Journal de l'année Édition 1999 1999Éd. 1999

Chine : un premier ministre d'ouverture

Salué comme un « Gorbatchev asiatique » par de nombreux observateurs étrangers, l'ancien maire de Shanghai, Zhu Rongji, a été nomme Premier ministre par le président Jiang Zemin. Une nomination de nature à rassurer les milieux d'affaires occidentaux, qui voient en lui un partisan sincère de l'ouverture économique.

Longtemps redoutée par les Occidentaux, la succession de Deng Xiaoping, mort en février 1997, s'était finalement opérée sans heurt, et, conformément aux scénarios en cours dans les chancelleries européennes, mais aussi outre-Atlantique, Jiang Zemin devait s'imposer à la tête de l'État. Sans grande surprise, donc. En revanche, le nouveau numéro 1 chinois a forcé l'étonnement en parvenant, en moins d'un an, à consolider une prise de pouvoir sur la pérennité de laquelle peu d'observateurs se seraient engagés Le XVe congrès du Parti communiste chinois, qui s'est déroulé à Pékin en septembre 1997, a servi de cadre officiel à cette prise de pouvoir. Il s'est agi de pousser dehors les hommes par trop apparentés à l'ancienne équipe et de promouvoir des proches. Rien que de bien classique. Ainsi, l'ex-amiral Liu Huaqing, ancien secrétaire particulier de Deng Xiaoping, et Qiao Shi, le président de l'Assemblée nationale populaire, rival déclaré du chef de l'État, se sont retrouvés sur la touche. À leur place, Jiang a appelé des fidèles, dont l'ex-maire de Shanghai, Zhu Rongji, qui accède au poste de Premier ministre en mars 1998.

Zhu Rongji appartient à cette génération qui pousse au premier plan, après les vétérans révolutionnaires, les ingénieurs de la Chine populaire naissante. Cette formation professionnelle n'est pas indifférente quant aux choix que l'on peut d'ores et déjà prêter au chef du gouvernement, dont l'intérêt qu'il porte à la « chose » économique n'est un mystère pour personne. Alors que son prédécesseur Li Peng était particulièrement attaché à l'industrie et aux entreprises socialistes, Zhu Rongji serait plutôt sensible au maintien des prérogatives économiques de l'État central.

Un partisan convaincu des réformes

Celui que l'on dit aussi modernisateur – une réputation due à son passage à Shanghai – devrait pousser les feux des réformes, contre l'appareil des cadres, tout en s'opposant à l'atomisation du système en satrapies. Interrogé sur les conséquences que pourrait avoir la crise financière régionale sur la restructuration des entreprises d'État ou l'objectif d'une ouverture du secteur des services financiers, Zhu Rongji s'est montré optimiste, sans être pour autant trop précis. À l'inverse, la question de l'échéance d'une convertibilité du yuan a suscité, de fait, une réponse embarrassée, dont on aura retenu nue la mise en place d'une Banque centrale dotée de réels pouvoirs constituait un indispensable préalable. Néanmoins, le nouveau Premier ministre a fait forte impression sur les milieux d'affaires – ce qui lui a valu l'étrange surnom de « meilleur produit d'exportation de Pékin » – et a rassuré dans les chancelleries occidentales, où l'on préfère toujours un technocrate à un idéologue. D'ailleurs, la composition du cabinet du nouveau Premier ministre n'est-elle pas un gage de conformité aux vœux émis par les principaux partenaires de la Chine ? Ainsi, dans cette équipe plus jeune que celle de son prédécesseur, on n'aura remarqué qu'un seul « vétéran révolutionnaire », le ministre de la Défense Chi Haotian, qui a conservé son poste. Pour le reste, le profil dominant est incontestablement celui du technocrate, dont témoigne la nomination de Sheng Huaren à la tête de la Commission d'État à l'économie et au commerce. Toutefois, un départ a attiré l'attention, celui du ministre des Affaires étrangères, Qiang Qichen. En charge de la diplomatie depuis 1988, ce dernier avait largement contribué à sortir la Chine de l'ostracisme de l'après-Tiananmen (juin 1989).

Mais l'audace dont on a crédité Zhu Rongji, dès lors qu'il s'est engagé à mettre en œuvre toutes les réformes destinées à moderniser l'économie chinoise et à l'intégrer dans les circuits internationaux, pourrait bien s'émousser en raison du vent de folie boursier qui souffle sur la région depuis juillet 1997 et la « dévaluation-domino » du baht thaïlandais. De plus, ne serait-on pas fondé à émettre quelques réserves quant à l'originalité du pilotage tel que Zhu Rongji en a esquissé les grandes lignes ?