État de Kiev ou Russie kievienne

L'État de Kiev
L'État de Kiev

Premier État des Slaves de l'Est (ixe-xiie s.), qui se développa sur le cours moyen du Dniepr, autour de Kiev.

Il s'étend du Dniestr et du Boug occidental, à l'ouest, à la haute Volga, à l'est, de Beloïe Ozero (Lac blanc), au nord, jusqu'à la mer Noire et possède même Tmoutarakan dans la presqu'île de Taman. Bien que, au milieu du xiie siècle, cet État se soit désintégré en principautés indépendantes, celles-ci conservent, chez certains historiens, l'appellation de « Russie kievienne » jusqu'à la conquête mongole (1236-1240).

Les Slaves de l'Est qui ont constitué l'État de Kiev se diviseront par la suite en Russes (Grands-Russiens), Ukrainiens (Petits-Russiens) et Biélorusses (Blancs-Russiens).

1. Formation de l'État de Kiev

Les Slaves de l'Est, qui ont certainement émigré à partir de la région du bas Danube, occupent au début du ixe siècle les steppes et les forêts comprises entre les Carpates et le cours supérieur du Don. Les chroniques russes énumèrent les onze tribus qui les constituent alors : les Drevlianes, les Polianes, les Dregovitches, les Volhyniens, les Oulitches et les Tivertses, les Severianes, les Radimitches, les Krivitches, les Slovènes de la région de Novgorod et les Viatiches. Ces tribus, ainsi que les populations baltes ou finnoises, autochtones des contrées où elles s'établissent, vont être intégrées dans l'État de Kiev, selon un processus à peu près achevé au milieu du xie siècle.

La tradition des chroniques attribue la création de la Russie kievienne au prince semi-légendaire Riourik, qui s'installe à Novgorod à la suite de « l'appel aux Varègues » (862) et envoie à Kiev Askold et Dir. Le rôle des Varègues (guerriers et marchands normands ou vikings) dans la formation de l'État kievien est controversé : les historiens soviétiques considèrent que les Varègues se sont insérés dans des sociétés slaves déjà évoluées et politiquement organisées. Avec l'installation d'Oleg à Kiev (882) commence, à proprement parler, l'histoire politique de la Russie kievienne.

2. De 882 à 972 : l'essor du commerce sur le Dniepr et la Volga

Les règnes d'Oleg (882-912), d'Igor (913-945), d'Olga (945-964) et de Sviatoslav (964-972) constituent la première période de l'État de Kiev. Le grand-prince de Kiev est alors entouré de sa droujina, troupe de guerriers avec laquelle il soumet les populations sur lesquelles il lève le tribut.

Ces populations sont essentiellement composées de paysans, dispersés en hameaux, pratiquant une culture extensive ou vivant de la forêt. La droujina assure aussi la défense des convois de marchandises acheminées sur le Dniepr ou la Volga.

Le commerce s'intensifie dans deux directions : d'une part, Kiev échange avec les marchands arabes des produits de la forêt, de la cire, du miel, des fourrures et des esclaves contre des objets de luxe (soieries, poteries) et des dirhams d'argent, échanges qui s'effectuent sur les marchés du royaume des Bulgares de la Volga et de l'Empire khazar (→ Khazars) ; d'autre part, des relations commerciales régulières, codifiées par les traités de 907-911, 945 et 971, sont établies avec Byzance. Les villes, centres de l'artisanat, du commerce et du pouvoir princier, se développent.

3. L'âge d'or de la Russie kievienne

La deuxième période, correspondant aux règnes de Vladimir le Grand (v. 980-1015) et de Iaroslav le Sage (1019-1054), marque l'apogée de l'État de Kiev.

L'adoption du christianisme par Vladimir et le « baptême de la Russie » qu'il impose à ses sujets (988-989) resserrent les liens avec Byzance. Cependant, ce n'est pas de Constantinople, mais de la Bulgarie du Nord que Kiev reçoit ses premiers cadres ecclésiastiques et ses livres. L'orthodoxie imprégnera toute la vie du pays et favorisera son unification.

La victoire de Iaroslav le Sage sur les Petchenègues (1036) met un terme aux raids incessants des nomades, et le souverain peut se consacrer à l'élaboration des institutions de son État et à son développement culturel. Kiev est alors un des grands centres culturels d'Europe.

4. Le déclin (1054-1113) : querelles princières et assauts dévastateurs

La troisième période est marquée par les luttes de succession entre les fils et petits-fils de Iaroslav, et l'apparition des Coumans (ou Polovtses) (v. 1054) dans les steppes méridionales. L'État de Kiev est alors composé d'une dizaine de principautés, dont les plus marginales deviennent le patrimoine (ottchina) des descendants des princes auxquels elles ont été confiées, tandis que le noyau central demeure le domaine commun des princes riourikides, dont l'aîné est le grand-prince de Kiev (Iziaslav de 1054 à 1073 et de 1076 à 1078, Vsevolod de 1077 à 1093, Sviatopolk de 1093 à 1113).

Dans les querelles princières, la population urbaine, représentée par l'assemblée de vetche, intervient pour appeler ou révoquer le prince. Sur les vastes domaines princiers et sur les terres des boyards (nobles) ou de l'Église travaillent des paysans. Paysans libres, serfs ou esclaves (kholopy) ? Il est difficile de savoir si la majorité d'entre eux est encore libre au xie siècle.

Les assauts incessants des Polovtses ruinent les régions de Kiev et de Pereïaslav, qui se dépeuplent. Les immigrants gagnent principalement l'Ouest (Galicie et Volhynie) ou le Nord-Est (Souzdalie). La régression du commerce est due non seulement à l'insécurité des routes à travers la steppe, mais aussi au déclin du califat abbasside et à la poussée des Latins en Orient (première croisade, développement des comptoirs génois et vénitiens de la mer Noire). Kiev perd peu à peu son rôle d'intermédiaire dans le commerce entre l'Orient, l'Europe occidentale et l'Empire byzantin.

5. Vladimir Monomaque

La quatrième période est constituée par le règne de Vladimir Monomaque (1113-1125) et de ses fils, qui réussissent à vaincre les Polovtses et à freiner les tendances au morcellement de la Russie kievienne. Vladimir Monomaque est le dernier grand-prince à exercer un pouvoir réel sur tout l'État de Kiev.

La désintégration de l'État de Kiev (v. 1150-1236)

La cinquième période est caractérisée par la désintégration de la Russie kievienne en principautés indépendantes : la principauté de Kiev, la Galicie et la Volhynie sur la rive droite du Dniepr, celles de Pereïaslav, Tchernigov et Novgorod-Severski sur la rive gauche du Dniepr ; les principautés de Polotsk et Smolensk sur le haut Dniepr, celle de Novgorod au nord-ouest ; les principautés de Riazan et de Vladimir-Souzdal à l'est. Cette dernière connaît un essor remarquable à la fin du xiie siècle, et est, avec la Galicie, l'un des principaux refuges des traditions kieviennes.

Pour en savoir plus, voir l'article Histoire de la Russie.