Lyon
Chef-lieu de la Région Auvergne – Rhône-Alpes et du département du Rhône, au confluent du Rhône et de la Saône, à 460 km au S.-E. de Paris et à 314 km au N. de Marseille.
- Population : 492 578 hab. (recensement de 2010)
- Nom des habitants : Lyonnais
- Population pour l'agglomération : 1 536 974 hab. (recensement de 2009)
GÉOGRAPHIE
La communauté urbaine de Lyon, le Grand Lyon, regroupe 55 communes et s'étend sur près de 50 000 ha. Sa population représente 75 % de la population du département du Rhône, pour une superficie qui ne représente que 15 % du territoire du département. L'ensemble de l'agglomération lyonnaise regroupe 85 % de la population du département.
Un semblable rassemblement d'hommes et d'activités a bénéficié d'une situation et de sites successifs globalement favorables et d'une longue histoire. La situation de Lyon a toujours été décrite comme un carrefour majeur sur l'axe mer du Nord-Méditerranée, à la convergence de voies transversales ouvrant par le haut Rhône vers la Suisse, par la Saône et les seuils de Bourgogne et d'Alsace vers les pays rhénans et germaniques, par les cols alpins vers l'Italie, et, dans une bien moindre mesure, par la vallée du Gier et les cols des monts du Lyonnais vers l'axe ligérien et l'Atlantique. Produit d'une semblable situation, le site de confluent a (fait rare) une valeur à la fois historique et actuelle, qui assure la pérennité de la fonction de transport fluvial et d'entrepôt, elle-même à la base de la vocation mercantile et financière qui devait assurer l'essor de Lyon. Mais ce site de confluent, combiné à celui d'oppidum (la Croix-Rousse, Fourvière), a largement été débordé par la croissance de la ville, qui, depuis le xviiie s., s'est étendue sur les îles stabilisées (Brotteaux) et les plaines alluviales fluvio-glaciaires de la rive gauche du Rhône, mais aussi sur les contreforts des monts du Lyonnais à l'ouest.
Génétiquement liée à l'industrie textile, la chimie lyonnaise, à base pétrolière (plate-forme de Feyzin), produit des colorants, des matières plastiques, des fibres artificielles et synthétiques, des produits pharmaceutiques, aromatiques, photographiques. Ces activités sont complétées par le développement des biotechnologies. Si la soierie a assuré (canuts de la Croix-Rousse) la renommée de Lyon, elle ne présente plus, aujourd'hui, qu'une activité marginale et de haut luxe. L'essentiel de la production porte sur les textiles synthétiques et artificiels (filature, tissage, impression, confection). La métallurgie couvre une gamme de fabrications allant des biens intermédiaires (forges, fonderies) à la construction mécanique (machines-outils, machines textiles) ou automobile (camions, tracteurs, matériel de travaux publics) ou aux fabrications électromécaniques (moteurs de locomotives, machines tournantes). Ces productions se réalisent en unités de taille variable dans l'agglomération, mais font aussi appel à un réseau régional (Saint-Étienne, Grenoble) de sous-traitants. S'ajoutent à ces secteurs forts le bâtiment et les travaux publics et des industries plus traditionnelles (produits alimentaires, verrerie, papeterie, travail du cuir).
Le secteur tertiaire est aujourd'hui prépondérant. La fonction commerciale et de service, très diversifiée, a repris et amplifié les vieilles traditions marchandes, bancaires et culturelles : système financier, universités, École du service de santé des armées (la ville est également le siège d'une région militaire), Écoles normales supérieures, services juridiques, commerciaux (foire internationale), entreprises de transport et d'entrepôt (port Édouard-Herriot [conteneurs], centre d'affaires de la Part-Dieu). Si dans ce domaine Lyon souffre de la prééminence de Paris, son pouvoir s'exerce sur l'ensemble de la Région Rhône-Alpes. Une semblable diversité a engendré un tissu urbain complexe. Dans le vieux Lyon des bords de Saône, de Fourvière et de la presqu'île, les densités restent élevées et la modernisation est difficile en raison de la nature du tissu urbain et de l'importance du patrimoine historique et culturel (le site historique de Lyon est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1998). Autour, l'agglomération s'est développée selon des modalités différentes en fonction des époques et des activités dominantes. L'élément essentiel est la rive gauche du Rhône avec ses plans géométriques associant quartiers industriels (Gerland), de résidence aisée (Tête-d'Or, Brotteaux), composites (Monplaisir), tandis qu'avec Villeurbanne, puis d'autres communes de la banlieue (Vaulx-en-Velin, Bron, Saint-Priest, Vénissieux), apparaît l'urbanisation plus récente (grands ensembles d'immeubles collectifs, zones industrielles, habitat pavillonnaire). C'est sur cette rive que les terres, abondantes et plates, permettent la réalisation des équipements lourds : port Édouard-Herriot, zones industrielles de Saint-Fons-Feyzin, de Vénissieux-Corbas-Saint-Priest, de Meyzieu, gare T.G.V., aéroport Lyon-Saint-Exupéry, anciennement Lyon-Satolas. La rive droite n'offre, au contraire, à l'expansion urbaine qu'un espace cloisonné par les reliefs. Mais la saturation du vieux Lyon explique l'extension de l'habitat collectif à la Duchère, Vaise, Sainte-Foy-lès-Lyon, tandis que le « balcon » sur la Saône, de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or à Saint-Germain-au-Mont-d'Or, devient un axe de résidences aisées, voire de luxe. La ségrégation spatiale urbaine qui en résulte alourdit, en dépit de coûteux aménagements (voies rapides sur berges, tunnels, rocades autoroutières), les difficultés de circulation dans l'agglomération. C'est, en partie, pour compenser ce déséquilibre que, en direction de Bourgoin-Jallieu et Grenoble, se développe, lentement, la ville récente de L'Isle-d'Abeau. Le grand projet urbain Lyon Confluence agrandit le centre de Lyon jusqu'au point de rencontre de la Saône et du Rhône. Ce nouveau quartier, dont la construction a commencé en 2006, associe des programmes résidentiels, tertiaires, commerciaux et d'équipements publics, le long du quai Rambaud, autour notamment de l'ancien bâtiment des Douanes, au sud-ouest de la gare de Perrache.
L'HISTOIRE DE LYON
Les origines
Dangereux marais où de nombreux bras morts (lônes) séparent des îles aux contours fluctuants (broteaux), le confluent de la Saône et du Rhône ne retient qu'un petit établissement celtique de bateliers sur les pentes de la Croix-Rousse, Condate, où se réfugient des colons romains en 62 avant J.-C. La situation est favorable : sur la route de l'ambre au point de rupture de charge des navires entre Saône et Rhône. Le site du confluent devient en 43 avant J.-C. le berceau de la ville de Lyon, le sénat romain ayant donné l'ordre au légat L. Munatius Plancus d'y fonder une colonie romaine dite « de l'Abondance » (Copia) sur les pentes du mont de « Lug », aujourd'hui colline de Fourvière.
La capitale de la Gaule (chevelue)
Dotée d'un territoire étroit s'étirant sur 10 km le long de la rive droite des deux fleuves, Lyon est aménagée à partir de 30 avant J.-C. par M. V. Agrippa, qui l'érige en 27 avant J.-C. en capitale de la Lyonnaise. Elle deviendra même capitale des Gaules (caput Galliarum), dont les trois provinces touchent la ville, à partir de laquelle rayonne dès lors le réseau routier romain calqué sur le tracé des voies celtiques antérieures menant à l'Aquitaine, à l'Atlantique, au Rhin, à l'Italie et à la Méditerranée. Les Romains endiguent le cours de la Saône et du Rhône, fixent leur confluent et les îles qui les encombrent, aménagent des ports, construisent des aqueducs équipés de siphons et de réservoirs, édifient un grand théâtre, des temples. Dès le temps d'Auguste, qui y séjourne en 16 avant J.-C. et y établit un atelier monétaire et une cohorte urbaine, Lyon se divise en trois quartiers : administratif (Fourvière, siège du legatus Augusti propraetore), économique (quais et entrepôts de l'ancienne île d'Ainay) et religieux (à la suite de l'érection au nord du confluent en 13 et de l'inauguration en 12 par Drusus de l'autel et du temple de « Rome et Auguste », à côté desquels est édifié un amphithéâtre et autour desquels s'épanouit la ville gauloise de Condate). Ainsi Lyon devient la capitale de la Gaule chevelue, dont les nations délèguent tous les ans leurs représentants à l'Assemblée fédérale d'août pour célébrer le culte de Rome et d'Auguste. Elle est visitée en 39-40 après J.-C. par Caligula et surtout à trois reprises par Claude, qui dote, en 43-44, sa ville natale de biens-fonds en Narbonnaise et la pourvoit d'un troisième aqueduc. La cité prend alors le nom de Colonia Copia Claudia Augusta Lugdunum en hommage à ses deux principaux bienfaiteurs.
Incendiée en 65, ralliée à Vitellius en 69, pourvue d'un théâtre, d'un odéon et d'un quatrième aqueduc, celui du mont Pilat, par l'empereur Hadrien, la ville compte alors 200 000 habitants, répartis entre de nombreux et puissants collèges corporatifs, dont les plus célèbres sont ceux des nautes (de la Saône, du Rhône, etc.), des vinarii (marchands de vin) et des dendrophores (artisans du bois). Administrée par une curie et par des duumvirs, elle devient une citadelle du paganisme classique ; elle accueille également les cultes orientaux de Mithra, d'Isis et surtout ceux de Cybèle et du Christ, les adeptes de ce dernier étant persécutés par Marc Aurèle et finalement suppliciés (telle la jeune Blandine en août 177).
Ralliée à la candidature impériale d'Albinus en 192, elle est pillée et privée de sa charte urbaine par Septime Sévère, victorieux d'Albinus à Saint-Just (ou à Sathonay) en 197. Saccagée par Aurélien en 273, privée du monopole de la vente du vin en Gaule par Probus en 280, réduite en 284 par Dioclétien au rôle de capitale de la seule « Lyonnaise première » sous l'autorité d'un consulaire, victime des raids barbares de 357 et de 375, qui entraînent l'abandon de la ville haute de Fourvière et de son forum, elle n'est plus qu'une ville épiscopale, mais de première importance grâce à sa communauté chrétienne reconstituée par saint Irénée dès la fin du iie s. après J.-C.
La ville des temps barbares
Réduite à un quartier fortifié le long de la Saône, la ville est occupée en 457 par les Burgondes, qui en font l'une de leurs trois capitales, puis par les Francs en 500 ; elle devient alors le centre d'un comté mérovingien, puis carolingien. Elle est surtout le siège d'un archevêché, et l'un des foyers de la Renaissance carolingienne.
Incorporée en 843 au royaume de Lothaire par le traité de Verdun, érigée en duché et associée à la Provence lors du partage de 855, échue en 870 à Charles II le Chauve, elle fait partie tour à tour du royaume de Boson en 879, de l'empire de Charles III le Gros en 882, enfin du royaume de Bourgogne transjurane de 888 à 1032, date de son transfert au Saint Empire.
La cité des clercs
La ville est totalement ruinée par les invasions musulmanes et hongroises entre 934 et 949. Elle est dominée par les seigneurs ecclésiastiques : couvents, collégiales de Saint-Nizier, de Saint-Just et de Saint-Paul, « Église de Lyon » enfin, sont principalement implantés sur la rive droite du fleuve, dans la « cité ». Les deux membres de cette « Église » – chapitre cathédrale et archevêque – se disputent naturellement le gouvernement du diocèse, du comté et de la ville, auquel aspire également la première dynastie comtale du Forez. Vassal nominal de l'Empereur, l'archevêque de Lyon rejette par la force ses prétentions en 1076. Après l'archiépiscopat de saint Gebuin (?- 1081), premier à être honoré en 1079 du titre de « primat des Gaules », après celui du légat Hugues de Die ou de Romans (1082-1106), rigoureux réformateur grégorien, Frédéric Ier Barberousse concède à perpétuité la cité de Lyon « et tous les droits régaliens en deçà de la Saône » à l'archevêque Héraclius de Montboissier (1153-1163) et à ses successeurs par la bulle d'or de 1157.
Favorables à l'empereur, deux prélats se heurtent successivement à la seconde dynastie comtale du Forez, d'origine delphinale, qui, dès 1158, conteste le privilège de 1157, qui fait d'eux des princes d'Empire. En 1162, Guigues II pille même la ville de Lyon. La nomination, en 1165, d'un prélat orthodoxe, le cistercien Guichard (?-1180), à l'instigation de Louis VII, permet la signature du traité de partage de 1173, par lequel le comte du Forez reconnaît la souveraineté de l'Église de Lyon sur les pays de la Saône et du Rhône. En 1193, cet accord est consolidé par l'élection au trône archiépiscopal du frère de Guigues II, Renaud II (1193-1226), qui dote sa principauté ecclésiastique d'une solide armature administrative.
La ville de Lyon est, dès lors, pratiquement indépendante sous l'autorité d'archevêques qui, comme le chapitre, recherchent surtout la protection du roi de France. Elle accueille le 2 décembre 1244 le pape Innocent IV. Assuré d'être secouru, si besoin est, par Louis IX, le pape y tient en 1245 un premier concile œcuménique, par lequel il fait déposer Frédéric II de Hohenstaufen.
À son exemple, Grégoire X en réunit un second en 1274, qui consacre théoriquement la succession de l'Église de Constantinople à celle de Rome. Capitale d'une importante principauté ecclésiastique, Lyon semble alors être sur le point de devenir celle de la chrétienté lorsque le pape français Clément V s'y fait couronner le 14 novembre 1305. Mais, en 1309, c'est en Avignon que celui-ci transfère son siège.
La ville des bourgeois
Aux origines de la commune
Le colmatage des terres entre les deux fleuves par les « hôtes » des abbayes, la constitution, entre ces fleuves, d'un bourg autour de l'église Saint-Nizier, au ixe s., l'édification d'un pont sur la Saône au niveau de cette dernière, en 1050, puis d'un second sur le Rhône entre 1185 et 1190 facilitent dès le xie s. la renaissance d'une agglomération marchande, en liaison constante avec l'Italie et le Levant, du fait du passage des croisés, dont la foi suscite indirectement la naissance d'un mouvement hostile à l'usure, celui des « pauvres de Lyon », animé par un bourgeois, Pierre Valdo (ou Valdès)(vers 1140-vers 1217), finalement excommunié en 1184.
Enrichie par le travail des textiles, des cuirs et des peaux ainsi que par la pratique des métiers de l'alimentation et du grand commerce international, la bourgeoisie locale arrache quelques franchises à l'archevêque Renaud II de Forez, mais ne peut obtenir de lui la reconnaissance, en 1208, de la commune de Lyon. Aussi celle-ci recherche-t-elle l'appui du roi de France. Le Capétien, qui est intervenu en 1269-1270 pour briser une révolte, accepte de prendre les Lyonnais sous sa garde en 1292. Philippe IV le Bel fait occuper par ses troupes les points stratégiques de la ville, où il séjourne en 1305-1306 ; il signe avec l'archevêque de Lyon un traité de partage et lui concède en fief en 1307 la ville et le comté contre la prestation d'un hommage lige en vertu de deux lettres, les « Philippines ». Brisant en 1310-1311 la tentative de rébellion de l'archevêque, Pierre de Savoie (?-1322), le roi enlève à ce dernier la souveraineté et la juridiction de la ville par le traité de Vienne de 1312, et constitue dès 1313 cette dernière et son comté en une sénéchaussée rattachée au bailliage de Mâcon en 1320, date à laquelle il contraint l'Église à reconnaître enfin par la charte du 21 juin la commune de Lyon, composée de douze consuls, assistés d'une soixantaine de maîtres de métiers.
Lyon « ville marchande » au xive s.
La ville de Lyon constitue alors en elle-même un important marché de consommation d'environ 20 000 habitants au début du xive s., elle reste en liaison étroite avec celui que constitue la place d'Avignon, bénéficie en outre, depuis la tenue des conciles du xiiie s., de la présence des Lombards, qui y pratiquent la banque et le change, et devient enfin l'étape obligatoire des marchands et des troupes se rendant en Italie après l'annexion du Dauphiné au royaume de France en 1349. Elle renforce ainsi sa position dans le commerce international des épices, des draps, des laines, des pelleteries, etc.
Ralenti jusqu'en 1361 par les conséquences de la peste noire de 1348, l'essor économique de Lyon reprend rapidement. La bourgeoisie locale diversifie ses activités (hôtellerie, exploitation des mines d'argent, de plomb, de cuivre du Lyonnais), élimine les Lombards à son profit et sécrète un riche « patriciat » de douze à quinze familles. Mais, en les frappant plus durement que les juristes, qui tirent l'essentiel de leurs revenus de leurs offices, la récession, qui dure de 1415 à 1450 environ, contraint les bourgeois à céder le pouvoir à ces derniers.
Le xve s., temps des Juristes
L'incorporation de Lyon au domaine royal et sa constitution en commune ont entraîné dès le début du xive s. la prolifération des offices non plus seulement ecclésiastiques, mais aussi royaux et municipaux, et, par voie de conséquence, ont accru le rôle local des juristes, à la formation desquels concourent deux écoles de droit : celle de la cité, fondée en 1290, et celle du bourg, reconnue officiellement en 1302 par le roi. Accru, entre 1370 et 1450, de nombreux notaires d'origine rurale, le groupe des hommes de loi accapare les fonctions administratives et politiques à partir de 1430 et surtout à partir de 1447, lorsque le consulat, jusque-là, annuel et gratuit, devient biennal et rétribué. Dans la seconde moitié du xve s., ce groupe se constitue même en une classe sociale de robe, qui s'allie de plus en plus fréquemment par des intermariages à la bourgeoisie marchande, à laquelle il doit restituer vers 1495 le pouvoir municipal en raison du départ de ses élites vers Paris et les autres villes, sièges d'un parlement.
Lyon marché international au xve et au xvie s.
En fait, la bourgeoisie marchande conserve le pouvoir économique à Lyon au cours du xve s. Avec l'appui de Charles VII, qu'elle soutient entre 1420 et 1435, elle mâte les insurrections populaires hostiles à la fiscalité royale (rébeyne de 1436), puis reprend le contrôle de la production minière locale après la chute, en 1451, de Jacques Cœur, qui l'a stimulée. Surtout, elle bénéficie après 1450 de l'afflux des marchands banquiers italiens (Médicis, Gondi, Guadagni [ou Gadagne]), qui refluent alors d'Avignon après la fin du Grand Schisme, puis de Genève à la suite du déclin des foires de cette ville, aux dépens desquelles se sont développées les quatre foires créées par Charles VII (deux en 1420, une en 1444) et par Louis XI (une en 1464). Instrument de la politique antibourguignonne du Valois, qui tente également d'introduire à Lyon l'industrie de la soie en 1467 et plus heureusement celle de l'imprimerie en 1473, Lyon devient à la fin du xve s. un marché international fréquenté non seulement par les Italiens (Génois surtout), mais aussi par les marchands allemands d'Augsbourg, de Nuremberg, etc. La mutation des foires de marchandises (épices, soie) en foires de change à la fin du xve s., le nouvel essor d'industries (textiles, pelleterie, métaux, imprimerie), la présence presque constante des rois de France au temps des guerres d'Italie (1494-1526) incitent ces derniers et leurs représentants (le cardinal de Tournon en 1536) à emprunter à des taux très élevés (16 % parfois) auprès des banquiers de la ville – Strozzi, Hans Kleberger le Nurembergeois –, qui constituent, pour défendre leurs intérêts, le « Grand Parti », au profit duquel la dette flottante est consolidée à 5 % seulement le 18 mars 1555. En vain, car, en 1558-1559, il est entraîné dans la faillite financière qui marque la fin du règne d'Henri II. L'effondrement du commerce des épices à partir de 1575-1585, provoqué par la débâcle des foires, n'empêche pas le maintien d'une certaine activité bancaire, mais accentue le déclin économique de la ville, auquel seules échappent en partie l'industrie du livre et celle de la soie, qui prend un second départ en 1536 grâce à François Ier et à Etienne Turquet, mais qui ne s'affirme sur le plan économique qu'au xviiie s.
Crises et renouveau (xvie-xxe s.)
La vie intellectuelle de la ville, animée par Marguerite de Navarre, par Etienne Dolet (1509-1546) et par Sébastian Gryphe (1493-1556) est particulièrement intense au xvie s. ; c'est l'époque de l'école lyonnaise, illustrée par Maurice Scève, (1501-vers 1560), Barthélemy Aneau (?-1561), Antoine Héroët (vers 1493-1568), Pernette du Guillet (vers 1520-1545) et « la Belle Cordière », Louise Labbé (1524-1566). Favorisée par l'augmentation de la population (40 000 habitants en 1515, 50 000 en 1550, 60 000 en 1610, 90 000 en 1700, 120 000 en 1815) et par la croissance d'un prolétariat ouvrier non encadré par des corporations, facilitée enfin par l'émeute de la faim de 1529, la propagation de la Réforme aboutit aux révoltes religieuses de 1562-1563 et politiques de 1589. Perdant sa situation privilégiée de ville frontière du fait de l'annexion de la Bresse en 1601, définitivement supplantée par Paris comme capitale financière du royaume lors de la crise de 1709, la ville est étroitement contrôlée par les intendants (Trudaine, Bertin, Flesselles). Elle devient en 1790 le chef-lieu du département de Rhône-et-Loire. Girondine, refusant les excès de la dictature jacobine de J. Chalier en 1793, elle se révolte contre ce dernier le 29 et le 30 mai, et le fait guillotiner le 16 juillet. Assiégée par les troupes de la Convention (8 août-7 octobre), rebaptisée le 12 octobre Commune-Affranchie et réduite alors au seul ressort de l'actuel département du Rhône, elle connaît la Terreur montagnarde de Collot d'Herbois et de Fouché. De nouveau « Lyon » après le 9-Thermidor, elle élit des députés royalistes en 1796, puis républicains en 1797.
Elle reprend son essor au temps du consulat et de l'Empire grâce à l'introduction du métier Jacquart. Lyon devient une ville industrielle ; le tissage et la teinture attirent des milliers d'ouvriers : la population dépasse 100 000 habitants au milieu du xviiie s. Momentanément affaiblie par les révoltes des canuts en 1831 et en 1834, elle est sous le second Empire un grand centre ferroviaire et bancaire grâce à la construction du P.L.M. et à la fondation du Crédit Lyonnais en 1863. En 1869, l'ouverture du canal de Suez facilite son accès au marché extrême-oriental de la soie. Cependant, la grande industrie s'impose peu à peu, d'abord dans la fabrication de certains produits chimiques, puis dans la teinture, la mécanique, la construction électrique, les filatures de fibres artificielles et synthétiques, etc. La ville occupe alors la rive gauche du Rhône, la Guillotière et les Brotteaux, Monplaisir et Gerland : sa population, qui a dépassé 250 000 habitants au milieu du xixe s., plafonne aux environs de 450 000 pendant la première moitié du xxe s. La vie urbaine se développe dans les communes périphériques (Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Décines-Charpieu, Bron, Vénissieux, Saint-Priest, Saint-Fons) pour former une agglomération qui a déjà plus de 600 000 habitants en 1946.
Le développement monumental s'accentue au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle la ville a été, entre 1941 et 1944, la capitale de la Résistance française. À son histoire, au xxe s., doit être associé le nom de son maire E. Herriot.
L'ART À LYON
Le patrimoine artistique de Lyon est assez pauvre en regard de son importance économique et démographique. L'histoire des réalisations est souvent une « histoire en creux », celle des projets avortés ou des occasions manquées. « Ville de négoce » a-t-on coutume de dire en guise d'explication. Florence ne le fut-elle point ? L'énumération des œuvres ne peut, ici, dispenser d'une problématique. Plus qu'un hasard malheureux qui aurait écarté de Lyon les grands artistes, l'absence d'une grande noblesse et celle d'un parlement fournissent une réponse, mais aussi l'écartèlement entre le pouvoir communal et le pouvoir royal, puis l'écrasement du premier par le second, les destructions révolutionnaires, la centralisation contemporaine enfin, avec ses conséquences sociales et économiques.
Quant au Lyonnais, territoire exigu, ce n'est pas une véritable province artistique ; il n'a eu de réelle cohérence qu'aux temps féodaux. Ville d'Empire jusqu'en 1307, ville frontière jusqu'en 1601, Lyon accueillait des influences plus lointaines.
La ville est devenue l'un des principaux centres de l'archéologie gallo-romaine. D'importants vestiges romains ont été dégagés sur la colline de Fourvière, où s'est ouvert en 1975 le musée de la civilisation gallo-romaine.
L'art roman s'est manifesté à Lyon avec vitalité. Trois abbayes déjà fort anciennes furent rebâties : l'Ile-Barbe, Saint-Pierre et Saint-Martin d'Ainay, cette dernière consacrée en 1107. Sa coupole sur trompes, son abside en cul-de-four suggèrent des rapprochements avec les édifices du Velay. Les églises des monts du Lyonnais et du Beaujolais ont des coupoles surmontées de la même tour-lanterne, et leurs absides sont également décorées d'arcatures, agrémentées à Ainay d'un décor antiquisant très raffiné. La seconde floraison romane, au milieu du xiie s., semble déterminée par l'exemple de Vienne. L'ampleur des proportions, comparées à celles d'Ainay, le décor incrusté dans le mur – innovation venue d'Italie du Nord – se retrouvent dans le chœur de la cathédrale de Lyon, où des arcs trilobés rappellent des influences plus lointaines. Ce qui reste de roman dans l'église Saint-Paul se réfère encore aux origines viennoises. Les historiens de l'art médiéval ont raison de parler de « milieu rhodanien » plutôt que de « Lyonnais », marquant ainsi l'ouverture aux influences commandées par la géographie et par les dominations politiques et ecclésiastiques.
L'époque gothique est d'abord celle de l'achèvement de la cathédrale Saint-Jean, qui ne fut terminée qu'au xve s. L'élévation de la nef transpose en gothique l'ordonnance du chœur roman. Les baies du triforium peuvent, à elles seules, retracer l'histoire de la construction, évoluant d'un style roman antiquisant à un gothique fleuri. Les remarquables reliefs sculptés aux soubassements des portails de façade, d'inspiration nordique, ont été comparés à ceux du transept de la cathédrale de Rouen. Les verrières témoignent de l'existence d'ateliers encore mal connus, sensibles à l'exemple chartrain au xiie s., et d'une grande originalité iconographique. Deux églises symbolisent la croissance de la puissance bourgeoise et, avec elle, celle de la cité, qui, aux xiiie et xive s., s'étend sur la presqu'île entre Rhône et Saône : Saint-Nizier, de style flamboyant (le portail est plus tardif), et Saint-Bonaventure, seule église franciscaine subsistant en France, toutes deux abritant des confréries artisanales. Il ne reste presque rien de l'architecture civile d'alors depuis le remplacement de l'ancien pont de la Guillotière.
De la fameuse Renaissance lyonnaise, au contraire, subsistent une cinquantaine d'hôtels urbains qui se ramènent au même type : sur des parcelles étroites et profondes, les bâtiments de façade et ceux de derrière sont reliés par des loggias superposées au-dessus de la cour, l'escalier à vis étant logé dans une tour d'angle plus haute que l'ensemble. L'exemple de choix, dans ce « Vieux Lyon » percé de « traboules » (passages à travers les immeubles), entre pentes de Fourvière et Saône, est l'hôtel de Gadagne, devenu musée historique de Lyon et musée de la Marionnette. Mais on chercherait en vain un monument grandiose. Un seul projet d'envergure, celui d'une sorte de palais des foires, sans doute réclamé par les marchands étrangers, fut peut-être confié à Philibert Delorme (auteur de la galerie de l'hôtel Bullioud) et encouragé par le roi ; mais celui-ci en laissant le financement aux Lyonnais, éprouvés par la conjoncture politique, et l'affaire en resta là. C'est dans les souvenirs des « Entrées » royales ou princières – récits ou dessins – et surtout dans l'art du livre, illustré par des créateurs comme le xylographe Bernard Salomon (connu de 1540 à 1561), que l'on perçoit l'esprit de la Renaissance.
L'époque classique, par contre, est fertile en monuments. En 1646 fut commencée la construction d'une « maison de ville » ; l'allure primitive en a été bien modifiée par les restaurations de J. H.-Mansart et de Robert de Cotte, après un incendie où disparut l'ambitieux décor intérieur dû à Thomas Blanchet (1614 ou 1617-1689). C'était l'entreprise d'une municipalité qui avait perdu tout pouvoir réel depuis Henri IV. La royauté elle-même la poussait à se donner meilleure apparence et intervint aussi dans la restauration du couvent voisin des Dames-de-Saint-Pierre. L'austère façade de celui-ci doit beaucoup à l'architecture romaine du début du siècle ; la décoration intérieure du rez-de-chaussée révèle l'existence à Lyon d'un courant baroque plus fort qu'on ne l'attendrait d'une ville de tonalité sévère. La topographie urbaine, elle, ne pouvait guère se réclamer de celle des villes baroques : aucune percée dans la presqu'île, dont une grande part était aux mains des communautés religieuses. De la fin du xviie s., qui a également laissé plusieurs églises intéressantes, date la réalisation lyonnaise la plus connue, la place Bellecour (place Royale). Faute d'argent, cette campagne d'embellissement ne put être achevée que soixante ans plus tard (1738).
La personnalité de Soufflot domine l'activité architecturale du xviiie s. : héritier du baroque à l'église Saint-Bruno, qu'il décora dans sa jeunesse, il fut plus classique dans sa conception de la façade monumentale de l'hôtel-Dieu.
Les problèmes d'urbanisme sont débattus à la fin du siècle : deux grands projets prévoient l'extension de la ville, sur la rive gauche du Rhône et au sud de la presqu'île. Dans les deux cas, des quartiers au tracé régulier devaient être desservis par des canaux de dérivation et agrémentés de jardins. Mais ces entreprises dépassaient les possibilités financières de la ville, et l'extension anarchique les remplaça. Un projet peu connu de palais impérial, dans le quartier Perrache, eut le même sort que celui de Chaillot à Paris.
La « fabrique » occupait de nombreux peintres-dessinateurs en soierie ; l'éducation artistique, d'ailleurs, étaient souvent conçue à Lyon dans une optique utilitaire. Mais la réussite esthétique de Philippe de La Salle, rénovateur du tissage des soies brochées (1723-1804), et surtout celle du peintre Jean Pillement (1728-1808) marquèrent le xviiie s. lyonnais.
Destructeurs de maisons et de couvents, les Révolutionnaires eurent le mérite de créer dans l'ancien monastère de Saint-Pierre le musée des Beaux-Arts, qui s'y trouve encore. Cette fondation put influencer les peintres lyonnais du xixe s. En tout cas, c'est à la tradition davidienne que se rattache le double courant préraphaélite (Victor Orsel [1795-1850], Jean-Louis Janmot [1814-1892]) et ingriste (les frères Auguste [1804-1842], Hyppolyte [1809-1864] et Jean-Paul [1811-1902] Flandrin). Si l'on y ajoute le symbolisme de Puvis de Chavannes ainsi que les œuvres d'Auguste Ravier (1814-1895) et de Louis Carrand (1821-1899), qui décrivent la lumière extérieure à l'écart de l'impressionnisme et sans aucun esprit d'école, on perçoit l'existence d'un milieu riche, encore peu connu.
En architecture, la richesse de la ville et sa piété firent se multiplier les pastiches religieux, dont le plus notoire est la basilique de Fourvière. Au début du xxe s., Tony Garnier (1869-1948), guidé par une réflexion sociale, créa des édifices fonctionnels (hôpital Edouard-Herriot, stade, abattoirs…). Tandis qu'est entreprise la restauration du Vieux Lyon, des quartiers modernes se développent sur la rive gauche du Rhône. Les années 1970 voient le création du nouveau quartier de la Part-Dieu, centre culturel et commercial autour de la gare du TGV. Conçue par l'architecte Renzo Piano dans les années 1990, la Cité Internationale, aménagée entre le Rhône et le parc de la Tête-d'Or, est un vaste ensemble qui accueille notamment un Centre des Congrès internationaux, le nouveau siège d'Interpol, ainsi que le musée d'Art contemporain.
LES MUSÉES DE LYON
Le musée des Beaux-Arts, est l'un des quinze qui ont été institués en France par le décret consulaire de 1801 ; il occupe le palais Saint-Pierre, ancienne abbaye bénédictine des dames de Saint-Pierre (1659-1687). Il est riche d'une remarquable collection de sculptures (Mino da Fiesole, Coyzevox, les Coustou, Chinard, Daumier, etc.), ainsi que de peintures de toutes les écoles : œuvres de Largillière, Boucher, Prud'hon, Géricault (la Folle), Delacroix (Femme caressant un perroquet), Corot, Courbet (les Amants heureux), Manet, Claude Monet, Sisley, Gauguin (Nave nave Mahana), Braque, Dufy, etc. ; du Pérugin, de Q. Metsys, Cranach, Tintoret, Véronèse (Bethsabée), Rubens, Jordaens, Zurbarán, etc. (belle section hollandaise et flamande) ; rare série de peintres lyonnais du xixe s. (Berjon, Janmot, les Flandrin…) ; décoration monumentale de Puvis de Chavannes.
Le musée de la Civilisation gallo-romaine, inauguré en 1975, a été creusé et aménagé par Bernard Zehrfuss aux flancs du théâtre gallo-romain de Fourvière. Il regroupe des collections relatives à l'antique Lugdunum (bronzes, statues, épigraphie, sarcophages, mosaïques, etc.). L'une des pièces majeures est sans doute la Table claudienne table de bronze gravée portant le discours prononcé au Sénat romain par l'empereur Claude (48 après J.-C.).
Le musée Guimet d'histoire naturelle, installé en 1912 dans le bâtiment précédemment consacré aux collections d'É. Guimet, contient des antiquités assyriennes, égyptiennes, de l'Inde et de l'Extrême-Orient, ainsi que des collections ethnographiques, paléontologiques, etc.
Le Musée historique de Lyon, fondé en 1921 dans l'ancien hôtel d'Amé de Pierrevive (xvie s.), présente des fragments lapidaires, des étains, des faïences ; dans le même bâtiment, le musée de la Marionnette (dit « musée Gadagne »), fondé en 1946, fait une large place à Guignol et à Gnafron.
Le musée lyonnais des Arts décoratifs, dépendant de la Chambre de commerce de Lyon, a été installé dans l'hôtel Lacroix-Laval, construit par Soufflot (1739) ; très importante collection d'objets d'art.
Il est voisin du musée historique des Tissus, également géré par la Chambre de commerce et qui, fondé en 1856, regroupe une vaste série de tissus décorés selon toutes les techniques, des origines à nos jours. Citons encore le musée d'Art contemporain, le musée des Hospices civils, dans l'Hôtel-Dieu ; le musée de l'Imprimerie et de la Banque ; le Trésor de la cathédrale, etc.
LITTÉRATURE
Ce n'est qu'après le Moyen Âge que naquit vraiment une littérature lyonnaise qui atteignit son apogée avec l'école lyonnaise du xvie s., que dominèrent Maurice Scève, Barthélemy Aneau, Antoine Héroët, Pernette du Guillet et « la Belle Cordière », Louise Labé. Antérieures à l'éclosion de la Pléiade, leurs œuvres sont marquées de l'influence italienne et de celle de Marot.