Henri VIII
(Greenwich 1491-Westminster 1547), roi d'Angleterre (1509-1547) et d'Irlande (1541-1547), deuxième fils et successeur de Henri VII, roi d'Angleterre.
1. De 1509 à 1534
1.1. L'homme
Sur le trône à 18 ans
Lorsque, peu après son mariage avec Catherine d'Aragon, meurt le prince Arthur (1502), fils aîné du roi Henri VII et de la reine Élisabeth d'York, son frère le prince Henri devient l'héritier de la couronne d'Angleterre.
Humaniste et chevalier
Son éducation a été assez soignée. Il a été entouré par tous les hommes qui avaient le plus contribué à l'introduction de la Renaissance en Angleterre, tels Thomas Linacre (qui lui a enseigné la grammaire latine), Érasme lui-même, avec lequel il a correspondu, et Thomas More, dont il est l'ami. C'est ainsi qu'il se montrera par la suite capable de discuter avec des théologiens et qu'il prendra lui-même la plume pour défendre, en un traité assez réussi, les Sept Sacrements contre Martin Luther (1521).
Mais cet homme cultivé n'est pas un homme d'étude ; il s'adonne aussi aux arts d'agréments (c'est un excellent flûtiste) et surtout aux exercices physiques ; grand chasseur devant l'Éternel, infatigable cavalier, bon lutteur, il fera à cet égard au moins jeu égal avec son brillant rival, François Ier. Dans sa jeunesse, Henri a grande allure : plus grand que la moyenne, assez fort, le teint clair et les cheveux d'un blond vif, il est toujours magnifiquement vêtu. Plus tard, lorsqu'une ulcération de la jambe le forcera à s'aider d'une longue canne, il gardera au moins une grande majesté dans son aspect.
Redouté mais populaire
Prince imposant, il est cependant d'abord agréable. Pourtant, son charme un peu facile cache un fond de violence, d'égoïsme et de froide volonté : très vite, ceux qui l'approcheront sauront que « l'inimitié du roi signifie la mort ». Et ce dernier trait de caractère devient de plus en plus évident à partir de la brouille avec Anne Boleyn. Malgré cette « ambiguïté », Henri VIII sera, dans l'ensemble, non seulement un souverain redouté, mais aussi un souverain populaire. Il est vrai qu'après quelques maladresses initiales il saura habilement manier l'opinion publique.
1.2. Henri VIII et Wolsey
La continuité
Les débuts du règne d'Henri VIII apparaissent tout d'abord comme la continuation du règne précédent. L'alliance traditionnelle avec l'Espagne est conservée, puisque, dès après son avènement (1509), le jeune roi a épousé la veuve de son frère, Catherine d'Aragon, de six ans son aînée.
L'équipe dirigeante est maintenue, au moins au niveau supérieur (l'archevêque William Warham [vers 1450-1532] comme chancelier, l'évêque Richard Foxe [vers 1448-1528] comme garde des sceaux et Thomas Howard [1443-1524], comte de Surrey, comme trésorier), puisque les agents subalternes d'Henri VII, très impopulaires, disparaissent (exécution de Richard Empson et d'Edmund Dudley en 1510).
Guerres victorieuses contre la France et l'Écosse
Dès 1511, l'Angleterre adhère à la Sainte Ligue (avec le pape, Venise, l'Espagne et l'Empire), tournée contre la France, dont les ambitions italiennes effraient l'Europe. En août 1513, l'armée anglaise remporte la facile victoire de Guinegatte, suivie de la prise de Thérouanne et de Tournai. En réalité, le plus dur combat s'est déroulé en Angleterre, puisque la vieille alliance franco-écossaise a de nouveau joué et que le roi d'Écosse, Jacques IV, a envahi l'Angleterre : à la bataille de Flodden (septembre 1513), Thomas Howard, devenu duc de Norfolk, écrase les Écossais. Jacques IV ayant trouvé la mort pendant le combat, l'Écosse devient, pendant la longue régence qui suit, un champ clos où s'affrontent les ambitions françaises et anglaises, et cesse d'être dangereuse pour l'Angleterre.
Une diplomatie habile
Toutefois, il n'y a pas grand-chose à gagner à une guerre contre la France. Dès 1514, la paix est conclue, et la sœur d'Henri, Marie, épouse le vieux Louis XII.
Une politique nouvelle, défendue brillamment par Thomas Wolsey, promu à l'épiscopat en 1514 et qui est déjà un véritable « Premier ministre », est inaugurée : l'Angleterre garde une neutralité, plutôt amicale à l'égard de la France, qui lui permet de jouer le rôle d'arbitre en Europe, où s'affrontent à partir de 1515 François Ier et Charles Quint. En 1515, la fortune de Wolsey paraît encore mieux assurée : devenu chancelier, il reçoit le chapeau de cardinal.
Entre François Ier et Charles Quint
En 1519, Henri VIII joue au candidat au titre impérial : mais, là encore, la vraie rivalité est entre Charles et François. Charles l'ayant emporté, il apparaît que la neutralité anglaise n'est plus de mise. Bien que le somptueux Camp du Drap d'or, où Henri VIII rencontre François Ier et fait assaut de munificences avec lui, ait pu être interprété comme le prélude à une alliance franco-anglaise (1520), c'est en fin de compte du côté de l'Empire qu'Henri et son conseiller penchèrent.
Cette guerre n'apporte rien de plus aux Anglais que la précédente. Les expéditions de Thomas Howard (1475-1554), le fils du vainqueur de Flodden, et celles de Charles Brandon, duc de Suffolk, en France et en Espagne (1522 et 1523) sont des échecs, et, en 1525, la paix est conclue. Henri s'attache même, pendant un moment, à organiser une armée destinée à lutter contre Charles Quint, mais l'argent lui manque. Il faut dire que les dépenses d'apparat des premières années du règne et les guerres ont épuisé le Trésor, si soigneusement géré par Henri VII, et qu'en 1523 Wolsey a dû exiger un énorme subside du Parlement (qui n'est d'ailleurs accordé qu'en partie), alors qu'en 1526 on doit avoir recours à des emprunts plus ou moins forcés, sans grand succès d'ailleurs.
La situation est donc beaucoup moins satisfaisante qu'auparavant, et Wolsey a du mal à se maintenir dans son rôle profitable d'arbitre de l'Europe. Elle est pourtant encore aggravée lorsque Henri VIII, malgré les objurgations de son ministre, entreprend de divorcer d'avec la reine Catherine d'Aragon, qui ne lui a pas donné d'héritier.
2. De 1534 à 1540
2.1. La rupture avec la papauté et le divorce d'Henri VIII
Toujours sans héritier mâle
Le problème des mariages d'Henri VIII va se révéler d'une importance primordiale dans l'histoire de son règne. Il y a deux raisons à cela. Tout d'abord, la dynastie Tudor ne s'est établie qu'en éliminant impitoyablement tous les nobles apparentés à la famille royale (exécution de Warwick en 1499 sous Henri VII, d'Edmund de la Pole, comte de Suffolk, en 1513 et d'Edward Stafford, duc de Buckingham, en 1521 sous Henri VIII).
L'impossibilité pour le roi d'obtenir un héritier mâle de son épouse légitime (dont il n'aura qu'une fille, la future Marie Ire Tudor) laisse donc planer la menace d'une grave crise politique, aggravée par l'existence d'un fils bâtard du roi, le duc de Richmond (1519-1536). Plus tard, le mariage du souverain avec des jeunes femmes issues de l'aristocratie anglaise, s'il lui permet d'avoir enfin un héritier, hausse au niveau de la famille royale des familles telles que les Howard ou les Seymour.
Le refus de Clément VII
La seconde raison est d'ordre religieux. Pour que le roi puisse se marier à sa guise, il faut qu'il puisse divorcer. Or, il a été marié à Catherine d'Aragon grâce à une dispense pontificale, puisqu'elle était veuve de son frère, le prince Arthur. Ce qu'un pape a fait, un autre peut essayer de le défaire. Il y a d'ailleurs des précédents (tel le divorce du roi de France Louis XII). Le malheur pour Henri VIII est qu'à l'époque où il engage les négociations avec Rome sur ce point le pape Clément VII se trouve pratiquement au pouvoir de Charles Quint, alors ennemi du roi d'Angleterre et surtout neveu de Catherine d'Aragon ! Il n'est donc pas question de donner satisfaction à l'Anglais : les négociations traînent en longueur. Une commission, dont la direction est confiée à deux légats, Lorenzo Campeggio et Wolsey, met plus de deux ans à se réunir et est supprimée après sa première réunion, en 1529.
La disgrâce de Wolsey
S'il veut divorcer d'avec Catherine d'Aragon, Henri doit rompre avec Rome. Deux raisons l'y poussent : la nécessité, pour assurer la paix en Angleterre, d'avoir un héritier mâle et son amour pour Anne Boleyn, dont il est tombé amoureux dès 1527. La tâche n'est d'ailleurs pas insurmontable, tant l'impopularité de la papauté est grande et tant le désir d'obtenir une autonomie aussi étendue que possible à l'égard de Rome est grand au sein de l'Église même d'Angleterre.
Dans la partie qu'il engage avec Rome, si Henri ne peut compter sur Wolsey, disgracié dès 1529, il a l'appui du Parlement (le « Parlement de la Réforme » siégera de 1529 à 1536) et celui de la « Convocation » (assemblée du clergé anglais), obtenu, il est vrai, par un mélange savant de flatteries et de menaces.
La rupture avec Rome
Dès 1531, il reçoit le titre de Protecteur de l'Église d'Angleterre. En 1532, il supprime les annates (impôts payés à Rome par l'Église d'Angleterre) et, ayant obtenu de l'Église d'Angleterre un divorce en bonne et due forme, épouse Anne Boleyn en 1533. Mariage d'ailleurs malheureux, puisqu'en ne donnant au roi qu'une fille (la future Élisabeth Ire) et un fils mort-né, la reine sera incapable de remplir le devoir que lui avait fixé Henri VIII. On profitera de quelques légèretés de sa part et aussi de son caractère entier pour la faire exécuter en 1536, le roi étant pressé d'épouser sa nouvelle passion, Jeanne Seymour. En 1534, la rupture avec la papauté est consommée.
2.2. La marche au protestantisme (1534-1540)
Thomas Cromwell et Thomas Cranmer
Pourtant, la volonté de rester fidèle à une sorte de « catholicisme sans pape » est très nette : les mesures prises par Henri VIII doivent être considérées comme des mesures provisoires, destinées à servir de monnaie d'échange dans une négociation avec Rome… qui ne pourra jamais s'ouvrir. C'est ce qui explique que nombre de protestants furent brûlés (par exemple Thomas Bilney). Cependant, sur les conseils de ses nouveaux hommes de confiance, Thomas Cromwell et Thomas Cranmer (ce dernier archevêque de Canterbury en 1532), Henri semble avoir envisagé une nouvelle orientation. Sa troisième femme, Jeanne Seymour, est d'ailleurs plutôt favorable au protestantisme, et la situation internationale (réconciliation de Charles Quint et de François Ier) ne lui laisse guère comme alliés possibles que les princes protestants de l'Allemagne du Nord.
L'« Acte de suprématie » et ses conséquences
En 1534, l'« Acte de suprématie » fait définitivement passer l'Église d'Angleterre sous l'autorité royale. La résistance des catholiques « papistes » est brisée : les moines chartreux de Londres sont exécutés après d'horribles supplices : Thomas More et l'évêque John Fisher (1469-1535) sont arrêtés et bientôt décapités. Les « Dix Articles », promulgués en 1536, où sont sensibles les influences de Hugh Latimer et de Melanchthon, sont pleins de l'esprit réformateur, sous une forme modérée, il est vrai.
Pourtant, à partir de 1539, l'évolution s'arrêta ou plutôt devint cohérente. D'un côté, le parti protestant, affaibli par la mort de Jeanne Seymour en 1537 à la naissance du seul fils du roi, Édouard (le futur Édouard VI), pousse à une diplomatie plus engagée du côté des princes allemands : son chef-d'œuvre est le mariage d'Henri avec Anne de Clèves en 1540. La suppression des monastères, menée à bien par Cromwell, permet en outre au roi et à bon nombre de courtisans de remplir leurs coffres et d'arrondir leurs domaines.
Pourtant, les partisans du maintien d'une doctrine aussi proche que possible du catholicisme ont des arguments solides à faire valoir. Ainsi, les difficultés religieuses du royaume ont été une gêne lorsqu'il s'est agi de réprimer la révolte des Fitzgerald en Irlande en 1534. De même, l'opposition papiste se révéla dangereuse : le « Pèlerinage de Grâce », en 1536-1537, n'a pu être arrêté que par l'habileté de Thomas Howard (duc de Norfolk depuis 1524), qui a su parlementer avec l'armée des « pèlerins » partis du Nord catholique pour aller chercher le roi à Londres et qui s'est débarrassé traîtreusement des chefs du soulèvement. Dès 1539, d'ailleurs, les « Six Articles » marquent un retour en arrière : ainsi, le célibat des prêtres est nettement affirmé, et l'archevêque Cranmer doit promptement renvoyer l'Allemande qu'il vient d'épouser.
Catherine Howard
Pourtant, l'échec des protestants va venir de leur dernière victoire elle-même : Henri, qui avait épousé Anne de Clèves sur la foi des rapports enthousiastes d'ambassadeur et d'un portrait pour le moins flatteur de Hans Holbein, est profondément déçu par sa nouvelle épouse, laide, vulgaire et grossière. Un divorce (par consentement mutuel) met rapidement fin à cette union. Cromwell est exécuté, tandis que le roi épouse Catherine Howard, de cette famille qui, avec Norfolk, dirige le parti des antiréformateurs.
3. Les oscillations de la fin du règne
Les dernières années du règne sont, à certains égards, glorieuses. Elles montrent bien, en tout cas, la puissance de la monarchie anglaise, enrichie par les dépouilles de l'Église : les armées anglaises abattent une nouvelle fois l'Écosse (→ bataille de Solway Moss en 1542) et, lorsque la guerre contre la France éclate en 1544, elles se révèlent capables de prendre la place forte importante de Boulogne et de la garder.
À l'intérieur, pourtant, ces années sont marquées par la lutte des factions aristocratiques : celle des Howard (antiprotestante) d'une part, et celle des Seymour et des Dudley (protestante) d'autre part. Le premier parti est cependant affaibli par l'inconduite de son meilleur atout : la reine Catherine Howard est exécutée en 1542, et la nouvelle épouse d'Henri VIII, Catherine Parr, est plutôt favorable au protestantisme et, en tout cas, liée au clan Seymour. Si bien que, lorsque, après le traité d'Ardres, qui prévoyait la restitution de Boulogne à la France (1546), le roi Henri VIII entend régler les problèmes intérieurs, il penche en faveur des Seymour : Norfolk et son fils Henry Howard, comte de Surrey, sont arrêtés. Celui-ci sera exécuté quelques jours avant la mort du roi.
Cette mort vient interrompre l'évolution commencée, et ce n'est qu'au cours du règne suivant, celui d'Édouard VI, que le protestantisme paraîtra triompher en Angleterre.
Pour en savoir plus, voir les articles Angleterre, Grande-Bretagne : histoire, Tudor.