fresque
(italien fresco, frais)
Technique de peinture murale caractérisée par l'application sur enduit frais de pigments de couleur détrempés à l'eau. (On dit aussi peinture à fresque.)
Parfois improprement utilisé dans le langage courant pour désigner toute peinture venant décorer un support mural, le terme de fresque ne s’applique en réalité qu’à une technique bien particulière. Celle-ci, dite de la vraie fresque, « à l'italienne », ou buon fresco, consiste à appliquer des pigments sur une couche de mortier frais.
Employée semble-t-il depuis des époques très anciennes, la technique de la fresque n’est cependant véritablement mentionnée pour la première fois de l’histoire qu’à la Renaissance au travers des pages du traité de Cennino Cennini Il Libro dell'arte (1437), qui rappelle les pratiques antérieures, également évoquées dans un recueil byzantin du xviiie s., dit Livre du mont Athos.
Les diverses techniques
Le buon fresco
Dans la technique de la vraie fresque les pigments d'origine minérale (argiles, silicates), résistant à la chaux et détrempés à l'eau, sont appliqués avec des brosses, dures ou souples, sur un mortier frais composé de sable et de chaux éteinte.
L’enduit est posé en plusieurs couches : tout d'abord l'arriccio (mortier à grains assez gros), sur lequel est réalisé le dessin préliminaire. D'après la description donnée par Cennini, le peintre esquisse d'abord en effet au fusain les grands traits de sa composition ; il reprend ensuite ce dessin préparatoire à l'aide d'un pinceau et d'ocre liquide, qu'il renforce au moyen d'un pigment rouge, dit « sinopie ». Une fois terminée, la sinopie (qui désigne dès lors le dessin lui-même) est progressivement cachée sous un second enduit de chaux, appelé intonaco (enduit mince à petits grains), qui reçoit le travail du fresquiste. Lorsque la fresque est terminée, la sinopie a complètement disparu sous l'intonaco.
L'enduit quant à lui subit une transformation chimique en séchant : sous l'action de l'air, l'hydrate de carbone soluble exsudé par le mortier se transforme en une croûte transparente de carbonate de chaux insoluble, ou calcin, qui fixe et protège durablement les pigments colorés. Ceux-ci sont donc incorporés dans la fine pellicule qui se forme à la surface du mur, la peinture devenant ainsi dure et résistante.
Le buon fresco est une technique difficile à maîtriser, qui nécessite une grande rapidité d'exécution. L'intonaco ne reste frais qu'une journée, ou giornata, terme qui sert à désigner aussi bien le temps de travail qu'une partie de fresque réalisée en une journée de travail.
Du secco au mezzo-fresco
Technique dite a secco
Cennini distingue la fresque proprement dite de la technique dite a secco, car pratiquée sur enduit sec, les pigments étant alors enrobés dans un liant de nature différente : à l'œuf (peinture dite a tempera), à l'huile, ou encore à la colle, à la gomme, ou même avec de l'eau de chaux (surtout pour les couleurs de « première couche »). En fait, le peintre termine a secco pour de nombreuses retouches et pour certaines couleurs, comme le bleu.
Mezzo-fresco
Une autre technique encore, dite a mezzo-fresco, emprunte aux deux précédentes : elle consiste à appliquer la couche picturale sur un mortier encore humide ou réhumidifié, de telle sorte que cette couche ne pénètre que superficiellement.
Fresco-secco
Le fresco-secco désigne quant à lui une peinture à l'eau de chaux sur un mortier qui a pris, mais qui a été lessivé et humecté de chaux éteinte (pas plus de 4 %), additionnée de sable de rivière ; le nombre de teintes peut y être augmenté par l'adjonction de caséine.
Stucco-lustro
Il faut mettre à part la technique antique du stucco-lustro, ou stuc brillant (fréquemment employé pour représenter des colonnes de marbre), où l'utilisation de la poussière de marbre mêlée à la chaux de l'enduit se rapproche de la technique de la fresque.
Après l'exécution a fresco, on lissait énergiquement la surface peinte à la truelle ; parfois on étendait à l'aide d'une brosse une solution saponifiée contenant de la cire, puis on procédait à un polissage et parfois à un vernissage et à un lustrage superficiel à la cire (procédé utilisé par les Romains et les Byzantins, et que Giotto n'ignorait pas).
La fresque à travers les âges
Dans l'Antiquité, en Orient et en Occident ainsi qu’au Moyen Âge, la fresque et ses variantes sont certainement connues, mais la plupart des peintures murales sont, en fait, exécutées selon des procédés divers, sur enduit sec.
De l'Antiquité au Moyen Âge
C'est avec une technique voisine de celle de la vraie fresque que sont exécutées les peintures des tombes étrusques, comme celle dite « du Cardinal », à Tarquinia. Pour d'autres tombes d'Étrurie, la technique est plus proche du fresco-secco.
Durant l’Antiquité, bien que le mot fresco n'ait pas été connu de Pline et de Vitruve, le procédé technique qu'il désigne est néanmoins employé pour le décor des palais et des villas (villa des Mystères, Pompéi). Dans l'art paléochrétien maisons civiles et catacombes s’ornent à leur tour de fresques dont les thèmes iconographiques permettent à l'art chrétien de créer son propre langage. L'art byzantin, dès le ixe s., développe quant à lui un système décoratif dans lequel la fresque est fréquemment associée à la mosaïque. Au xive s., dans l'Empire byzantin, la fresque connaît également un essor considérable. Enfin, au début de la période médiévale, si la technique du buon fresco semble s'être perdue en Europe, la peinture carolingienne offre de nombreux exemples de cycles de peinture murale (crypte de Saint-Germain d'Auxerre).
Le renouveau du buon fresco
La nécessité de décorer églises et édifices publics contribue à développer l'art de la fresque. En Toscane, du xiie au xive s., les salles des conseils des palais communaux et les palais privés s'enrichissent de nombreux cycles décoratifs. L'expansion des ordres mendiants suscite le même essor dans le domaine religieux (représentations de la Cène dans les réfectoires notamment).
Au xiiie s., la restauration des peintures murales paléochrétiennes des basiliques de Rome permet de redécouvrir la technique de la fresque, oubliée au début du Moyen Âge. Ce renouveau du buon fresco est illustré par l'œuvre de Cimabue à la basilique San Francesco d'Assise (Crucifixion, 1300, église supérieure) et par celle du plus grand fresquiste de l'époque : Giotto (cycle de la chapelle Scrovegni, Padoue, vers 1303-1305). Avec les fresques illustrant les Allégories du Bon et du Mauvais Gouvernement et de leurs effets dans les villes et les campagnes (1337-1339), au Palais public de Sienne, Simone Martini et Ambrogio Lorenzetti introduisent pour leur part les recherches sur la perspective, menées à cette époque aussi bien par les peintres que par les architectes.
Le xve s. voit la réalisation d'un grand nombre de décorations murales dues, notamment, à Masolino (chapelle Brancacci, Santa Maria del Carmine, Florence), Masaccio (la Trinité, Santa Maria Novella, Florence, 1427), Fra Angelico (cloître de San Marco, 1435-1445), Piero della Francesca (Légende de la vraie croix, chœur de San Francesco, Arezzo, 1452-1459) ou Benozzo Gozzoli (le Cortège des Rois mages, 1459, palais Médicis). À Rome, Michel-Ange décore la chapelle Sixtine, et Raphaël les Chambres du Vatican.
Du maniérisme au rococo
L’avancée maniériste
Tandis qu’avec ses œuvres Le Corrège (coupole de l'église Saint-Jean-l'Évangéliste, Parme, 1522) préfigure le grand décor plafonnant baroque, qui culminera, au xviiie s., avec les réalisations de Tiepolo, Pontormo, notamment dans la villa du pape Léon X, à Poggio a Caiano (1519-1521), et fait culminer la fresque maniériste. Jules Romain réalise quant à lui le décor de stucs et de fresques du palais du Té (1525-1535), à Mantoue.
Le courant maniériste apporte le renouveau en traitant les fresques pour elles-mêmes. Au cours du xve s. italien, entrant en concurrence avec l'architecture, elles avaient souvent en effet été abritées par des édifices plus anciens, qui n'avaient pas été conçus pour les recevoir. En s'infléchissant vers un art irréaliste, tel celui d'un Pontormo, le maniérisme offrira les exemples les plus élaborés de compositions où se mêlent tableaux rapportés, fausses colonnes, niches et ouvertures fictives. Cette tendance favorise les trouvailles esthétiques (le Rosso, à Fontainebleau, associe fresques et stucs pour la galerie François-Ier, à partir de 1531) et prépare les effets grandioses du baroque, tandis que, partout en Europe, la pratique de la fresque se trouve relancée.
Le triomphe du décor
Peinture et architecture sont plus que jamais liées et composent un décor toujours plus riche. Les travaux sur la perspective et le trompe-l'œil du Père Andrea Pozzo influencent l'Europe entière (Triomphe de saint Ignace et mission des Jésuites, Saint-Ignace, Rome, 1685-1694) : la peinture donne désormais l'illusion de la sculpture et de l'architecture. La composition de ciels fictifs permet de traiter les sujets en vogue tels que la représentation du monde des divinités, les scènes terrestres étant alors placées à la retombée des voûtes (Grands appartements de Versailles). Le même parti est adopté tant en Italie qu'en Allemagne, comme en témoignent les œuvres de Giambattista Tiepolo (Palazzo Labia, Venise, 1747-1750 ; escalier et salle impériale de la Résidence, Würzburg, 1753) et de son fils Giandomenico (décoration de la Ca' Rezzonico, Venise, 1791-1793).
Concurrence d'autres techniques picturales
Après avoir été un des modes d'expression parmi les plus pratiqués de l'Antiquité au xviiie s., la fresque est abandonnée au profit de la peinture de chevalet. Déjà, dès le xviie s., les décorations murales monumentales sont de préférence réalisées sur des panneaux ou de grandes toiles sur châssis (cycle de Marie de Médicis, Rubens, 1622-1625).
Le romantisme suscitera quelques œuvres picturales monumentales telles celles peintes par Delacroix pour la chapelle des Saints-Anges dans l’église Saint-Sulpice, en 1861, réalisées à l'huile et à la cire sur toiles marouflées. Mis à part un regain d'intérêt pour la fresque manifesté par les nazaréens en Allemagne et à Rome (décoration du palais Zuccari), la peinture monumentale est quasiment abandonnée. On retiendra néanmoins l’exemple de Puvis de Chavannes qui crée de grands ensembles décoratifs pour la Sorbonne, pour le musée de Lyon, pour le Panthéon (Vie de sainte Geneviève, 1874-1897) et pour la bibliothèque publique de Boston.
Réalisations du xxe s.
Dans la première moitié du xxe s., le genre de la peinture monumentale connaît un renouveau en Amérique latine, et particulièrement au Mexique, où elle devient un art expressionniste populaire, inspiré de la tradition de la peinture murale précolombienne, avec les peintures murales de Diego Rivera, José Clemente Orozco et David Alfaro Siqueiros. Ce muralisme empreint de réalisme social connaît un retentissement notable aux États-Unis dans les années qui suivent la Grande Dépression, notamment à travers des œuvres, commandées par l'administration américaine pour couvrir les murs d'édifices publics (Federal Arts Project, 1934-1943), d'une grande liberté, et dues en particulier à Stuarts Davis ou à Ben Shahn.
Tant le muralisme mexicain que les murals du New Deal trouveront un écho chez les muralistes des années 1960 à nos jours. Dans les années 1970, aux États-Unis, un art mural, souvent collectif, exprime les combats sociaux et ethniques, tandis que, en France, la coopérative des Malassis critique, à travers de grandes compositions, la société de consommation et la vie politique.