Journal de l'année Édition 1999

Du 01 janvier 1998 au 31 décembre 1998

Sommaire

  • Dossiers chronologie
    • Le mouvement des chômeurs

      Le mouvement a connu un important retentissement dans l'opinion publique, mais, surtout, il a révélé un phénomène social longtemps occulté : le caractère structurel et permanent du chômage et les risques importants de destruction des liens sociaux dont il est porteur. Il a mis en évidence l'urgence d'une réforme du système d'indemnisation du chômage. La revendication visait à obtenir une augmentation de 1 500 F des minima sociaux et, secondairement, une allocation spéciale de Noël. Mais, au-delà des demandes chiffrées, il s'agissait d'une véritable remise en cause de l'analyse et du traitement du chômage, trop longtemps considéré comme une situation malheureuse, certes, mais passagère, et dont la prise en charge était devenue inadaptée. Face à une forte baisse des fonds de secours gérés par les ASSEDIC (organismes locaux de gestion du système national d'indemnisation du chômage, l'UNEDIC), les chômeurs demandent que des mesures d'urgence soient prises sans attendre la loi sur la prévention et la lutte contre l'exclusion, annoncée pour le printemps 1998 par le gouvernement.

    • La crise irakienne

      Soumis à un blocus rigoureux depuis la fin de la guerre du Golfe, en 1991, l'Irak connaît une situation économique et sanitaire réellement dramatique ; la résolution « pétrole contre nourriture » fait figure d'aumône humiliante ; enfin, la présence de l'Unscom est perçue comme une ingérence quotidienne des États-Unis.

    • Les frasques de Clinton

      Est-elle juridique ? Est-elle politique ? Une chose est certaine : le sentiment n'a guère sa place dans cette affaire sexuelle, parfaitement insignifiante vue du Vieux Continent. Mais, aux États-Unis, l'effet des médias et de la lutte pour le pouvoir en fait une affaire d'État. Du coup, les Américains n'ont plus besoin de « Da las » et de « Beverly Hills », ils disposent depuis février 1998 de « Capitol Hill ». Rien ne manque. Monica et Bill, affublés d'un « méchant », le juge Starr, et d'une bonne fée, Hillary, femme du président qui, compréhensive sur les faits et ferme sur le droit, assure la défense exemplaire de son époux. Tout se révèle en février lorsque Mlle Lewinsky, ancienne stagiaire à la Maison-Blanche, est découverte par le procureur indépendant Kenneth Starr, qui instruit les charges que l'on pourrait retenir contre le président dans les différentes affaires qui le concernent. Affaire Paula Jones, qui se dit victime de harcèlement sexuel de la part du gouverneur Clinton. Affaire Whitewater, qui, jalonnée de suicides, touche aux activités immobilières des époux Clinton dans l'Arkansas.

    • Les mots-clés de l'année

      Au premier semestre, l'opposition de droite est en plein désarroi. La cote de Lionel Jospin est au plus haut dans les sondages, les perspectives économiques et sociales sont bonnes et le camp conservateur n'en finit pas de se diviser, surtout après le cauchemar des régionales et le drame des alliances locales avec le FN. Philippe Séguin, président du RPR, cache mal ses dissensions avec Jacques Chirac, et François Léotard, encore président de l'UDF, cherche un moyen de rester en place, alors que tout semble se dérober sous ses pieds. Les deux leaders ont alors l'idée de fédérer l'opposition républicaine en un ensemble unifié, l'Alliance, qui aurait l'avantage de gommer les oppositions entre les deux grandes tendances de la droite, notamment en matière européenne. Les débuts de la nouvelle organisation, lancée le 14 mai, sont difficiles et les sceptiques nombreux. Mais, avec l'automne, la donne change : F. Léotard est parti et P. Séguin a raffermi sa position en se rapprochant du président Chirac. L'Alliance semble en ordre de marche pour les prochaines élections européennes.

    • La tourmente Corse

      En ce 9 février, ils sont des milliers de Corses massés entre les quais du port d'Ajaccio et la place du monument aux morts. Traumatisés, indignés, honteux, dans un silence pesant, ils écoutent l'hommage du président de la République à Claude Erignac, le préfet de la Région corse, lâchement assassiné à coups de revolver, trois jours auparavant, le 6 février, dans les rues de la ville, alors qu'il venait de garer sa voiture pour se rendre au théâtre. Aux côtés du chef de l'État, le Premier ministre, Lionel Jospin, cinq de ses ministres, mais aussi le président de l'Assemblée nationale et les principaux chefs des partis politiques. Le symbole est puissant, quelles que soient les divergences entre les uns et les autres – elles étaient oubliées ce jour-là ; c'était la République française, une et indivisible, qui se trouvait à Ajaccio pour témoigner de sa détermination à rétablir, dans l'île, l'ordre républicain.

    • La droite nationaliste hindoue au pouvoir en Inde

      Du 23 février au 7 mars 1998, les Indiens ont été invités à se rendre aux urnes pour désigner leurs représentants. Il s'agissait d'un scrutin anticipé provoqué par le retrait, en novembre 1997, du soutien parlementaire que le parti du Congrès apportait à la coalition gouvernementale du Front uni – un rassemblement hétéroclite allant des communistes aux socialistes du Janata Dal, en passant par une mosaïque de petites formations régionales.

    • Résistance armée au Kosovo

      La mort de Tito a ouvert une crise politique profonde dans la Fédération yougoslave, libérant des ambitions dont la fulgurante ascension de Slobodan Milosevic représente le paradigme absolu. Jeune dirigeant communiste serbe, Milosevic n'a pas ménagé ses efforts pour exploiter cette situation à son avantage. Prétextant que les dysfonctionnements de la Fédération étaient le fruit de l'atomisation du pouvoir entre les différentes républiques, Milosevic a entrepris, sous couvert de sauver la Fédération, de concentrer tous les pouvoirs entre les mains des Serbes. Et, devenu président de la Serbie, il appelait en 1989 ses concitoyens à défendre « leur Jérusalem », le « berceau historique de l'orthodoxie serbe ». Peu après, il supprimait l'autonomie du Kosovo et fermait l'université de Pristina, chef-lieu de la province, désormais soumise à un couvre-feu rigoureux.

    • Chine : un premier ministre d'ouverture

      Longtemps redoutée par les Occidentaux, la succession de Deng Xiaoping, mort en février 1997, s'était finalement opérée sans heurt, et, conformément aux scénarios en cours dans les chancelleries européennes, mais aussi outre-Atlantique, Jiang Zemin devait s'imposer à la tête de l'État. Sans grande surprise, donc. En revanche, le nouveau numéro 1 chinois a forcé l'étonnement en parvenant, en moins d'un an, à consolider une prise de pouvoir sur la pérennité de laquelle peu d'observateurs se seraient engagés Le XVe congrès du Parti communiste chinois, qui s'est déroulé à Pékin en septembre 1997, a servi de cadre officiel à cette prise de pouvoir. Il s'est agi de pousser dehors les hommes par trop apparentés à l'ancienne équipe et de promouvoir des proches. Rien que de bien classique. Ainsi, l'ex-amiral Liu Huaqing, ancien secrétaire particulier de Deng Xiaoping, et Qiao Shi, le président de l'Assemblée nationale populaire, rival déclaré du chef de l'État, se sont retrouvés sur la touche. À leur place, Jiang a appelé des fidèles, dont l'ex-maire de Shanghai, Zhu Rongji, qui accède au poste de Premier ministre en mars 1998.

    • Jean-Paul II et la Shoah

      Jean-Paul II est particulièrement sensible au drame de la Shoah. D'abord parce qu'il a vécu sa jeunesse à Cracovie, un des centres d'une vie juive polonaise maintenant disparue. Devenu prêtre, il a été le témoin de la traque nazie et s'est engagé dans la Résistance ; nul doute qu'une méditation sur la « souffrance juive » et, au-delà, sur ce que les chrétiens appellent le « mystère d'Israël », fit partie de sa spiritualité. Ensuite, profondément en accord avec le changement d'attitude à l'égard des juifs amorcé avec le concile Vatican II, Jean-Paul II estime qu'il doit le prolonger.

    • L'imbroglio des régionales

      Encore sous le choc de sa très nette défaite aux élections législatives anticipées de juin 1997, divisée par des querelles personnelles et face à une gauche offensive bénéficiant toujours d'une popularité d'« état de grâce », la majorité régionale avait tout à redouter de cette échéance. D'abord, parce que le redressement électoral des socialistes était prévisible après leur score catastrophique de 1992, ensuite, parce que ces derniers s'étaient alliés avec les Verts, enfin parce que ces élections intermédiaires se déroulaient trop peu de temps après l'arrivée de la gauche au pouvoir pur qu'on la juge sur son Bilan alors que les électeurs avaient toujours en tête celui du gouvernement Juppé, qu'ils estimaient « négatif ».

    • Asie du Sud-Est : une crise monétaire, financière et économique sans fin

      Pendant les dernières décennies, l'Asie du Sud-Est était citée comme un modèle de réussite en raison de rythmes de croissance du produit national annuel supérieurs à ceux des économies développées. À cet égard, la Banque mondiale n'avait pas hésite à intituler son rapport de l'année 1992 « Le miracle de l'Asie du Sud-Est : croissance économique et politique publique » et à qualifier les pays de la zone « hautement performants ».

    • Papon : un procès fleuve

      Six mois, c'est le temps qu'il aura fallu à la cour d'assises de Bordeaux pour mener à son terme le procès de Maurice Papon. Une durée quatre fois supérieure à celles des procès Barbie en 1987 et Touvier en 1994. Au deuxième jour, la cour a d'ailleurs ordonné la mise en liberté sous contrôle judiciaire de l'accusé. Raison invoquée : « l'importance de la durée prévisible du procès ». Sage précaution, car deux mois passeront avant que le premier fait constitutif de l'accusation soit abordé. Quatre mois seront ensuite nécessaires pour que soient évoqués les convois qui, de juillet 1942 à mai 1944, partiront de Bordeaux pour l'enfer d'Auschwitz, via Mérignac et Drancy.

    • L'ère des mégafusions

      Depuis 1996, les alliances entre les plus grandes entreprises se sont fortement multipliées : ainsi, aux États-Unis, le montant des fusions-acquisitions a égalé au 1er trimestre 1998 un chiffre record de 5 600 milliards de francs, soit presque autant que la totalité des transactions en 1997. Ces formes inédites de concentration que sont les « mégafusions » se distinguent des rachats antérieurs à 1996 par l'importance des sommes mises en jeu (par exemple, les échanges d'actions de plusieurs dizaines de milliards de dollars), par les rapprochements entre groupes de taille à peu près équivalente et exerçant le même métier et enfin par la naissance d'une entité géante souvent d'envergure mondiale.

    • L'Ulster

      Depuis 1985, les deux capitales avaient fait des progrès considérables dans l'élaboration d'un compromis, mais, à la veille des élections, plusieurs obstacles subsistaient, empêchant un accord en bonne et due forme. En voici les principaux : la poursuite de la violence politique de la part de l'IRA, qui avait repris la lutte armée en février 1996 après un premier cessez-le-feu en 1994 ; un gouvernement faible à Londres, incapable de s'imposer sur les unionistes nord-irlandais, et un refus de la part de ces derniers d'accepter une place pour le Sinn Féin à la table de négociation aussi longtemps que l'IRA n'aurait pas, d'une part, mis fin à sa guerre et, d'autre part, déposé les armes.

    • L'alliance ou la relance de la droite ?

      Cette initiative a pour ambition de déboucher sur une véritable confédération RPR-UDF et de ne pas se contenter, comme dans le passé, de simples ententes électorales. Le protocole d'accord, signé quelques jours plus tard par les trois formations fondatrices, le RPR, l'UDF et Démocratie libérale d'Alain Madelin, prévoit pour l'Alliance, outre le refus de toute compromission avec l'extrémisme, une présidence tournante, dotée d'un secrétariat et d'une assemblée constituée de représentants des différentes composantes ; l'élection d'un président de l'intergroupe parlementaire à l'Assemblée nationale ; et la rédaction d'un programme de gouvernement commun dans Ta perspective des prochaines élections législatives.

    • La Nouvelle-Calédonie : un avenir bien cadré

      Un succès pour le gouvernement de Lionel Jospin, qui a su, à l'inverse de ses deux prédécesseurs, Édouard Balladur et Alain Juppé, déminer, « en donnant du temps au temps », un dossier qui, sur la question du nickel, notamment, la principale richesse de l'archipel, s'enlisait. En remettant à plus tard – quinze ou vingt ans – le référendum décisif sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie et en mettant en place un régime juridique inédit prenant quelques libertés avec la loi fondamentale de la République, le Premier ministre a pu mettre d'accord chacune des deux parties, indépendantistes et anti-indépendantistes. Le ; mots tabous d'« indépendance », tant redouté par les caldoches, et d'« autonomie », rejeté par les Kanaks, s'effacent au profit du concept de « citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie ». C'est l'aboutissement d'une longue et difficile négociation, commencée en 1988 sous le gouvernement de Michel Rocard, qui permet de transférer progressivement une large partie de la souveraineté de l'État à la Nouvelle-Calédonie.

    • Trichet-Duisenberg : deux prétendants pour une banque

      L'histoire, en revanche, oubliera sans doute les péripéties ridicules mais éprouvantes qui ont marqué cette journée, « un des moments les plus difficile de la construction européenne », de l'aveu même du chancelier allemand Helmut Kohl. Les Quinze, sous la présidence du Britannique Tony Blair – l'Union européenne est présidée à tour de rôle par chacun des pays pendant un semestre –, ont donné d'eux un triste spectacle, se chamaillant pendant près de onze heures sur le nom de celui qui présiderait la Banque centrale européenne (BCE).

    • Rivalité nucléaire entre l'Inde et le Pakistan

      Les tirs indiens et pakistanais ont rappelé l'instabilité de la zone sous-continentale, et il n'est pas indifférent que le ton soit monté au sujet du Cachemire, enjeu de la première guerre indo-pakistanaise (octobre 1947-janvier 1949). Il n'est nul besoin de rappeler que la nature même des relations entre les deux pays s'enracine dans une histoire ancienne et qu'elle implique qu'un méfait ne demeure jamais impuni. La chronologie de la démonstration de force nucléaire l'illustre à merveille. L'Inde a frappé, le 11 mai, les trois premiers coups, suivis, le 13 mai, de deux nouveaux essais. Après, semble-t-il, avoir hésité, le Pakistan s'est décidé à répliquer sous la forme de cinq essais d'un coup, le 28 mai, dans le désert du Balouchistan et d'un dernier tir, le 30 mai. En prolongeant par cette démonstration de force la politique de tension qui préside à leurs relations, New Delhi et Islamabad ont donné l'impression d'être revenus à la case départ. Et rien n'indiquait, à la fin de l'année, que l'hostilité quasi ininterrompue qui a marqué cinquante ans d'un voisinage conflictuel fût en passe de se résorber.

    • Fin de règne en Indonésie

      Le compte à rebours du départ du président Suharto a commencé en juillet 1997, lorsque les autorités thaïlandaises, annonçant la dévaluation du baht, ont rendu inévitable, par effet de domino, un ajustement des devises des nations voisines. Tour à tour, le ringgit malais le peso philippin, le won coréen et la roupie indonésienne perdent en moyenne la moitié de leur valeur. Ces dépréciations mettent à nu les faiblesses des économies de la région. Les investisseurs commencent à considérer avec une attention accrue la situation des voisins de la Thaïlande, y décelant, à des degrés divers, les mêmes symptômes : un marché de l'immobilier surévalué, un secteur bancaire faible et peu contrôlé, d'énormes emprunts à court terme et un manque de transparence évident. À l'aune de cet inventaire de la mauvaise « gouvernance », l'Indonésie cumule trop de handicaps pour ne pas être rattrapée par la crise. Très vite, la situation sociale se dégrade et, en février 1998, éclatent les premières émeutes liées à la hausse des prix.

    • Pakistan, la fuite en avant

      Après la série de tests indiens, les 11 et 13 mai, le Pakistan procédait à son tour à cinq essais nucléaires dans le désert occidental du Baloutchistan, le 28 mai. Le Premier ministre Nawaz Sharif a aussitôt présenté ces essais comme une réponse à « la militarisation du programme nucléaire indien ». Une position de nature à inquiéter la communauté internationale, mais qui a soulevé dans la population une vague de fierté. On a ainsi pu voir les Pakistanais fêter l'événement, envahir les rues aux cris d'« Allah Akbar » (Dieu est grand). Un moment de liesse intense que résumait la une du quotidien Ausaf « Le Pakistan est devenu le premier État nucléaire islamique ». Estimant que le Pakistan venait de démontrer qu'il pouvait faire « jeu » égal avec l'Inde, le Premier ministre a choisi de tendre la main à New Delhi afin de « reprendre le dialogue indo-pakistanais pour discuter de tous nos différends, y compris la question centrale du Cachemire, aussi bien que la paix et la sécurité ». En attendant que le Pakistan soit officiellement admis dans le club des puissances nucléaires – attente que partage l'Inde –, son Premier ministre a cru pouvoir bénéficier d'un sursaut de popularité. Mais les résultats économiques, exécrables, sont venus le rappeler aux réalités.

    • Nigeria : Perestroïka sous les Tropiques ?

      En quelques mois à peine, le Nigeria a connu un bouleversement complet de son paysage politique. La disparition brutale du général Sani Abacha, mort d'un arrêt cardiaque le 8 juin, alors qu'il s'apprêtait à se succéder à lui-même au cours d'une parodie de processus, démocratique, a mis fin à cinq années de dictature. Arrivé à la tête du pays par un putsch, le 17 novembre 1993, cet homme de fer, prototype de l'oligarchie militaire du Nord, avait considérablement durci le régime. L'une de ses premières décisions fut d'emprisonner Moshood Abiola, vainqueur présumé de l'élection présidentielle du 12 juin 1993. Son passage au pouvoir a été émaillé de multiples autres atteintes aux droits de l'homme, dont la plus choquante fut l'exécution de l'écrivain Ken Saro Wiwa et de huit autres militants de la cause de la minorité ogoni, fin 1995. La corruption catastrophique, qu'illustre parfaitement la pénurie d'essence frappant depuis plusieurs mois ce pays producteur de pétrole, avait achevé de ternir l'image d'un État fortement isolé sur le plan international. Sani Abacha avait pourtant finalement promis de rendre le pouvoir aux civils, sauf que le civil en question n'était autre que lui-même, l'uniforme en moins. De fait, les cinq partis politiques qu'il avait préalablement autorisés l'avaient tous choisi comme candidat. Bref, l'inflexible général était devenu le maître absolu du pays le plus peuplé d'Afrique.

    • La mort d'Éric Tabarly

      Pour Éric Tabarly, le fait de s'attacher était une incongruité qu'il n'imposait qu'à ses passagers. Pour lui, porter un gilet de sauvetage sur un bateau relevait de l'hérésie. C'est donc vêtu d'un simple ciré jaune que le plus fameux marin de France a disparu dans la nuit du 12 au 13 juin 1998, éjecté de Pen-Duick Premier par une mauvaise vague alors qu'il tentait de changer de voile. Et c'est grâce au célèbre pull-over marine marqué à sa griffe que l'on a, cinq semaines plus tard, identifié le corps repêché par le chalutier An Yvidig au large de l'Irlande.

    • La « talibanisation » de l'Afghanistan

      La guerre en Afghanistan a donc connu un tournant majeur avec l'entrée, le 8 août, de la milice islamiste des talibans dans Mazar-i-Sharif, la « capitale » du nord du pays, et le dernier bastion de la résistance – en l'occurrence, les miliciens chiites d'ethnie hazara du Hezb-i-Waahdat, qui y cohabitaient avec différentes forces de l'opposition. En mai 1997, les talibans étaient entrés une première fois dans Mazar-i-Sharif, mais ils avaient subi de lourdes pertes après le retournement du général Dostom, qui leur avait ouvert les « portes » de la ville. Quatre mois plus tard, ces mêmes talibans s'apprêtaient à investir la ville, mais devaient reculer sous les assauts de l'opposition, au prix de lourdes pertes. Si la prise de Mazar-i-Sharif a inquiété la Russie et l'Ouzbékistan, c'est en Iran que les réactions ont été le plus vives. En effet, la République islamique soutenait avec force les chiites installés à Mazar-i-Sharif. De plus, la disparition de 11 diplomates iraniens lors de l'assaut des talibans a porté la tension à son comble. Cette affaire a vite eu des conséquences négatives sur les relations de l'Iran et du Pakistan, toujours tendues à propos de l'Afghanistan, Islamabad soutenant les talibans depuis le premier jour. En revanche, le bombardement américain dirigé contre Oussama Ben Laden, commanditaire présumé des attentats contre les ambassades américaines à Nairobi et à Dar es-Salaam, a été critiqué par toutes les factions en présence. Les États-Unis, qui avaient encouragé le soutien pakistanais aux talibans, ont dénoncé la situation des droits de l'homme en Afghanistan. Mais qui sont au juste ces fameux talibans ?

    • Iran, une ouverture contestée

      Dès sa prise de fonction, le président Khatami s'est efforcé de justifier l'attente créée par son élection. Les signes sont apparus rapidement, comme le relâchement des contrôles sur la tenue vestimentaire et la reprise en main des différents appareils de l'État – notamment, les services secrets. Ces premières mesures en forme d'ouverture répondaient à une ferme volonté de rétablir un État de droit, mis à mal par l'activisme d'un appareil judiciaire utilisé comme arme de guerre par son chef, l'ayatollah Yazdi, un proche de Nategh Nouri, candidat malheureux à la présidence en mai 1997. La population a salué cette politique, parfois de manière inattendue, comme lors de la qualification de l'équipe nationale de football pour la Coupe du monde : on se souvient que des milliers de jeunes femmes ont, à cette occasion, envahi le stade, réservé aux hommes. De même, le public iranien aura réservé un accueil chaleureux, en février 1998, à une équipe de lutteurs américains. Le nouveau président, jugeant le contexte favorable, a ainsi pu proclamer, dans une interview accordée à CNN, la fin de l'exportation de la révolution islamique. Et creusant le même sillon, il appelait à un rapprochement avec les États-Unis. Mais c'est surtout sur la politique intérieure du gouvernement que les conservateurs ont réagi. Craignant que la libéralisation n'entraîne un mouvement irréversible qui les écarte du pouvoir, les conservateurs ont accusé M. Khatami de brader l'héritage de Khomeyni, la presse conservatrice faisant pression sur le Guide, l'ayatollah Khamenei, pour qu'il démette le président de ses fonctions, comme la Constitution lui en donne le droit. Mais c'est surtout le tir de barrage auquel a procédé l'appareil judiciaire qui a donné la mesure de la violence politique de l'affrontement. Celui-ci a culminé avec l'« affaire Karbastchi ».

    • Japon, un premier ministre de transition ?

      Chute de la croissance, stagnation des investissements, endettement des banques, contraction du crédit, repli de la consommation, chômage en augmentation, atonie boursière et effondrement du yen : tel est l'inventaire des maux dont souffre l'archipel. Rien de bien encourageant pour les candidats du Parti libéral-démocrate (PLD) du Premier ministre sortant, Ryutaro Hashimoto, qui auront donc abordé les élections sénatoriales du 12 juillet 1998 dans de bien mauvaises conditions. Ce ne fut donc pas une surprise de voir le PLD perdre la majorité au Sénat et, comme il est de coutume au Japon, le chef du gouvernement en tirer les conséquences. Celui-ci, en démissionnant de la présidence du PLD, a ouvert la voie au chef de la diplomatie, Keizo Obuchi. Élu à la tête du PLD, ce dernier pouvait accéder sans difficulté au poste de Premier ministre, son parti disposant de la majorité à la Chambre basse.

    • La rébellion contre Kabila

      C'est donc peu d'écrire que le crédit du président autoproclamé de la République démocratique du Congo a fondu comme neige au soleil. La République démocratique du Congo (RDC) est devenue le théâtre d'opérations privilégié des militaires africains. Rwandais, Burundais, Ougandais, Zimbabwéens, Angolais, pour ne parler que des armées régulières, s'y sont battus, parfois les uns contre les autres. Dans cette guerre à fronts renversés, M. Kabila a bénéficié du soutien de la Namibie, de l'Angola et du Zimbabwe.

    • La Chine dans la tourmente

      Vu d'Europe, deux déferlantes se sont abattues sur l'Asie. L'une, la crise financière, a porté son onde de choc dans la région et au-delà ; l'autre, les terribles inondations, a noyé en quelques semaines de vastes étendues en Chine du Centre. Si la République populaire a été relativement peu touchée par la crise, au sens où ses effets ne sont en rien comparables au séisme qui a ébranlé l'Indonésie, la Thaïlande ou la Corée du Sud, elle le doit avant tout à un manque d'ouverture sur l'extérieur, qui a constitué un véritable rempart : le marché chinois des capitaux n'est pas déréglementé, le yuan n'est pas totalement convertible, les banques étrangères ne peuvent pas opérer en monnaie locale.

    • Aéronautique, l'année des restructurations

      Avec 80 milliards de francs de chiffre d'affaires (sans compter le CA de Dassault-Aviation, dont 46 % du capital devaient être transférés à Aerospatiale), employant 56 500 personnes (19 400 de Matra Hautes Technologies et 37 100 d'Aerospatiale), le groupe né de ce rapprochement a tout d'un géant avec le poids industriel et commercial que cela représente. La décision, arrêtée dans le plus grand secret – puisque les partenaires d'Aerospatiale dans le consortium Airbus Industrie n'en ont été informés que quelques heures avant la conférence de presse – entre le gouvernement français, actionnaire unique d'Aerospatiale, et les deux sociétés concernées, se traduit par la privatisation d'Aerospatiale. En effet, Lagardère SCA détiendra entre 30 et 33 % des parts de la nouvelle société, qui sera cotée en Bourse (20 % du capital devant y être proposés, dont une partie offerte aux salariés), l'État ne conservant que moins de 50 % des parts, mais se réservant un contrôle des seuils de participation au capital du nouvel ensemble. La création de celui-ci a été bien accueillie par les différents partenaires des deux groupes – bien que, côté britannique, on ait estimé la participation de l'État encore trop importante. Aerospatiale-Matra Hautes Technologies, nom provisoire du groupe, devient ainsi, sur le plan mondial, le numéro deux dans le domaine de l'espace (satellites), mais le numéro un pour les lanceurs dans le marché ouvert, le numéro deux pour les missiles, le numéro deux jusqu'en 1997 – derrière Boeing – pour les avions de plus de 100 places, mais devenu numéro un pour les commandes au premier semestre de 1998, place confirmée au Salon aéronautique de Farnborough, numéro deux pour les avions biturbopropulseurs, numéro un mondial pour les hélicoptères sur les marchés ouverts.

    • Kurosawa

      L'empire du Soleil levant a perdu son Tenno, l'« Empereur ». Non pas le souverain du Japon, mais son plus prestigieux cinéaste, Akira Kurosawa. Ce surnom accordé au réalisateur par des journalistes japonais, au soir de sa vie, lui vaut une reconnaissance que son pays lui mesura longtemps. Paradoxe d'un créateur qui a fait découvrir à l'Occident le cinéma japonais et qui, de son vivant, est entré dans la légende du septième art, en compagnie d'autres géants, eux aussi disparus : Antonioni, Ford, Renoir, Welles...

    • Un budget en demi-teinte

      Sachons être optimiste tout en restant prudent. Tel paraît être le principe auquel s'est tenu le gouvernement pour élaborer son budget 1999, voté solennellement le 18 novembre par l'Assemblée nationale. Tablant sur une croissance de 2,7 %, le projet de loi de finances présenté par Dominique Strauss-Kahn ne se laissera pour autant pas aller à de trop grandes largesses budgétaires. Pour cet acte majeur de la vie parlementaire, le gouvernement de la « gauche plurielle » a donc voulu jouer la carte de la prudence et du consensus ; mais à vouloir contenter le plus grand nombre, ce budget en demi-teinte en mécontentera beaucoup, se heurtant à de vives oppositions à droite comme à gauche de l'hémicycle, et malmenant ce principe de concertation cher à M. Jospin. Pourtant animé, le débat budgétaire entamé le 13 octobre à l'Assemblée ne fera pas fléchir le gouvernement, qui ne concède que des modifications minimes à son projet de budget. Entre une opposition plus combative car revigorée par sa victoire provisoire sur le PACS et ses alliés de la » majorité plurielle » soucieux d'affirmer leur ancrage à gauche à l'approche des européennes, le compromis était certes difficile et la marge de manœuvre étroite pour un gouvernement dont la priorité affichée est de ne pas laisser filer un déficit budgétaire fixé, à 237,329 milliards de francs. Accusé d'avoir surestimé la croissance en 1999, le ministre de l'Économie et des Finances affirme fonder ces prévisions sur le « réalisme », et le « collectif » budgétaire de fin d'année semblait lui donner raison, la bonne tenue de la croissance en 1998 ayant permis de réviser à la hausse les recettes fiscales de l'année – 11 milliards de francs supplémentaires qui abaisseront le déficit budgétaire initialement annoncé. Mais si la tendance est encourageante, rien n'assure qu'elle se maintiendra contestent les communistes, dont le président du groupe parlementaire, Alain Bocquet, affirmait le 9 septembre que le budget n'est pas à la hauteur des menaces de plus en plus tangibles qui pèsent sur la croissance ». Devant les commissions des finances de l'Assemblée nationale, M. Bocquet reprochait « le manque d'ambition sociale » du projet de budget, qu'il soupçonnait de « donner des gages à l'ultralibéralisme » malgré certaines mesures comme le relèvement de l'impôt sur la fortune. Les critiques sont bien sûr, diamétralement opposées à droite, où l'on dénonce les tentations étatistes d'un texte qui bride le marché par une réduction insuffisante de la pression fiscale et l'augmentation de la dépense publique ; bref, la vague de la croissance sur laquelle s'est laissé porter le gouvernement risque fort de se briser sur son budget. Quant à la modification d'une taxe professionnel le considérée partout le monde, ou presque, comme un frein à l'emploi, elle a été plutôt mal perçue par les élus locaux, qui voient ainsi fondre une partie des ressources des collectivités territoriales, alors que le gouvernement y voit un gage de sa politique de la main tendue aux entreprises.

    • Evgueni Primakov

      Avant d'être projeté sous les sunlights de l'actualité par sa nomination au service de l'État soviétique, puis russe, au poste de Premier ministre à la mi-septembre 1998, Evgueni Primakov a accompli une longue carrière tout entière faite de discrétion et de compétence affirmées. Dans les années 50, il côtoie Mikhaïl Gorbatchev sur les bancs de l'université de Moscou, avant d'apprendre l'arabe et de se spécialiser dans les questions du Proche-Orient, dont il est devenu, au fil des années, un des meilleurs connaisseurs en Russie. Correspondant de la Pradva au Moyen-Orient dans les années 60, il est aussi un médiateur formé à l'école du KGB, accoutumé aux missions délicates. C'est ainsi qu'il est amené à s'entremettre entre les nationalistes kurdes et le pouvoir en place à Bagdad. Sa carrière au sein du PCUS est assez lente : il entre au Comité central comme suppléant en 1986, devenant titulaire en 1989. Son destin accompagne alors celui de M. Gorbatchev, qui le fait nommer comme suppléant au Bureau politique. Durant la guerre du Golfe, il entreprend vainement plusieurs missions de bons offices auprès de Saddam Hussein, qu'il a « pratiqué » dans les années 60. Il jouera à nouveau un rôle de conciliateur lors du bras de fer entre Washington et Bagdad, à l'automne 1997.

    • Élections historiques en Allemagne

      Une nouvelle république est née outre-Rhin. Elle sera rouge-vert. Telles sont les conséquences immédiates des élections législatives du 27 septembre 1998. Alors que les derniers sondages redonnaient l'espoir aux chrétiens-démocrates en prévoyant une remontée rapide des intentions de vote en leur faveur à quelques heures de l'ouverture des bureaux de vote, les premiers résultats ont infligé un nouveau démenti aux instituts d'opinion publique. Les premiers commentaires parlent d'un véritable tremblement de terre. Au grand dam de la démocratie-chrétienne qui prônait l'expérience du chancelier Kohl et implorait les Allemands de ne pas se laisser influencer par les sirènes de l'expérimentation sociale avec les sociaux-démocrates et les Verts, l'électorat s'est prononcé sans équivoque pour l'alternance, une alternance rouge-verte dont la probabilité était certaine en cas de victoire sociale-démocrate. Le perdant, Helmut Kohl, a rapidement admis l'ampleur de sa défaite et a félicité son heureux rival, le social-démocrate Gerhard Schröder.

    • Subtilités italiennes

      Entre le 1er mai 1998, date de naissance de l'euro, et le jour de la chute de son gouvernement, le 9 octobre, M. Prodi a été soumis à un assaut médiatique quotidien de la part de la composante d'extrême gauche de sa coalition, le parti de la Refondation communiste (RC) de Fausto Bertinotti. Cette petite formation, qui a recueilli aux dernières élections 8 % des suffrages, n'a jamais fait partie de l'Olivier ri du gouvernement. Elle a simplement conclu un accord de désistement aux élections qui ont porté au pouvoir M. Prodi et appuyé la majorité afin de faire barrage à la droite de Silvio Berlusconi – chef du parti entrepreneurial Forza Italia (FI) – et Gianfranco Fini – leader de l'Alliance nationale (AN), parti ouvertement néofasciste jusqu'en 1994.

    • Les nouvelles orientations de la PAC

      Face à l'offensive américaine à caractère libre-échangiste, la Communauté européenne, dans son projet de réforme de 1997 de la politique agricole commune (PAC), défendait une stratégie fondée systématiquement sur la baisse des prix et la recherche d'une meilleure compétitivité sur le marché mondial. L'idée sous-tendant cette stratégie était d'éviter que les exportations de produits agricoles – principal atout de l'agriculture française – ne baissent. De son côté, le gouvernement français est parti d'un autre point de vue : dans son projet de loi agricole du 10 juin 1998, il vise en effet à organiser « la triple fonction des agriculteurs d'aujourd'hui, économique, sociale et environnementale, et aussi à limiter la concentration des exploitations au profit des agriculteurs les plus productifs ou les plus aisés ». Il s'est ainsi fixé des objectifs qui, sans être en opposition avec le projet communautaire, le complètent, en prenant en compte d'autres réalités.

    • Les élections du « mid-term », une chance pour Clinton ?

      Les débuts de la campagne démocrate de 1998 n'étaient guère prometteurs. Durant l'été, en raison du scandale Lewinsky, le président Clinton paraissait considérablement affaibli dans son parti, dans son équipe de la Maison-Blanche, voire même auprès de ses amis. Des lointains d'Hawaï, le vice-président Albert Gore avait apporté un soutien d'une éloquente tiédeur. Mme Dianne Feinstein, sénateur démocrate de Californie, s'était déclarée « dégoûtée ». Nombre d'hommes politiques démocrates, soucieux de soigner leur image de possible candidat aux présidentielles de l'an 2000, avaient décliné le soutien du président lors de leur campagne électorale.

    • L'Albanie en quête de stabilité

      « Ici commence l'avenir », proclamait un slogan officiel appelant les Albanais à participer au référendum constitutionnel du 22 novembre. L'affirmation relevait d'un optimisme peut-être excessif. Le pays le plus pauvre d'Europe est aussi l'un des plus instables. Les violences sociales et la confusion politique y sont la règle depuis la chute du régime communiste, en 1991, aggravées par les agissements d'une mafia qui contrôle les trafics tenant lieu d'activité économique. Aujourd'hui, les candidats à l'émigration clandestine vers l'Italie sont encore nombreux à débourser 300 dollars pour traverser le détroit d'Otrante sur des embarcations légères, au péril de leur vie, en vue d'échapper à un sort bien plus cruel à leurs yeux : vivre en Albanie. C'est pourquoi l'adoption d'une Constitution apparaît, certes, comme une condition nécessaire à la stabilisation de la situation albanaise, mais n'en constitue sûrement pas la condition suffisante.

    • Le cas Pinochet

      Augusto Pinochet n'est ni le seul dictateur latino-américain encore en vie, ni même le plus sanglant. En 1964, les militaires brésiliens avaient renversé sans état d'âme le président élu João Goulart ; douze ans plus tard, leurs homologues argentins, sous la houlette du général Videla, mettaient fin aux derniers soubresauts du péronisme historique, inaugurant une phase de violences inouïes. Pourtant Pinochet, à qui il n'est reproché « que » quelque 4 000 morts et disparus (sans parler des milliers d'exilés), incarne, plus que tout autre, la force brutale et la dictature. Il est vrai que le personnage est complexe. Pendant longtemps, il avait incarné les vertus démocratiques que l'on prêtait aux forces armées chiliennes. Son prédécesseur à la tête de l'état-major, le général Carlos Prats, qu'il fera ensuite assassiner, l'avait présenté au président Allende comme un officier supérieur « sûr », aux convictions légalistes bien ancrées.

    • Québec, victoire en demi-teinte du parti québécois

      En portant majoritairement leurs voix, le 30 novembre, sur les candidats-députés présentés par le Parti québécois (PQ) – qui a remporté 75 sièges contre 48 pour le Parti libéral du Québec (PLQ) –, les électeurs auront surtout confirmé la confiance qu'ils avaient placée jusqu'à présent en Lucien Bouchard.

    • Le PACS à l'épreuve

      Le PACS est une proposition de loi, élaborée par deux députés de la majorité : Jean-Pierre Michel, élu du Mouvement des citoyens (MDC) en Haute-Saône, et Patrick Bloche (PS, Paris). C'est un contrat qui vise à permettre à des couples, hétérosexuels ou homosexuels, qui ne veulent pas ou ne peuvent pas se marier, d'organiser leur vie commune. Deux personnes-amis, parents éloignés – qui ont un projet de vie en commun peuvent aussi signer un tel pacte. Toutefois le PACS ne peut être conclu entre ascendants ni descendants en ligne directe, ni entre beaux-parents et enfants ; ni entre collatéraux jusqu'au troisième degré (cousins, neveux, oncles). Deux frères, deux sœurs, un frère et une sœur ne peuvent pas signer un PACS ; en revanche, les avantages du dispositif leur sont ouverts – à l'exception des mesures relatives au droit de succession – à condition qu'ils vivent sous le même toit.

    • Algérie : perspective présidentielle

      Trois ans après son élection à la présidence de la République, le constat était accablant, comme en témoignent les dizaines de milliers d'Algériens victimes de l'épouvantable violence dans laquelle baigne l'Algérie depuis l'annulation des élections législatives de 1991, remportées par les islamistes du FIS. Dans un pays où l'opacité politique est de règle, l'annonce de la démission du président Zeroual ne pouvait que surprendre les observateurs qui, bien vite, se sont perdus en conjectures sur les raisons de ce départ.

    • L'année des bonnes nouvelles

      La première bonne nouvelle fut celle de la confirmation de la reprise économique, si longtemps attendue et retardée. Les signes en étaient déjà visibles depuis environ un an pour les professionnels et ceux qui sont initiés aux subtilités du monde économique. Mais ils n'avaient pas encore été décryptés et relayés par les médias, ni donc perçus par l'opinion. Comme les mauvaises, les bonnes nouvelles n'arrivent jamais seules. La reprise confirmait une décrue du chômage, condition nécessaire d'un retour de la confiance et de la fin du misérabilisme national. Une amélioration modeste, certes, mais suffisamment continue pour indiquer un véritable retournement de tendance. Outre son incidence directe sur l'état d'esprit des chômeurs et de leurs familles, elle montrait aux Français qu'il n'y a pas de fatalité du malheur et que les tunnels, aussi longs et sombres soient-ils, ont une fin. De son côté, la crise immobilière parisienne paraissait enfin jugulée après huit ans de baisse ininterrompue des prix. La réhabilitation de la pierre coïncidait avec celle des autres « valeurs sûres ».

  • Le bilan mondial
    • Le nouveau monde de 1998

      De janvier, quand le scandale éclata, à décembre, lorsque l'affaire déboucha simultanément sur les raids de Bagdad et sur le vote de la Chambre en faveur de l'impeachment, cette médiocre aventure a éclipsé tout le reste de l'actualité. Comme dans une tragédie classique, la planète n'a plus semblé tourner que sur le rythme des trois unités du « Monicagate ».

    • Actualité mondiale

      Un certain nombre de mesures prises par la France sous le gouvernement Juppé dès l'été 1995 – telle la reprise provisoire des essais nucléaires ou, plus tard, la réorganisation de l'armée française, qui ont été décidées sans concertation – ont choqué l'opinion publique allemande. D'autant que celles-ci ont été accompagnées du retour de la prose gaullienne qui est souvent vécue outre-Rhin comme un nouveau prurit de nationalisme dont la « Grande Nation » ne se guérit jamais vraiment. L'arrivée de Lionel Jospin aux rênes du gouvernement n'a pas réchauffé les relations.

  • Le bilan français
    • Droite-gauche : l'équilibre retrouvé

      L'année 1998 n'échappe pas à la règle, mais à sa manière et à son rythme qui méritent d'être considérés. Tout commence par la continuation de 1997. La gauche progresse aux élections régionales et cantonales, reconquérant quelques régions et un solide paquet de départements. M. Jospin, un instant fragilisé par le mouvement des chômeurs, se remet, selon l'expression consacrée, à caracoler dans les sondages et garde cette cote de confiance des bons élèves qui agace toujours les mirobolants tapageurs du fond de la classe. La faconde et l'optimisme communicatifs de Dominique Strauss-Kahn sont au diapason d'une conjoncture qui donne à chacun le sentiment que la gauche a décidément la première des qualités requises d'un gouvernement : la chance. Le Front national plastronne, le RPR rame à contre-courant pour conserver des militants tentés par le nationalisme véhément de Jean-Marie Le Pen. L'UDF explose sous le poids de ses contradictions idéologiques et stratégiques : Charles Millon rappelle qu'il n'est pas centriste mais de droite et s'engage, ainsi que trois présidents de région, tous UDF, avec le FN dans une partie de poker-menteur ; Alain Madelin se sépare de l'UDF et tente de cultiver, dans son petit jardin, les fleurs incompatibles du libéralisme et du traditionalisme ; François Bayrou s'efforce de faire un grand parti avec un petit centre et découvre, inquiet, qu'on ne peut pas exalter l'identité des siens sans risquer l'affrontement avec les autres. Grande misère des petits partis ! Bref, un observateur qui aurait débarqué à Paris au milieu de l'été n'aurait pu faire qu'un constat sans appel : une gauche qui triomphe, une extrême droite qui pavoise, une droite qui rend l'âme.

    • Actualité française

      « Ernest-Antoine Seillière n'est pas l'homme de ses déclarations. Il est meilleur qu'il n'en a l'air. Être président du patronat dans une démocratie, c'est être vice-Premier ministre : il a un poids considérable. Il faut qu'il continue à jouer ce rôle, qu'il renonce au repli. » Sans doute ce propos ménageant le patron des patrons est-il tactique. Il n'empêche, il est révélateur dans la bouche du secrétaire général de Force ouvrière, Marc Blondel. Car si ce baron, héritier des Wendel – l'une des familles les plus illustres et les plus riches du pays, qui, durant près de trois siècles, forgea la sidérurgie lorraine –, n'est pas un patron de gauche, il ne correspond pas pour autant au profil du « tueur » que réclamait Jean Gandois pour lui succéder à la tête du CNPF, après que ce dernier eut démissionné de la présidence pour s'être « fait avoir » sur la réduction du temps de travail hebdomadaire. Certes, Seillière ne mâche pas ses mots, préfère le parler-vrai et ne cache pas ses sentiments. Mais il est pragmatique et lucide.

  • Dossiers de l'année
    • Les trois visages de 1848

      La richesse de l'expérience historique qu'a constituée 1848 a permis aujourd'hui aux différents pays européens de réagir comme devant un miroir de leurs propres problèmes. Deux exemples significatifs. La France multiraciale a préféré célébrer l'abolition de l'esclavage comme promesse d'une intégration de tous les « damnés de la terre » venus d'ailleurs – dont certains sont parfois français depuis bien plus longtemps que de nombreux « Français de souche », catégorie dangereuse et fausse nourrie par une valorisation mortifère de racines occidentales. En Allemagne, on a plutôt voulu célébrer un acte de révolte, une première tentative du peuple allemand de prendre en main son destin.

    • La commémoration de l'édit de Nantes

      En 1996, la commémoration du mille cinq centième anniversaire du baptême de Clovis rappelle les racines catholiques de la culture française ; deux ans plus tard, il y a celle de l'édit de Nantes où, sans trop faire d'anachronisme, nous pouvons lire la première grande tentative de dissocier la citoyenneté de l'appartenance religieuse ; enfin, en 2005, dans un avenir qui n'est pas si lointain, aura lieu la célébration du centenaire de la loi de séparation des Églises et de l'État. Mais, si l'édit de Nantes met (provisoirement) fin à la grande fracture opérée par les guerres de Religion, sa commémoration rencontre, en 1998, celles d'autres secousses importantes qui ont mis notre pays à l'épreuve : l'antisémitisme (centenaire du célèbre « J'accuse » d'Émile Zola) et l'esclavage (cent cinquantième anniversaire de son abolition). Ainsi les commémorations sont l'occasion d'insister sur l'épaisseur historique de la réalité présente – rappel indispensable dans une société qui privilégie le scoop et l'immédiateté – et le point de départ de débats publics sur les valeurs sociales fondamentales. Porter un regard dynamique sur le passé permet, paradoxalement, de se projeter dans l'avenir à construire. Les célébrations du quatre centième anniversaire de l'édit de Nantes ont comporté ces deux aspects. Elles ont permis de retracer les conflits du xvie siècle et, plus généralement, ceux de la préhistoire de l'établissement de la liberté religieuse en France – à ce niveau, nous avons eu une floraison de travaux historiques de qualité – et elles ont induit une actualisation aux problèmes de notre époque, marquée, comme les autres siècles même si cela se manifeste de façon différente, par la tension entre les convictions et la tolérance.

    • Mai 68, trente ans après

      Certes, Mai 68, ses barricades, ses pavés et ses slogans (« Changez la vie », « Élections, pièges à cons ») ont définitivement guéri une partie de la gauche de ses velléités du grand soir. Il n'empêche, ce joli mois de mai qui a, un temps, ébranlé le gaullisme triomphant, a profondément modifié – révolutionné ? – l'école, la famille, les mœurs... Sans doute, ses effets sont difficilement quantifiables et relèvent plus de la symbolique. Mais, en politique, les symboles valent parfois tous les programmes.

    • L'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises

      À la différence de la commémoration du centenaire, célébrée en 1948, on rendra moins hommage, cette fois-ci, à la philanthropie vertueuse des abolitionnistes de 1848 qu'à leur lucidité politique, qui leur a dicté d'agir promptement pour éviter un soulèvement général de la population servile et épargner aux colonies les bains de sang de sinistre mémoire survenus à Saint-Domingue en 1791. L'action du sous-secrétaire d'État à la Marine chargé des Colonies, Victor Schœlcher, est à cet égard exemplaire. C'est en effet lui qui convainc Arago, le ministre de la Marine du gouvernement provisoire, de prendre de toute urgence des mesures en faveur des esclaves. Le 4 mars 1848, une commission chargée de préparer l'acte d'émancipation dans toutes les colonies de la République est donc instituée et placée sous son autorité. Les travaux de cette commission aboutissent, le 27 avril suivant, à la publication à Paris du décret d'abolition signé par Schœlcher. Deux mois plus lard, la liberté est effective dans les colonies d'Amérique. Elle le sera le 20 décembre à l'île de la Réunion. Le décret du 27 avril, objet de nos jours de toutes les célébrations, fait accéder à la citoyenneté de plein droit quelque 250 000 Noirs.

    • L'expédition d'Égypte, un bicentenaire à sens unique

      La glorification de la période prémusulmane est vécue également par les hommes de la rue comme une critique implicite de l'état dans lequel se trouve actuellement la société égyptienne. Surpeuplée, en butte aux problèmes du sous-développement, celle-ci assiste souvent d'un œil indifférent aux efforts et aux budgets déployés pour sortir des sables millénaires des morceaux d'une mémoire qu'elle ne reconnaît plus dans son quotidien.

    • Viagra

      Jamais sans doute, dans l'histoire de la médecine et de la pharmacie, un médicament n'avait connu aussi vite une telle notoriété mondiale, bénéficié d'un tel engouement médiatique. De ce point de vue, mais aussi parce qu'il est l'un des premiers à traiter aussi concrètement de la sexualité masculine, le Viagra constitue un phénomène de société sans précédent ; un phénomène d'autant plus intéressant qu'il inaugure, aux yeux des spécialistes, une ère où la pharmacopée se situera aux frontières de la thérapeutique et du confort, voire du plaisir.

    • Les phéromones

      En déposant son urine tout au long de ses frontières, le lion marque son territoire. Pour faire de même, l'ours utilise sa salive, l'antilope, une glande située près de l'œil, et le koala, les glandes sébacées de sa peau. Dans tous ces cas, les substances qui servent au marquage sont des molécules chimiques odorantes, qui servent aux individus d'une même espèce à se reconnaître entre eux. Réunies sous le terme générique de « phéromones », ces molécules jouent un rôle social essentiel dans le règne animal. Elles interviennent dans le repérage des proies et des prédateurs, facilitent chez le rat la reconnaissance entre la mère et l'enfant, et vont jusqu'à permettre, chez les espèces les plus grégaires, l'identification de clans. Enfin et surtout, elles régissent, sous pratiquement tous ses aspects, la vie sexuelle de la plupart des groupes animaux.

    • Le clonage humain

      Dans les semaines qui suivirent l'annonce de la naissance de Dolly, une gigantesque controverse se déclencha sur la légitimité de cette technique, qui menait tout droit aux fantasmes les plus inquiétants qu'ait jamais contés la science-fiction : le clonage d'êtres humains ; l'enfant terrible de la science était à portée d'éprouvette, il fallait à tout prix en interdire l'application à l'homme. Dans une résolution votée le 12 mars 1997, le Parlement européen affirmait ainsi : « Le clonage des êtres humains, que ce soit à des fins expérimentales (traitement de la stérilité, diagnostic avant implantation, transplantation de tissus) ou à toute autre fin, ne saurait, en aucune circonstance, être justifié ou toléré par une société humaine. » Le 22 avril, le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE, France) se prononçait à son tour : le clonage humain « ne peut susciter qu'une condamnation éthique véhémente, catégorique et définitive. Une telle pratique, mettant en cause de manière générale l'autonomie et la dignité de la personne, constituerait une grave involution morale dans l'histoire de la civilisation ».

    • La volcanologie

      La volcanologie est une discipline des sciences de la Terre qui attire et fascine l'homme depuis longtemps. Dans l'Antiquité déjà, l'éruption catastrophique du Santorin devint dans l'inconscient collectif le mythe de l'Atlantide. Le Grec Empédocle pénétra dans le cratère actif de l'Etna, supposé représenter la cheminée des forges d'Héphaïstos, pour observer ce qui s'y passait. Plus près de nous, les volcans éteints de la chaîne des Puys furent reconnus par Montlosier par comparaison avec les volcans actifs de l'Italie. Au milieu du xixe siècle, Fouqué effectua la première étude d'une éruption volcanique sur le Santorin. Après la catastrophe de Saint-Pierre en Martinique le 8 mai 1902, Lacroix fut envoyé par l'Académie des sciences de Paris sur la montagne Pelée et en rapporta les premières photographies de l'émission d'une nuée ardente. Persuadé de l'importance de l'étude des volcans et du rôle des géologues dans la prévention des risques, Lacroix fonda en 1922 avec Malladra (Italie) et Washington (États-Unis) la section de volcanologie de l'Union internationale de géodésie et de géophysique (IUGG), devenue en 1967 l'Association internationale de volcanologie et de chimie de l'intérieur de la Terre (IAVCEI). Cependant, la volcanologie resta une discipline marginale et les volcans étaient rarement pris en compte dans l'évolution de la surface du globe. Par exemple, jusque dans les années 70, le certificat universitaire de « géologie historique » ne traitait que l'histoire des bassins sédimentaires et des chaînes de montagnes.

    • Police : les biologistes à la rescousse

      Paris, jeudi 26 mars 1998 : les enquêteurs de la Brigade criminelle arrêtent Guy Georges, l'auteur présumé de plusieurs viols et meurtres commis entre 1991 et 1997 dans différents arrondissements de l'est de la capitale. Sur le lieu de certains de ses crimes, le suspect a laissé une trace incontestable de son identité : son ADN (acide désoxyribonucléique). En effet, de cette molécule, support de l'information génétique, les biologistes savent aujourd'hui extraire une carte d'identité biologique propre à chacun de nous, les empreintes génétiques. Depuis huit ans maintenant, les affaires résolues grâce à ce nouvel outil se succèdent à vive allure. En France, la technique d'identification par empreintes génétiques est devenue pratique courante dans les affaires criminelles comme dans les recherches en paternité. Mise en œuvre par cinq laboratoires de police scientifique et plusieurs laboratoires hospitalo-universitaires, elle a permis en 1997 de résoudre près de 3 500 affaires pénales et civiles.

    • Les vols spatiaux habités

      Selon le calendrier désormais prévu, l'assemblage de la station devait commencer en novembre pour s'achever en 2003, après avoir nécessité 45 missions spatiales impliquant, du côté américain, 33 vols de la navette, et, du côté russe, 9 vaisseaux Soyouz pour le transport des équipages et 21 vaisseaux Progress pour l'approvisionnement. La station sera occupée par trois personnes à partir de 1999, puis par sept à partir de 2003.

    • La violence en milieu scolaire

      La plupart des études et recherches diachroniques sur la violence montrent que nos sociétés, loin d'être actuellement déstabilisées par une croissance de la violence, sont, si on les compare à celles du passé, des espaces relativement sûrs. Si nous prenons en compte la violence physique qui porte atteinte à l'intégrité des personnes, qui menace leur santé et leur vie, qui fait courir un risque mortel, nous constatons que le nombre des homicides volontaires et des viols n'a jamais été aussi faible.

    • Le cannabis en thérapeutique

      Cannabis est le nom scientifique du chanvre, une plante connue sous deux formes étroitement liées. Les variétés dites « textiles » sont cultivées pour leurs fibres, matière première de la production de tissus et de cordages. Les variétés communément désignées comme chanvre « indien » produisent quant à elles une sécrétion glandulaire, ou « résine », riche en substances chimiques de la famille des cannabinoïdes (cf. encadré). Ces variétés sont couramment utilisées en raison de leurs propriétés psychoactives bien qu'elles soient inscrites sur la liste des stupéfiants.

    • L'euro et ses défis

      La grande révolution monétaire a finalement eu lieu, comme prévu, pendant le premier week-end de l'année 1999. L'euro est là, même si, concrètement, la plupart des citoyens des onze pays qui le partagent (Allemagne, France, Italie, Espagne, Autriche, Pays-Bas, Irlande, Portugal, Belgique, Finlande et Luxembourg) n'en voient pas encore la couleur. Ils devront en effet attendre le début de l'année 2002, lorsque apparaîtront les premiers billets et pièces libellés en euros.

    • L'année littéraire

      Lorsque les fables qui tramaient la cohésion sociale se délitent, l'être est renvoyé à sa propre singularité et de nombreux auteurs ressentent d'abord la pesanteur du corps devenu le seul intermédiaire. L'accent est mis tantôt sur ce qui est touché, éprouvé, tantôt sur le bouillonnement intérieur, où se brassent les souvenirs, où œuvrent les forces thanatiques. Sur ce « divan de l'écrit » où un « je » s'exprime et parfois s'égare, conscient de l'inadéquation du langage, se révèlent aussi bien la pure désespérance que la tentative d'une réconciliation singulière – serait-elle imparfaite –, avec la destinée humaine.

    • Année du théâtre 1998

      Placées en exergue d'un ouvrage revenant sur la saison théâtrale, ces lignes ont été écrites en 1954. Elles laissent songeur. Comment réagirait leur auteur quarante-quatre ans après alors qu'au fil des années le nombre de spectacles n'a cessé de se démultiplier ? Du nord au sud, de l'est à l'ouest, c'est une profusion sans fin. Compagnies indépendantes, scènes nationales, centres dramatiques et théâtres nationaux, théâtres privés, rivalisent en propositions nourries par des comédiens de plus en plus nombreux – 6 000 en 1986, 12 000 en 1994 ! Chacun affiche, produit, crée jusqu'à provoquer parfois un sentiment de trop-plein chez le spectateur qui n'en peut mais. Que dire devant les plus de 200 spectacles recensés (dont 16 créations) uniquement dans Paris et sa banlieue pour la seule semaine du 4 au 10 mars 1998 ? Huit mois après, pour la semaine du 11 au 17 novembre, ils étaient près de 240, dont 17 créations !

    • Le journal du cinéma

      En France, la plupart des jeunes cinéastes qui font parler d'eux sont issus du court métrage, comme leurs aînés de la nouvelle vague l'étaient de la critique : Laetitia Masson (À vendre). Olivier Dahan (Déjà mort), Bruno Podalydès (Dieu seul me voit), Pierre Salvadori (... Comme elle respire), Erick Zonca (la Vie rêvée des anges). Plus que jamais donc, le court métrage est soutenu : Canal +, Arte, Ciné Cinémas, Paris Première, entre autres chaînes de télévision, le diffusent régulièrement, le Festival de Clermont-Ferrand, qui lui est dévolu. a acquis une réputation internationale, et l'Agence du court métrage, qui gère les copies en dépôt et publie un magazine, Bref, entièrement consacré au genre, s'est dotée de nouveaux locaux pour mieux assumer sa fonction. S'il n'y a pas de réelle unité entre tous ces réalisateurs, qui ne forment en aucun cas une école, on sent néanmoins une volonté de dépeindre de manière directe et crue les problèmes de la génération montante. Cela va du ton doux-amer de Dieu seul me voit à la frénésie destructrice de Déjà mort ; du portrait impressionniste de deux filles d'aujourd'hui (la Vie rêvée des anges) à un récit éclaté entièrement fondé sur les multiples facettes d'une jeune femme mystérieusement disparue (À vendre). Dans ces œuvres, les problèmes affectifs ne constituent qu'un élément de l'ensemble qui recycle les questions sociales (chômage, errance, instabilité professionnelle ; goût de la transgression avec la banalisation de la drogue, et de la pornographie comme moyen de réussite sociale : à ce titre Déjà mort est exemplaire), sexuelles, identitaires...

    • L'année de la musique

      La huitième édition du Festival Présences de Radio France célébrait Iannis Xenakis, qui se voyait offrir pour ses soixante-quinze ans une rétrospective inscrite dans la musique française des trente dernières années, des hommages rendus par le Japon et par le Groupe de recherche musicale (GRM). Ce panorama s'est ouvert sur un concert monographique confié à l'Ensemble ST-X de New York et à son chef, Charles Zacharie Bornstein. Choisis par Xenakis lui-même, ces artistes jouent sa musique avec une précision de sculpteur, à la mesure de cette création virtuose difficile à restituer dans ses tensions et son absence obsessionnelle de vibrato. Dirigé par Pierre-André Valade, l'Ensemble Court-Circuit proposait quatre partitions plus ou moins proches du courant dit « spectral ». L'une d'elles était signée par l'initiateur du mouvement, Gérard Grisey, qui disparaîtra neuf mois après ce concert. Son Vortex Temporum confirmait combien la personnalité de ce compositeur était l'une des plus inventives de sa génération. Tout comme son disciple Philippe Hurel, dont les Six Miniatures en trompe-l'œil débordent d'énergie et scintillent de timbres éclatants.

    • Titanic, les métaphores de James Cameron

      James Cameron, rénovateur avec John McTiernan (Predator 1987) du film d'action contemporain, est obsédé depuis sa première œuvre personnelle, Terminator (1984), par les implications multiformes de la technologie sur le devenir de l'humanité. Il a concrétisé ses craintes à travers quatre fables de science-fiction, genre qui se prête le mieux à ce type de spéculation : Terminator et sa suite, Terminator 2 (1991), Aliens, le retour (1986) et Abyss (1989) ; il est intéressant de noter que les deux derniers opus mettent en scène des vaisseaux spatiaux et maritimes en danger ou échoués. Les Terminator développent une fiction cyclique qui présente l'avenir technologique sous son aspect le plus pessimiste. Le point de départ est Los Angeles en 2029. À cette date, le réseau robotique Skynet qui contrôle le monde envoie deux « terminators » (homme mâtiné de métal dans le premier, une machine dans le second), l'un en 1984 pour tuer Sarah Connor, future mère de John, le chef de la résistance aux robots-dictateurs, et l'autre dix ans plus tard pour éliminer, au cas où le premier émissaire aurait échoué, John enfant. Les deux autres films sont moins négativement prémédités, laissant une certaine place à l'aléatoire. Aliens, le retour est une suite du film de Ridley Scott Alien (1979), qui nous montre la lutte de l'officier de l'espace Ellen Ripley contre des extraterrestres à l'intérieur d'un vaisseau spatial en perdition. Quant à Abyss, il se présente comme une sorte de post-Titanic à coloration fantastique : un sous-marin atomique est envoyé au fond de la mer par une force mystérieuse. Des foreurs et des soldats partis en mission découvriront cette force.

    • « Visions du Nord » au musée d'Art moderne de la Ville de Paris

      La partie historique consacrée à la première moitié du siècle – une production peu connue en France – ne rassemble que cinq figures du Nord : le Norvégien Edvard Munch (1863-1944), les Suédois August Strindberg (1849-1912) et Carl Fredrik Hill (1849-1911) et les Finlandais Akseli Gallen-Kallela (1865-1931) et Helena Schjerfbeck (1862-1946). Intitulée « Lumière du monde, lumière du ciel (1890-1945) » – titre emprunté à Swedenborg, le « prophète du Nord » –, cette première partie ouvre l'exposition en donnant le ton et l'ambiance : l'art hyperboréen est, à l'image du fameux Cri de Munch, une peinture psychologique, souvent névrosée, inquiète, une peinture du for intérieur où s'épanchent les angoisses métaphysiques du peintre. Lumière de paysagistes mais aussi de visionnaires où la nostalgie du pays le dispute à la tentation exotique des pays lointains. Gallen-Kallela voyage de Helsinki au Nouveau-Mexique ; Helena Schjerfbeck fait le pèlerinage à Pont-Aven, dans le sillage de Gauguin. Toujours en quête d'une plus pure « sauvagerie », d'une plus grande authenticité, l'artiste vit dans et pour la peinture, se projette sans pouvoir, parfois, échapper à la folie dans un monde plutôt sombre, marqué pêle-mêle par l'alcoolisme, le mysticisme, le désespoir et l'amour. La nature et les obsessions personnelles, religieuses ou sexuelles, fusionnent dans une même vision hallucinatoire.

    • « Man Ray, la photographie à l'envers »

      Pseudonyme adopté en 1913 par Emmanuel Radnitsky (1890-1976), Américain issu d'une famille d'origine russe, Man Ray est connu comme le grand « imagier » et portraitiste du groupe surréaliste. Sa rencontre avec Marcel Duchamp en 1915 le confirme dans sa recherche photographique, alors que ses peintures, qui recourent aux techniques de l'aérographe et de la vaporisation, se rapprochent de plus en plus des « peintures de précision » revendiquées par l'inventeur du ready-made. De 1915 à 1921, Man Ray et Duchamp font dialoguer leurs œuvres, à l'instar du Grand Verre que Man Ray photographie pour en faire, au moyen d'un temps d'obturation de plusieurs heures, un Élevage de poussière (1920).

    • L'année Delacroix

      Une grande rétrospective avait marqué, à Zurich, le centenaire de sa mort en 1963 ; le bicentenaire de sa naissance est célébré, en France, par une série d'expositions plus dispersées, plus disparates aussi. Les débuts du peintre sont exposés au musée des Beaux-Arts de Rouen ; ses quinze dernières années de création sont présentées dans les galeries nationales du Grand Palais. L'œuvre gravé est réuni dans le site Richelieu de la Bibliothèque nationale ; des dessins sont proposés au musée des Beaux-Arts de Tours, au musée Delacroix de la place de Furstenberg (Paris) ainsi qu'au musée Condé du château de Chantilly. Les tableaux majeurs des décennies 1830 et 1840 sont, quant à eux, restés, pour des raisons de conservation, dans les salles du Louvre ; les somptueuses fresques du Palais-Bourbon et du Sénat – que les élus, à l'exception des journées du Patrimoine, offrent très rarement à la vue du public – n'étaient pas accessibles au spectateur. L'anniversaire était pour le moins éclaté : l'impact de sa commémoration en reste quelque peu troublé.

    • Les écomusées

      Les mutations rapides et profondes subies par les sociétés humaines, la disparition souvent brutale de pans entiers de l'industrie en France et dans le monde, surtout dans les années 70 et 80, expliquent l'engouement du public pour les écomusées. Cela justifie aussi la création ou l'extension de nouveaux musées « de plein air » et de folklore, afin de préserver le maximum de traces du patrimoine rural ou industriel révolu.

    • L'Afrique du Sud

      Oui, la « nouvelle Afrique du Sud » est bien née. Mais, aujourd'hui, où en est-elle ? L'ambitieux programme « de reconstruction et de développement » du président Mandela a-t-il été réalisé ? La concorde est-elle rétablie entre toutes les communautés de cette immense nation de plus de un million de km2, vaste mosaïque humaine de 42 millions d'habitants où les Noirs, dans leurs différentes ethnies (Zoulous, Xhosas, Sothos et Twsanas), représentent 74 % de la population, les Blancs (anglophones et Afrikaners), 14 %, les métis, 9 %, et les Asiatiques, 3 % ?

    • Stockholm

      Stockholm a été construite à l'emplacement d'un bastion sur le lac Mälaren. Le bastion est vite agrandi et transformé en château sur l'îlot Gamla Stan pour s'opposer aux invasions venues de la côte baltique. En 1252, le comte Birger Jarl en fait sa capitale. La ville s'étend sur les îlots voisins (Kungsholmen), sur les rives nord (Norrmalm, Östermalm) et sud (Södermalm). D'abord connue comme forteresse, la cité devient vite marchande. Gdansk et Lübeck sont ses principaux partenaires commerciaux, et elle accueille de nombreux marchands allemands. En 1471, un édit stipule que toutes les charges municipales doivent être occupées par des sujets suédois. En 1520, Stockholm est cédée au roi du Danemark Christian II. Gustave Vasa reconquiert la ville en 1523 et en fait la capitale de la Suède. En 1697, un incendie détruit le vieux château. En 1710, une épidémie de peste tue un tiers de la population. En 1759, le dernier incendie de l'histoire de Stockholm fait des ravages importants. Sous Gustave III, la ville devient le foyer de la culture suédoise. Depuis, Stockholm a sans cesse poursuivi une politique de développement qui en a fait une grande métropole internationale.

  • Sports
    • Sports 98 : Le sport rend fou

      Et un et deux et trois, zéro ! Il n'y a rien à faire. Au moment de clore l'exercice 1998, c'est le slogan qui revient, lancinant. Et un et deux et trois, zéro ! Quelques mois après les faits, le souvenir de la finale « historique », « héroïque », conclue sur un triplé français face au Brésil, garde toute sa force et sa vivacité. Parmi les images de l'année, celle des Champs-Élysées en liesse un jour d'été a marqué tous les esprits. Dans les sondages de popularité, Aimé Jacquet et Zinedine Zidane, élus hommes de l'année par une belle brochette de médias, jouent les premiers rôles. Jamais, en France, un événement sportif n'avait provoqué tant d'intérêt et tant d'émotion.

    • Football

      À quelques semaines du coup d'envoi de la Coupe du monde, la France du football cachait mal son inquiétude. Le manque d'enthousiasme de la population ajouté aux médiocres matchs de préparation de l'équipe nationale alimentaient les doutes sur le succès de la compétition à venir. L'événement sportif du siècle allait-il faire un flop ? Les Français, emmenés par le très controversé Aimé [acquêt, seraient-ils capables de combler les attentes d'un public frustré après les non-qualifications aux Mondiaux 1990 et 1994 ?

    • XVIIIe Jeux olympiques d'hiver

      Le choix, par le CIO, de la ville industrielle de Nagano (360 000 habitants), située au centre du Japon, avait d'abord été vivement contesté par de nombreux acteurs occidentaux des sports d'hiver. Connue pour ses brusques changements de climat, la zone olympique était également jugée trop éclatée (plus de 100 kilomètres séparaient les deux sites de ski alpin par exemple), trop mal desservie, pas assez fournie en infrastructures routières ou hôtelières. Dès les premiers jours de compétition, les abondantes chutes de neige suivies de pluies torrentielles ont confirmé les craintes. Les incessantes reprogrammations des courses (souvent dictées par des impératifs plus médiatiques que sportifs) ont provoqué, outre la colère des athlètes, d'immenses embouteillages sur des routes déjà étroites. Mais, grâce au succès de sports moins sensibles à la météo, les Jeux ont finalement été remis sur leurs rails et, au prix d'un programme serré et minuté, les disciplines d'extérieur ont pu se dérouler dans des conditions équitables.

    • Disciplines

      « Cinq médailles d'or ! » C'est le score ambitieux que compte réaliser l'Américaine Marion Jones aux Mondiaux de Séville en 1999 et aux jeux Olympiques de Sydney en l'an 2000. Et, au regard de sa saison 1998, cet objectif est loin d'être irréaliste. Invaincue en 34 épreuves (seize concours de longueur et dix-huit 100 m), la jeune femme de 22 ans a écœuré ses rivales et réalisé, avec 10″ 71, la deuxième meilleure performance de tous les temps sur 100 m. Mieux, elle a couru à chaque fois en moins de 11″ et se dit capable d'améliorer avant les eux l'« inaccessible » record du monde de Florence Griffith-Joyner (10″ 49 en 1988).

  • Statistiques
  • Nécrologie

    AMBLER (Eric),romancier britannique Londres, 28 juin 1909 Londres, 22 octobre 1998 Considéré comme un des maîtres du roman d'espionnage, il construit ses romans sur le thème de l'inconnu brusquement projeté dans une affaire qui le dépasse. Ses livres les plus connus sont Épitaphe pour un espion (1938), le Masque de Dimitrios (1939), l'Héritage Schirmer (1953) ou N'envoyez plus de roses (1977). Scénariste d'une quinzaine de films, il a vu plusieurs de ses propres livres adaptés à l'écran, dont le Masque de Dimitrios, par Jean Negulesco, en 1944, et Topkapi, par Jules Dassin, en 1964.