Côté grandes surfaces, la tendance est à la réduction : on crée moins, on se fait plus petit. Une évolution qui se confirme tant en alimentaire (supermarchés et surtout hypermarchés) que, au niveau général et national, au travers des décisions des commissions départementales chargées d'appliquer la loi Royer. Celles-ci ont certes eu la main moins lourde cette année — 68 % de surfaces de vente refusées, 76 % en 1979 —, mais cette détente toute relative est compensée par une plus grande rigueur au niveau des décisions ministérielles : 79 % de refus, contre 64 % en 1979. Dans les deux cas, on observe une nette prise de position en faveur des petites et moyennes surfaces, supermarchés et magasins de bricolage, tandis que les hypermarchés font l'objet des mesures les plus restrictives.

Corollaire de cette réduction forcée, la grande distribution cherche un second souffle dans la concentration (Journal de l'année 1979-80), la diversification et, surtout, sur les marchés extérieurs : Promodès prend pied aux États-Unis, le Printemps se lance au Japon, Casino crée une filiale avec un groupe belge, Carrefour signe un accord avec une société italienne et prévoit une huitième ouverture au Brésil, malgré le demi-succès qu'il y a rencontré jusqu'ici.

Controverse

Cette conjoncture morose reste pourtant comme en arrière-plan derrière le principal événement de la période 1980-81 : la libération des prix et des marges commerciales, accompagnée, au fil des mois, de mesures spécifiques pour débloquer progressivement la totalité des produits alimentaires.

Une liberté qui fait encore figure, pour beaucoup, de cadeau empoisonné, prétexte à une accumulation de reproches : hausses de prix abusives, insuffisance de la concurrence, non-respect des engagements de modération et d'information du consommateur conclus en contrepartie de la libération. Bref, accusé de tous les maux, le commerce serait un des principaux fauteurs d'inflation.

La guerre de la baguette à 1 F, déclenchée fin 1980 par un artisan de La Ciotat, contribue d'ailleurs à alimenter la controverse : pendant que certains — boulangers industriels en tête — s'alignent à la baisse, diverses organisations professionnelles crient à la vente à perte et brandissent l'arme du boycott. Mais l'on ignore toujours le prix de revient réel de ces fameux 250 g de pain.

Il est vrai que l'apprentissage de la liberté est délicat et que l'on ne modifie pas aisément des mentalités et des habitudes de gestion modelées par plus de trente années de réglementation extrêmement contraignante. Certes, depuis le déblocage, les prix de détail ont nettement dérapé par rapport aux prix à la production, notamment dans le secteur alimentaire. Mais d'autres facteurs de hausse peuvent expliquer cette poussée et, faute d'indice adéquat, il est encore très difficile de se prononcer sur l'étendue de la responsabilité des commerçants en la matière. Quoi qu'il en soit, René Monory, ministre de l'Économie, ne reviendra pas sur sa décision. Il admet que « le gouvernement a pris un risque » dans cette opération, mais il estime qu'il l'a pris au bon moment.

Concurrence

Désormais, c'est sur la restauration de la concurrence qu'il fait porter ses efforts, celle-ci restant « notablement insuffisante » dans la distribution et les services. Les moyens de cette politique : une vigilance accrue des services de la concurrence et de la consommation, ainsi qu'une meilleure surveillance du marché par la commission de la Concurrence.

Toujours dans cet esprit, le ministre publie, en septembre 1980, une circulaire qui condamne la pratique du prix d'appel, lorsqu'elle s'apparente à une promotion fictive. Ce texte fait grand bruit dans le monde de la distribution, à la fois parce qu'on le considère ambigu, trop timide et, surtout, parce qu'il soulève une fois de plus le problème du refus de vente. Certains producteurs aimeraient pouvoir recourir à cette pratique plus facilement, tandis que la distribution s'y montre très hostile. Le débat va bon train, alimenté par les avis divergents du ministre (« Pas question de libéraliser le refus de vente ») et du Conseil économique et social (pour un assouplissement de la législation). Pendant ce temps, le tribunal relaxe Thomson Brandt, accusé par le distributeur Jean Chapelle d'avoir empêché l'approvisionnement correct de ses magasins à l'enseigne Concurrence.