François Ier
(Cognac 1494-Rambouillet 1547), roi de France (1515-1547).
1. L'esquisse d'un destin (1494-1515)
François Ier était le fils de Charles d'Angoulême, comte d'Orléans (1460-1496), un Valois arrière-petit-fils du roi de France Charles V, et de Louise de Savoie (1476-1531), nièce d'Anne et Pierre de Beaujeu. À sa naissance, le 12 septembre 1494, François d'Angoulême n'était pas destiné à monter sur le trône. Petit-fils d'un cadet d'une branche cadette des Valois, il fallait pour qu'il devînt roi une succession peu probable de décès et d'unions sans progéniture mâle. Aussi les premières années de François ne furent-elles pas celles d'un dauphin, ni même d'un héritier présomptif. Orphelin de père à deux ans, il fut élevé par sa mère, Louise de Savoie. C'est cette mère, devenue veuve en 1496 (le futur roi avait deux ans), qui veilla à son éducation.
Puis l'improbable se produisit : le roi Charles VIII mourut accidentellement en 1498, sans laisser de fils. Le nouveau souverain, Louis XII, oncle du précédent, épousa la veuve du défunt, Anne de Bretagne, mais ne parvint pas non plus, malgré les nombreuses grossesses de la reine, à obtenir d'héritier mâle. Au fil des années et des décès, le jeune François d'Angoulême devint ainsi le plus proche parent mâle vivant du roi, et fit peu à peu figure d'héritier.
La question de sa succession fut un enjeu crucial du règne de Louis XII : dans un premier temps, le roi proposa la main de sa fille aînée, Claude de France, héritière du duché de Bretagne, au futur Charles Quint. Mais, finalement, Louis XII opta pour le mariage avec François d'Angoulême, une proposition du maréchal de Gié et de Louise de Savoie, qui permettait d'assurer la cohésion du royaume. Les noces eurent lieu en mai 1514.
Les derniers temps du règne semblèrent cependant mettre en péril les chances du clan d'Angoulême, car, quelques mois après le décès d'Anne de Bretagne (9 janvier 1514), Louis XII se remaria avec la sœur d'Henri VIII, Marie d'Angleterre, alors âgée de seize ans (9 octobre 1514). Mais il mourut, toujours sans fils, le 1er janvier 1515 : François Ier fut proclamé roi du pays le plus peuplé d’Europe (16 à 18 millions d’habitants).
2. L'héritage italien et la lutte contre Charles Quint
2.1. De Marignan à la captivité du roi
La reconquête du Milanais
Ce roi de vingt ans ne pensait qu'à reconquérir son « héritage », le Milanais, perdu en 1513 par Louis XII à la bataille de Novare. Après avoir institué sa mère régente du royaume, François passa les Alpes et, grâce à l'artillerie du grand maître Galiot de Genouillac, il écrasa les Suisses, emmenés par le cardinal de Sion Mathias Schinner, à Marignan (13 septembre 1515).
À sa demande, il y fut armé chevalier par Bayard. Exploitant habilement cette victoire, le jeune roi signa la paix perpétuelle avec les cantons suisses, en 1516, à Fribourg. Après Marignan, le pape Léon X fit aussitôt volte-face et se soumit. Le Milanais demeurait à la France ; on crut les guerres d'Italie terminées et la paix rétablie en Europe pour longtemps. C'était compter sans l'apparition d'un nouveau problème, celui de l'élection impériale.
Candidat malheureux à l'élection impériale
Si Charles de Habsbourg était élu empereur, sa puissance serait considérable, puisqu'il régnait déjà en Espagne, à Naples, en Franche-Comté, aux Pays-Bas, en Amérique. Il fallait donc empêcher à tout prix son élection, et François Ier se porta candidat. On assista à une véritable surenchère de la part des deux compétiteurs pour acheter les votes des électeurs. Le roi de France, qui était riche, paya comptant ; Charles, qui était pauvre, se contenta de lettres de change tirées sur les banquiers augsbourgeois, les Fugger, mais payables « après » l'élection : il fut cependant élu (1519).
L'extension des guerres d'Italie
Pour la France, l'élection de Charles Quint signifiait l'encerclement et l'étouffement progressif. Aussi les guerres d'Italie, jusque-là limitées géographiquement et politiquement, allaient prendre les proportions d'un vaste conflit où toute l'Europe se trouverait engagée. Chacun des adversaires se chercha des alliés, et Henri VIII d'Angleterre, malgré l'entrevue du Camp du Drap d'or, près de Calais (7-24 juin 1520), soutint d'abord Charles Quint.
François Ier prisonnier à Pavie
La guerre s'engagea en 1521, et la France perdit bientôt Tournai et le Milanais. Charles Quint réclamait la Bourgogne, en laissant paraître ce qui fut toujours l'objet de son plus ardent désir : la reconstitution du domaine bourguignon. En avril 1522, la défaite française à La Bicoque face au capitaine Prospero Colonna, contraignit les Français à repasser les Alpes. À ce moment intervint la trahison du connétable de Bourbon (celui-ci dépouillé en 1522 par le roi d'une partie de l'héritage de sa femme 1522, passa au service de Charles Quint).
À partir de 1523, la situation devint critique, les Anglais envahissant le Nord de la France, et le connétable de Bourbon, la Provence ; le désastre de Pavie, le 24 février 1525, où le roi fut fait prisonnier, faillit tout perdre. De nombreux chevaliers trouvèrent la mort à Pavie, dont Bonnivet, La Trémoille, La Palice, ainsi que plusieurs milliers de combattants. En outre, de nombreux hauts personnages devinrent prisonniers, tels Henri d'Albret, le mari de Marguerite de Navarre, Montmorency, l'amiral Chabot ou Clément Marot…
L'habileté politique de Louise de Savoie et du chancelier de France Antoine Duprat sauva la situation, d'autant plus que le roi d'Angleterre et le pape – soucieux d'équilibre européen – s'inquiétaient de la puissance du Habsbourg. Les Anglais traitèrent donc avec les Français : ils n'interviendraient pas et recevraient en échange une importante indemnité ; le traité fut signé au château du cardinal Wolsey, à Moore, le 30 août 1525.
2.2. Une guerre sans vainqueur, ni vaincu
Le traité de Madrid
Aussi fut-il facile à François Ier, libéré en 1526 après avoir signé à Madrid un traité catastrophique (incluant la cession de la Bourgogne) mais avec l'intention de n'en tenir aucun compte, d'abord de le faire casser par le Parlement, puis de susciter à l'empereur des ennemis sur ses frontières de l'Est. L'alliance avec le Turc Soliman le Magnifique, dans cette perspective, reprend sa juste place : elle n'est qu'un chaînon d'une vaste alliance orientale qui cherche à grouper Pologne, Transylvanie, Hongrie, c'est-à-dire à constituer une barrière allant de la Baltique à la mer Noire.
La guerre reprit en Italie, d'autant que François Ier s'était acquis le soutien des notables en les réunissant en 1527 et en leur faisant avaliser son refus du traité de Madrid. Les Français parvinrent jusqu'à Naples, mais diverses erreurs diplomatiques conduisirent au retournement du Génois Andrea Doria, qui passa au Habsbourg (1528). Les Français furent écrasés à Landriano en juin 1529.
La paix des Dames
Les deux souverains avaient cependant intérêt à un compromis, François Ier parce qu'il était de nouveau vaincu en Italie et Charles Quint parce qu'il devait affronter les princes protestants allemands. En 1529, à la paix des Dames, négociée par Louise de Savoie et Marguerite d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas, et signée à Cambrai, le roi de France recueille le fruit de sa politique : s'il renonce à l'Italie, il conserve la Bourgogne. François 1er épouse Éléonore, sœur de Charles Quint – Claude de France étant morte en 1524 ; il verse une rançon de deux millions d'écus d'or pour les deux enfants royaux (laissés en otage à Charles-Quint après la libération de leur père en 1526), qui rentrent en France en juillet 1530, en même temps qu'arrive la nouvelle épouse.
De 1529 à 1540 se poursuivit cette politique d'équilibre, sous la forme du duel de la France affirmant sa « nationalité » contre le vieux rêve d'un empereur possédant la domination universelle comme champion de la chrétienté. François Ier ne renonça pas à l'Italie : lors d'une nouvelle guerre (1536), alors que Charles Quint assiégeait en vain Marseille, François Ier réussit à prendre le contrôle de la Savoie et d'une partie du Piémont – ces territoires resteront français jusqu'aux traités du Cateau-Cambrésis en 1559.
Ni vainqueur ni vaincu
Une dernière guerre éclata entre le roi et l'empereur, en 1542, après que ce dernier eut donné l'investiture du Milanais à son fils Philippe, ce qui ôtait toute chance au dauphin François de devenir duc de Milan par alliance avec une fille du Habsbourg. Charles Quint reçut cette fois l'aide d'Henri VIII. Alors que les Français du duc d'Enghien étaient vainqueurs en Italie (→ Cérisoles, 14 avril 1544), Charles Quint envahit la Champagne et s'approcha de Paris ; ne pouvant solder ses mercenaires, le Habsbourg dut faire retraite, la poussée turque en Hongrie et la résistance des luthériens en Allemagne inclinant qui plus est Charles Quint à la paix.
Au traité de Crépy-en-Laonnois en 1544, la Bourgogne restait française, mais rien n'était réglé pour autant. En effet, Milan, auquel les Valois n'avaient pas renoncé, demeurait aux mains des Espagnols, et Charles Quint affermissait son pouvoir en Allemagne.
3. La France de François Ier
3.1. Un pays prospère
Afflux de métaux précieux, circulation monétaire et expansion démographique
La France, depuis la sage politique de la fin du règne de Charles VII, consolidée par Louis XI et les Beaujeu, s'est enrichie et est devenue un État prospère. L'afflux des métaux précieux commence dès la fin du xve siècle grâce à la remise en activité des gisements d'argent bohémiens abandonnés depuis l'époque romaine. La circulation monétaire, qui s'amplifie avec l'arrivée des premiers galions d'Amérique au début du règne de François Ier, est, avec l'expansion démographique, la principale cause de la prospérité française.
Aussi, avec le début du siècle, une période faste, d'euphorie économique commence-t-elle, mais aussi de hausse des prix. Conséquence de cette montée du coût de la vie, la fortune change de mains ; la bourgeoisie commerçante s'enrichit, portée par la hausse générale des marchandises, alors que la noblesse, déjà atteinte dans ses biens par les dévastations et les rançons de la guerre de Cent Ans, est obligée de vendre partiellement ses terres à la bourgeoisie.
Humanisme et Renaissance
Cette volonté de puissance des grands marchands trouve sa justification dans le culte des héros que prône le nouvel humanisme. Les marchands sont alors de véritables aventuriers des affaires, jouant leur fortune sur un coup de dés, tels un Jean Ango à Dieppe ou un Jacques Cartier. En retour, ils contribuent à l'éclat de cette Renaissance, un Thomas Bohier (?-1524) en élevant Chenonceaux, un Gilles Berthelot (?-1529) en construisant Azay-le-Rideau. Il est vrai que l'État n'est pas en reste en fait de magnificences, et François Ier est le premier roi à avoir la passion des bâtiments, inaugurant une tradition qui se poursuivra jusqu'au xviiie siècle : Chambord, Blois, Fontainebleau en sont les plus beaux témoignages.
L'essor du commerce, de l'industrie
C'est que l'État lui aussi s'est enrichi. Pour la première fois, le pouvoir royal s'intéresse vraiment à l'économie. Cela s'explique par le besoin croissant de métaux pour satisfaire aux demandes de l'artillerie, de l'armurerie, de l'orfèvrerie, qui se développent considérablement à cause des exigences militaires et des goûts de luxe des classes enrichies.
Aussi l'industrie des mines croît-elle en France et prend-elle déjà des allures de grande entreprise. Pour favoriser le transport de ces matériaux, l'État creuse et approfondit les canaux, supprime les péages seigneuriaux abusifs, assure la sécurité des marchands, perce des routes et construit des ponts, d'où l'essor du commerce ; reconnaissants de ces services, les banquiers lyonnais laisseront le roi puiser dans leurs caisses pour financer ses guerres.
Tout ce mouvement commercial est cause d'enrichissement pour le pays et l'État ; c'est pourquoi on réorganise la perception des finances royales. En 1523, le Trésor de l'épargne centralise dans la même caisse les revenus du domaine du roi et ceux des impôts, et, en 1542, on créera seize recettes générales qui en simplifieront la perception.
Enrichi, le pouvoir peut faire construire des palais, constituer une armée de métier nombreuse et fidèle, car bien payée, solder les 12 000 officiers qui constituent la plus importante administration d'Europe et qui portent la volonté royale dans les provinces les plus reculées. Le pouvoir peut aussi organiser une brillante vie de cour qui contribue à la prospérité des industries de luxe, comme la soie, qui fait la fortune de Lyon, ou l'orfèvrerie.
Une politique dispendieuse
Cependant, la politique grandiose qu'il mène a un prix : les guerres d'Italie engloutissent des fortunes ; un épisode comme l'élection manquée à l'Empire coûte environ 400 000 écus d'or – en comparaison, les dépenses engagées pour les châteaux que le roi fait construire, comme Chambord, ou modifier, comme Fontainebleau, sont nettement moindres. François Ier est donc amené à rechercher tous les moyens d'augmenter les revenus de son royaume. La taille, impôt traditionnellement destiné à financer les guerres, augmente sensiblement, passant de 3 millions de livres en moyenne durant les premières années du règne, à près de 4,5 millions en moyenne dans les cinq dernières années, sans parvenir pourtant à couvrir les dépenses. Le roi n'hésite pas à accuser faussement certains de ses principaux financiers et créanciers, notamment Jacques de Semblançay, et à leur imposer de lourdes condamnations (le gibet pour Semblançay) et des amendes qui contribuent à renflouer les finances.
Centralisation et unification de la monarchie française
Malgré ces réserves, il n’en reste pas moins vrai que la richesse de l'État et le prestige de la Cour favorisent la centralisation et l'unification de la monarchie française, d'autant que la réunion des domaines du connétable de Bourbon, après sa trahison en 1523 (Marche, Bourbonnais, Forez), et celle du duché de Bretagne à la Couronne ne laissent plus subsister à l'intérieur du territoire de grandes seigneuries dangereuses par leur semi-indépendance. Si la France de François Ier ne s'agrandit pas sur ses frontières, elle préserve l'essentiel en empêchant, comme on l'a vu, les États du Habsbourg d'étouffer ou d'amputer le royaume, qui, économiquement, entre, à la suite de l'Italie et des Pays-Bas, dans le courant de l'économie européenne grâce au dynamisme de ses marchands et de ses industries, soutenues par le pouvoir.
3.2. Du concordat à la lutte contre la Réforme
Le condordat de Bologne (1516)
Mais sa puissance et sa richesse, le roi les doit aussi à une autre cause. En 1516, en effet, après Marignan, il a signé avec Léon X le concordat de Bologne, qui régira l'Église gallicane jusqu'en 1792. Si le pape y gagne l'abolition de la pragmatique sanction de Bourges de 1438, le roi y gagne davantage, car le traité lui livre tous les évêchés et les bénéfices ecclésiastiques en lui donnant le droit de les attribuer aux hommes de son choix, sous réserve de l'approbation pontificale. Le pouvoir acquiert ainsi un moyen de gouvernement sans précédent et, grâce à la vente des bénéfices, une richesse inépuisable pour alimenter ses finances.
De la tolérance à la répression des réformés
Le concordat de Bologne a encore une conséquence non moins importante ; celle d'arrêter l'esprit de réforme. Le roi ayant obtenu de grands avantages, il n'éprouve pas le besoin, à l'instar des princes allemands, de s'opposer à Rome, puisque le concordat de Bologne lui accorde sans conflit tout ce que le schisme apportera aux autres.
C'est pourquoi, malgré ses sympathies pour les idées nouvelles et l'humanisme chrétien et malgré l'influence de sa sœur Marguerite d'Angoulême ou ses alliances diplomatiques avec les protestants, il se sépare définitivement des réformés après l'affaire des Placards en 1534 et s'engage résolument alors dans la voie de la répression. Une réaction ferme s'impose d'autant plus que le protestantisme a trouvé en Calvin, réfugié à Genève, un chef de file français, théologien et organisateur de premier ordre.
La législation devient plus dure dans la dernière partie du règne : alors que l'édit de Coucy, promulgué en 1535, marque un apaisement après la répression de 1534, allant jusqu'à accorder un pardon royal aux repentants, l'édit de Fontainebleau, en 1540, dessaisit en matière de crimes religieux les tribunaux ecclésiastiques, trop lents et soupçonnés d'indulgence, au profit des tribunaux royaux.
En 1543, la Sorbonne formule vingt-cinq articles de foi, auxquels François Ier donne force de loi, reconnaissant ainsi l'autorité des théologiens : ils affirment notamment la doctrine de la transsubstantiation, l'unité de l'Église et la nécessité du culte des saints et de la Vierge Marie. Le roi, pressé notamment par le cardinal François de Tournon, membre de son Conseil, ordonne en 1545 l'application de sentences sévères contre les vaudois provençaux, héritiers d'une ancienne tradition hérétique, et passés pour la plupart au protestantisme ; la répression tourne au massacre, et l'événement émeut une Europe qui n'est pas encore entrée dans l'ère des tueries religieuses. En 1546, c’est au tour des réformés de Meaux d'être conduits au bûcher ou bannis. François Ier maintient donc son royaume dans le giron catholique, mais ne parvient pas à y empêcher le développement de l'hérésie.
3.3. Renforcement de l’autorité du roi
Le Conseil du roi
François Ier, sous des dehors débonnaires, ne tolère aucune incartade et il compte parmi les rois de France les plus imbus de leur autorité. Il tient bien en main ses conseillers et il n'hésite pas à les briser quand ils ont perdu sa confiance. Sous sa direction, le Conseil du roi se divise en sections spécialisées, et les secrétaires d'État sont créés la dernière année du règne. Beaucoup de promotions saluent son avènement, à commencer par celles des membres de sa propre famille. Sa mère, Louise de Savoie, entre au Conseil et joue un rôle prépondérant dans les grandes affaires politiques du royaume ; elle est régente lors des nombreuses campagnes militaires de son fils – son « César » ainsi qu'elle l'appelle – et durant sa captivité.
La sœur du roi, Marguerite d'Angoulême, reçoit les revenus du duché de Berry, et devient membre du Conseil. Le précepteur du jeune François d'Angoulême, Artus Gouffier, entre lui aussi au Conseil et reçoit la charge de grand maître de l'Hôtel, tandis que son frère, Guillaume Gouffier de Bonnivet, reçoit d'abord une simple pension avant d'occuper d'importantes fonctions militaires. Odet de Foix, vicomte de Lautrec, devient lieutenant général de Guyenne et Charles de Bourbon, le plus puissant des vassaux, connétable. Enfin, la charge de chancelier de France échoit à Antoine Duprat, un fidèle de Louise de Savoie.
Le cercle du pouvoir
Peu à peu, les membres roturiers du Conseil du roi, issus pour la plupart de la basoche (corporation des clercs du palais), cédèrent leur place à de grands seigneurs : Henri d'Albret, Claude de Guise, Anne de Montmorency, l'amiral Chabot, ou encore Claude d'Annebaut. Ces familiers du souverain formèrent, avec la famille royale, le cercle le plus étroit de la cour, qui connut un essor décisif, à la fois comme centre effectif du pouvoir, comme lieu d'animation culturelle et comme cadre somptueux de la vie du monarque et des siens. Enfin, Anne de Pisseleu, maîtresse du roi à partir de 1526, joua un certain rôle politique ; le roi la fit duchesse d'Étampes.
3.4. Formation de l’État moderne
La réforme de la justice
Dans les provinces, plusieurs ordonnances étendent le domaine de la justice royale ; l'une des plus célèbres, celle de Villers-Cotterêts (1539), impose l'unité de langue aux différentes juridictions des provinces et consacre la suprématie du français sur le latin et les dialectes dans les actes officiels. François Ier limite également le pouvoir des parlements en leur interdisant d'user de leur droit de remontrance.
Les mouvements populaires eux aussi sont impitoyablement réprimés, car, de même que l'accaparement des terres par les classes enrichies crée un prolétariat agricole, la concentration de l'industrie favorise chez les ouvriers mécaniques, en particulier des industries nouvelles – par exemple l'imprimerie –, la création de véritables ligues pour la défense de leurs intérêts. Les compagnons imprimeurs mènent la première grève de l'histoire de France, le Grand Tric, en 1539. Aussi, dans l'ordonnance de Villers-Cotterêts, des dispositions renforcent-elles la législation traditionnelle contre les coalitions ouvrières ou patronales.
Une politique fiscale imprudente
Pour la monarchie française, le véritable danger n'est pas là : il est dans une politique fiscale déplorable. La richesse mobilière de la bourgeoisie échappe presque entièrement au fisc royal, et, pour l'atteindre, le pouvoir a recours à deux moyens : les émissions de rentes d'abord, mais surtout la vénalité des charges administratives. En effet, si la bourgeoisie achète la propriété nobiliaire et devient noble à son tour, elle pousse aussi ses fils vers l'achat des offices, bénéficiant à la fois du développement de la bureaucratie de l'État et du désir de la monarchie de récupérer à son profit, et par ce biais, une partie de ses richesses. Mais ces offices peuvent être vendus, et c'est là le danger, leur vénalité en faisant une valeur négociable sur le marché et qui enrichit leurs possesseurs. Les charges rapportent en effet 10 à 20 % du capital engagé, plus des privilèges honorifiques ou autres, souvent l'anoblissement et parfois même l'exemption d'impôts.
Alors se constitue une noblesse de robe qui va remplacer les privilèges de l'ancienne noblesse d'épée par les siens ; imprudemment, la monarchie se dessaisit du droit de justice, si péniblement repris à la noblesse ; le règne de la robe et les troubles sanglants de la Fronde se préparent.
La menace du schsime religieux
L'autre facteur menaçant pour la France est le schisme religieux. Car, après la mort de François Ier, les champs de batailles vont se transporter d'Italie en France. Les guerres de Religion, jointes à une démographie élevée et disproportionnée avec les subsistances, vont bientôt compromettre l'heureux équilibre qui caractérise le règne de François Ier.
À la fin de ce règne, en effet, la France apparaît comme un État déjà en partie moderne, centralisé, riche et puissant. Les frontières, par les guerres et une habile diplomatie, ont été sauvegardées. À l'intérieur, la noblesse ne trouble plus la paix, et la bourgeoisie collabore avec le roi et, avec son aide, maintient les classes populaires dans l'obéissance. De plus, le roi, lié à la papauté, est décidé à user de tous ses pouvoirs pour empêcher la Réforme de remettre en question cette unité.
3.5. L’ami des lettres et des arts
François Ier se passionna pour les questions culturelles. Aux humanistes – qui devinrent ses plus éloquents thuriféraires –, il apporta une aide financière, des postes lucratifs et l'accès à des manuscrits qu'il fit rechercher activement, en particulier en Italie. La grande affaire du règne fut l'établissement, en marge de l'Université, d'une sorte d'institut supérieur des études humanistes, où l'enseignement avait lieu en latin, le français ne s'étant pas encore imposé comme langue savante : le Collège des lecteurs royaux, dont l'actuel Collège de France est l'héritier. Mais, sans bâtiment propre et chichement doté, l'établissement resta fragile. La faveur royale ne signifiait aucunement que l'expression des opinions était libre, surtout en ces temps de crise religieuse.
François Ier fit construire de nombreux monuments. Son règne correspond au passage, sous l'influence de l'Italie, de la tradition gothique à l'art du premier classicisme. Actif tout d'abord dans la vallée de la Loire, le roi y fit réaménager une partie du château de Blois. Sur le chantier entièrement nouveau de Chambord (commencé en 1519), il « pervertit » la construction traditionnelle par le recours à une rigoureuse symétrie et par des motifs décoratifs tout droit venus d'Italie.
Dans la seconde moitié du règne, marquée par la primauté donnée à l'Île-de-France, c'est Fontainebleau qui représente véritablement l'acclimatation du modèle italien – en attendant la reconstruction du Louvre, à peine ébauchée à la mort du roi. De résidence en résidence se déplaça ainsi une cour qui vivait souvent au milieu d'un chantier. François Ier fit travailler en France, en particulier à Fontainebleau, les artistes italiens qu'il put attirer, comme le Rosso, le Primatice ou Cellini ; Léonard de Vinci, mort en 1519, n'a guère pu produire pour le roi, hormis peut-être un projet pour Chambord. François Ier collectionna avec ardeur les œuvres des artistes italiens de la Renaissance, tout comme les œuvres antiques, qu'il fit activement rechercher. Mais l'influence italienne, quoique dominante, n'était pas unique, comme en témoignent les Clouet, des Bruxellois qui furent les portraitistes officiels de la cour.
Pour en savoir plus, voir l'article le classicisme dans les arts.
François Ier eut la chance de vivre les années fastes du « beau xvie siècle ». Après lui vint l'ère des crises politiques, des luttes religieuses et des troubles sociaux. Pour les Français des décennies suivantes, son règne prit la figure d'un âge d'or.