En novembre 1980, les typographes provoquent un petit séisme. Leur syndicat lance un mot d'ordre de grève nationale. Consigne assez mal suivie, du moins sur la rive alémanique de la Sarine, alors que du côté romand des imprimeries sont paralysées, des journaux empêchés de paraître. Deux jours seulement, et le travail reprend.
Le conflit porte sur le renouvellement du contrat collectif. Il s'explique surtout par une espèce de vertige : l'introduction des procédés électroniques dans ce métier marginalise d'anciens professionnels qualifiés et fait faire à l'automation des progrès fabuleux. Le calme revient quand les employeurs promettent que les reconversions nécessaires se feront sans licenciements.
Des remous secouent aussi les rédactions des journaux. En été 1980, le bulletin de l'Union centrale des associations patronales invite les annonceurs à boycotter le quotidien zurichois Tages Anzeiger, dont l'attitude, selon certains, a été trop complaisante à l'égard des lanceurs de pavés.
Deux rédacteurs en chef sont mis à pied en octobre par leur éditeur : celui des Luzerner Neueste Nachrichten, accusé de « voler trop haut » pour ses lecteurs, et celui de la Thurgauer Zeitung, soupçonné de gauchisme camouflé. Et puis un rédacteur à l'hebdomadaire Die Weltwoche devra payer une amende pour avoir publié des extraits d'un rapport confidentiel de la Société suisse de radiodiffusion.
Débouté
En revanche, deux journalistes sortent blanchis, le 9 mars 1981, d'un procès en diffamation dont les éclats oratoires ont secoué le palais de justice de Genève. Enquêtant sur le scandale du Crédit suisse à Chiasso, ils avaient mis en cause un homme d'affaires italien, accusé d'avoir touché des sommes d'origine douteuse. Grande première dans les annales de la justice helvétique : la Cour, nonobstant le secret bancaire, ordonne au Crédit suisse de produire une quittance de 250 000 FS au nom du plaignant. La banque s'exécute. Le plaignant est débouté.
D'autres remous parcourent le monde ultrasensible de l'information : le Parlement décide la création d'une commission de recours destinée à corriger et à sanctionner les écarts de la télévision. De son côté, la société Tel-Sat, fondée par une quinzaine d'entreprises de presse et ce publicité, demande à Berne l'autorisation d'exploiter, dès 1983, un satellite pour arroser de programmes télévisés la Suisse entière el les régions avoisinantes.
Pendant ce temps, la vie politique va son petit train. Le peuple approuve, le 30 novembre 1980, à la très mince majorité de 50 000 voix, la ceinture de sécurité pour les conducteurs. Le 5 mai 1981, il refuse massivement l'initiative Être solidaires, qui tendait à supprimer le statut de travailleur saisonnier, mais approuve le 14 juin le principe de l'égalité entre hommes et femmes et l'octroi d'un certain nombre de garanties aux consommateurs.
Les CFF persévèrent dans les chiffres rouges (600 millions), les PTT dans les chiffres roses (410 millions).
Émotion
Les chambres refusent aux demi-cantons le statut de cantons à part entière ; ce n'est pas le moment de modifier l'équilibre politico-linguistique du pays. Le chancelier de la Confédération, Karl Huber, demande à prendre sa retraite, ce qui déclenche, dans les coulisses parlementaires, des manœuvres considérables pour occuper le siège à pourvoir.
Mais le président du parti socialiste, Helmut Hubacher, provoque, lui, un véritable éclat. Il laisse publiquement entrevoir la démission du chef (socialiste aussi) du département des Affaires étrangères, le conseiller fédéral Pierre Aubert, auquel on reproche des impairs, des foucades et des improvisations pour le moins contraires à l'esprit de la diplomatie. Sur quoi, le groupe socialiste des chambres, reçu par Pierre Aubert, « lui renouvelle sa confiance ».
Bien loin de ces incidents de palais, les Suisses, tout à coup, se mobilisent le 22 novembre 1980. C'est le jour du tremblement de terre du Mezzogiorno. Et l'émotion qui s'empare de Monsieur Tout-le-Monde se chiffre de manière étonnante : non moins de 31 200 000 FS récoltés en quelques jours par les organisations caritatives, en faveur des sinistrés !