Un immense nuage de poussière s'élève : ce sont plusieurs tonnes de gravats qui ont enseveli les victimes de l'attentat le plus meurtrier qu'ait connu le monde depuis longtemps.
Massacre
Très vile, en effet, l'origine criminelle de cette catastrophe ne fait plus de doute. Par plusieurs coups de téléphone aux journaux, les terroristes du groupe d'extrême droite NAR (Noyaux armés révolutionnaires) revendiquent l'opération.
De leur côté, les experts envoyés sur place relèvent plusieurs indices ne laissant aucun doute sur l'origine du massacre. L'explosif, qui avait une puissance d'au moins 10 kg de TNT, a été placé dans une petite valise abandonnée dans la salle d'attente. La déflagration a creusé à cet endroit précis un cratère de 30 cm de profondeur.
Mobilisés rapidement, les pompiers, l'armée et de très nombreux volontaires vont tenter de secourir ceux qui ont pu par miracle échapper à la mort. Les ambulances ne sont pas assez nombreuses pour évacuer toutes les victimes : des autobus sont réquisitionnés pour les transporter vers les hôpitaux ou la morgue. Dans la soirée, le bilan devient définitif : 85 morts et 200 blessés.
L'Italie, en état de choc, reste plusieurs jours sans arriver à comprendre ce qui vient de se passer. Les manifestations se succèdent un peu partout. La colère ne vise pas seulement les poseurs de la bombe, mais aussi l'État, qui a été incapable de prévenir un tel acte.
Indignation
À Bologne même, on n'a pas oublié que les néofascistes ont déjà pris pour cible, le 4 août 1974, la capitale de l'Émilie-Romagne. Un attentat contre le train Italicus avait fait 12 morts. Bologne, à la fois berceau et fief du parti communiste, ressent douloureusement le privilège d'être considérée un peu comme une vitrine de l'Italie de gauche.
Lors des funérailles, on perçoit ce sentiment d'indignation : la plupart des familles refusent les obsèques nationales et, sur le parvis de l'église San Petronio, le président du Conseil, Francesco Cossiga, est sifflé par la foule, qui a déployé les drapeaux rouges.
Le 6 août 1980, à Nice, les policiers français arrêtent Mario Affatigato, désigné par les enquêteurs italiens comme l'un des principaux suspects. Cet ancien militant d'Ordre noir affirme son innocence. Finalement aucune charge n'est retenue contre lui. Dans les mois qui suivent, 47 personnes sont appréhendées et inculpées de « conception et organisation de massacre ». Les juges gardent le silence sur les responsabilités précises des uns et des autres.
La cour d'appel de Catanzaro rend, le 20 mars 1981, son jugement dans l'affaire de l'attentat contre la banque de l'agriculture à Milan, le 12 décembre 1969, qui a coûté la vie à 16 personnes. Tous les inculpés sont acquittés pour « insuffisance de preuves ». En première instance, les deux néofascistes Franco Freda et Giovanni Ventura avaient été condamnés aux travaux forcés à perpétuité. Ce non-lieu est accueilli avec surprise et indignation par toute l'opinion italienne, extrême droite exceptée.
Avec l'arrestation de Mario Moretti, le 4 avril 1981, à Milan, les Brigades rouges (BR) perdent leur dernier chef historique. Recherché depuis neuf ans, Moretti incarnait le mythe du terroriste insaisissable : il a échappé plusieurs fois, de justesse, à la police. Ce technicien radio passe à la clandestinité en 1972, après avoir fréquenté les milieux d'extrême gauche.
Enlèvements
Dans toutes leurs confessions, ses anciens complices le décrivent comme l'un des responsables des décisions politiques au sein des BR. Celui aussi qui menait les contacts avec l'étranger. Moretti est présenté par plusieurs brigadistes repentis comme l'un des organisateurs de l'enlèvement et de l'assassinat d'Aldo Moro en mars 1978, ainsi que de la séquestration du juge Giovanni d'Urso, en décembre 1980.
L'affaire d'Urso
Pendant 35 jours, l'enlèvement du juge Giovanni d'Urso met l'État, mais aussi la presse, face à un nouveau défi terroriste. Ce magistrat romain est enlevé le 12 décembre 1980. Le lendemain, les Brigades rouges (BR) annoncent que le procès de celui qu'elles tiennent pour l'un des responsables du système pénitentiaire a commencé dans une prison du peuple. L'une des exigences porte sur la fermeture de la prison de l'Asinara, située au large de la Sardaigne : le gouvernement, qui avait déjà arrêté le principe de cette fermeture, décide de l'accélérer. Les BR assassinent, le 31 décembre 1980, à Rome, le général Calvaligi, bras droit du général Délia Chiesa, patron de la lutte antiterroriste. Début janvier 1981, elles annoncent avoir condamné à mort le juge d'Urso, tout en demandant leur avis aux comités de détenus des prisons de Trani et de Palmi. Ces derniers se prononcent pour « l'acquittement ». Les Brigades rouges réclament alors la publication de ce document dans la presse. À de très rares exceptions près, les journaux refusent cette publication, malgré l'appel émouvant de la famille du juge à la télévision. Estimant avoir atteint leurs objectifs, les BR libèrent le juge d'Urso le 15 janvier 1981, en plein centre de Rome, à proximité immédiate de son bureau au ministère de la Justice.
À Milan, il est arrêté en compagnie d'Enrico Fenzi, professeur d'université à Gênes, recherché depuis le mois de janvier 1981 pour organisation de bande armée. Une double arrestation qui fait dire au ministre de l'Intérieur, Virgilio Rognoni : « C'est le plus beau jour de ma vie. »