Cette révolution libérale a eu pour conséquence de relancer très fort la concurrence et l'activité dans ce secteur du transport aérien que l'on avait pu croire un moment assagi, après les contrecoups de la crise pétrolière de 1974. Nouvelles lignes, nouveaux services, nouveaux tarifs se multiplient partout, et les constructeurs d'avions sont assaillis de commandes : c'est le boom.
Personne ne se cache que cette chaude bagarre, lancée alors que les coûts s'envolent à nouveau (notamment pour les carburants), présente des risques graves. Mais ceux qui en ont pris l'initiative savent ce qu'ils font : les compagnies américaines ont en général une efficacité meilleure et des coûts moindres que leurs concurrentes. À terme, elles devraient donc renforcer leur part du marché mondial.
Pour l'heure, on ne perçoit guère encore que les aspects positifs de la dérégulation. En France (l'un des rares pays à résister aux pressions américaines), une nouvelle compagnie, la texane Braniff, a obtenu le droit d'exploiter l'Atlantique Nord au départ de Paris. Trait significatif : entre l'automne 1978 et le printemps 1979, Braniff avait ouvert 50 lignes et inauguré 18 escales rien qu'aux États-Unis. L'Europe et l'Asie allaient connaître la deuxième phase de son offensive.
La compagnie nationale Air France a, elle aussi, participé au mouvement en lançant sur certaines destinations un produit original, des vols-vacances à bas tarifs. La compagnie française ne s'était guère illustrée jusqu'ici dans le transport de masse et la conquête de couches nouvelles de clientèle. Il s'agit donc d'un changement de politique, d'ailleurs bien étudié (les tarifs-vacances correspondent à des prix de revient en baisse, prestations réduites et haute densité sur des avions gros porteurs) et rendu possible par le redressement des résultats (800 millions de F de marge brute d'autofinancement en 1978 pour l'activité subsonique — mais aussi 99 millions de F de pertes pour Concorde).
On peut évidemment se demander si de tels résultats pourront être réédités dans l'avenir. Démocratisation, dérégulation, rigueurs de l'environnement économique rendent les compagnies fragiles. Un signe : quatre mois après le lancement de ses vols-vacances, Air France en avait déjà relevé deux fois les tarifs, pour suivre les hausses du pétrole.
SNCF
Le libéralisme qui a soufflé sur la SNCF devrait déboucher, quant à lui, sur une amélioration des résultats de la société nationale... et il venait de moins loin que New York. Après d'autres secteurs, c'est en effet dans les transports que le gouvernement de Raymond Barre a voulu réintroduire le libre jeu des lois du marché, ainsi que le recommandait le rapport Guillaumat remis en juillet 1978.
Or, à la SNCF, les concours financiers de l'État ont atteint le coquet total de 15 milliards de F en 1978 (dont 5,5 milliards à la caisse de retraite des cheminots, mais aussi 3,2 milliards de subvention d'exploitation). C'est donc à une redéfinition de leurs rapports qu'ont procédé l'État et la société nationale en signant un contrat d'entreprise, qui stipule, pour la période 1979-1982, les grandes orientations et les engagements réciproques. Fixant des objectifs de développement des trafics (2,7 % par an pour les voyageurs, 1,4 % par an pour les marchandises), le contrat prévoit principalement le retour vers une certaine vérité des tarifs en accordant un maximum de liberté à la SNCF : quasi totale pour les tarifs marchandises, beaucoup plus limitée pour les voyageurs, mais avec la possibilité de jouer sur les tarifs annexes (couchettes, réservations, etc.) et les suppléments.
En outre, la contribution de l'État aux charges d'infrastructure se trouve substantiellement réajustée (contrairement aux conclusions du rapport Guillaumat) et se trouve par exemple majorée de 35 % en 1979.
Au total, les nouvelles possibilités de gestion offertes à la SNCF devraient améliorer ses résultats financiers, et la subvention d'équilibre qui lui est versée chaque année pour équilibrer ses comptes devrait passer de 3,3 milliards de F en 1979 à 2 milliards en 1982.
Dosage
Quoique de façon moins spectaculaire, la même politique s'est manifestée ailleurs : dans le transport maritime, avec un autre contrat d'entreprise signé par la Compagnie générale maritime ; dans le transport routier, par une simplification de la réglementation et une libéralisation de la concurrence ; ou dans les transports parisiens, dont un projet de loi, en avril 1979, visait à transférer la charge sur la région et non plus sur l'État. La levée de boucliers des élus parisiens apportait alors une nouvelle illustration au débat que provoque l'application d'une politique libérale dans les transports : comment doser la recherche de l'efficacité et le respect du service public ?
Une expérience parlée
La RATP a équipé un de ses autobus (le 91, Bastille-Montparnasse) d'un appareil qui annonce aux voyageurs, outre le nom des stations de départ et d'arrivée, celui de chacun des arrêts. Cette expérience, qui devrait s'avérer concluante, pourrait être étendue à tout le réseau.
Construction navale
Le repli commence à s'organiser
Cette fin des années 70 aura été une époque charnière pour la construction navale. La crise qui sévit depuis 1974 a atteint son paroxysme et, face à ce changement durable de leur environnement, les chantiers s'adaptent — certains disparaissent purement et simplement. De nouvelles structures émergent, qui seront sans doute celles de la construction navale de l'an 2000.