géomorphologie

Domaine de la géographie qui a pour objet la description, l'explication et l'évolution des formes du relief terrestre. (Synonyme : morphologie.)

Objets d'étude

Élément longtemps prépondérant de la classique géographie physique, la géomorphologie a d'abord privilégié la notion de cycle d'érosion commandant l'évolution du relief puis accepté l'influence dominante de l'action du climat. C'est l'action combinée de l'ensemble des facteurs internes (géologiques et géophysiques) et externes (agents d'érosion) qui détermine les formes du relief. Les premiers, géologiques et géophysiques, sont liés à la nature des roches (granites, calcaires, marnes, etc., plus ou moins résistants à l'érosion), à leur disposition (horizontale, plissée, etc.) et aux mouvements des plaques lithosphériques qui participent à la genèse des volumes. Les seconds, les agents d'érosion, façonnent les formes de relief dès leur émersion et leur donnent un modelé. Il s'agit du gel, du vent et de l'eau (sous forme liquide ou solide). Très varié à la surface du globe, le climat conditionne la répartition et la vigueur de ces agents érosifs. Mais son action est aussi indirecte selon qu'il permet ou non l'existence d'une couverture végétale et de sols. Si cette couverture existe, elle constitue une protection de la roche vis-à-vis des agents de l'érosion. Si, par sa rigueur, le climat interdit toute couverture végétale suffisamment dense, les agents érosifs peuvent agir directement sur la roche. Le temps est un élément fondamental car l'efficacité des agents (dits « morphogénétiques ») qui façonnent le paysage est renforcée par la durée. De plus, sur une même région, le climat peut, à l'échelle géologique, varier dans le temps et engendrer nombre de successions de systèmes morphogénétiques, dont il faut tenir compte pour comprendre le relief. (→ climat, érosion, roche.)

L'histoire de la discipline

On relève des notations éparses sur la genèse du relief chez Léonard de Vinci ou Bernard Palissy, tandis que les travaux des ingénieurs des xviiie et xixe s. ont esquissé une théorie de la dynamique fluviale. Mais les débuts de la géomorphologie se confondent avec l'histoire de la géologie jusqu'à la fin du xixe s. : de là est née la tendance de faire de la structure le principe d'explication du relief, principe affirmé dès 1888 dans les Formes du terrain (de G. de La Noé et d'E. de Margerie). C'est à W. M. Davis que la géomorphologie doit de s'être dégagée de l'emprise d'une science plus ancienne dont elle ne représentait qu'une préoccupation marginale. Les idées antérieures ont été alors synthétisées en un corps de doctrine érigeant la géomorphologie en discipline autonome possédant son objet d'étude. Dans sa courte histoire, cette discipline a progressé moins par ses méthodes que par des thèmes de recherche. L'école davisienne s'est ainsi attachée à faire rentrer la nature dans le moule étroit du cycle d'érosion. Après avoir longtemps été sensibles à ce modèle, les géomorphologues français ont su renouveler leurs préoccupations dans l'immédiat après-guerre : sous l'influence d'A. Cholley, en particulier, a été ainsi rejeté le postulat qui sert de base à la théorie du cycle d'érosion, l'uniformité des modalités de l'érosion ; cette mutation s'est faite sous le signe de la géomorphologie climatique. Cette dernière est, certes, née des observations des naturalistes allemands sur la diversité des conditions de façonnement du relief suivant les milieux bioclimatiques (F. von Richthofen, 1886, ou S. Passarge, 1904), mais la Seconde Guerre mondiale marque la véritable coupure épistémologique, l'extension postérieure du champ des recherches ayant enrichi la géomorphologie de nouveaux concepts : système, séquence, crise (morphogéniques). Ce thème d'études n'est toutefois pas exempt d'ambiguïtés : trop d'auteurs ont été, ou sont encore, tentés d'attribuer l'ensemble des formes observables dans un domaine climatique donné aux processus spécifiques de ce milieu, négligeant ainsi la part fondamentale des héritages. Si l'engouement pour les thèses morphoclimatiques se justifie amplement par la sclérose des schémas davisiens, la part du réel qui échappe au schéma zonal est trop forte pour que toute la géomorphologie puisse s'organiser en fonction de ce seul cadre : c'est ainsi, en particulier, que le caractère approximativement azonal de l'échelle de dureté des roches a remis à une plus juste place la géomorphologie structurale dont nombre d'auteurs avaient subordonné la branche lithologique au contexte morphoclimatique. En outre, les exemples abondent de désaccords entre les hypothèses suggérées par un paysage et les mesures faites sur le terrain : cette contradiction s'explique par le caractère fondamentalement discontinu du façonnement des formes, mais aussi par notre connaissance insuffisante des processus de préparation et de mobilisation des débris.

C'est en s'attachant à préciser les modalités de la dynamique actuelle que la géomorphologie définira le mieux son champ d'application (lutte contre l'érosion du sol, aménagements hydrauliques, choix de sites urbains, etc.), sa contribution à l'utilisation rationnelle du milieu naturel étant encore trop modeste. Force est de constater, en effet, avec J. Tricart (1965), que la géomorphologie souffre « d'un excès d'empirisme et d'une insuffisance de méthode ». Elle bénéficie toutefois d'un raffinement croissant de ses outils d'analyse, qu'elle emprunte souvent aux sciences naturelles voisines (géologie, pédologie, géochimie, sédimentologie). Ainsi, l'information que nous livrent les formations corrélatives sur les systèmes morphogéniques responsables de l'évolution d'un paysage est valorisée par le traitement en laboratoire (granulométrie, morphoscopie, diffractométrie aux rayons X, microscopie électronique) ; ainsi, la connaissance des propriétés des matériaux rocheux et, partant, la compréhension des formes d'érosion différentielle bénéficient aussi d'un meilleur éclairage grâce à l'adoption de nouvelles techniques (analyses pétrographiques, porosimétrie, mesure de la perméabilité) ; ainsi, enfin, le recours à l'expérimentation permet d'accélérer les processus morphogéniques, d'isoler l'influence de certains facteurs, d'en faire varier l'intensité. Cette grande variété de directions laisse parfois une impression d'éparpillement, mais le perfectionnement de ses moyens d'investigation améliorera notre compréhension des mécanismes élémentaires de la géomorphogenèse et des formes de relief. Demeure le problème posé par la transposition dans le passé des résultats que nous livre l'analyse des processus actuels : la gamme des climats actuels, et donc des systèmes morphogéniques, épuise-t-elle le champ du possible ? On entrevoit ainsi une limite à l'ambition de la géomorphologie : l'explication intégrale des formes du relief terrestre.

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