C'est en Asie extrême-orientale qu'ils sont le plus nombreux, soit environ 400 millions, Indonésie, Inde, Pakistan et Bangladesh principalement. Entre cette masse musulmane indienne et insulindienne et la masse musulmane arabe, il y a l'Afghanistan, l'Iran et la Turquie, entièrement musulmans. Voilà donc un ensemble de pays qu'on peut appeler musulmans parce qu'ils sont peuplés de musulmans, même si leurs régimes politiques et sociaux ne sont pas tous islamiques, c'est-à-dire inspirés de l'islam. Il faut ajouter à ces pays musulmans deux franges importantes, quoique minoritaires dans leurs pays : au nord, en Europe sud-orientale (Albanie principalement), dans l'Asie centrale soviétique, en Chine (dans le Sin-kiang notamment, qui est de langue turque) et aux Philippines ; et, au sud, en plusieurs pays d'Afrique noire, principalement en Somalie, Niger, Nigeria, Mali, Sénégal. La progression de l'islam en Afrique noire est un fait frappant. Il y est en effet souvent ressenti comme une religion et une culture typiques du tiers monde anticolonialiste, à la différence du christianisme.
Cette bande musulmane, qui ceinture le globe à l'exception du continent américain, n'est pourtant pas uniforme ni homogène. Il y a d'abord une grande variété de langues et de cultures, il y a aussi différentes tendances dans l'islam lui-même, depuis ses origines et au cours des premiers siècles de son expansion. Il faut distinguer principalement entre les musulmans sunnites (qu'on traduit souvent par orthodoxes), qui constituent l'immense majorité, et les musulmans chiites (ou shiites) imāmites, qui sont largement majoritaires en Iran, légèrement majoritaires en Iraq, et ont une minorité appréciable au Liban, mais aussi en Arabie Saoudite, à Bahrein, au Koweït, en Inde. La divergence entre sunnites et chiites était d'ordre politique, lors de la succession du fondateur de l'islam, Mahomet, que les chiites ne voulaient attribuer qu'à Ali, son gendre et son cousin, et à ses descendants. Elle est devenue dogmatique sur certains points de la foi musulmane, principalement par l'attente pour les chiites du retour de l'imām (chef politico-religieux authentique), occulté loin de la terre des hommes depuis la fin du ixe siècle.
Dans l'intervalle, les hommes de science religieuse chiite doivent s'efforcer, à chaque génération, de fournir collégialement aux gouvernants et à l'opinion publique des conseils conformes à l'inspiration de l'imām occulté. C'est ainsi que la révolution islamique iranienne (Journal de l'année 1978-79) a pu être inspirée et conduite par les religieux chiites dont le principal, Khomeiny, s'est vu reconnaître le titre et le rôle institutionnel de « imām de ce temps » auprès du président de la République islamique d'Iran. Contrairement à ce qui a parfois été dit, ce grand mouvement politique iranien d'inspiration islamique a trouvé un large écho dans l'ensemble des pays musulmans sunnites. C'est que, depuis plusieurs années déjà, un mouvement de réconciliation tolérante entre sunnites et chiites imāmites a pris forme, ces derniers étant considérés désormais comme l'une des écoles juridiques musulmanes traditionnelles auprès des quatre grandes écoles juridiques sunnites — l'école malékite, qui a cours en Afrique du Nord ; l'école hanbalite, qui a cours surtout en Arabie Saoudite ; l'école hanafite, répandue en Turquie et dans l'Orient arabe ; l'école chaféite, enfin, qu'on trouve aussi en Orient arabe et en Extrême-Orient.
Même tolérance œcuménique à l'égard des sectes musulmanes originelles que sont les Ibadites (ou Kharidjites) de l'Oman et du Mzab algérien, et les Zaïdites du Yémen. Les premiers sont les héritiers des tout premiers sécessionnistes musulmans qui entendirent défendre un principe de succession politique purement démocratique, sans dynastie ni désignation préalable. Les Zaïdites, eux, sont des chiites qui n'attendent pas le retour d'un imām occulté, mais se réclament d'une dynastie, issue de Ali, autre que celle des chiites imāmites. Les groupes chiites dits extrémistes, nés au xe et au xie siècle, sont jusqu'à présent exclus de la communauté musulmane sunnite et chiite modérée. Ce sont les Druzes, à la religion initiatique ésotérique et syncrétique, localisés aujourd'hui dans une région montagneuse implantée à la fois en Syrie, au Liban, en Galilée, avec de fortes solidarités familiales. La rivalité entre les Druzes et les chrétiens maronites au Liban est ancienne, et le leader de la gauche libanaise, dite palestino-progressiste ou islamo-progressiste dans la guerre civile de 1975-1976, était un chef de famille druze, les Joumblatt (Journal de l'année 1976-77). L'autre groupe chiite extrémiste, ce sont les Alaouites (ou Noçaïrï) de Syrie, dont la croyance est syncrétiste et inclut la divinisation et le culte d'Ali. Le gouvernement syrien actuel est la chose de cette minorité alaouite, d'où — entre autres facteurs — des malaises dans la population syrienne, qui est majoritairement sunnite. Notons encore les ismaïlites, autre secte chiite extrémiste, grandes familles localisées en Syrie et en Inde, avec à leur tête la famille du très riche Agha Khan.