Slovaquie : histoire
Résumé Des Celtes aux Slaves Le premier peuple attesté d’après des sources écrites sur le territoire slovaque, est celte. Des tribus germaniques – Quades, Marcomans – toutes deux apparentées aux Suèves, auxquelles se heurtent les Romains, laissent place aux premières populations slaves à partir du ive siècle après J.-C. Une grande partie du territoire slovaque est inclue, avec la Bohème, au sein de la Grande-Moravie au ixe siècle. ixe-xe siècle Les Slaves de Grande-Moravie sont christianisés par les frères Cyrille et Méthode envoyés par Byzance. xe siècle. La domination hongroise L’invasion magyare conduit à une occupation durable et à la séparation entre pays tchèques et slovaques pendant plusieurs siècles. xiie-xvie siècles La Slovaquie est intégrée au sein du royaume de Hongrie avant de former le cœur de la « Hongrie royale » des Habsbourg à la suite de la défaite hongroise de Mohács face aux Ottomans (1526). Parallèlement, la réforme luthérienne s’impose en Slovaquie. xviie-xviiie siècles. La souveraineté des Habsbourg Œuvre notamment des jésuites, la Contre-Réforme menée par Vienne reconvertit la majorité des Slovaques au catholicisme tandis que la Slovaquie connaît une période de relative prospérité sous les règnes de Marie-Thérèse (1740-1780) et de Joseph II (1780-1790). xixe siècle. L'affirmation d'une identité nationale Dans le sillage de l’éveil des nationalités, le sentiment national slovaque prend naissance, trouvant dans la révolution du 1848 l’occasion de s’affirmer, mais se heurte à l’intransigeance des Hongrois. Le compromis austro-hongrois de 1867 n’entraîne aucune inflexion de la part de Budapest qui renforce son emprise sur la Slovaquie. xxe siècle. De la Tchécoslovaquie à l’indépendance Alors que se disloque l’empire d’Autriche-Hongrie, les Slovaques optent en faveur de l’union avec les Tchèques (1918). C’est la naissance de la première république de Tchécoslovaquie minée cependant par la difficile cohabitation entre diverses nationalités. Le mouvement national slovaque se radicalise et bascule du côté de l’Allemagne nazie en 1938-1939. Une dictature étroitement liée au régime hitlérien dirigée par Mgr Tiso se met en place. De 1945 à nos jours La république tchécoslovaque restaurée, la Slovaquie, moins développée que sa sœur tchèque, connaît une industrialisation rapide, centralisée et étatisée. Sa restructuration est l’un des principaux défis à relever lorsque, à la suite de la « révolution de velours » de 1989-1990, les deux États décident de se séparer. Cette accession sans heurts à l’indépendance (1993), conduit la Slovaquie sur la voie des réformes économiques et à l’adhésion à l’Union européenne, en même temps que la République tchèque, en 2004.
1. Les origines et le Moyen Âge
1.1. Établissement des Slovaques et la Grande-Moravie
Succédant aux Celtes, aux Quades, aux Marcomans, des tribus slaves, les Slovaques, s'installent à partir du ive siècle dans les Petites Carpates et dans la plaine de Pannonie.
À partir du ixe siècle, ces Slaves participent à la brillante civilisation de la Grande-Moravie. Ils sont christianisés par Cyrille et Méthode, qui fondent l'évêché de Nitra.
1.2. La conquête hongroise
La conquête hongroise, à partir du début du xe siècle, les sépare des Tchèques pour plusieurs siècles. La fondation de « villes royales », où sont installés des colons allemands qui se chargent de l'exploitation minière, est pratiquée par Géza II (1141-1162), par Béla IV (1235-1270), qui veut réparer les ravages des Mongols (1241), par la dynastie angevine (1308-1382) [→ Angevins], qui doit attendre la mort du palatin de Trenčin, Maté Čák (1321) qui règne alors sur le pays, pour s'imposer en Slovaquie.
Si une partie de ces cités (comté de Zips [Spiš]) est jointe par Sigismond (1412) à la Pologne, qui les gardera jusqu'en 1772, Levoča bénéficie du mécénat des Thurzó, associés aux banquiers allemands Fugger, qui exploitent les mines d'or et d'argent. Mais l'influence culturelle de la Bohême et de l'université de Prague (fondée en 1348) reste prédominante ; le mouvement de réforme hussite ne pénètre en revanche que faiblement en Slovaquie.
2. La domination des Habsbourg
2.1. xve-xvie siècles : Réforme et Contre-Réforme
La fin du xve et le début du xvie siècle sont marqués par d'intenses luttes sociales (révoltes paysannes, insurrection des villes minières).
Après la défaite hongroise de Mohács (1526) et l'invasion ottomane qui s'ensuit, la Hongrie des Habsbourg (Hongrie royale) ne comprend plus guère que la Slovaquie, où se trouve la nouvelle capitale (Presburg, nom allemand de Bratislava) ; le pays, qui subit les incursions turques, participe aussi activement aux révoltes contre l'Autriche.
La majorité de la population slovaque ayant rapidement adhéré au luthéranisme après 1526, les jésuites deviennent les principaux agents de la Contre-Réforme (fondation de l'université de Trnava, 1635) activement soutenue par les Habsbourg, au besoin à l’aide de l’armée, à partir de la fin du XVIe siècle.
2.2. xviiie siècle : une période de prospérité
Le royaume de Hongrie reconstitué (→ traité de Karlowitz, 1699), la Slovaquie va connaître une période de paix au xviiie siècle, et l'activité économique de la région, qui s'était d'abord affaiblie au profit du sud de la Hongrie, va cependant reprendre vers le milieu du siècle. L'année 1793 voit la création d'une Société des sciences de Slovaquie.
L'udovit Štúr (1815-1856) et l'établissement du slovaque littéraire
La politique de germanisation entreprise par l'empereur Joseph II à la fin du xviiie siècle provoque une réaction magyare qui menace l'existence des langues slaves dans le royaume de Hongrie (lois de 1791, 1844, 1847). Alors que les écrivains Pavel Šafařík et Ján Kollár, artisans du réveil national tchécoslovaque et du panslavisme, écrivent en tchèque, L'udovit Štúr choisit pour le Journal national slovaque (1845) le dialecte de la Slovaquie centrale. Cependant la Slovaquie n'est que peu touchée par la révolution industrielle, qui profite surtout aux pays tchèques.
3. L'affirmation du sentiment national
3.1. Les revendications nationales slovaques
Autonomie linguistique et politique
Au début, les revendications nationales slovaques pouvaient rejoindre celles des révolutionnaires hongrois menés par Lajos Kossuth, mais les deux mouvements nationaux divergent rapidement. Quand la révolution de 1848 (→ révolutions européennes de 1848) gagne la Hongrie, l'assemblée slovaque de Liptovský Mikuláš (11 mai) demande, outre le suffrage universel masculin et la liberté de la presse et de réunion, l'autonomie linguistique et politique à l'intérieur de la Hongrie. Ces revendications sont envoyées au gouvernement hongrois qui y répond par la loi martiale et les leaders slovaques, dont L. Štúr, doivent s’exiler.
L'intransigeance de l'Autriche
Ces derniers, qui participent au congrès slave de Prague (juin 1848), et au Conseil national slovaque à Vienne (septembre), tentent d’abord de profiter du conflit entre Vienne et Budapest pour déclencher un soulèvement qui est rapidement réprimé (septembre). Se heurtant à l’intransigeance hongroise, ils doivent se résoudre à demander que la Slovaquie soit séparée de la Hongrie comme province autonome de l’Empire, apportant ainsi même leur concours à l'armée impériale contre les Hongrois révoltés (novembre 1848-avril 1849). Mais après l’écrasement de la révolution hongroise avec l’aide des troupes russes (août 1849), l’Autriche se désintéresse des revendications des autres nationalités même si certaines concessions d’ordre linguistique sont dans un premier temps accordées.
Tentatives de résistance à la magyarisation
L'industrie naissante étant entre des mains étrangères et la noblesse s’étant laissée magyariser, les représentants de l’idée nationale slovaque sont presque exclusivement issus de l’intelligentsia (prêtres, enseignants, avocats…) dont l’objectif est de populariser le sentiment national auprès des paysans, des artisans et des commerçants dans un pays à dominante rurale où le servage n’est vraiment aboli qu’en mars-avril 1848. Le centre politique du mouvement national slovaque devient Turčiansky Svätý Martin, où est adopté en 1861 un « Mémorandum de la nation slovaque » exigeant notamment la création d’une région slovaque de Haute-Hongrie dont le slovaque serait la langue de l’enseignement et de l’administration. En 1863, est fondée la Matica Slovenská (Mère slovaque), fondation culturelle qui doit à la fois encourager les publications et le développement d'écoles secondaires en langue slovaque.
Répression hongroise et émigration
Mais après le compromis austro-hongrois de 1867, l’hostilité entre Slovaques et Hongrois ne fait que s’aggraver. Voyant dans ces institutions un foyer de « panslavisme », le gouvernement hongrois choisit la répression, la manipulation des élections et la magyarisation : les gymnases slovaques sont fermés et la Matica Slovenská est supprimée (1875).
Une émigration massive vers les États-Unis commence à partir de 1880 : près de 500 000 Slovaques quittent ainsi le pays pour s’installer outre-atlantique entre 1899 et 1913. Ceux qui restent se groupent alors en majorité derrière le parti populaire slovaque (clérical et autonomiste) d'Andrej Hlinka, curé de Ružombeok.
Naissance de la Tchécoslovaquie et revendications des Sudètes
Après la Première Guerre mondiale, lorsque l'Autriche-Hongrie s'écroule, un conseil national slovaque, rassemblé à Turčiansky Svätý Martin, réunit la Slovaquie aux pays tchèques (octobre 1918), en une Tchécoslovaquie, dans laquelle l'entente entre Tchèques et Slovaques est loin d'être parfaite : A. Hlinka ne cesse de mener des campagnes contre le centralisme tchèque, tandis que l’agitation de la minorité allemande des Sudètes, menée par l'Allemand Konrad Henlein, conduira à l’invasion puis à la dislocation du pays par Adolf Hitler en 1938-1939.
Pour en savoir plus, voir l'article Sudètes.
4. La Slovaquie pendant la Seconde Guerre mondiale
4.1. Un État satellite du Reich
Le parti populaire slovaque de l'abbé Andrej Hlinka exploite le mécontentement qui suit la crise économique mondiale des années 1930.
Monseigneur Jozef Tiso, qui succède à l'abbé Hlinka, mort en 1938, obtient des nazis l'autonomie interne pour la Slovaquie (le 7 octobre 1938). Menacée par les revendications hongroises, la Slovaquie doit accepter l'arbitrage germano-italien de Vienne (le 2 novembre 1938), qui lui retire les régions du Sud, peuplées de Hongrois. Le 13 mars 1939, Monseigneur Tiso, convoqué par Hitler, se voit obligé – sous la menace d'une annexion totale à la Hongrie – de faire proclamer par la Diète de Bratislava l'indépendance de la Slovaquie (le 14 mars 1939).
Le nouvel État, lié à la stratégie nazie, regroupe 2,6 millions de personnes sur un territoire légèrement plus petit que celui de l'actuelle Slovaquie. Le pays servira de base arrière à la Wehrmacht pour l'invasion du sud de la Pologne, en 1939.
4.2. La question juive
Une nouvelle Constitution, adoptée le 21 juillet 1939, s'inscrit dans une logique nationaliste. Placé sous la présidence de Monseigneur Tiso, l'État slovaque indépendant est résolument autoritaire, fondé sur le parti unique (le parti populaire slovaque de Hlinka, HSL'S) et antisémite. Les responsabilités de Jozef Tiso et de Vojtech Tuka (Premier ministre et dirigeant des jeunesses militaires du HSL'S, modelées sur les SA [sections d'assaut] allemandes) sont totales dans les persécutions menées contre les Juifs sur le territoire slovaque,
En août 1940, le bureau central de l'économie est chargé de confisquer les biens des Juifs, déchus de leurs droits civiques. Les Juifs sont ensuite regroupés dans les camps de Sered', Nováky et Vyhne. Expulsés de Bratislava, ils sont déportés dans les camps d'extermination de Pologne : 70 000 Juifs furent déportés de Slovaquie, 65 000 n'en revinrent pas.
4.3. Organisation de la résistance slovaque : le Conseil national slovaque
En décembre 1943, la résistance slovaque s'organise en créant un Conseil national slovaque qui rassemble des communistes, des sociaux-démocrates de gauche et d'anciens agrariens pour combattre le pouvoir nazi. L'insurrection contre le gouvernement collaborateur de Jozef Tiso éclate finalement en août 1944. En septembre, le Conseil national se prononce en faveur d’une « cohabitation fraternelle avec la nation tchèque dans une nouvelle République tchécoslovaque ». Mais les troupes allemandes entrent en Slovaquie et s'emparent de la capitale de l'insurrection, Banská Bystrica, le 27 octobre 1944. Le gouvernement et Jozef Tiso, restés à Bratislava, soutiendront jusqu'à la fin de la guerre le IIIe Reich et les unités allemandes, contre les partisans slovaques.
Après la guerre, les tribunaux spéciaux condamnent 8 058 collaborateurs ; plusieurs dirigeants de l'État indépendant slovaque sont exécutés ; Jozef Tiso est pendu, en avril 1947.
5. La Slovaquie dans la République socialiste de Tchécoslovaquie
La Tchécoslovaquie reconstituée en 1945 ets le résultat d'un compromis entre le président Edvard Beneš et l'URSS de Joseph Staline, d'ont l'Armée rouge, entrée en Slovaquie en 1944, est toutjours présente sur le territoire.
5.1. La question de la spécificité slovaque
Le parti communiste slovaque était favorable, en 1945, à l'idée d'une autonomie de la Slovaquie, qui s'est concrétisée le 5 avril 1945. L'autonomie en question avait une dimension politique, puisqu'elle accordait de larges pouvoirs au Conseil national slovaque, mais elle était aussi culturelle. De courte durée, l'autonomie est finalement rejetée par le parti communiste, après son échec lors des élections de 1946.
La question de la spécificité slovaque devient polémique. Ainsi, dans les années 1950, Klement Gottwald, secrétaire général du parti communiste et président de la République depuis 1948, fait condamner le Slovaque Gustáv Husák, en 1954, l'accusant de « nationalisme bourgeois slovaque ». Cette mise au pas ne s’effectue pas sans résistance de la part des Slovaques dont l’aspiration aux réformes démocratiques s’accompagne d’une revendication nationale.
5.2. Alexander Dubček et le printemps de Prague
À partir de 1963, l'opinion publique obtient le départ du chef du gouvernement Široký et du premier secrétaire du parti communiste slovaque Karol Bacílek, remplacé par Alexander Dubček. En 1967, les Slovaques participent à la coalition qui renverse le président Antonín Novotný et élit A. Dubček.
Le printemps de Prague permettra l'obtention d'une autonomie dans un cadre fédéral (loi du 28 octobre 1968). Dès lors, aux côtés d'un gouvernement commun fédéral, deux gouvernements, tchèque et slovaque, sont mis en place.
5.3. Gustáv Husák
Le rôle politique de la Slovaquie se renforce avec l'accession de Gustáv Husák au poste de secrétaire général du parti communiste tchécoslovaque (entre 1967 et 1987) et au poste de président de la République (entre 1975 et 1989). Dans le but de combler l’important retard économique pris par la Slovaquie par rapport aux pays tchèques, le régime communiste a encouragé depuis la fin de la guerre un développement largement fondé sur un secteur industriel surdimensionné – métallurgie, mécanique, pétrochimie, armement – autour de grands combinats à faibles rendements, dépendant des échanges avec l'Union soviétique. Gustáv Husák reste fidèle à l'idée d'une économie centralisée et étatisée, craignant que des éléments de l'économie de marché ne viennent favoriser un recentrage des fonds fédéraux vers les parties tchèques du pays.
5.4. La Slovaquie à l'heure de la « révolution de velours »
Au milieu des années 1980, le bloc socialiste entrant dans une phase critique, la perestroïka, engagée en Union soviétique par Mikhaïl Gorbatchev, entraîne un timide changement à la tête de la Tchécoslovaquie : la nouvelle direction du parti communiste, confiée au Tchèque Miloš Jakeš en décembre 1987 qui remplace Gustáv Husák, est loin d’être acquise aux idées de réforme et refuse tout dialogue avec l’opposition. En Slovaquie, cette dernière se regroupe, en novembre 1989, au sein du mouvement « Public contre la violence » (VPN), l'équivalent du Forum civique tchèque. On y retrouve notamment Vladimír Mečiar, un ancien communiste, exclu du parti en 1970 pour ses positions réformistes adoptées à la suite du printemps de Prague ; un comédien, proche de Václav Havel, Milan Kňažko ; le leader des écologistes, Jan Budaj ; le futur président de la République slovaque, Michal Kováč. Tous bénéficient du soutien de l'ancien secrétaire du PCT de 1968, écarté du pouvoir depuis vingt ans : Alexander Dubček.
Dès le début de la contestation, les Slovaques affirment leur spécificité. Le mouvement qui a commencé à Prague, aboutit à un rassemblement de 100 000 personnes, à Bratislava, le 16 novembre 1989. Le 27 novembre, le VPN lance une grève générale largement suivie ; à partir de Prague et de Bratislava, la révolution gagne l'ensemble du pays. Entre décembre 1989 (démission de Gustáv Husák de la présidence de la République, élection d’Alexander Dubček et de Václav Havel respectivement comme président de l'Assemblée fédérale et président de la République) à juin 1990 (premières élections démocratiques), la « révolution de velours » permet d'engager le pays dans des transformations politiques majeures, en douceur.
6. L'indépendance de la Slovaquie
6.1. La République fédérative tchèque et slovaque
En avril 1990, les députés slovaques obtiennent que la Tchécoslovaquie prenne le nom de République fédérative tchèque et slovaque. Les élections de juin organisées à l'Assemblée fédérale et aux conseils nationaux tchèque et slovaque, consacrent la défaite des communistes. Mais si le VPN domine (29,3 %) avec ses alliés, – les chrétiens-démocrates du KDH (19,2 %) et le parti démocrate (DS, 4,4 %) –, la surprise vient du parti nationaliste (SNS), qui obtient le score inattendu de 13,9 %, au coude à coude avec les communistes (13,3 %).
Vladimír Mečiar (VPN) est nommé Premier ministre du gouvernement slovaque. Après la scission du Forum civique tchèque (février 1991), le VPN se scinde également et V. Mečiar fonde, en mars, son propre parti, de tendance nationaliste, le Mouvement pour une Slovaquie démocratique (HZDS). Démis de ses fonctions en avril et remplacé par Jan Čarnogurský, il retrouve la direction du gouvernement slovaque après la nette victoire du HZDS aux élections de juin 1992 (37,2 % des voix et 74 sièges sur 150).
6.2. La scission entre la République tchèque et la Slovaquie (1992-1993)
Prenant acte de l'impossibilité d'un accord avec les Tchèques sur la structure de l'État (les Slovaques souhaitent une association au sein d'un État confédéral), il engage avec son homologue tchèque, Václav Klaus, un processus de partition de la Fédération. Refusant de cautionner cet éclatement, le président Havel démissionne le 20 juillet. En novembre 1992, après l’adoption de la nouvelle Constitution slovaque en septembre, l'Assemblée fédérale adopte la loi proclamant l'extinction de la République fédérative tchèque et slovaque. La scission de la Tchécoslovaquie en deux États indépendants, la République tchèque et la Slovaquie, prend effet le 1er janvier 1993.
Comme les deux économies sont peu interdépendantes, cette séparation s’accomplit sans difficulté. En juillet 1991, la Slovaquie proclame son indépendance et élabore une nouvelle Constitution dès le mois de septembre. Officiellement, la souveraineté devient effective le 1er janvier 1993. Le Parlement fait de Michal Kováč, membre du HZDS, le premier président de la Slovaquie indépendante.
Pour en savoir plus, voir l'article Tchécoslovaquie.
6.3. La politique populiste de Vladimír Mečiar
La politique de V. Mečiar est à la fois autoritaire et populiste. Une crise éclate en mars 1994, lorsque le gouvernement est renversé par une motion de censure. Mais la victoire du HZDS aux élections législatives anticipées de septembre-octobre 1994 (35 % et 61 sièges) permet à V. Mečiar de retrouver son poste de Premier ministre. En décembre, il conclut une alliance de gouvernement avec deux partis nationalistes, l'Association pour les ouvriers (ZRS) et le parti national slovaque (SNS), mais, en 1996, ces deux partis retirent leur soutien au gouvernement, qui se retrouve privé de majorité parlementaire.
V. Mečiar parvient néanmoins à se maintenir par le biais de manœuvres controversées et clientélistes nourrissant les radicalismes de gauche et de droite, jusqu'aux élections législatives de septembre 1998, qui consacrent la victoire de l'opposition : la Coalition démocratique slovaque (SDK), associée au parti de la Gauche démocratique (SDL'), au parti de l'Entente civique (SOP) et à la Coalition hongroise (SMK-MKP).
7. Mikuláš Dzurinda et l'intégration euro-atlantique (1998-2006)
Mikuláš Dzurinda, le nouveau président du gouvernement, veut modifier l'image son pays. À la tête d'une coalition gouvernementale rassemblant la SDK qui rassemble elle-même plusieurs partis de centre droit et de centre gauche, la SDL et la SMK-MKP, il promeut une politique de rapprochement de la Slovaquie avec ses deux voisins – la Hongrie et la République tchèque –, destinée à favoriser son adhésion à l'Union européenne et à l'OTAN.
En mai 1999, l'élection lors du premier scrutin présidentiel au suffrage universel direct du pro-européen Rudolf Schuster, leader du parti de l'Entente civique, corrobore le choix européen et atlantique des Slovaques. Grâce au succès des réformes mises en œuvre par le gouvernement Dzurinda, la Slovaquie est intégrée officiellement dans le processus de négociation sur l'élargissement de l'Union au sommet d'Helsinki (décembre 1999) ; elle adhère à l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) en 2000.
Lors des élections législatives de 2002, les Slovaques se prononcent en faveur des réformes et de l'intégration euro-atlantique et accordent la majorité absolue aux 4 formations de centre droit pro-européennes. M. Dzurinda, président de l'Union démocrate chrétienne slovaque (SDKÚ, parti qu'il a créé en février 2000 après avoir quitté le KDH), forme une coalition de centre droit avec le parti de la Coalition hongroise (SMK-MKP), le KDH et l'Alliance du nouveau citoyen (ANO).
Bien qu'arrivé en tête du scrutin, le HZDS de l'ex-président de gouvernement populiste V. Mečiar reste dans l'opposition. Ce dernier, candidat à l'élection présidentielle des 3 et 17 avril 2004, provoque la surprise en arrivant second au premier tour, avant est d'être finalement battu par son ancien bras droit, Ivan Gašparovič (59,91 % des voix).
La Slovaquie est intégrée dans l'OTAN le 29 mars 2004 et devient membre de l'Union européenne le 1er mai.
En dépit de francs succès économiques, fruit d'une politique de réformes libérales cohérente et rigoureuse menée sous deux mandatures, la coalition de centre droit de M. Dzurinda, ébranlée une première fois par un semi-échec aux élections régionales de novembre 2005, finit par éclater en février 2006 avec le départ des chrétiens-démocrates (KDH), opposés au rejet par le gouvernement du traité sur l'objection de conscience signé avec le Vatican.
8. Le gouvernement « rouge-brun » de Robert Fico (2006-2010)
Les élections législatives anticipées du 17 juin 2006 désignent l'opposition sociale-démocrate de Robert Fico comme la principale force du pays.
Son parti, Smer-SD (Direction-Démocratie sociale, appellation depuis 2005 de Smer qui a absorbé en 2004 plusieurs petites formations, et notamment le parti de la Gauche démocratique [SDL']) s'impose avec 29,1 % des voix (50 sièges au Conseil national). Il est suivi par la SDKÚ-DS de M. Dzurinda (18,35 %, 31 sièges), que talonnent les nationalistes du SNS (11,73 %, 20 sièges) et la SMK-MKP de la Coalition magyare (11,68 %, 20 sièges). Le grand perdant est le HZDS qui ne conserve que la moitié de ses élus.
Nommé Premier ministre, R. Fico s'allie avec le HZDS de V. Mečiar et le parti national slovaque (SNS) de Jan Slota pour former un gouvernement de coalition « rouge-brun ». Cette alliance avec l'extrême droite provoque la résurgence des tensions avec la minorité magyare et vaut au Smer-SD une suspension provisoire du parti socialiste européen.
Le gouvernement Fico confirme l'orientation européenne et atlantique de la Slovaquie, son attachement à l’économie de marché, au pacte de stabilité et aux critères de Maastricht. Le 1er janvier 2009, la Slovaquie est, après la Slovénie, le deuxième pays d'Europe centrale à adopter la monnaie unique européenne. Le 4 avril suivant, le président sortant I. Gašparovič est réélu au second tour de l'élection présidentielle avec 55,5 % des voix, face à la sociologue Iveta Radičová, la candidate de l'opposition, 44,4 %, et la première femme slovaque à aller aussi loin dans une course présidentielle.
Aux élections européennes de juin 2009, le Smer-SD arrive en tête (la Slovaquie est le seul pays où le parti de gauche au pouvoir remporte le scrutin) avec 32,02 % des suffrages (5 sièges). Avec ses partenaires populiste du HZDS, qui recueille 8,98 % des voix, et nationaliste du SNS (5,56 %), le Smer-SD dispose d'une confortable avance devant l'opposition libérale et conservatrice ; la SDKU obtient 16,99 % des voix ; en nette progression, le parti de la Coalition hongroise (SMK) réalise, avec 11,34 % des voix, son meilleur score électoral depuis 20 ans.
Les relations avec la Hongrie, difficiles depuis la chute du communisme, s'enveniment avec l'adoption en juillet 2009 d'une nouvelle loi sur la langue d'État, qui interdit l'utilisation orale et écrite des langues minoritaires dans les administrations et oblige à l'utilisation prioritaire du slovaque partout dans les espaces publics. Dans son ensemble, la minorité hongroise de Slovaquie rejette l'initiative lancée en mai par Budapest d'accorder des passeports aux « Hongrois de l'étranger ». Frappée par la crise financière internationale, la Slovaquie connaît la plus forte récession depuis son indépendance après une croissance quasiment ininterrompue atteignant près de 8 % en moyenne à partir de son adhésion à l’UE.
9. La Slovaquie face à la crise financière (2010-)
9.1. Le retour de la droite et du centre droit : Iveta Radičová
Lors des élections législatives du 12 juin 2010, la Slovaquie bascule à droite. Le Smer-SD arrive cependant en première position avec 34,79 % des voix (62 sièges). Il est suivi par la SDKÚ-DS (15,42 % des voix, 28 sièges) dont la tête de liste est l'ancienne candidate à la présidentielle de 2009, I. Radičová, M. Dzurinda ayant préféré se désister.
Liberté et Solidarité (SaS), parti de l'économiste Richard Sulik, ancien conseiller de I. Radičová arrive en troisième position avec 12,15 % des voix (22 sièges). Le Mouvement chrétien-démocrate (KDH) de l’ex-commissaire européen Ján Figel obtient 8,52 % des voix (15 sièges). Le SMK ne franchit pas le seuil des 5 % pour entrer au Conseil national ; la seule formation représentant la minorité hongroise depuis 1998 est en effet concurrencée par Most-Híd (« Le Pont » en slovaque et en hongrois), un parti de tendance sociale libérale fondé en juin 2009 par Bela Bugar exclu de la SMK-MKP par des dirigeants plus radicaux, et partisan du dialogue entre la population slovaque et la minorité magyare ; Most-Híd obtient 14 sièges (8,13 % des suffrages). Le parti national slovaque (SNS), avec 5,09 % des voix obtient 9 sièges, tandis que le HZDS de V. Mečiar recueille un score trop faible pour siéger au Conseil national.
Faute de partenaires, R. Fico renonce à former un gouvernement. I. Radičová, vice-présidente de la SDKÚ-DS, après avoir trouvé un accord avec le SaS, le Mouvement chrétien-démocrate (KDH) et Most-Híd sur un programme de stabilisation des finances publiques et de relance des réformes, devient, le 8 juillet, la première femme nommée à la tête d'un gouvernement slovaque. M. Dzurinda, président de la SDKÚ-DS, y détient le ministère des Affaires étrangères.
9.2. Le retour des sociaux-démocrates et de Robert Fico
Toutefois, le retour au pouvoir des partis de centre droit est de courte durée. Divisée sur la question de l’aide européenne aux États membres en difficulté dont la Grèce, la coalition se brise lors du vote au parlement concernant le renforcement du Fonds européen de stabilité financière (FESF) en octobre 2011. Les Libéraux du SaS votant contre, seuls 55 députés sur les 124 présents ratifient cette mesure voulue par Bruxelles. L'opposition sociale-démocrate s’engage alors à apporter ses voix lors d’un second vote en échange d’élections législatives anticipées.
En décembre 2011, la divulgation d’un rapport sur des cas de corruption liés à des marchés publics et des privatisations durant le second mandat de M. Dzurinda, affaiblit encore la coalition sortante. En mars 2012, avec un programme voulant concilier engagement européen et lutte contre les inégalités, le Smer-SD remporte plus de 44 % des voix et 83 sièges ; le SDKÚ-DS et le SaS s’écroulent avec 6 % des suffrages environ. Depuis l’indépendance de la Slovaquie, c’est la première fois qu’un parti obtient à lui seul la majorité absolue. R. Fico est nommé Premier ministre le 4 avril.
Alors que son refus de l’austérité lui vaut une forte popularité et que son parti tend à contrôler la plupart des institutions du pays dont six régions sur huit, le Premier ministre décide de se présenter à l’élection présidentielle de mars 2014 avec le soutien du président sortant. Donné gagnant et parvenu en tête du premier tour, il est pourtant battu par Andrej Kiska, qui l’emporte au second avec 59,38 % des voix. Revers personnel pour R. Fico, qui reste toutefois à la tête du gouvernement, la victoire de cet homme d’affaires indépendant des partis et novice en politique, entré en fonctions le 15 juin, rééquilibre les pouvoirs et écarte ainsi une éventuelle présidentialisation du régime.
En mars 2016, à l’issue d’élections législatives marquées par une percée de l’extrême droite (LS-Nase Slovensko, Notre Slovaquie) de Marian Kotleba, qui fait pour la première fois son entrée au Parlement avec 14 députés, le Smer-SD perd pourtant sa majorité en passant de 83 à 49 sièges. Face à la forte fragmentation de la scène politique, le Premier ministre parvient à former un gouvernement de coalition avec deux partis de centre-droit, dont celui représentant la minorité hongroise (Most-Híd), ainsi qu’avec les nationalistes du SNS.
S’ensuit alors une dérive populiste contre notamment le programme de « relocalisation » des migrants. Un scandale de corruption et de détournement des subventions européennes provoque une crise politique après l’assassinat, en février 2018, d’un journaliste d’investigation qui enquêtait sur les liens supposés entre la mafia calabraise et le parti au pouvoir. Sous la pression d’importantes manifestations, après plusieurs démissions dont celle du ministre de l’Intérieur, R. Fico laisse ainsi la place au vice-Premier ministre Peter Pellegrini qui forme un nouveau gouvernement en mars.
Cette contestation s’exprime en mars 2019 avec l’élection à la présidence de la République de Zuzana Čaputová, avocate libérale et militante anticorruption, soutenue par le président sortant et première femme à accéder à cette charge en Slovaquie. Si la participation (en hausse) reste faible, les élections européennes de mai 2019 sont une sanction pour le Smer-SD, qui recule fortement avec 15,7 % des voix, derrière la coalition pro-européenne (20,1 %) tandis que l’extrême droite profite également de ce climat politique en arrivant en troisième position avec 12 % des suffrages.
9.3. L’alternance de 2020
L’affaiblissement du parti au pouvoir se confirme aux élections législatives de février 2020. Le Smer-SD n’obtient ainsi que 18,29 % des suffrages et 38 sièges, devancé par le mouvement OĽANO, parti des « gens ordinaires et personnalités indépendantes », fondé en 2011, qui obtient 53 sièges avec 25 % des voix après avoir axé sa campagne sur la lutte contre la corruption. Son chef Igor Matovic, un ancien patron de presse entré en politique en 2010, devient Premier ministre et forme un gouvernement de coalition avec les trois autres partis de droite et de centre-droit représentés au parlement, dont Sme Rodina (créé 2015 par Boris Kollár), arrivé en troisième position devant le parti d’extrême droite LS-Nase Slovensko.