisaille qui entoure cette profession depuis tant d'années, c'est sans doute le premier signe concret de renforcement structurel.
Mécanique
La ronde des robots
Il devient de plus en plus malaisé de tracer des frontières entre les constructions mécaniques, électriques, électroniques, voire informatiques. Les technologies se mêlent, s'appuient les unes sur les autres sous la direction d'un nouveau type d'ingénieur.
Cette révolution silencieuse, en cours depuis plusieurs années et moins avancée en France qu'en d'autres pays (Japon), s'est accélérée en 1980 dans un climat d'informations parfois excessives sur l'irruption des robots dans les ateliers — mais a été en partie étouffée par la baisse d'activité dont la plupart des entreprises concernées ont souffert. Si une phase de stagnation ou de récession économique ne favorise pas les mutations technologiques, par contre ces dernières peuvent être précipitées sous l'influence de la concurrence étrangère.
C'est le cas actuellement en France, où de nombreuses industries de transformation expriment un besoin de machines et de méthodes nouvelles qui leur permettraient de résoudre des problèmes négligés lors de la période précédente d'expansion.
Flexibles
Il ne s'agit plus de produire toujours davantage et de jouer sur les effets de taille, mais de limiter les reprises et les rebuts, d'obtenir une qualité régulière, d'occuper au maximum le temps et l'espace, d'adapter les procédés à une main-d'œuvre dont le niveau culturel s'est élevé et qui aspire à d'autres tâches qu'à celles, répétitives ou dangereuses, qui lui avaient été naguère assignées.
Trois faits ont illustré récemment cette évolution. La Régie Renault, puis le groupe Peugeot ont passé commande des premiers ateliers robotisés flexibles qui seront expérimentés en France, l'un d'eux dès 1981. Sur l'initiative du président Giscard d'Estaing, il a été décidé, en octobre 1980, de réaliser un vaste musée des sciences et des technologies où la révolution électronico-mécanicienne aurait une place de choix.