céramique
(grec keramikos, d'argile, de keramos, argile)
Art de fabriquer les poteries, fondé sur la propriété des argiles de donner avec l'eau une pâte plastique, facile à façonner, devenant dure, solide et inaltérable après cuisson.
BEAUX-ARTS
Inaltérable et employée à divers usages, la céramique est un témoin privilégié des civilisations. Des récipients du néolithique aux réalisations actuelles, les céramiques doivent leurs qualités distinctives à la composition de leur pâte et à leur mode de cuisson. Mais les machines industrielles ne font qu'imiter les gestes millénaires du potier pour mettre en œuvre une technique dont le principe reste fondamentalement le même : transmutation au four d'une matière molle – à l'origine de l'argile (en grec keramos) mélangée à des dégraissants (sable, quartz, cendres, fragments végétaux, paille, calcite…) – en un produit dur et solide.
Alexandre Brongniart, directeur de la Manufacture de Sèvres de 1800 à 1837, propose une classification en fonction de la dureté et de la porosité de la pâte : il distingue les pâtes tendres, opaques et poreuses cuites à basse température, qui peuvent être vernissées ou émaillées ; les faïences fines et les grès, durs, opaques et imperméables ; enfin, les porcelaines, dures ou tendres.
Outre les verres, les liants hydrauliques et les émaux sur tôle, on distingue parmi les céramiques traditionnelles les produits céramiques poreux (poteries, produits réfractaires, faïence fine, etc.) et les produits céramiques imperméables (grès cérames, porcelaines, etc.), dont la pâte a été vitrifiée à haute température. La base commune des pâtes céramiques est l'argile, dont le type est le kaolin, employé dans les poteries blanches, la faïence fine et la porcelaine. On lui ajoute des éléments non plastiques et des fondants, qui provoquent la vitrification des pâtes. Les pâtes sont préparées en mélangeant les éléments dans des délayeurs, des malaxeurs ou des moulins broyeurs. Elles sont ensuite façonnées sous forme liquide, sous forme de pâte presque sèche ou sous forme de pâte plastique. La porcelaine cuite à son premier feu, à basse température, est appelée « dégourdi » : la pâte présente une consistance et une porosité lui permettant de subir l'émaillage ; la porcelaine est ensuite cuite à haute température et acquiert ses caractéristiques définitives, mais elle peut encore faire l'objet d'une troisième cuisson si la décoration comporte des ors ou des couleurs vitrifiables sur couverte. Les pièces non émaillées, mais cuites à fond en une seule cuisson, sont appelées « biscuit ». Les poteries communes sont cuites, en général, en charge et en pleine flamme, tandis que les poteries fines, faïences et porcelaines, sont cuites en cassettes.
D'usage universel et multiple, la céramique reste jusqu'à nos jours matériau de construction, de revêtement mural, de pavement, d'expression esthétique, et a connu, de la cuisine à la table, des fortunes diverses. Les caravanes de l'Islam, les compagnies portugaises puis hollandaises, en introduisant la porcelaine chinoise, ont bouleversé l'histoire de la céramique occidentale : la quête de la composition de ce matériau mystérieux se soldera par la découverte du kaolin par Frédéric Böttger, en 1709.
1. Les premières céramiques
La céramique est connue au Proche-Orient dès le mésolithique, vers 7800 avant J.-C. Les premières pièces sont à fond plat et à paroi très épaisse. D'abord solidifiées au soleil, elles sont bientôt cuites à four ouvert, après façonnage au colombin (rouleau d'argile en anneaux superposés et lissés). Très tôt on a recours à des moules : en pierre, en bois, en vannerie, voire, à Chypre, en fond de coloquinte. Dès le VIe millénaire, des décors sont pratiqués par estampage, incision ou adjonction.
Bien qu'elle soit plus ancienne, l'invention du tour est attribuée par la tradition à Palos, neveu de Dédale, vers 1200 avant J.-C. C'est à cette époque qu'apparaît le décor de couleur réalisé par l'emploi d'un engobe : la céramique est enduite d'une couche argileuse de même nature que la pâte, mais plus fine et plus diluée, teintée puis parfois polie. Réserves et incisions font apparaître la couleur de fond. L'Anatolie, la Syrie et la Palestine du IIIe millénaire mettent au point des modes de cuisson qui donnent des couleurs très brillantes, grâce à un engobe à base d'oxyde de fer qui devient rouge en atmosphère oxydante (four ouvert) et noir en atmosphère réductrice (four fermé et enfumé).
2. L'âge du bronze
Les progrès techniques qui accompagnent l'apparition du bronze rejaillissent sur les céramiques : la maîtrise du feu permet d'atteindre des températures plus élevées. L'Europe centrale et occidentale entre en contact avec le Proche-Orient et la Méditerranée, les objets circulent. Les modèles métalliques deviennent source d'inspiration. Ainsi, une « saucière » retrouvée dans le Péloponnèse reprend un modèle en or d'Arcadie, tandis que, en Chine, la céramique blanche des Shang répète les motifs des vases en bronze.
Alors que la céramique précolombienne voit apparaître la polychromie, sur des formes très inventives (vases polypodes, multibecs, anthropomorphes et zoomorphes, etc.), dans le Bassin méditerranéen c'est la civilisation minoenne qui offre, pour cette période du bronze, les productions les plus abouties. Dès les premiers palais (1900-1800 avant J.-C.), la céramique peinte atteint avec le style de Camarès une liberté et une souplesse que la perfection des poteries de Suse n'avait pas connues. Le style végétal des seconds palais (1600 avant J.-C.) trahit l'influence mycénienne qui dominera cette région au bronze récent. Cruches, vases à étrier, gourdes, cratères, « coupes à champagne », les formes se diversifient et les parois se couvrent d'un décor stylisé, qui deviendra abstrait aux xiiie-xie s.
Apparus dès le Néolithique, l'usage quotidien et la fonction religieuse se développent côte à côte. Les statuettes en terre cuite et la grande sculpture destinée aux sanctuaires sont là, à travers les vestiges archéologiques, pour témoigner de l'emploi courant à des fins cultuelles de la céramique à cette époque.
3. L'âge du fer
Découverte et mise au point par les Hittites au IIe millénaire, la technique du feu permettant d'atteindre des températures de l'ordre de 2 000 °C se répand lentement. En Chine, la métallurgie domine toutes les créations de cette époque et les céramiques empruntent leurs formes et leur décor au métal. En Étrurie, les céramiques noires d'aspect métallique témoignent de cette même influence, alors que la Grèce, et plus particulièrement Athènes, privilégie la production céramique.
Le xe s. voit naître le style géométrique et ce que l'on appellera longtemps du terme impropre de « vernis noir », en réalité une argile délayée riche en oxyde de fer alliée à un produit alcalin qui se vitrifie à 800 °C. Cette technique connaît son apogée avec les figures noires du style attique (Exékias), et les figures rouges du peintre d'Andokidès (vie s. avant J.-C.). Euphronios compte également parmi les grands noms qui marquent la période.
Aux figures animales et humaines de style raide et schématique de l'âge géométrique succèdent, sous l'influence des colonies grecques, entre les xe et viiie s. avant J.-C., des sujets épiques et mythologiques où des motifs floraux, végétaux et des animaux fantastiques s'épanouissent sur des pièces d'une infinité de formes (on en a dénombré plus de 700).
4. Rome
Les Étrusques donnent l'apparence du métal à leur céramique dite bucchero nero. À leurs somptueuses terres cuites funéraires polychromes, les Romains préféreront le marbre, et le métal envahira les tables des riches, cantonnant la céramique aux usages domestiques : jarres, cruches, lampes à huile, etc.
La production, concentrée dans des ateliers régionaux, atteint un volume industriel avec les poteries sigillées : au iiie s. avant J.-C., les Étrusques avaient mis au point une poterie rouge dont la terre, très fine et très homogène, était moulée au tour. Cette poterie rouge, dont la fabrication se maintiendra pendant toute la période romaine, sera exportée dans l'ensemble du Bassin méditerranéen, permettant une industrie florissante en Gaule au ier s. après J.-C. On a découvert en 1979, à la Graufesenque, dans l'Aveyron, des fours où pouvaient être empilés jusqu'à 30 000 vases. Ces poteries, souvent ornées à l'aide d'un sceau (sigillum) et signées du potier, étaient largement exportées vers la péninsule Ibérique.
Les iiie et ive s. après J.-C. voient se développer des poteries dont la couverte rend un éclat métallique. Produite dans les mêmes centres que la sigillée, la céramique métallescente supplantera celle-ci.
5. Les céramiques européennes
Il faudra attendre le xiiie s. en Espagne et la fin du Moyen Âge dans le reste de l'Europe pour que la céramique redevienne un objet recherché pour son luxe et sa beauté, notamment avec la faïence. L'Occident médiéval possède de nombreux centres potiers, dont ceux du Beauvaisis et de la Saintonge. Matières et couleurs seront pour leur part améliorées au xvie s. par Bernard Palissy.
5.1. La faïence
Le terme désigne des poteries à pâte tendre, opaque, poreuse, recouvertes d'un engobe à base d'étain, appelé « émail blanc ».
L'Égypte et la Perse (briques de Suse) sont à l'origine des premières céramiques émaillées. On doit aussi au Moyen-Orient la découverte de l'émail stannifère blanc et opaque, qui donna naissance à la faïence, ainsi que celle du lustre. Ces techniques gagnent le pourtour de la Méditerranée et surtout l'Espagne (faïences lustrées hispano-moresques de Málaga et de Manises), du xiiie au xvie s. La faïence se répand également en Italie, où ces céramiques prennent le nom de « majoliques » (Faenza, Sienne, Deruta, Gubbio, Castel Durante, Urbino, etc.). C'est à partir du xvie s. que se développent les principaux centres faïenciers de Delft (Hollande), Nevers, Rouen et Moustiers (France), bientôt imités par Lille, Saint-Cloud ou Sinceny. Les centres les plus importants des faïences dites « de petit feu » sont quant à eux Strasbourg, Marseille, Sceaux et Niederwiller. À la fin du xviiie s., l'importation massive des faïences fines anglaises ruine le commerce des faïences françaises.
5.2. Les grès
Les grès communs et les grès fins sont des pâtes dures partiellement vitrifiées, opaques et imperméables sans glaçure. L'art du grès, découvert en Chine vers le iiie s. avant J.-C., fut en Europe la spécialité des pays du Nord. Il débute à la fin du Moyen Âge, mais acquiert ses lettres de noblesse au xvie s. Au xixe s., des céramistes comme Carriès, Chaplet, Delaherche font des recherches sur les grès d'Extrême-Orient et remettent cette technique à l'honneur.
5.3. La porcelaine
La porcelaine, inventée par les Chinois à l'époque Tang (618-907) et diffusée dès le viiie s. au Proche-Orient, est connue en Europe dès le Moyen Âge, mais elle n'est importée en grandes quantités qu'à partir du xvie s., par les Portugais. Elle sera l'objet des recherches et la source d'inspiration des potiers, verriers et alchimistes occidentaux jusqu'au xviiie s.
Porcelaine tendre
En France, à la fin du xviie s., des faïenciers de Rouen, puis de Saint-Cloud mettent au point une véritable production de porcelaine tendre (manufactures de Chantilly [1725], Mennecy [1735] et Vincennes [1738], transférée à Sèvres en 1756). Cette production gagne l'Angleterre (Chelsea, vers 1745), les Pays-Bas autrichiens (Tournai, 1750), l'Italie (Capodimonte, 1743), etc.
Porcelaine dure
C'est à Meissen (Saxe), en 1709, que la première porcelaine dure semblable à la porcelaine chinoise est fabriquée par le chimiste allemand Böttger grâce à la découverte de gisements de kaolin. En France, la découverte des gisements de kaolin à Saint-Yrieix (Limousin) amène la fabrication de la porcelaine dure, à Sèvres (1768), puis à Limoges (1771) et en région parisienne (porcelaine de Paris).