Rome
en italien Roma
Capitale de l'Italie, chef-lieu de province et de la région du Latium, sur le Tibre.
- Population : 2 612 068 hab. (recensement de 2011)
- Nom des habitants : Romains
- Population pour l'agglomération : 3 697 000 hab. (estimation pour 2014)
GÉOGRAPHIE
Par un festival de couleurs, ocre des maisons, vert des pins, bleu du ciel, par l'empreinte des héritages de sa longue histoire, par l'animation et par une certaine modernité, Rome est l'une des plus belles villes du monde. Née sur le Tibre, accrochée au site fameux des sept collines (Capitole, Palatin, Aventin, Quirinal, Viminal, Esquilin, Caelius), la Rome antique s'est déployée dans sa vallée alluviale (champ de Mars), où elle resta cantonnée pendant les siècles de la domination pontificale. Élue capitale de la jeune Italie en 1870, elle connut une extension rapide. Son développement a gravi, vers l'est, le Plateau romain, terminaison des coulées basaltiques des monts Albains, vers l'ouest, les hauteurs argileuses de la rive droite du fleuve (monte Mario, Primavalle). Ville charnière, dans la péninsule, entre le Nord et le Midi (Mezzogiorno), Rome a exercé sur les régions italiennes un attrait déterminant dans sa croissance démographique. La croissance s'est ensuite reportée sur une vingtaine de communes voisines (Frascati, Tivoli, Aprilia, etc.). Le territoire communal est très vaste (1 500 km2, soit quinze fois Paris) et s'étend jusqu'à la mer Tyrrhénienne.
La part du secteur secondaire dans l'économie romaine traduit la faiblesse de l'industrie, consacrée aux biens de consommation (minoterie, brasserie, matériels de construction, appareillage électrique, confection, imprimerie, cinéma) et localisée dans l'arc oriental de la ville, entre la via Nomentana et la via Latina. Rome est fondamentalement et traditionnellement ville tertiaire, de ses instances de prestige à ses services communs. Ses organes de pouvoir, politiques, judiciaires, économiques en font, au niveau national, le lieu central de décision (Quirinal). Ville universitaire, elle est capitale intellectuelle pour les lettres, le théâtre, le cinéma, capitale d'art par ses richesses monumentales héritées de plus de 2 000 ans d'histoire, attirant plusieurs millions de touristes par an. Capitale mondiale de la chrétienté catholique (Cité du Vatican, Saint-Siège, doubles représentations diplomatiques), elle abrite des académies étrangères (Villa Médicis) et des organismes internationaux de compétences diverses (FAO).
Le centre-ville historique (rioni), globalement circonscrit par les murs d'Aurélien, offre une large gamme de paysages urbains : les forums antiques, oasis archéologiques préservées, la boucle du Tibre et le Trastevere, aux rues médiévales étroites et aux places-décors de la Renaissance souvent piétonnières, les quartiers umbertiens de la fin du xixe s., d'une élégante régularité, les îlots de verdure (Villa Borghèse, Janicule). Il rassemble, depuis le Tibre jusqu'au-delà des murs vers le nord-est, les principales activités tertiaires (ministères, mairie, banques, sièges de sociétés, hôtels, grands magasins, commerces centraux), égrenées au long des deux axes du Corso et du Tritone, entre le Capitole et la porta Pia. Une certaine déconcentration administrative a transféré, dans les années 1960, vers le nouveau quartier de l'EUR au sud de la ville, ministères et bureaux. Autour du centre, des quartiers modernes se disposent en auréoles successives. Une couronne interne, limitée par le pied du monte Mario, l'Aniene et une boucle de chemin de fer, déjà continue en 1950, comprend une suite de quartiers généralement structurés autour de places ou d'axes de commerce et socioprofessionnellement différenciés, du Parioli cossu, au nord, à l'Aurelio composite, à l'ouest, et au Tiburtino ouvrier, à l'est. La couronne externe, en croissance continue, poussant des pointes jusqu'à la rocade autoroutière du raccordo anulare, résulte de l'extension spectaculaire des années 1960, caractérisée par la densité de l'urbanisation tant dans la construction populaire, au Quadraro et à Pietralata, que dans les opérations privées spéculatives (monte Mario, via Cassia) ; l'opposition est marquée entre les quartiers aisés du nord (Tor di Quinto) et du sud (EUR), et ceux, populaires, de l'est (San Basilio, Alessandrino) et de l'ouest (Primavalle). Dans l'espace périphérique de l'Agro romano, qui offre à Rome 126 000 ha sur les 151 000 du territoire communal, des noyaux anciens se sont développés (plage d'Ostie, Fiumicino, site de l'aéroport Léonard-de-Vinci), des grands ensembles ont été édifiés récemment (Decima, Spinaceto) ; mais l'Agro est aussi le domaine de la construction illégale, des lotissements sauvages, fléau contre lequel lutte la municipalité dans le cadre d'une politique d'harmonisation urbaine et d'insertion sociale. Rome n'échappe pas non plus aux problèmes des grandes agglomérations : la circulation, malgré le métro, y reste difficile. Rome a accueilli les jeux Olympiques d'été de 1960.
L'HISTOIRE DE ROME
Naissance de la ville
Établie à une trentaine de kilomètres de la côte, Rome est née de la réunion de plusieurs établissements préaryens (Sabins), indo-européens (Latins) et étrusques situés sur des collines (sept sur la rive gauche selon les Anciens [Quirinal, Viminal, Esquilin, Caelius, Aventin, Capitole, Palatin], auxquelles il faut ajouter ensuite le Janicule, le monte Mario, etc., sur la rive droite) dominant la croisée des deux grandes routes unissant l'Étrurie à la Campanie (pont Sublicius sur le Tibre, encore à peine navigable) et l'Apennin central à la côte (route du sel). La légende veut que la Roma quadrata, délimitée par l'araire de Romulus, soit née sur la colline abrupte du Palatin dominant le fleuve, en 753 avant J.-C.
Les efforts des rois étrusques, qui dominent la ville de la seconde moitié du viie s. avant J.-C. à 509 avant J.-C., font de l'endroit une zone salubre, ce qui contrastera à travers les siècles avec les miasmes dangereux et l'aspect d'abandon de la campagne environnante. Il est de tradition de leur attribuer la « Cloaca maxima », le plus célèbre des égouts, qui va du Forum au Tibre ; ce qu'on en voit actuellement est une reconstruction postérieure ; c'était à l'origine un canal de drainage à ciel ouvert. De l'époque étrusque datent les premières constructions de pierre, le rempart dit « mur de Servius », dont les vestiges les plus connus correspondent en réalité à des réfections du ive s. avant J.-C., consécutives à l'invasion gauloise. L'aspect citadin que Rome acquiert à cette époque se complète par l'afflux de populations d'origine diverse, étrusque surtout, qui, se superposant à un fonds lui-même peu homogène, se livrent à des activités urbaines (artisanat et commerce). Dès le tournant des vie-ve s., le Capitole, foyer religieux avec son temple de Jupiter, et le Forum, place publique à tous usages, représentent le cœur de la ville, dont l'extension, cernée par le rempart et le pomoerium (ou pomerium), cette ligne sacrée en deçà de laquelle il est interdit d'ensevelir les morts, égale déjà la moitié de la future Rome impériale.
La capitale républicaine
Rome, devenue capitale d'une Italie romaine, reçoit un apport de population sans cesse croissant. Cet accroissement provoque l'utilisation du champ de Mars – ce vaste terrain disponible à l'ouest des murs – pour les grands rassemblements d'hommes, que le Forum ne peut plus contenir. Les temples s'édifient peu à peu : temples de Saturne, des Dioscures, de Cérès. L'invasion gauloise, destructrice, entraîne une reconstruction hâtive. Le plus ancien pont, le pont Sublicius, est édifié en bois, puis en pierre au début du ive s. avant J.-C. Au iiie s. avant J.-C. s'y ajoute le pont Milvius. La construction des routes qui rayonnent autour de Rome donnent à la ville les moyens de circulation qui conviennent à son importance. L'intérieur de l'agglomération semble, au contraire, tassé et étriqué, sans artères larges, sans autres espaces dégagés que les forums, le Forum romanum, le vieux marché aux bestiaux (Forum boarium) et le marché aux légumes (Forum holitorium), tous deux près du Tibre. Un peu plus en aval, entre Tibre et Aventin, s'installent les entrepôts du commerce fluvial. La fondation d'Ostie crée un avant-port qui ne dispense pas du trafic par le fleuve. Un premier aqueduc, l'Aqua Claudia, amène une eau de source des environs de Préneste (aujourd'hui Palestrina). Le Grand Cirque, aménagé au flanc sud du Palatin, puis le cirque Flaminius, à l'entrée du champ de Mars, témoignent des réjouissances offertes aux foules par la classe dirigeante. Ce sont aussi les grandes familles qui construisent les basiliques qui portent leur nom, en bordure du Forum : basilique Porcia et basilique Aemilia.
Les grandes conquêtes ont leur retentissement sur la ville : celle-ci ne cesse d'embellir. Les rafles d'œuvres d'art lui permettent de se parer de nombreuses statues. Les esclaves de toute origine contribuent à faire naître un air d'exotisme. Si l'on a eu très peur quand Hannibal était aux portes de Rome, on se rattrape ensuite : les humbles jouissent des spectacles que leur offrent les édiles et profitent de distributions ; la classe dirigeante des sénateurs et chevaliers se fait bâtir de somptueuses maisons sur le Palatin, aux abords des remparts, et de riches villae à Tusculum ou à Tibur (Tivoli).
Le Quirinal, l'Esquilin et l'Aventin se peuplent.
La capitale impériale
Panem et circenses
À l'époque impériale, Rome apparaît tout à fait comme une grande métropole. Auguste l'a divisée en quatorze régions, destinées à survivre à l'Antiquité et pourvues d'un système administratif dont la direction doit incomber à un préfet particulier, en raison des problèmes de la grande ville, qui ne se confond plus, comme dans l'ancien temps, avec l'État. Y sont casernées des troupes spéciales, les prétoriens, qui forment la garde de l'empereur, et les vigiles, qui font office de pompiers. L'Administration s'occupe des eaux et des travaux publics. Il faut tenir en respect la horde des esclaves. Enfin, et surtout, il y a l'assistance publique : l'annone. Celle-ci assure à la population de Rome, aux citoyens seulement, classe toujours privilégiée, des distributions gratuites de produits alimentaires ; l'État se charge de la réquisition dans les provinces, du transport et de la répartition entre 200 000 allocataires. Auguste ramènera ce nombre à 150 000. Le blé est la denrée essentielle (5 boisseaux par mois) ; plus tard, il s'y ajoute de la viande, de l'huile, du vin. Puis on remplace le blé par le pain. Enfin, tous les Romains deviennent citoyens, et l'institution prend progressivement l'allure d'une assistance aux pauvres. En outre, les empereurs distribuent occasionnellement des congiaires, gratifications en argent. Bref, le Romain est nourri. Il est de tradition aussi de le régaler de spectacles gratuits : panem et circenses. On comprend mieux alors le vide qui s'est fait dans les campagnes avoisinantes. La population comprend aussi, outre les esclaves, des affranchis ; les uns comme les autres sont de toute origine et de plus en plus souvent orientaux. Le cosmopolitisme se décèle par les noms des pierres funéraires, par la variété des cultes exotiques.
Une ville surpeuplée
Au Haut-Empire, le million d'habitants paraît la moins improbable estimation de population. La congestion urbaine est manifeste : Horace décrit les encombrements ; la circulation des véhicules utilitaires est interdite de jour. Les emballages irrécupérables que sont les amphores cassées ont édifié près du Tibre une colline entière, le mont Testaccio.
La population s'entasse dans les immeubles de rapport à plusieurs étages, aux logements étriqués et aux escaliers sombres. On recense au Bas-Empire 46 000 insulae, pâtés de maisons, appartements ou, plus vraisemblablement, immeubles locatifs. On cite telle d'entre elles, l'insula Felicles, pour son grand nombre d'étages. La hauteur se marie fâcheusement avec la médiocre solidité. Il existe aussi quelque 1 800 domus, hôtels particuliers, conçus sur le plan de la maison classique à atrium, parfois immenses, proportionnés aux fortunes de la classe sénatoriale. Certains se sont réservés, surtout à la périphérie, d'immenses parcs (jardins de Salluste, de César). À l'époque impériale, ceux-ci sont à la disposition du public, comme les diverses promenades couvertes, ou portiques. L'Empire bâtit, par fierté romaine et aussi pour la population, favorisée parce que vaguement crainte. Auguste a trouvé une ville de brique et dit l'avoir rebâtie de marbre. Mais tout n'est pas marbre. Au sud comme au nord du Forum s'étendent de vieux quartiers entassés, populaires : le Vélabre, riche en entrepôts ; l'Argilète des libraires et des artisans du cuir ; la Subure, particulièrement malfamée, qu'il faut imaginer comme des souks où l'on trouve de tout, mais où l'on ne laisse pas aller les enfants de bonne famille. D'un autre côté, vers l'est, les grands monuments s'étendent à partir du Forum, dans le creux qui sépare le Palatin de l'Esquilin. Puis le champ de Mars, plaine longtemps en partie marécageuse, assainie en 36 avant J.-C., accueille dès l'époque augustéenne un flot de nouveaux édifices publics, tout en préservant de grands espaces et un aspect aéré qui convient à la promenade. L'Esquilin, longtemps terrain vague inquiétant, devient un quartier aristocratique grâce à ses vastes espaces.
Selon la pratique romaine, qui ne craint pas les grands terrassements, on nivelle, recouvrant les nécropoles et les immondices pour créer jardins et palais. Des palais, il s'en édifie sur toutes les collines périphériques. Le Caelius, le Quirinal et le Viminal deviennent des quartiers opulents à l'égal de l'Esquilin. Le Palatin, après avoir hébergé les résidences de la classe dirigeante à l'époque républicaine, est accaparé par les palais impériaux. Beaucoup d'empereurs sont des bâtisseurs. Néron profite de l'incendie mémorable de 64 après J.-C., qui ravage plusieurs parties de la ville, pour édifier sa « Maison d'or » (Domus aurea), qui s'étale au nord du Palatin sur une telle étendue qu'un plaisantin conseille aux Romains d'aller vivre ailleurs, car il ne leur restera bientôt plus de place. Après Néron, on se désintéressera de ce vaste ensemble, et l'amphithéâtre Flavien, ou Colisée, occupera une partie de son emplacement. Au demeurant, l'incendie est l'occasion d'une reconstruction des quartiers centraux, qui n'est pas du goût de tout le monde : les ruelles sont remplacées par de larges avenues où le soleil et le vent pénètrent trop facilement. Ce n'est que relatif : ces avenues ne sont que des boyaux comparativement aux réalisations du xixe s. et du xxe s. Mais ce qui, partout, attire l'attention, c'est le décor de la rue et surtout des places publiques. La statue y tient une place majeure. Dieux, empereurs, magistrats sont représentés par milliers. À certaines époques, on a dû les retirer massivement pour faire de la place. Jusqu'à la fin de l'Antiquité, le Forum n'en conserve pas moins le caractère d'un musée de sculpture. Et, au ive s. après J.-C., après déjà bien des dévastations, on dénombre encore quelque 10 000 statues dans les lieux publics.
Splendeur des monuments publics
Contrastant avec les insulae branlantes et toutes les masures faites de matériaux rustiques et qui sont la proie de fréquents incendies, les monuments publics étalent leur splendeur. Dans certaines zones du centre, il n'y a pratiquement plus place pour des habitations privées. Quelques dénivellations aidant, l'accumulation d'édifices somptueux aux colonnes précieuses organise une scénographie théâtrale, qui impressionne aussi bien l'empereur qui a toujours vécu dans les camps (tel Constance II, en 357) que le Barbare vaincu. Les empereurs se sont fait la part belle, multipliant ou agrandissant leurs palais du Palatin, se préparant des tombeaux colossaux (mausolées d'Auguste, d'Hadrien).
Mais, surtout, ils procurent à l'immense prolétariat désœuvré les plus fastueux lieux de récréation : d'abord grâce à l'extension du Forum, prolongé par les forums impériaux, forums de César, d'Auguste, de Domitien (ou de Nerva, dit aussi « forum transitoire ») de Vespasien (dit « de la Paix ») et surtout de Trajan, qui comporte, outre la colonne Trajane, un ensemble commercial en hémicycle enchâssé dans le pied du Quirinal ; ensuite par les jardins, les portiques, les arcs de triomphe, les temples – qui sont autant musées de sculpture que sanctuaires –, les théâtres, les amphithéâtres et les cirques ; enfin, par les thermes, aux dimensions colossales, que l'on continue à construire même à l'époque de la décadence (thermes d'Agrippa, de Titus, de Trajan, de Caracalla, de Decius, de Dioclétien, de Constantin, d'Hélène) et qui consomment avidement l'eau des grands aqueducs. Le contraste est net avec la banlieue, qui n'est qu'une zone de passage : voies, tombeaux, auberges et relais.
Des chrétiens aux Barbares
Le christianisme ne tarde pas à modifier discrètement la structure de la ville, en lui adjoignant une ville souterraine. Le sol romain peut, sur le plan utilitaire, se répartir en trois étages : celui de la pierre plus ou moins dure, le tuf, où sont creusées des carrières ; celui de la roche sablonneuse, exploitée comme telle dans les sablières (arenariae) ; enfin celui du tuf tendre, qui se prête à l'excavation sans fournir de matériaux valables. C'est dans cette dernière couche que les juifs, les premiers, creusent leurs cimetières (ier s.), puis, à la fin du même siècle, les chrétiens, qui, en quelques dizaines d'années, en étendent les galeries jusqu'à la périphérie de Rome. De cimetières, les catacombes deviennent lieux de réunion et refuges pendant les persécutions. Quant au fondateur de cette Église, saint Pierre, sa présence à Rome ne s'y confirme que par l'archéologie, qui croit avoir découvert sous la basilique Saint-Pierre son tombeau, le « trophée » de Gaius. La destinée de Rome commence à basculer. Aux conquêtes ont succédé les attaques des Barbares. Ceux-ci, vainqueurs en Italie du Nord (270), ont inquiété la capitale. Comme les autres cités de l'Empire, Rome s'entoure d'une enceinte fortifiée, celle d'Aurélien, qui, avec son développement de plus de 18 km, n'englobe pas même toute l'étendue répartie dans les quatorze régions d'Auguste et correspond à un tracé commandé par les possibilités défensives. Mais cette enceinte n'est pas sans points faibles, et son développement lui interdit d'être suffisamment garnie de troupes. Toutefois, il n'y a pas d'alerte dans les temps qui suivent. Rome perd peu à peu sa qualité de capitale. Les empereurs s'installent là où les requièrent les nécessités militaires : à Milan, à Trèves. Enfin, Constantin Ier le Grand, faisant de Constantinople une seconde capitale (330), amorce la transformation de la ville.
Empereurs et papes
À la même époque, l'empereur s'est fait chrétien, et l'Empire avec lui. Ses successeurs ne sont à peu près jamais à Rome. Dès lors, la ville devient pleinement chrétienne. Les premiers personnages ne sont plus les Césars, mais les papes. Constantin le Grand donne un de ses palais, le Latran, au pape Miltiade, en transforme un autre en basilique chrétienne dédiée au Sauveur (aujourd'hui Saint-Jean-de-Latran) et construit encore une basilique à l'emplacement du tombeau de saint Pierre. Les papes construisent aussi (Sainte-Marie-Majeure, Saint-Sébastien, Saint-Laurent, Saint-Paul), et l'on ne se fait plus guère enterrer aux catacombes. En même temps, on commence à démolir les édifices païens pour en utiliser les matériaux, en particulier les colonnes. Ce n'est que le début d'une longue démolition. Constantin a lui-même emmené à Constantinople des statues en même temps que ses fonctionnaires.
Les sacs
Les Wisigoths d'Alaric pénètrent dans Rome en 410 et saccagent la ville pendant six jours et six nuits. L'événement a un retentissement considérable. Mais il est suivi d'autres incursions non moins dévastatrices. Si Rome échappe à Attila, elle souffre plus encore de la présence des Vandales de Geiséric (455). Puis viennent les Suèves de Ricimer (472). Les maux sont d'autant plus grands que les Romains eux-mêmes les aggravent : ils se battent entre eux, la populace pille, les brigands se multiplient. Au milieu du vie s., Goths et Byzantins se disputent la ville, dont ils s'emparent à tour de rôle. En 538, les assiégeants coupent les aqueducs : Rome est privée d'eau. Tornades et épidémies s'en mêlent. Mort et fuite réduisent peu à peu la population à quelques dizaines de milliers de personnes tout au plus. À ce moment seulement disparaît le sénat, qui a longtemps survécu sans plus manifester d'autorité.
Le destin des antiquités
En dépit de quelques restaurations sous le règne du roi ostrogoth Théodose Ier le Grand, Rome prend pour des siècles l'aspect d'un monceau de ruines. Celles-ci ne se sont pas accumulées en quelques jours. Les murs de forteresses des grands thermes ne sont pas tombés d'un seul coup. Mais les constructions se sont révélées inutiles : il n'y a plus ni eau ni baigneurs. Et l'on démolit sans cesse pour les nécessités du moment : les statues servent de projectiles pendant les sièges, les monuments deviennent des carrières, les marbres sont absorbés par les fours à chaux, tout ce qui est en métal est arraché et fondu. Les plus belles sculptures sont vendues tout au long du Moyen Âge et se retrouvent dans toute l'Italie. Le xviie s., encore, s'acharne sur les monuments qui subsistent : Paul V récupère en 1613 la dernière colonne de la basilique de Maxence et de Constantin. Quelques monuments ont un destin privilégié : le portique d'Octavie, destiné à devenir un marché aux poissons ; quelques temples, transformés en églises. Les alentours de Rome sont une campagne abandonnée, en proie à la malaria. Les habitants de la ville se serrent dans les quartiers bas, au champ de Mars, tandis que les résidences aristocratiques des collines sont totalement abandonnées. Le Capitole va devenir le monte Caprino (mont aux Chèvres), le Forum le campo Vaccino (champ aux Vaches). L'entassement des débris a modifié même la topographie, exhaussant le niveau du sol. Par l'action cumulée des terrassements, des incendies et des effondrements, de l'abandon des égouts et de la voirie, le niveau antique est d'ordinaire à une profondeur de 3 à 20 m au-dessous du sol actuel, et la dénivellation des collines s'est émoussée.
Avant de devenir ce gros village qui, coexistant avec les fastes pontificaux, séduira les artistes par sa beauté romantique, Rome subit encore tous les conflits intérieurs et extérieurs du Moyen Âge.
Querelles et conflits médiévaux
La papauté dans la tourmente
La seule autorité demeurée présente à Rome est celle du pape : sa primauté dans l'Église est reconnue par le concile de Chalcédoine (451). En 452, le pape Léon Ier le Grand persuade Attila d'épargner la ville. Grégoire Ier le Grand (590-604) fait de Rome non plus une capitale chrétienne, comme elle l'était au ive s., mais la capitale ecclésiastique et pontificale, assumant les charges de la politique et de l'administration. Puis, aux viiie s. et ixe s., devant la menace des Lombards, maîtres d'une grande partie de l'Italie, la papauté s'assure l'alliance de Pépin le Bref et de son fils Charlemagne, qui mettent un terme à la puissance lombarde et aident à la création des États de l'Église. Rome redevient ainsi une capitale d'un État, sans pour autant trouver le calme et la sécurité. Les Sarrasins harcèlent l'Italie centrale. Le pape Léon IV, après la dévastation du Vatican par eux en 846, fortifie ce quartier, qui en gardera le nom de cité Léonine. De même, la papauté entretient les aqueducs et contrôle le ravitaillement lors des famines. En ces siècles du haut Moyen Âge, l'Italie souffre mille maux, en effet. Une féodalité turbulente s'est constituée ; c'est l'anarchie et la guerre civile. La Ville éternelle est en proie aux factions, et le Saint-Siège est l'enjeu des rivalités et l'objet de manœuvres sordides. Les grandes familles rivales comme les Crescenzi, au xe s., ou les comtes de Tusculum, au début du xie s., se construisent des châteaux soit dans les environs, soit dans les ruines de la ville : de grands monuments encore debout grâce à l'épaisseur de leurs murailles sont surmontés de tours percés de meurtrières. Des créneaux s'accrochent aux arcs de triomphe. Le Colisée est la forteresse des Frangipane, le mausolée d'Hadrien celle des Orsini, le mausolée d'Auguste celle des Colonna. La barbarie du xe s., féroce et immorale, vaut à celui-ci d'être appelé le Siècle de fer. En ce temps-là, les papes meurent couramment assassinés. En dehors de ces féodaux malfaisants se situent de surcroît trois pouvoirs en présence : la papauté, mais aussi le peuple de Rome, qui, de l'Antiquité, a hérité des prétentions politiques, et enfin l'empereur. Le pape a fait renaître l'Empire en couronnant Charlemagne en 800. Ces trois pouvoirs sont la cause de bien des désordres de l'époque médiévale. Otton Ier le Grand se fait couronner empereur en 962, comme Charlemagne. Mais il impose l'autorité impériale à Rome : les empereurs entendent disposer du Saint-Siège. Ils se heurtent aux grandes familles romaines. La querelle des Investitures, entre pape et empereur, est désastreuse pour la ville : l'empereur Henri IV s'empare de Rome, et les Normands de l'Italie méridionale la reprennent et la pillent (1084). Quand l'empereur vient se faire couronner à Rome, il amène avec lui la violence. Le peuple, rêvant de son passé, las de ses malheurs, essaie, épisodiquement, de reconquérir son indépendance vis-à-vis du pape. Ce sont les tentatives du tribun Crescentius au xe s., d'Arnaud de Brescia au xiie s., de Cola di Rienzo au xive s. Malgré la création d'une commune romaine (1143) gouvernée par des sénateurs, l'anarchie est de plus en plus grande.
Rome sans pape
La condition économique des Romains au Moyen Âge est, en outre, misérable. La campagne est vide, et il n'y a ni industrie ni commerce. Les affaires ne se font que grâce à la présence de pèlerins déjà nombreux, aux monastères, à la cour pontificale. L'institution du jubilé par Boniface VIII, en 1300, améliore la situation, mais la « captivité » d'Avignon (1309-1376) et le Grand Schisme d'Occident (1378-1417) font disparaître les avantages que les Romains tiraient de la présence du Saint-Siège. La ville se retrouve aussi désertée qu'aux pires moments du vie s. L'autorité du pape n'existe plus, mais la noblesse guerrière est toujours là : les Colonna tiennent le nord de la ville, les Orsini le sud, les Savelli l'Aventin. La population se groupe dans le champ de Mars et la Subure, au milieu de potagers et de vignes ; églises et couvents sont parfois fortifiés, parfois déserts, parfois effondrés. Il ne reste plus beaucoup de prêtres. Mais il y a des brigands partout. Enfin, le pape rétablit progressivement son pouvoir. Nicolas V (1447-1455) consolide définitivement la papauté. Il anéantit le dernier mouvement populaire, dirigé par Stefano Porcari, un révolutionnaire qui se recommandait de Caton. La tradition médiévale de républicanisme, hostile au Saint-Siège, dure depuis le xe s. Elle laisse des traces durables, et les papes restent méfiants : sous Paul II (1464-1471), encore, les membres de l'Académie romaine sont emprisonnés sur suspicion de républicanisme.
La Renaissance de Rome
Retour de la prospérité
En ce xve s., où Rome renaît véritablement, la commune, avec un sénateur et trois conservateurs, coexiste avec un gouverneur, vice-camerlingue, qui représente le pape et détient le pouvoir réel. Le sénateur lui-même est choisi par le pape. Quant à la justice, la révision des statuts romains, en 1469, l'a fait dépendre également de l'Église en totalité. L'autorité pontificale se trouve affermie aussi grâce à l'argent : la fiscalité universelle, mise au point au temps d'Avignon, permet à la ville de sortir de ses ruines. Au Moyen Âge, on avait remanié des édifices, mais on n'avait rien construit. À présent, de grands travaux sont entrepris. Le Latran a été abandonné pour le palais qui s'édifie près de la basilique Saint-Pierre, dont la reconstruction est entreprise. Les papes président à la rénovation urbaine en perçant de nouvelles rues. Les ennemis de la papauté renoncent à lutter contre elle, et tous bâtissent : on voit s'élever des palais qui ne sont plus fortifiés (palais Colonna, villa Farnésine, palais de la Chancellerie, palais de Venise). Bramante, Michel-Ange, Raphaël participent aux travaux, appelés par Jules II (1503-1513). Les antiquités sont recherchées : on fait des fouilles pour trouver des objets d'art. Le début des collections du musée du Vatican date de ce temps. Sous Léon X (1513-1521), l'accumulation de richesses se poursuit : Rome est la ville la plus luxueuse, la plus somptueuse. L'humanisme et l'archéologie, la théologie et la philosophie sont pratiquées avec passion. La cour pontificale est brillante. Les 55 000 habitants sont souvent aisés.
Du sac de Rome (1527) à la reconstruction
Le sac de Rome par les troupes de Charles Quint, en 1527, arrive comme une catastrophe. Les armées comptent des luthériens fanatiques. Aucun palais, aucune basilique n'échappe au pillage. Les Espagnols tuent, les Allemands profanent. La famine et la peste complètent leur œuvre. Rome y perd le flambeau de la Renaissance artistique et littéraire. Mais la papauté trouve de nouvelles ressources, une énergie nouvelle. S'appuyant sur l'autorité que lui confère le concile de Trente, elle commande la lutte contre le protestantisme, et elle accueille et soutient Oratoriens et Jésuites. Les années saintes attirent des flots de pèlerins : on en vit 210 000 ensemble en 1600. Les travaux de construction et de rénovation urbaine se poursuivent. Sixte Quint (1585-1590) perce de nouvelles rues et multiplie les fontaines. Les ressources pontificales proviennent des taxes traditionnelles touchant l'Église entière et la population de Rome, mais aussi de l'exploitation de l'alun de Civitavecchia et de l'émission d'emprunts. La banque romaine est active. Mais la fiscalité maintient les habitants dans un état de pauvreté ; la noblesse, endettée, vit en parasite de la papauté. Le ravitaillement est difficile, ce qui amène à interdire l'exportation des céréales (1562). Aux pèlerins s'ajoutent à présent les artistes d'Europe, pour qui le voyage à Rome est un élément traditionnel de leur formation. Ils viennent nombreux, accompagnés de quelques touristes fortunés. Des académies artistiques sont fondées par les nations intéressées. Grande est l'animation sur les chemins qui mènent à Rome, en dépit des explosions périodiques de banditisme. La population atteint 165 000 âmes en 1789.
Occupations françaises
La Révolution française provoque une impression profonde sur les Romains ; elle fait perdre au pape la moitié de ses ressources extérieures. Des Français rêvent de « délivrer la Rome antique du joug des prêtres ». Mais les Romains tuent un Français qui arborait une cocarde tricolore à Rome (1793). En 1797, un incident du même ordre sert de prétexte pour occuper Rome (1798). Une éphémère République romaine est constituée ; mais les républicains ne sont qu'une poignée. Et les Français semblent venus pour piller : les commissaires des Arts opèrent avec zèle dans les musées. La situation se détend ensuite grâce aux dispositions bienveillantes de Bonaparte, qui ménage le pape, jusqu'au jour où Pie VII (1800-1823) se refuse à participer aux mesures de blocus. L'empereur fait occuper la ville, où les incidents se multiplient. Rome est proclamée ville libre et impériale, mais la population reste hostile. Le pape est prisonnier. Un sénat se recrute tant bien que mal parmi l'aristocratie (1809). Le préfet Charles de Tournon réalise quelques fragments d'un grand projet d'urbanisme (Pincio, piazza del Popolo).
Après la chute de Napoléon Ier, les papes recouvrent leur pouvoir, qu'ils exercent à partir de 1814 avec une rigueur qui paraît alors anachronique. Les Jésuites, l'Inquisition, les anciens privilèges réapparaissent. La révolution de 1848 établit une nouvelle République, toujours éphémère, car la France se charge de restaurer le gouvernement pontifical par la force en 1849, puis lui assure le secours d'une garnison française. Le départ de celle-ci entraîne la chute immédiate du pouvoir temporel du Saint-Siège ; Rome devient alors la capitale du royaume d'Italie, et le palais du Quirinal la résidence du roi (1870-1871).
Rome, capitale de l’Italie
Le pape se refuse à reconnaître cette nouvelle situation, et la ville tend, dès lors, à se couper en deux. À l'occasion, l'anticléricalisme latent se déchaîne. L'État bâtit un palais de justice, des casernes, des ponts. On érige le monument à Victor-Emmanuel II. Les parcs de grandes villas deviennent publics ou parfois sont lotis. De nouveaux quartiers sont créés. La croissance est très rapide : 210 000 habitants en 1870, 450 000 en 1900. Rome demeure une capitale administrative : une ville sans industrie, comme elle l'a toujours été, sans banlieue agricole, sans port.
La « marche sur Rome » de 1922 inaugure l'ère fasciste. Mussolini relie Ostie à Rome par une autoroute, perce la large voie qui traverse les ruines fraîchement mises au jour des forums impériaux. Près du monte Mario, les gradins du forum Mussolini (aujourd'hui foro Italico) réunissent les enthousiastes du régime. Les accords du Latran (1929) règlent enfin la « Question romaine » en constituant une Cité du Vatican, État indépendant. La prolifération administrative marche de pair avec la croissance de la population : un million de Romains vers 1930, ce qui ramène à peu près au chiffre antique. Ces nouveaux Romains viennent pour moitié ou presque de l'Italie du Sud et des îles. La Seconde Guerre mondiale amène une période de misère (l'hiver 1943-1944 est très dur), mais les destructions sont limitées. Les premières bombes américaines tombent en juillet 1943. La reddition de l'Italie provoque la venue des troupes allemandes dans Rome, qui est de nouveau visée par les bombardements et en même temps livrée à la Gestapo (massacre de la cave Ardéatine, 24 mars 1944). La libération a lieu le 4 juin 1944 par l'armée américaine qui suit la voie Appienne. Rome émerge ensuite lentement de son chômage, de sa pénurie, de sa misère. L'afflux des provinciaux reprend. Le palais du Quirinal abrite à partir de 1946 les présidents de la République italienne, la monarchie ayant été renversée par référendum. La vitalité du Vatican se manifeste par le concile œcuménique de 1962-1965.
ROME, VILLE D'ART
La Rome antique
Le Palatin
La tradition qui plaçait sur cette colline la Rome primitive, fondée vers le milieu du viiie s. avant J.-C., est largement confirmée par l'archéologie ; on peut voir sur place les fonds de cabane des « compagnons de Romulus », exhumés au début du xxe s., ainsi que des silos et des restes de fortifications, ceux-ci du ive s. avant J.-C. Le premier monument important qui ait survécu est le temple de la Magna Mater (Cybèle), installé dans les toutes dernières années du iiie s. avant J.-C. et réduit à un podium arasé. À la fin de la République, le Palatin est le quartier aristocratique : Cicéron et la plupart de ses amis ou rivaux y habitent. Plusieurs maisons de cette époque sont conservées sous les constructions impériales ; la plus importante est la « maison des Griffons » (vers 80 avant J.-C.). Octave s'établit sur le Palatin en 36 avant J.-C. et ne le quittera plus ; sa résidence était en fait un complexe composé de plusieurs domus, dont la prétendue « maison de Livie ». Le temple d'Apollon, annexe de la demeure du prince, est également identifié avec certitude. Progressivement, le Palatin sera envahi par les résidences impériales, qui forment deux groupes principaux : le palais de Tibère, caché par les jardins Farnèse, dont on voit seulement les accès et les annexes (d'ailleurs postérieures), et le palais de Domitien, complètement fouillé ; on y distingue deux parties, l'une publique, avec en façade, du côté nord, une salle du trône et une basilique, et l'autre privée.
Le Capitole
Son occupation est moins ancienne. En 509 avant J.-C., les consuls inaugurent le temple de Jupiter, Junon et Minerve, construit par le roi étrusque Tarquin, qui vient d'être chassé. L'autre sommet de la colline sert de citadelle (arx), avec un temple de Junon Moneta (« qui avertit ») et ses oies sacrées. Là s'installe au iiie s. la « monnaie ».
Le Forum primitif
La dépression marécageuse au nord du Palatin sert de cimetière avant son drainage par les Tarquins au moyen de la « Cloaca maxima » ; de 600 avant J.-C. environ à la fin de l'Antiquité, ce lieu va être le centre politique de Rome. Pendant la République, deux places l'occupent : le Forum, allongé d'est en ouest, et le Comitium, d'orientation générale nord-sud. Le plus ancien ensemble monumental est établi au pied du Palatin, avec le temple de Vesta (qui, dans son état actuel, date du début du iiie s. après J.-C.), la Regia, résidence du roi, puis du grand pontife, et la maison des vestales. Deux temples du côté sud, dédiés aux Dioscures et à Saturne, sont fondés au ve s. avant J.-C. et reconstruits sous Auguste ; ils encadrent la basilique Julia, fondée par César et réalisée par Auguste. Le côté nord de la place a été profondément transformé par la suppression du Comitium, décidée par César ; on peut voir là cependant le plus ancien vestige archéologique du secteur, un monument funéraire du ive s. avant J.-C., qui contenait la plus vieille et la plus énigmatique des inscriptions latines. Les « rostres » (tribune) et la Curie ont remplacé, par la volonté de César, des édifices situés plus au nord sur le Comitium. La basilique Aemilia, qui occupe la plus grande partie du côté septentrional, est fondée dès 179 avant J.-C. ; son état actuel est augustéen. Les deux petits côtés de la place sont fermés, celui de l'est par le temple de Jules César, celui de l'ouest par le Capitole, portant le tabularium sullanien, avec à son pied le temple de la Concorde, fondé au ive s. avant J.-C., et l'arc de Septime Sévère.
Les forums impériaux
En supprimant le Comitium, César lui substitue un nouveau forum fermé par des portiques et enfermant le temple de Venus Genitrix ; cet ensemble, restauré par Trajan et complètement fouillé de nos jours, sert de modèle à Auguste, dont le forum, perpendiculaire à celui de César, enferme le temple de Mars Ultor, dédié en 2 avant J.-C. Vespasien consacre une place carrée à la Paix, Domitien élargit aux dimensions d'un forum la vieille rue de l'Argilète. Trajan enfin crée un ensemble aussi vaste à lui seul que tous les précédents réunis, comprenant le Forum proprement dit, la basilique Ulpia, les deux bibliothèques encadrant la colonne Trajane et le temple funéraire de l'empereur, ensemble encore élargi par d'immenses marchés de brique qui formaient tout un quartier étagé sur les pentes du Quirinal.
Les plaines du bord du Tibre
À cette Rome des collines s'oppose la ville basse des bords du fleuve. Au début, c'est seulement la plaine sud, entre Capitole et Aventin, qui est utilisée, d'abord comme centre commercial ; on y trouve le marché aux bestiaux et celui des légumes, mais aussi de très vieux temples, au pied du Capitole ; c'est là (ancien Forum boarium) que subsistent, presque intacts, deux sanctuaires qui remontent à la fin de la République, l'un circulaire, l'autre rectangulaire. La dépression allongée au sud du Palatin accueille dès le vie s. avant J.-C. le Grand Cirque, où courent les chars. La plaine nord, élargie par un méandre, sera longtemps, sous le nom de champ de Mars, le terrain d'exercice de l'armée. À partir de la fin du iiie s. avant J.-C., elle est envahie par les édifices religieux qui souvent commémorent un triomphe. Le groupe sud s'ordonne autour du cirque installé par Flaminius sur le bord du fleuve ; plus au nord, Pompée construira en 56 avant J.-C. son théâtre et ses jardins, qui rejoignent l'aire sacrée, aujourd'hui dégagée, du portique Minucia (Largo Argentina). Une troisième phase d'urbanisation, commencée par César, sera poursuivie par Agrippa ; celui-ci construit des thermes et un premier Panthéon rectangulaire, que l'actuelle rotonde, extraordinaire nouveauté architecturale d'où dérivent toutes les églises et mosquées à coupoles, remplace sous Hadrien. Les empereurs multiplient aussi les monuments commémoratifs, de l'Ara Pacis augustéenne à la colonne de Marc Aurèle.
En dehors des zones que l'on vient de parcourir, il faut signaler encore, au moins, trois monuments gigantesques et prestigieux : le Colisée (amphithéâtre Flavien), inauguré en 80 après J.-C. et qui occupe l'emplacement du lac de la Maison dorée (Domus aurea) de Néron, aux ruines toutes proches ; les deux grands édifices thermaux, celui du sud, construit par Caracalla au début du iiie s., et celui du nord, œuvre de Dioclétien à la fin de ce même siècle.
La Rome médiévale
La papauté, mécène de Rome
L'histoire de l'art dans la Rome médiévale est marquée du signe de la continuité. Aucune autre cité au monde n'a perpétué ainsi la tradition antique jusqu'aux Temps modernes. Si ce maintien de la tradition peut s'expliquer en partie par la survivance de nombreuses œuvres antiques in situ, il est dû surtout à la volonté délibérée des papes de retourner aux sources. En effet, la Rome du Moyen Âge est pontificale. Cela est si vrai que pendant les périodes d'éclipse de la papauté, au xiie s. par exemple, lors de la lutte du Sacerdoce et de l'Empire, au xive s., lors de l'exil des souverains pontifes en Avignon, l'art entre en sommeil à Rome. Mais, lorsque les papes sont forts, ils bâtissent des églises et les ornent, ils sont les mécènes de la ville. La tradition antique qu'ils conservent est celle de la chrétienté triomphante du ive s., de la Rome constantinienne, et il est bien difficile de tracer une ligne de partage entre l'art romain du Bas-Empire et celui du haut Moyen Âge. À Rome, plus qu'ailleurs, l'art paléochrétien se poursuit au-delà de l'Antiquité proprement dite. Et le retour périodique aux modèles de celle-ci, au ixe s., au xiie s., a assuré la transmission au monde occidental de son patrimoine. Il y a enfin un paradoxe dans l'histoire de l'art romain médiéval, c'est que cet art, imprégné d'Antiquité, ne s'est jamais rallié aux grands courants occidentaux de l'art roman et de l'art gothique et que, pourtant, il a fasciné les chrétiens médiévaux de l'Europe occidentale, qui ont souvent tenté de l'imiter. Ainsi la vieille basilique Saint-Pierre au Vatican, bâtie au ive s., n'a été démolie qu'à partir du milieu du xve s. et a longtemps inspiré les constructeurs d'églises more romano, « à la manière de Rome », comme on écrivit au ixe s. à propos de l'abbatiale germanique de Fulda. Saint-Pierre fut modifiée au cours des âges ; dès le viie s., l'abside était surélevée et un couloir établi autour, couloir considéré comme un ancêtre lointain des déambulatoires romans.
Luttes, destructions, reconstructions se succédèrent à Rome bien au-delà du Moyen Âge, au point que pratiquement aucun édifice n'a conservé son état d'origine. Le souci de continuité a conduit à des remaniements et à des restaurations nombreuses de la plupart des églises anciennes de Rome. Ainsi, la basilique Saint-Clément remonte au ve s., mais seulement pour ce qui est de l'église inférieure, d'ailleurs transformée au ixe s. Presque complètement détruite en 1084 par les Normands de Robert Guiscard, elle fut rétablie entre 1085 et 1115 par le pape, qui fit refaire en partie le décor intérieur et fit construire au-dessus l'église haute avec son atrium. D'autres monuments ne conservent plus que quelques vestiges de leurs origines, tel Saint-Paul-hors-les-Murs, incendié en 1823 et rebâti sur le modèle paléochrétien ; des mosaïques de l'arc triomphal ont été conservées, ainsi que le chandelier pascal de la fin du xiie s. et le tabernacle du maître-autel de la fin du xiiie s., par Arnolfo di Cambio.
Trois grandes époques
L'art romain médiéval passe par trois grandes étapes : la suite de l'art paléochrétien, jusqu'au viiie s. ; le ixe s., sous l'impulsion de l'empire carolingien et de son alliance avec la papauté ; les xiie s. et xiiie s. Le xive s., si fécond en Toscane, a laissé peu de traces à Rome à cause de l'exil d'Avignon, puis du Grand Schisme d'Occident, et c'est sans transition que la Ville Éternelle a pénétré dans la Renaissance.
La continuité de la tradition paléochrétienne s'est manifestée dans la construction des églises, la plupart du temps basilicales, avec des nefs scandées de colonnes et plafonnées, avec des absides voûtées précédées d'un arc triomphal. Les arcades remplacèrent de très bonne heure les architraves, comme à Sainte-Sabine, construite sous le pape Célestin Ier (422-432). Des campaniles furent élevés auprès, surtout à partir du xie s. ; Rome en compte plus d'une trentaine. L'un des plus connus, celui de Sainte-Marie-in-Cosmedin, date du xiie s. ; l'église elle-même remonte à la fin de l'Antiquité, modifiée au viiie s. par l'adjonction de deux absides latérales, puis en grande partie reconstruite au début du xiie s. De l'époque paléochrétienne encore datent en partie Saint-Jean-de-Latran et Sainte-Marie-Majeure, très remaniées, Sainte-Agnès, le baptistère du Latran, Saint-Étienne-le-Rond. Au ixe s. remontent Sainte-Marie-in-Domnica et Sainte-Praxède. Au xiie s., outre l'église supérieure de Saint-Clément, il faut citer Sainte-Marie-du-Transtévère, Sainte-Françoise-Romaine, Saint-Laurent-hors-les-Murs. Rome ne compte qu'une église de style gothique, Sainte-Marie-de-la-Minerve, exception qui tient au fait que cette église conventuelle des Dominicains a été inspirée par une autre église de la même congrégation, celle de Sainte-Marie-Nouvelle à Florence.
Ces églises conservent parfois un beau mobilier. Les portes en bois de Sainte-Sabine, sculptées de scènes de l'Ancien Testament (ve s.), comptent parmi les œuvres les plus anciennes. De nombreux ciboriums, ou baldaquins d'autel, subsistent, certains ornés d'incrustations de marbres de couleur qui sont à rapprocher des pavements « cosmatesques ». Ces dallages polychromes d'origine byzantine furent introduits à Rome par les ateliers du Mont-Cassin et répandus par les marbriers et ornemanistes appartenant aux lignées des Cosmati (ou Cosma) et des Vassalletto. Sainte-Marie-in-Cosmedin, Saint-Clément, Sainte-Marie-du-Transtévère en possèdent de fort beaux. Le cloître de Saint-Jean-de-Latran en reprend avec élégance les procédés au xiiie s.
Le plus remarquable élément des vieilles églises romaines réside dans leur décor pictural, tantôt en mosaïque, tantôt à la fresque, car là, plus encore que dans l'architecture, s'est maintenue la tradition antique, qui se retrouvera à la Renaissance. Les mosaïques de Sainte-Marie-Majeure, par exemple, permettent de définir certains caractères de l'art paléochrétien. Celles qui couvrent les murs de la nef datent du milieu du ive s. et montrent des scènes de l'histoire d'Abraham, d'Isaac, de Jacob, de Moïse et de Josué. On y remarque la liberté et le naturel des gestes et des mouvements, des notations de paysage et d'atmosphère qui créent un espace et une profondeur. Les mosaïques de la vie de la Vierge, sur l'arc triomphal, sont du ve s. et révèlent un autre aspect de l'art romain : la grandeur, la dignité calme, un sens monumental. Sous le pape Félix IV (526-530) a été placée la mosaïque absidiale de l'église des Saints-Cosme-et-Damien, qui représente le Christ descendant du ciel entre saint Pierre et saint Paul. La notion spatiale, le modelé, la majesté qui s'en dégagent différencient cette œuvre romaine des productions byzantines de Ravenne, plus hiératiques et irréelles. L'influence de Byzance s'est tout de même exercée à Rome, notamment quand la crise de l'iconoclasme chassa les peintres grecs vers l'Italie, au viiie s., et sous l'action de l'atelier bénédictin du Mont-Cassin, au xie s. Parfois, le courant byzantin a coexisté avec le courant antiquisant romain, comme dans les fresques de Sainte-Marie-Antique, qui s'échelonnent du vie s. au viiie s. ; parfois, les deux courants se sont mêlés pour engendrer des créations fécondes. À la fin du viiie s., le pape Léon III se fit représenter avec Charlemagne sur une mosaïque de son palais du Latran. Son successeur, Pascal Ier, fit exécuter de nombreuses mosaïques, qui prenaient pour modèle les mosaïques du vie s., à Sainte-Cécile, à Sainte-Praxède, à Sainte-Marie-in-Domnica. Le sens de la profondeur, la plasticité des œuvres paléochrétiennes s'atténuent dans ces compositions du ixe s., qui sont plus linéaires, mais la calme grandeur romaine y est bien présente.
Une autre grande période picturale se développe à partir de la fin du xie s. ; elle révèle une influence byzantine transmise par le Mont-Cassin, vite romanisée par la persistance du courant antique. Les peintures de la vie des saints Clément et Alexis dans l'église Saint-Clément ont une élégance et une délicatesse qui doivent quelque chose aux miniatures byzantines ; la mosaïque de l'abside, avec les colombes qui symbolisent les apôtres autour de la croix, marque un retour aux sources paléochrétiennes. Ces œuvres du xiie s., à Saint-Clément et aussi à Sainte-Marie-du-Transtévère, annoncent les mosaïques exécutées à la fin du xiiie s. par Iacopo Torriti pour Saint-Jean-de-Latran et Sainte-Marie-Majeure et par Pietro Cavallini pour Sainte-Marie-du-Transtévère, dont la grandeur toute romaine préfigure la monumentalité de Giotto et maintient l'héritage antique.
Du xve s. à nos jours
La Renaissance
La chapelle Sixtine
L'établissement de la papauté à Avignon au xive s., puis le Grand Schisme entraînèrent la décadence de Rome. Il faut attendre le milieu du xve s. et Eugène IV (1431-1447) pour qu'une vie artistique resurgisse vraiment. Le Florentin Filarete, appelé à Rome, sculpta en bronze les portes de Saint-Pierre, que le pape décida de reconstruire. D'autres artistes florentins, comme Donatello, Alberti, Fra Angelico, firent des séjours prolongés pour répondre à des commandes pontificales. Le Lombard Andrea Bregno s'établit à Rome et emplit les églises de la Ville Éternelle de ses monuments funéraires et de ses sculptures. C'est à Antonio del Pollaiolo que l'on s'adressa pour les tombeaux de Sixte IV et d'Innocent VIII, intéressantes étapes dans l'évolution de la sculpture funéraire.
Avec Paul II et plus encore avec Sixte IV (1471-1484), l'architecture tant civile que religieuse s'affirma en des œuvres insignes. Le premier fit construire à partir de 1455 le palais de San Marco qu'on appela plus tard « de Venise », ville dont le prélat était originaire ; c'est la première grande œuvre de la Renaissance à Rome et on y trouve encore, avec sa tour d'angle et ses merlons, le souvenir des structures du château-forteresse médiéval. Un peu plus tard, de 1489 à 1496, le cardinal Riario, neveu de Sixte IV, fit construire le palais de la Chancellerie, qui englobe l'ancienne basilique San Lorenzo in Damaso, tout comme dans le palais de Venise est incluse l'ancienne basilique Saint-Marc. On y reconnaît, tant dans la façade que dans la cour intérieure à loggia et dans le grand escalier, une influence de l'architecture du nord de l'Italie. La magnificence nouvelle de ce palais, la noblesse de ses proportions en font un manifeste de la première Renaissance à Rome. On ignore (comme pour le palais de Venise) quel fut son architecte.
C'est le pape Sixte IV qui donna son nom à la fameuse chapelle commencée en 1473 au Vatican et qui devait devenir un des hauts lieux de l'histoire de l'art. Le plan en est très simple, mais les proportions parfaites et, dès le début, il était prévu que les parois en seraient couvertes de fresques. La première série de ces peintures forme une suite ordonnée de scènes évoquant l'Ancien et le Nouveau Testament et confiée à des artistes originaires de Toscane ou d'Ombrie : Botticelli, Signorelli, le Pérugin, les Ghirlandaio, Pinturicchio, Cosimo Rosselli. C'est seulement en 1508 que Michel-Ange Buonarroti, sculpteur florentin dont le premier passage à Rome date de 1496, se voit confier par un autre pape, le terrible Jules II Della Rovere, la tâche de compléter la décoration de la chapelle Sixtine par un ensemble de fresques au plafond. Ce travail titanesque fut terminé en 1512. Beaucoup plus tard, un autre pape admirateur de Michel-Ange, Paul III Farnèse, décida de sacrifier sur un mur des fresques du Pérugin pour y faire peindre le fameux Jugement dernier. C'est donc à l'extrême fin du xve s. que, grâce à l'action des pontifes, leur culture, leur souci de jouer les mécènes, le grand foyer de la Renaissance se déplace de Florence à Rome, qui redevient la capitale des arts et le théâtre d'une des plus éblouissantes floraisons de chefs-d'œuvre.
Après sa première sculpture romaine, le Bacchus de 1496, c'est pour un cardinal français que Michel-Ange sculpta la merveilleuse Pietà de Saint-Pierre, sous le règne d'Alexandre VI Borgia, pontife d'une moralité contestée, mais homme de goût fastueux qui fit construire au Vatican les appartements portant toujours son nom.
Bramante, Raphaël et les autres
Le grand architecte de cette époque est assurément Bramante, originaire d'Urbino, qui mit au point des formes et des proportions d'un classicisme harmonieux et d'une grande noblesse, adaptées tout naturellement à la Ville Éternelle, où il laissa une empreinte durable et où il se heurta au génie tumultueux de Michel-Ange. Les premières œuvres de Bramante apparurent comme de grandes nouveautés : le cloître de Santa Maria della Pace et surtout le charmant Tempietto de San Pietro in Montorio (1502) ; on retrouve la même perfection des proportions, la même habileté dans l'escalier du Belvédère au Vatican.
Cependant, son principal souci était la reconstruction de la basilique de Saint-Pierre, que Jules II lui avait confiée. Il revint au plan paléochrétien, la croix grecque, avec la seule couverture qui convînt pour un édifice insigne, la coupole. La première pierre fut posée en 1506. Après la mort de Bramante, en 1514, c'est au peintre le plus célèbre que l'on confia la maîtrise de l'ouvrage, à Raphaël, aidé de Fra Giocondo et de Giuliano da Sangallo. Raphaël pensait à un plan à croix latine qui resta à l'état de projet. Puis Paul III fit appel à Michel-Ange, qui reprit le plan de son ancien ennemi Bramante et en accentua la majesté, notamment pour la coupole. Il n'eut pas le loisir de la mener à bonne fin. Après sa mort, Domenico Fontana et Giacomo Della Porta la terminèrent d'après ses dessins, avec quelques menues retouches qui n'enlèvent rien à son caractère grandiose.
Raphaël Sanzio, originaire d'Urbino lui aussi, décora les « chambres » du Vatican de fresques qui firent date (chambres de l'Incendie, de la Signature, d'Héliodore) et fut à la tête d'une équipe remarquable où se distinguèrent Giovanni da Udine et Jules Romain, que l'on retrouve aux « loges », décorées sur les dessins de Raphaël. Un autre de ses grands ensembles orne la villa que le banquier siennois Agostino Chigi se fit construire par Baldassare Peruzzi entre la via della Lungara et le Tibre et que l'on appela plus tard la Farnesina, du nom de ses nouveaux propriétaires.
Peruzzi, Siennois d'origine, construisit également le curieux palais Massimo alle Colonne (sur le corso Vittorio Emanuele II), dont la façade épouse, par sa convexité, la courbe de la rue. Il montre un souci de l'environnement et de l'urbanisme nouveau pour une époque où la capitale des papes offrait encore un aspect très anarchique.
Les papes et leurs architectes manifestent en effet l'intention de doter Rome de voies commodes. C'est à cette époque que l'on dessine et que l'on construit les vie dei Coronari, della Lungara, di San Celso, di Ripetta, prélude timide à la grande entreprise de Sixte Quint. Antonio da Sangallo le Jeune, originaire de Florence, travaille surtout à Rome. Dans l'église Santa Maria di Loreto près du Forum, il adopte le plan centré et la coupole. On lui attribue de nombreux palais via Monserrato et via Giulia, qui devient l'artère où font bâtir les grandes familles de Florence (à son entrée s'élève l'église Saint-Jean-des-Florentins, leur sanctuaire national, construite par Léon X de Médicis et où se succèdent J. Sansovino, Sangallo, Giacomo Della Porta, Carlo Maderno). Jusqu'à la fin de sa vie, Sangallo est occupé par son œuvre majeure, le palais Farnèse, qui sera achevé par Michel-Ange.
Michel-Ange, architecte de Rome
En plus de son intervention capitale à Saint-Pierre du Vatican, Michel-Ange, en effet, dans la dernière partie de sa carrière, apporte une contribution primordiale à l'architecture de la Ville Éternelle, où il mourra en 1564. En 1527, Rome avait été mise à sac par les armées impériales ; cet événement avait dispersé pour un temps les artistes et rendu plus impérieuse encore la nécessité d'assainir et d'ordonner la cité. Paul III Farnèse décida de procéder à la rénovation du Capitole, un des endroits les plus prestigieux de l'histoire romaine. On restaura complètement l'ancien Palais sénatorial. On dressa au centre de la place la statue équestre (antique) de Marc Aurèle. Michel-Ange donna le plan des façades de l'escalier monumental avec ses divinités fluviales, le Tibre et le Nil ; il prévoyait de part et d'autre deux palais jumeaux, à droite le palais des Conservateurs, commencé avant sa mort, cependant qu'en face le Palazzo Nuovo (musée du Capitole) ne fut construit qu'au xviie s., par Girolamo Rainaldi. On peut affirmer que c'est à Michel-Ange que le Capitole doit sa composition grandiose, et que le rythme puissant et dynamique des éléments de façade n'a pas manqué d'influer sur la formation de l'esprit baroque, car l'on y trouve déjà la même recherche d'effet, de perspective théâtrale et de synthèse entre éléments architectoniques et éléments sculptés (par exemple les Dioscures, autre remploi d'antiques, qui montent la garde à l'entrée de la place). On fit appel à Michel-Ange en 1546 pour terminer le palais Farnèse. Il dessina le balcon central avec ses armoires, les fenêtres du dernier étage, le superbe entablement supérieur qui produit là encore un effet grandiose, et enfin le dernier étage de la cour intérieure. Le palais, peut-être le plus beau de Rome, fut achevé par Vignole et Giacomo Della Porta. Il symbolise parfaitement l'orgueil des grandes familles qui fournissaient périodiquement un titulaire au trône de saint Pierre. Michel-Ange fut aussi chargé de transformer en église l'ancien tepidarium des thermes de Dioclétien et il s'y montra respectueux de l'Antiquité (Santa Maria degli Angeli). Sa dernière œuvre d'architecte est la Porta Pia (1561-1564), où il affirme sa conception d'un urbanisme adapté à la grandeur d'une capitale. Si beaucoup de ses projets restèrent à l'état de dessins, on peut affirmer que c'est largement grâce à lui que le grand souffle de la Renaissance a bouleversé Rome, une Renaissance très empreinte de majesté antique. Dès le milieu du xvie s., la capitale des papes devient une sorte de chantier permanent.
Un urbanisme à la gloire de l’Église
Il revint à Sixte Quint, qui régna de 1585 à 1590, de coordonner tous ces efforts en définissant un vaste plan rationnel. L'architecte Domenico Fontana (1543-1607) fut l'artisan infatigable de ce grand dessein. L'idée centrale fut de relier les principaux points, en l'occurrence les grandes basiliques, par des voies rectilignes et larges propres à faciliter la circulation et la police, déterminant des quartiers, dont plusieurs furent créés de toutes pièces. Les anciens remparts devenus anachroniques furent percés pour livrer passage à ces nouvelles artères. Rome s'agrandit donc, aux dépens certes des jardins, vignobles, et pacages qui la couvraient. On construisit des aqueducs pour amener l'eau des sources de Palestrina et ce fut le début des fameuses fontaines qui ajoutent tant au charme et à la beauté de Rome. La première fut l'Acqua Felice, élevée place San Bernardo alle Terme, et la forme monumentale adoptée par Fontana se réfère évidemment à l'arc de triomphe antique. La sculpture en bas relief y tient une place importante. Aux points de convergence des grands axes, on dressa les obélisques que l'on retrouvait alors au cours des fouilles ; le plus spectaculaire s'éleva précisément place Saint-Pierre.
Des préoccupations sociales et économiques présidaient certes à ces travaux de vaste échelle, mais aussi une pensée religieuse et politique : la Contre-Réforme, ou Réforme catholique, s'organise et proclame à la face d'une chrétienté minée par l'hérésie la précellence du catholicisme et l'éclat retrouvé du siège de l'apôtre. Le pontife affirme son autorité aussi bien en se faisant construire un nouveau palais d'été, le Quirinal, devenu palais royal, puis résidence du président de la République, qu'en donnant leur aspect actuel aux vénérables hauts lieux du christianisme : palais de Saint-Jean-de-Latran et église Sainte-Marie-Majeure, dont toute la façade postérieure est édifiée dans des formes que l'on peut qualifier de triomphales. Cette basilique devient alors le centre d'une étoile de voies nouvelles. Le Corso reste l'axe principal traversant la ville et se borde de palais. Fontana dessine le piédestal de la colonne Antonine (ou colonne de Marc Aurèle, sur la piazza Colonna) et installe à son sommet une statue de saint Paul : symbole, comme les obélisques, de la victoire sur le paganisme, annexé jusque dans ses vestiges par la vraie religion.
Primauté artistique de Rome à la fin du xvie s.
Les familles patriciennes, les ordres religieux furent saisis par une fièvre d'émulation. On continue certes à bâtir sur les ruines romaines, comme le Cenci, sur les vestiges du théâtre de Cornelius Balbus, mais surtout le long des voies nouvelles. Le palais construit par Giulio Merisi pour le cardinal Gerolamo Capodiferro vers 1540 passa au cardinal Spada, qui fit enrichir les façades de stucs et de statues antiques. Les villas suburbaines gardent la faveur des grandes familles. Les Médicis acquièrent celle que le cardinal Giovanni Ricci avait fait construire en 1544 sur le Pincio par Annibale Lippi ; la façade sur les jardins de ce qui est devenu le siège de l'Académie de France, avec sa loggia, est très caractéristique de l'architecture du xvie s. et prend toute sa valeur dans son environnement de jardins, de fontaines, de statues.
Si Iacopo Barozzi, dit le Vignole, est célèbre par ses traités, il n'en est pas moins un constructeur important, travaillant dans de nombreux palais (Farnèse, Borghèse, Chancellerie). Il est l'auteur, avec Bartolomeo Ammannati (1511-1592), de la villa Giulia (1551-1553, devenu le Musée étrusque) : l'ingénieux hémicycle de la première cour est de Vignole, tandis que le nymphée et la loggia sont l'œuvre d'Ammannati. En 1568, Vignole entreprit de bâtir la grande église mère d'un ordre dont l'importance est considérable aussi bien dans le domaine des arts que dans la politique religieuse : les Jésuites. Le Gesù se présente d'ailleurs avec un plan révolutionnaire, une vaste nef unique bordée de chapelles entre les contreforts internes, une « église de la parole » adaptée aux nouvelles formes de dévotion prônées par les disciples de saint Ignace. Giacomo Della Porta (1540-1602) originaire de Lombardie, élève et collaborateur de Vignole, acheva le Gesù en construisant la coupole et la façade, elle aussi très originale avec ses enroulements qui assurent la transition entre deux niveaux de largeur inégale, un parti qui deviendra courant et que l'on qualifiera même, abusivement, de « jésuite ». Vers 1580, Della Porta fait figure d'architecte principal de la ville : outre l'achèvement de la coupole de Saint-Pierre, de nombreuses églises lui sont dues : la Madonna dei Monti, Sant'Atanasio dei Greci, la façade de Saint-Louis-des-Français, dont la nef avait été achevée par Domenico Fontana.
La fin du xvie s., période intermédiaire entre la Renaissance et le baroque, se signale donc à Rome par un ensemble impressionnant de monuments d'un très haut intérêt, qui assure désormais à la capitale pontificale un prestige et une primauté artistiques incontestables : les meilleurs talents d'Italie viennent s'y employer. Le Toscan Ammannati aurait édifié le Collegio Romano ; nous l'avons vu à la villa Giulia. D'autres palais romains, comme le Palazzo Ruspoli, sur le Corso, et le Palazzo Firenze, lui sont dus. La peinture et la sculpture bénéficient aussi d'un vaste renouvellement, grâce au rassemblement à Rome des artistes les plus originaux venus d'autres régions. Par son réalisme, par ses effets saisissants de clair-obscur, le Caravage est certainement le plus révolutionnaire ; la villa Borghèse et de nombreuses églises à Rome en portent témoignage. À la même époque, les Carrache orientent la fresque vers un style plus classique, et leur fameuse galerie du palais Farnèse constitue un répertoire maintes fois consulté par les artistes qui suivront. Des sculpteurs d'origines diverses, Camillo Mariani, Francesco Mochi, Pietro Bernini, Nicolas Cordier (né en Lorraine), élaborent un art du relief qui renonce à la stylisation essoufflée du maniérisme. Les deux chapelles funéraires, Sixtine et Pauline, qui encadrent l'abside de Sainte-Marie-Majeure sont décorées d'une foule de statues et de bas-reliefs, œuvres des meilleurs artistes du temps. Le jeune Gian Lorenzo Bernini s'y est sans doute entraîné sous la conduite de son père.
Le baroque
Un art de la synthèse
À cette époque bouillonnante d'activité et d'inventions va succéder au xviie s. l'explosion du baroque, qui confirmera la suprématie de Rome. C'est là que se définit l'art qui devait, pendant près de deux siècles, régner sur une grande partie de l'Europe et jusqu'en Amérique latine, art fait de dynamisme et de pathétique, parfaitement adapté à la nouvelle sensibilité et qui procède d'une synthèse, d'une fusion des différents moyens d'expression, architecture et arts plastiques tendant ensemble à la même recherche d'effet. Des architectes comme Giacomo Della Porta et Maderno pressentaient déjà ce nouveau dialogue. Carlo Maderno (1556-1629) est un homme du Nord comme beaucoup d'architectes qui trouvent fortune à Rome (il fit venir Borromini). La façade de Sainte-Suzanne (1603) montre son souci d'animer une surface par le jeu des colonnes, des pilastres, des niches et des corniches. Son œuvre, surtout dans le domaine religieux, comprend les intérieurs de Sant'Andrea della Valle, de Santa Maria della Vittoria, la coupole de Saint-Jean-des-Florentins et surtout la façade de Saint-Pierre du Vatican ; on a reproché à celle-ci de nuire à la coupole, mais le grief doit plutôt en être fait au parti d'une nef en longueur et, en soi, cette façade pompeuse, avec son balcon central pour la bénédiction pontificale et ses puissantes colonnes, convient admirablement à la basilique la plus vaste de la chrétienté. Le pontife qui présida à cette entreprise fut un Borghèse, Paul V (1605-1621), suivi par d'autres grands mécènes, Urbain VIII (1623-1644), un Barberini, Innocent X (1644-1655), un Pamphili, et Alexandre VII (1655-1667), un Chigi. Les deux principaux créateurs du baroque furent Gian Lorenzo Bernini (le Bernin) et Francesco Borromini, l'un né à Naples, l'autre dans le nord de l'Italie, le second d'abord disciple du premier, puis son rival et ennemi. Le baldaquin de l'autel de Saint-Pierre, commandé en 1624 et mis en place en 1633, sert en quelque sorte de manifeste : œuvre puissante avec ses énormes colonnes torses, digne de la coupole de Michel-Ange au dessus.
Au palais Barberini, Bernin et Borromini poursuivent l'œuvre commencée par Maderno. Les façades avec des fenêtres aux encadrements variés, l'escalier avec ses recherches de perspective témoignent d'une conception nouvelle des grandes demeures patriciennes. Sur la voûte du grand salon, Pierre de Cortone peint le Triomphe de la papauté et des Barberini entre 1631 et 1639, et là encore c'est une nouvelle conception de la peinture qui éclate : architectures feintes, foules et personnages tourbillonnants, effets de profondeurs et de perspective, la grande fresque baroque est née, que l'on retrouve autour de 1680 aux voûtes du Gesù (par Giovan Battista Gaulli, dit le Baciccia, venu de Gênes, 1639-1709) et de Sant'Ignazio (par le père Andrea Pozzo, 1642-1709).
Le Bernin
Le prodigieux inventeur de formes que fut le Bernin renouvela totalement la sculpture, poussant jusqu'au prodige l'illusion de la vie dans le pathétique et dans l'extase : sculpture funéraire avec les grandioses monuments d'Urbain VIII et d'Alexandre VII à Saint-Pierre, sculpture religieuse avec les dramatiques mises en scène de la Transverbération de sainte Thérèse à Santa Maria della Vittoria, de la Mort de la bienheureuse Ludovica Albertoni à san Francesco a Ripa et de l'Apothéose de la chaire de Saint-Pierre, dans l'abside de la basilique. Sculpture profane aussi, avec les fameux groupes de la villa Borghèse et les fontaines qui contribuent tant au charme surprenant et divers de la Rome baroque : celles des Quatre-Fleuves sur la place Navone, celle du Triton et tant d'autres. Metteur en scène génial, le Bernin ouvre devant la façade de Maderno, au Vatican, la colonnade qui accueille et exalte le fidèle et construit le joyau exquis qu'est la petite église Saint-André-du-Quirinal. Son activité comme son influence furent immenses, et, jusqu'à la seconde moitié du xviiie s., la vie artistique suivra la voie qu'il a tracée.
Borromini
Borromini, tempérament très différent, inquiet, pessimiste, créa des architectures parfois étranges, toujours passionnantes en raison de ses recherches complexes dans le jeu des plans et des volumes aussi bien que dans l'invention des formes décoratives : Saint-Charles-aux-Quatre-Fontaines, petite église à l'espace ovale gauchi, couvert d'une coupole que le dessin des caissons fait paraître plus haute ; Saint-Yves-de-la-Sapience, avec son curieux plan ternaire et la déroutante spirale de son sommet qui met dans le ciel de Rome une note presque exotique ; l'oratoire des Philippins, avec ses jeux de courbes et de contre-courbes ; la tour de Saint-André-des-Haies (Sant'Andrea delle Fratte). La place Navone est un des hauts lieux de la Rome baroque ; elle conserve la forme allongée du cirque antique. Pour la border, Girolamo Rainaldi (1570-1655) et son fils Carlo avaient commencé à côté du palais Pamphili, élevé par Girolamo, l'église Sant'Agnese in Agone. Borromini évinça Carlo Rainaldi, modifia ses plans tout en conservant le principe d'une église à plan centré et conçut la remarquable façade qui, en face de la fontaine des Quatre-Fleuves du Bernin, dresse un décor magnifique sur un des grands côtés de la place.
Diversité des talents
Carlo Rainaldi (1611-1691), sans avoir le génie des deux grands maîtres du baroque romain, bâtit une des églises les plus intéressantes tant par son plan compliqué que par le jeu subtil des colonnes et des pilastres sur sa façade : Santa Maria in Campitelli. La même inspiration heureuse se retrouve à la façade de Sant'Andrea della Valle ; Rainaldi aménagea aussi les trois rues qui confluent à la piazza del Popolo.
Pierre de Cortone ne fut pas seulement peintre, mais architecte distingué, comme on peut le constater dans son chef-d'œuvre, Santi Luca e Martina, près du Forum romain, une église à plan en croix grecque, aux lignes merveilleusement équilibrées et à la façade savamment orchestrée avec ses deux ordres superposés. Sur le Corso, la façade à loggia de Santa Maria in Via Lata est aussi très originale, avec un lointain souvenir palladien. Quant aux mouvements contrastés, convexe et concave, que Cortone imagina pour Santa Maria della Pace, ils confèrent un charme délicieux à toute la petite place qui se cache non loin de la place Navone.
Dans ce xviie s. si fécond qui transforma, transfigura pourrait-on dire, Rome, il ne faut pas oublier de mentionner la diversité des talents, l'activité des peintres notamment : le Dominiquin, le Guerchin, Giovani Lanfranco (1582-1647), artistes que l'on accusait naguère de grandiloquence, mais qui ont été remis récemment à leur vraie place, et toute la cohorte des étrangers qui commencent à choisir Rome comme lieu de travail, ainsi des caravagesques comme le Français le Valentin. À côté se développe un courant classicisant dont le chef de file est un autre peintre d'origine française, Poussin. À cette tendance apaisée se rattache en sculpture l'art d'un Algarde, que l'on a pu opposer au Bernin et dont le grand bas-relief de la Rencontre de Léon Ier et d'Attila, à Saint-Pierre, est célèbre, et l'art d'un Duquesnoy, originaire de Bruxelles, mais parfaitement « romanisé » (Sainte Suzanne à Santa Maria di Loreto).
Une note de grâce
Ce xviie s. fut si brillant, si profond, si divers, il modela de façon si puissante et définitive la figure de Rome qu'on a eu tendance à considérer avec quelque dédain les compléments et les retouches du xviiie s. Aujourd’hui, on rend mieux justice à l'art des successeurs du Bernin, qui ajoutèrent une note de grâce à un urbanisme toujours épris d'effets scénographiques. De cette époque a malheureusement disparu le grand port de Ripetta sur le Tibre, mais il nous reste le vertigineux escalier montant de la place d'Espagne vers la Trinité-des-Monts, de Francesco De Sanctis (1723 à 1726), et la délicieuse petite place Saint-Ignace aménagée devant la façade de la grande église homonyme par Filippo Raguzzini (1727-1728), transposition pleine de charme d'un décor de théâtre. Le settecento voit le règne de la musique, de l'opéra, du mélodrame, et les architectes reçoivent d'ailleurs commande de salles de spectacles : le teatro Valle, le teatro Argentina par exemple. Quant à la place de Trevi, n'est-ce pas un décor de féerie, peuplé de divinités d'opéra, de chevaux de joutes nautiques, le tout animé en permanence par l'eau transparente qui cascade et bouillonne, se détachant sur la grande architecture d'ordre colossal conçue en 1732 par Nicola Salvi ? Aujourd'hui encore, cette place et cette immense fontaine sont un des lieux les plus séduisants de Rome. Les Florentins Ferdinando Fuga (1699-1781) et Alessandro Galilei (1691-1736) furent les architectes les plus marquants de cette époque : le premier édifia une façade noble et élégante pour Sainte-Marie-Majeure, la façade grandiose du palais Corsini sur la Lungara et l'harmonieuse petite église de l'Orazione e Morte, près du palais Farnèse ; le second remporta le concours ouvert pour la façade de Saint-Jean-de-Latran. Le puissant portique qu'il conçut est digne du grand baroque du siècle précédent et de la basilique vénérable dont la nef avait été rhabillée par Borromini. Piranèse, interprète en tant que graveur des antiquités de Rome, créa pour le prieuré de Malte une église (Santa Maria del Priorato) et, pour les abords, un décor qui avoue et annonce un certain romantisme, que l'on retrouve chez des peintres comme Giovanni Paolo Pannini (1691-1765).
L'emprise du baroque reste très vivace jusqu'à la fin du xviiie s., et l'on peut même se demander s'il y a eu un rococo romain, en quel cas la gracieuse église Sainte-Marie-Madeleine par Giuseppe Sardi en serait le meilleur exemple et, en ce qui concerne l'architecture civile, le palais Doria-Pamphili par Gabriele Valvassori. S'il y a décadence, c'est plutôt dans le domaine de la peinture qu'on le ressent ; la grande manière de P. de Cortone, du père A. Pozzo, du Baciccia n'est plus de mise, et Rome n'a pas eu la chance d'avoir un Tiepolo. La sculpture, cependant, est honorablement représentée par des artistes comme Camillo Rusconi, Pietro Bracci, Filippo Della Valle et aussi par des étrangers, Français surtout, Pierre Legros, Étienne Monnot (apôtres de Saint-Jean-de-Latran), Michel-Ange Slodtz, fidèles les uns et les autres à la leçon du Bernin, et il faudra attendre Canova, dont l'activité fut particulièrement féconde à Rome, pour que tout change. L'architecte Giuseppe Valadier (1762-1839) fut le premier artisan du nouveau visage de la Rome moderne. Parmi ses grands aménagements urbains, le plus spectaculaire est la piazza del Popolo, admirablement encadrée par les rampes qui montent au Pincio. Rome fut, en fait, un des principaux laboratoires du néoclassicisme.
L'époque contemporaine
Le xixe s. mérite peu d'attention. La campagne de construction qui suivit la proclamation de Rome comme capitale du royaume comprenait des bâtiments officiels et pompeux pour loger ministères et banques, sans style bien défini. Rome éclata alors en dehors de ses limites du temps de Sixte Quint. Malheureusement, le cœur monumental de la ville fut trop souvent atteint par des initiatives fâcheuses. Celle qui se voit le plus, le monument de Victor-Emmanuel-II, pour lequel on détruisit le vieux quartier montant au Capitole, ressemble à une gigantesque machine à écrire et fait verrue aussi bien sur le visage de la Rome antique que sur celui de la Rome de la Renaissance et du baroque.
Le xxe s. et le fascisme ont causé aussi quelques dégâts, entre autres la navrante voie de la Conciliation, qui a éventré le Borgo pour mener à la colonnade du Bernin. Le régime de Mussolini fit porter son effort sur un style « musclé » qui se voulait un retour aux sources de l'Empire romain et dont on peut voir des exemples intéressants dans les stades et dans le nouveau quartier de l'EUR (Esposizione universale di Roma). De nos jours, tous ces périls ne sont pas écartés et, pour la déesse automobile, les places et les perspectives merveilleuses de Rome, capitale éternelle, ont trop souvent été défigurées. Conçu par Renzo Piano, l'auditorium le plus grand d'Europe (3 salles de 2 700, 1 200 et 700 places) est inauguré en 2002.
LES MUSÉES DE ROME
La Villa Giulia est vouée aux Étrusques. L'extraordinaire somme des collections antiques romaines, surtout lapidaires, se répartit entre les musées du Vatican (qui comprennent aussi une importante pinacothèque), le Musée national romain, ou des Thermes, le musée du Capitole et celui des Conservateurs (également pinacothèque : Ensevelissement de sainte Pétronille du Guerchin). La Villa Borghèse est musée de sculpture et galerie de peinture (œuvres importantes de Giovanni Bellini, Antonello da Messina, Lotto, Andrea Del Sarto, le Sodoma, Raphaël, Véronèse, Titien, le Caravage, etc.). Deux palais distincts constituent la Galerie nationale d'art ancien : le palais Barberini, avec ses décors de Pierre de Cortone et d'A. Sacchi (peinture, surtout italienne, du Moyen Âge au xviiie s. : triptyque du Jugement dernier de Fra Angelico, la Fornarina de Raphaël, œuvres de Lotto, Titien, le Greco, portraits par Holbein et Q. Metsys, etc.), et le palais Corsini (le Caravage [Narcisse] et les caravagistes [Valentin], écoles bolonaise et vénitienne, Rubens, vues de Rome de Vanvitelli, etc.). La Galerie Doria-Pamphili possède des tableaux de Velázquez (portrait d'Innocent X), d'Annibal Carrache, du Caravage (Repos pendant la fuite en Égypte), de Claude Lorrain, des écoles flamande et hollandaise ; des bustes par Bernin (Innocent X) et l'Algarde (Olimpia Maidalchini Pamphili). La Galerie Spada, formée par le cardinal Spada au xviie s., comprend des œuvres caravagesques, des bambochades, des toiles de G. Reni, du Guerchin, etc. La Galerie nationale d'art moderne offre un vaste panorama de la peinture et de la sculpture italiennes du début du xixe s. à nos jours (quelques salles pour les écoles étrangères).