Journal de l'année Édition 1999 1999Éd. 1999

La rébellion contre Kabila

Accueilli en libérateur par ses compatriotes en 1997, soutenu par les puissances régionales et les États-Unis, Laurent-Désiré Kabila disposait de solides atouts. Mais, un an plus tard, faisant montre d'une absence de sens politique plus qu'évidente, il s'était mis à dos ses anciens alliés, le Rwanda et l'Ouganda, lesquels n'ont pas fait mystère de leur désir de renverser le tombeur de Mobutu.

C'est donc peu d'écrire que le crédit du président autoproclamé de la République démocratique du Congo a fondu comme neige au soleil. La République démocratique du Congo (RDC) est devenue le théâtre d'opérations privilégié des militaires africains. Rwandais, Burundais, Ougandais, Zimbabwéens, Angolais, pour ne parler que des armées régulières, s'y sont battus, parfois les uns contre les autres. Dans cette guerre à fronts renversés, M. Kabila a bénéficié du soutien de la Namibie, de l'Angola et du Zimbabwe.

Sans doute un peu plus réticente que les autres acteurs du drame congolais, la Namibie a fini par admettre l'envoi de troupes au pays de Laurent-Désiré Kabila. À l'origine de la décision du président Sam Nujoma de s'engager auprès du nouvel homme fort de Kinshasa, les liens hérités de la décolonisation et de la guerre froide ont indiscutablement joué un rôle majeur.

La situation intérieure qui prévaut en Angola – le pays est toujours divisé entre les régions tenues par le gouvernement du président José Eduardo Santos et celles contrôlées par l'Unita de Jonas Savimbi – justifie le soutien actif de Luanda au régime de Kabila, dans la mesure où les rebelles de l'Unita utilisent la RDC comme base arrière. L'Angola a joué un rôle de premier plan dans les événements congolais, l'intervention des blindés et de l'aviation de Luanda ayant stoppé l'offensive rebelle sur Kinshasa et permis à Kabila de regagner, le 25 août, la capitale du Congo.

Quant au Zimbabwe, le seul pays à n'avoir pas de frontière avec la RDC, son appui au régime de Kinshasa renvoie à des questions de préséance. En effet, depuis la fin de l'apartheid, l'Afrique du Sud a pris la place du Zimbabwe en Afrique australe et le prestige de Nelson Mandela a pu, sans peine, éclipser celui du chef zimbabwéen. On peut imaginer que l'attitude conciliante du dirigeant sud-africain à l'endroit de la rébellion dirigée contre L.-D. Kabila a poussé le régime de Harare à épouser la cause de ce dernier. De plus, l'intervention du Zimbabwe dans cette affaire tient sans doute aussi à un possible désir de contrebalancer l'influence ougandaise dans la région. Plus généralement, l'implication de la Namibie, de l'Angola et du Zimbabwe dans la même t bataille » renvoie-t-elle aux liens qui unissent ces trois pays, héritage de la lutte menée par l'Organisation populaire du Sud-Ouest africain (Swapo) du temps où le régime de l'apartheid était tout-puissant dans la région.

Les alliés d'hier

On l'a dit, L.-D. Kabila a vu ses alliés d'hier se retourner contre lui. C'est ainsi que le Rwanda et l'Ouganda, avec un homme à leurs ordres à la tête de l'ex-Zaïre, nourrissaient l'espoir de pouvoir enfin pacifier leurs frontières. En favorisant la longue marche de Kabila sur Kinshasa, ils avaient fait le pari qu'il serait mis fin aux mouvements armés qui se servaient de l'ex-Zaïre comme base arrière dans la lutte contre les régimes de Kigali et de Kampala. Un an plus tard, ces derniers ne pouvaient que constater que le Kivu était toujours une poudrière, Kabila s'étant montré incapable d'y rétablir un début d'ordre.

À l'origine de la précédente guerre civile congolaise, en 1996-1997, le Rwanda a puissamment contribué au déclenchement de la rébellion contre L.-D. Kabila, le 2 août 1998. Mais contrairement à la guerre menée contre Mobutu, les Rwandais étaient cette fois « invisibles ». Pourtant, derrière chaque Congolais se cachait un officier rwandais ; et derrière le chef militaire rebelle Jean-Pierre Ondekane, on pouvait trouver le « commandant lames », un proche du président rwandais, Paul Kagame. L'effort de guerre de l'armée rwandaise, bien équipée, très disciplinée, entraînée par des instructeurs américains, est apparu pour le moins considérable. Après avoir porté Kabila au pouvoir au printemps 1997, le Rwanda n'a jamais réussi à s'entendre avec ce dernier auquel Kigali a reproché de ne pas avoir combattu les opposants rwandais, qui, depuis leurs bases congolaises n'ont cessé de lancer des attaques meurtrières et dangereuses pour le régime de P. Kagame.