Le climat de guerre civile se précise : sabotages, enlèvements, agressions, assassinats se multiplient sans susciter de réactions de la part des autorités, totalement dépassées par les événements. Aux exécutions politiques viennent s'ajouter, à partir de fin mai, les condamnations à mort des trafiquants de drogue ordonnées par l'ayatollah Khalkhali chargé officiellement de mener la lutte contre les stupéfiants. Fin juin, l'imam Khomeiny, qui intervient de plus en plus dans les affaires de l'État depuis l'amélioration de son état de santé, lance une sévère mise en garde sommant les dirigeants iraniens, et en particulier Bani Sadr, d'agir rapidement pour mettre fin à la détérioration de la situation ou bien de partir pour laisser la place « à des personnes plus efficaces ».

Au Kurdistan, les combats, qui ont repris fin mars, se poursuivent presque sans répit, et l'offensive de l'armée s'accompagne d'un blocus économique sévère qui affecte durement la population civile déjà éprouvée par les opérations militaires. Au début de juin, les forces gouvernementales contrôlent pratiquement l'ensemble du Kurdistan, à l'exception de Mahabad, la capitale politique kurde maintenue d'un commun accord à l'écart des combats.

Guérilla

Tandis que les forces autonomistes retranchées dans la montagne se préparent à une longue guerre de guérilla, 6 membres du comité central du PDKI, le plus important des groupes autonomistes en lutte contre l'armée, annoncent le 18 juin leur ralliement à l'imam Khomeiny. Une scission est également signalée au sein de l'organisation marxiste-léniniste des Fedayin Khalq, dont la majorité proclame son appui à l'imam Khomeiny en invoquant les menaces d'intervention étrangère.

La révolution est également menacée sur le plan économique. Totalement désorganisée par l'anarchie révolutionnaire, l'industrie iranienne ne tourne plus qu'à 15 % de sa capacité et a cessé d'exporter tous les produits autres que le pétrole, dont la production a notablement baissé. D'autre part, la production quotidienne d'automobiles (le secteur le plus important après le secteur pétrolier) est tombée de 380 à 300 unités au cours des dernières semaines de mai ; celle des produits pharmaceutiques représente 60 % du niveau de la production d'avant la révolution, et dans d'autres secteurs, comme la fabrication des tapis, la production est nulle. Selon le gouverneur de la Banque centrale, le pays compte 2 millions de chômeurs et les denrées de première nécessité ont augmenté de 30 à 40 %, malgré les subventions gouvernementales.

Pour faire face à l'embargo américain et aux mesures de boycottage économique moins sévères adoptées par les pays de la CEE et par le Japon, Téhéran semble amorcer vers la fin avril une réorientation économique vers les pays socialistes et du tiers monde pour diversifier ses échanges internationaux. Le 20 juin, un protocole d'accord irano-soviétique est signé à Moscou. Il prévoit le resserrement de la coopération économique et industrielle entre les deux pays et l'aménagement de routes de transit à travers l'URSS dans le cas où les États-Unis imposeraient à l'Iran un blocus naval. Les livraisons de produits alimentaires originaires des pays de l'Est remplacent graduellement celles venant naguère de l'Occident. Ces accords s'accompagnent d'une offensive iranienne vers les sociétés relevant des pays n'ayant pas participé aux sanctions occidentales ; des contrats importants sont proposés à ces sociétés afin de faire face à l'effet des sanctions qui devrait se faire sentir au cours du second semestre de 1980.

Séismes

Deux violents tremblements de terre ont secoué le nord-est de l'Iran à treize jours d'intervalle. Le premier, d'une magnitude d'environ 6,7, aurait fait, le 14 novembre 1979, plusieurs centaines de morts et plus de mille blessés. Le deuxième, du 27 novembre, avait une magnitude légèrement supérieure à 7, mais, selon l'agence de presse officielle Pars, il n'aurait fait ni victimes ni dégâts.

Dossier : le monde islamique

L'islam est une foi et un culte qui, fondés par un Arabe de La Mecque au début du viie siècle de notre ère, ont été, dès l'origine, l'inspirateur d'un pouvoir politique parce que la révélation islamique, à la différence de l'Évangile, n'a pas eu lieu dans les limites d'un État ou d'un empire déjà existant. Dire Islam, c'était — et c'est encore en grande partie — dire État(s) musulman(s) et ordre socio-économique musulman. Les musulmans, aujourd'hui, sont concentrés dans une bande à peu près régulière au nord de l'Équateur, depuis l'Atlantique jusqu'au Pacifique. Tous les pays arabes sont musulmans, en Afrique entièrement, en Asie très majoritairement auprès d'antiques minorités chrétiennes (sauf au Liban et en Israël qui n'est que minoritairement arabe, sauf si l'on compte comme arabes les Juifs d'Israël originaires de pays arabes), soit quelque 120 millions.