Paul Gauguin
Peintre français (Paris 1848-Atuona, îles Marquises, 1903).
Voyageur dans l'âme, Paul Gauguin suit une trajectoire artistique qui fait la transition entre l'impressionnisme et le symbolisme. Par ses formes et ses couleurs, il exerce une influence décisive sur les peintres fauves et expressionnistes.
1. La vocation forcée
De sa prime enfance passée au Pérou, Paul Gauguin gardera le goût de l'inconnu. Il s'engage dans la marine en 1865, mais, suivant les conseils de son tuteur Gustave Arosa (qui est un collectionneur de peintures), il la quitte en 1871 pour entrer chez un agent de change parisien.
Marié en 1873 avec une Danoise, Mette-Sophie Gad, dont il aura cinq enfants, il peint le dimanche et fréquente l'académie fondée par l'Italien Filippo Colarossi. Camille Pissarro, ami des Arosa, le conseille et l'incite à participer, à partir de 1879, aux expositions impressionnistes ; il l'invite ensuite à travailler à Pontoise avec Jean-Baptiste Armand Guillaumin et Paul Cézanne, dont l'exemple pousse Gauguin à se détacher de l'impressionnisme.
À la fin de 1883, chassé de la Bourse par la crise économique, Gauguin tente d'abord de vivre de sa peinture à Rouen, où Pissarro et Claude Monet sont en relation avec de riches amateurs, puis il décide de faire du commerce au Danemark. Il échoue et regagne Paris en 1885, sans femme ni enfants. Son destin est scellé : pendant des années, il continue à rêver d'affaires, mais la peinture est devenue sa vie.
2. L'imprégnation bretonne
Au retour d'un premier voyage à Pont-Aven, Gauguin expose en 1886 les toiles qu'il en rapporte avec celles de la période de Rouen et du Danemark, aux tonalités denses et sourdes.
L'année suivante, faisant un séjour en Martinique où il s'essaye au métier de planteur, il y exécute des tableaux discrètement pointillistes où apparaissent l'exotisme et la couleur dont ses souvenirs du Pérou et ses voyages en mer ont inscrit les émerveillements dans sa mémoire (Bord de mer).
Le second séjour de Gauguin à Pont-Aven se situe en 1888. Des longues discussions avec le jeune Émile Bernard naît alors une esthétique nouvelle opposant au néo-impressionnisme le synthétisme (couleurs pures posées à plat, cernes sombres), dont la Vision après le sermon (1888) – ou la Lutte de Jacob avec l'Ange – est l'œuvre manifeste.
3. En Arles avec Van Gogh
Gauguin apparaît comme le chef de l'école symboliste au cours de cette période, où s'intercalent, de novembre à décembre 1888, le séjour en Arles chez Vincent Van Gogh et les toiles éclatantes (les Alyscamps). Gauguin quitte Van Gogh après une violente crise de folie de ce dernier. La Belle Angèle (1889), le Christ vert (1889) reflètent les préoccupations plastiques et morales de cette période, que va suivre le premier voyage à Tahiti (1891-1893).
4. L'appel de l'exotisme
La vie de Paul Gauguin s'est partagée entre l'Europe et les Tropiques. C'est la Polynésie qui lui insuffle une force créatrice nouvelle en faisant de lui le premier grand peintre à apprécier et à étudier les arts que l'on dit aujourd'hui « premiers », puis à en livrer les clés à l'Occident.
« Je pars pour être tranquille, pour être débarrassé de l'influence de la civilisation », déclare Gauguin avant de s'embarquer pour Tahiti, au printemps 1891. « Je ne veux faire que de l'art simple ; pour cela, j'ai besoin de me retremper dans la nature vierge [...] sans autre préoccupation que de rendre, comme le ferait un enfant, les conceptions de mon cerveau avec l'aide seulement des moyens d'art primitifs, les seuls bons, les seuls vrais. »
5. Reconnaissances d'artistes
Gauguin trouve à Tahiti l'univers relativement préservé dont il rêvait (Femmes de Tahiti, 1891). Mais, craignant à la fois les intrigues et l'oubli, il revient à Paris dès qu'il a suffisamment de tableaux nouveaux pour exposer chez Durand-Ruel (Arearea [ou Joyeusetés], 1892 ; la Lune et la Terre, 1893).
Voyant ses œuvres, Stéphane Mallarmé s'émerveille d'y trouver « tant de mystère dans tant d'éclat ». Non seulement les écrivains – dont August Strindberg et Charles Morice, avec lequel il compose son autobiographie, Noa-Noa (1897) – mais aussi les musiciens fréquentent son atelier.
Pourtant, le succès financier se fait attendre. Un procès perdu, une échauffourée à Concarneau, où des marins se moquent de sa compagne Annah la Javanaise, et Gauguin, écœuré par l'Europe, repart en 1895 pour Tahiti.
6. Enfer et paradis
À la religiosité confuse des œuvres bretonnes succèdent en Polynésie les grands mythes (plaisir, peur, mort), les formes massives aux couleurs saturées. La joie d'un retour aux sources baigne les tableaux de 1896 (Jours délicieux), puis l'angoisse s'infiltre (Nevermore, 1897).
Souffrant et déprimé par l'annonce de la mort de sa fille Aline, Gauguin pense au suicide. D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? (1897) a dès lors valeur de testament.
Le regain d'enthousiasme qui suit son installation au village d'Atuona, dans l'île d'Hiva-Oa, aux Marquises (1901), est générateur de chefs-d'œuvre où passe son sentiment d'un univers édénique (Contes barbares, 1902 ; Cavaliers au bord de la mer, ibid.). Gauguin exécute également des sculptures. Mais, épuisé par la maladie, par l'alcool et par de lancinants démêlés avec les autorités locales, il trouve la mort peu avant d'atteindre l'âge de 55 ans.
7. Citations
« Le laid peut être beau, le joli, jamais. »
Paul Gauguin
« Les impressionnistes cherchent autour de l'œil et non au centre mystérieux de la pensée. »
Paul Gauguin, cité par André Breton (le Surréalisme et la peinture).