domestication
Transformation d'une espèce sauvage en espèce soumise à une exploitation par l'homme, en vue de lui fournir des produits ou des services ; fait d'être domestique.
Introduction
On connaît mal les conditions initiales de la domestication, de même que l'origine des espèces domestiquées les plus courantes (chien, bœuf, cheval). On a longtemps pensé que les animaux avaient été domestiqués dans une seule région, d'où les techniques afférentes au processus de domestication auraient ensuite diffusé vers le reste du monde : on parlait de « foyer unique de domestication ». De nombreuses fouilles archéologiques effectuées au Proche-Orient, et plus particulièrement dans la région du Croissant fertile, avaient en effet apporté les témoignages d'une très ancienne domestication de caprins et de porcins. Mais des dates très proches ont été par la suite obtenues pour d'autres régions fort éloignées, ce qui prouve que la domestication des animaux n’a pas été un phénomène isolé ni unique.
Durant les deux dernières décennies, la conjonction des recherches dans différents domaines, telles l'archéologie, la paléontologie animale, l'ostéologie, ou encore la palynologie, conduit à penser que la domestication aurait pris place de façon quasi simultanée dans plusieurs régions du monde, dans un nombre limité de foyers.
Deux phénomènes ont dû se produire : la limite fixée à l'expansion d'une espèce par des barrières climatiques ou par un environnement contraignant (toundra ou désert) ; a contrario, l'essaimage de certaines espèces à travers plusieurs continents. Ainsi le dromadaire et le zébu, tous deux présents dans les régions désertiques et subdésertiques d'Afrique en raison de leurs qualités d'endurance et de résistance aux maladies, ont été domestiqués à peu près partout entre le VIe et le IIIe millénaire avant J.-C.
Le processus de domestication
Il y a 12 000 ans, l'homme savait déjà améliorer le rendement de la chasse grâce à des pointes de flèche et de lance en pierre polie ; il savait aussi poser des pièges et enfermer des animaux dans des enclos. Mais ce savoir-faire, indispensable dans le cadre d'une économie de subsistance, est insuffisant pour comprendre les étapes du processus de domestication : il n'explique pas pourquoi les hommes ont cherché à domestiquer les plantes et les animaux, ni les critères qui présidèrent au choix de la domestication de telle ou telle espèce.
Certains auteurs ont avancé des raisons religieuses pour expliquer la domestication : le bétail devait servir aux nombreux sacrifices offerts aux dieux. Il est vrai qu'en Inde, jusqu'à l'heure actuelle, la vache reste un animal sacré, mais elle n'est pas destinée au sacrifice (l'Inde possède le premier troupeau bovin du monde – près de 200 millions de têtes, ce qui représente un bovin pour quatre habitants). Les exemples ne manquent pas, qui attestent l'importance des animaux dans les systèmes religieux des anciennes civilisations (peintures rupestres, divinités, mosaïques, etc.), mais la domestication leur est bien antérieure.
Il faut plutôt se tourner vers la convergence de deux phénomènes mondiaux qui prennent place à cette époque – un formidable essor démographique et un rétrécissement des niches écologiques dû à un réchauffement climatique – pour jeter les bases d'une explication vraisemblable.
Les premières domestications sont contemporaines de la sédentarisation et de l'adoption d'une organisation villageoise (→ néolithisation). La gestion des ressources en nourriture d'une communauté est plus facile avec des animaux vivants, conservés dans un enclos ; elle apporte aussi, dans certaines régions, un remède aux famines et disettes provoquées par les aléas climatiques ; de même, la reproduction – et donc le nombre – des animaux est mieux contrôlée. Par ailleurs, changer les conditions de vie de troupeaux sauvages aboutit à modifier certaines caractéristiques physiques : on peut ainsi augmenter le poids en viande d'une race, sa production de lait, sa force musculaire. Tous ces progrès sont intervenus par étapes sur plusieurs millénaires, probablement à force d'observation et d'expérimentations.
Les premières espèces domestiquées
Le chien est le premier animal à avoir été domestiqué par l'homme. Si sa présence à l'état sauvage est attestée depuis plusieurs dizaines de millénaires – des ossements ont été retrouvés sur les sites du Paléolithique, et il fut probablement chassé pour sa viande –, les premiers restes de chiens domestiques, découverts en Palestine, datent de 9500 avant J.-C. ; dans le nord de la France, sa domestication remonte à 8000 avant J.-C.
Le chien a très probablement servi d'aide pour la chasse et la garde des troupeaux contre les prédateurs de toutes sortes, et, bien sûr, à partir du moment où l'homme a vécu en village, d'animal de compagnie.
Vieux de quelque 8 500 ans, les plus anciens restes du porc domestique ont été mis au jour en Turquie. Il semble toutefois que la domestication du porc ait eut lieu plusieurs fois, indépendamment, dans des régions différentes de l'aire de répartition du sanglier : Proche-Orient, Chine (Gansu, Hunan), et Europe centrale. Le sanglier et le porc domestique forment d'ailleurs une seule et même espèce (Sus scrofa) et sont interféconds ; c'est ce qui explique la possibilité du retour de nombreux porcs domestiques à la vie sauvage et leur croisement avec des sangliers.
La domestication des ruminants
Elle apparut vers 9000 avant J.-C. environ, au Proche-Orient et en Asie centrale. Celle des bovidés, qui suivit de peu la domestication des moutons et des chèvres, est attestée aux environs de 8000 avant J.-C. en Iraq : l'aurochs (Bos primigenius), ancêtre sauvage du bœuf domestique (Bos taurus), est trouvé aussi bien en Europe qu'au Proche-Orient ; on pense même aujourd'hui que Bos primigenius serait également la plus ancienne souche proprement africaine.
Les chameaux, les rennes et les ânes sont parmi les derniers animaux domestiqués en Europe et en Asie. Le tout dernier fut le lapin, que des moines français domestiquèrent seulement au vie s. après J.-C.
Le Nouveau Monde domestica l'alpaga, le lama, le canard, le dindon. Les autres seront importés sous leur forme domestique au moment de la conquête.
De la domestication à l'élevage
Or l'homme n'exploite pas aujourd'hui, à des fins alimentaires, plus de 50 espèces animales – sur des millions existant dans le monde (→ biodiversité). Cependant, on rencontre une grande variété de races au sein des espèces animales qui font l'objet d'élevage.
L'élevage peut être défini comme « l'ensemble des opérations qui assurent la reproduction, l'entretien et l'utilisation des animaux domestiques », à des fins alimentaires, mais aussi pour leur force de traction et leur utilité dans la vie quotidienne. Très tôt dans l'histoire des hommes, on voit se répandre un élevage dit « de proximité », qui comprenait les pigeons, les coqs, les poules, les oies (leur rôle fut déterminant dans la défense de Rome contre les Gaulois, si l'on en croit la légende), les canards, les lapins.
À tous ces animaux allaient s'ajouter la pintade, venue d'Afrique, puis beaucoup plus tard le dindon et le cobaye, originaires d'Amérique. La basse-cour assure une quantité non négligeable de nourriture pour les hommes dès le IVe millénaire. L'élevage du porc entre également dans cette même catégorie. Il demande peu de travail, cet animal se nourrissant des déchets que l'homme laisse autour de lui.
Les élevages particuliers
L'abeille tient une place particulière dans la domestication. Très tôt, les Grecs se sont intéressés aux techniques de l'apiculture. À l'époque romaine, l'élevage des abeilles était déjà très populaire : Caton et Pline le décrivent et Virgile lui a consacré de longs passages dans ses Bucoliques.
Dès l'Antiquité, l'élevage du ver à soie (la chenille du bombyx du mûrier), ou sériciculture, est très pratiqué pour obtenir des fils utilisables dans le textile.
La pisciculture et aujourd'hui, à plus vaste échelle, l'aquaculture – la reproduction et l'élevage des organismes aquatiques (poissons, mollusques, algues) ainsi que le repeuplement – sont venues relayer la pêche dans plusieurs pays du monde.