Le deuxième cas de figure, plus volontariste, est illustré par une firme comme Matra, dont l'éventail de fabrications s'ouvre vers des produits de plus en plus sophistiqués, en particulier dans l'électronique. Dans le même esprit, Saint-Gobain-Pont-à-Mousson parie aussi sur l'électronique, tandis que Renault, tablant sur des perspectives de croissance à long terme prometteuses, joue à fond la carte du poids lourd, malgré les déceptions du moment. Chaque fois, il s'agit d'améliorer la valeur ajoutée, c'est-à-dire de privilégier le qualitatif au détriment du quantitatif. Même la sidérurgie l'a compris qui, dans son plan de redressement, affirme sa volonté de produire davantage d'aciers nobles, quitte à ce que la production globale d'acier n'augmente plus. Certes, la politique de diversification n'est pas une découverte récente, beaucoup d'entreprises la pratiquaient bien avant la crise. Le fait nouveau est qu'il s'agit moins d'avoir plusieurs cordes à son arc que de rechercher des types de produits susceptibles à la fois de dégager de fortes marges et d'être compétitifs par rapport aux fabrications de masses intégrant peu de valeur ajoutée et beaucoup de main-d'œuvre à bon marché.

Implantation étrangère

Autre forme de redéploiement, la délocalisation consiste à attaquer la concurrence sur son terrain et avec les mêmes armes. Les concurrents ainsi visés ne sont pas forcément les firmes basées à Hongkong, Singapour ou T'aï-wan qui, de fait, mènent la vie dure aux entreprises françaises dans des domaines comme le textile, les jouets ou l'électronique. Rares sont, en effet, les firmes françaises qui s'installent dans le Sud-Est asiatique. Plus généralement, les Français préfèrent renforcer leur implantation aux États-Unis, marché qui a le double mérite d'être gigantesque et solvable. D'où les investissements de Michelin, Renault ou Air liquide sur le territoire américain. Dans certains cas, comme celui de Moulinex, ce n'est pas de renforcement qu'il faut parler, mais de création pure et simple.

Sous la pression des circonstances, les entreprises ont aussi compris que ces aventures lointaines ont plus de chances de réussir quand elles s'accompagnent d'un accord en bonne et due forme avec un producteur local qui facilite, sur place, les problèmes de commercialisation. C'est ainsi que Renault a fait affaire, pour les automobiles, avec American Motors, et, pour les camions, avec Mack.

L'amélioration de la gestion interne et l'ouverture sur l'étranger caractérisent le nouvel état d'esprit des entreprises. Mais ce n'est pas tout. En période de vaches maigres, aucune recette n'existe. Le sens de l'opportunité, le goût du risque, la disponibilité sont devenus autant d'atouts indispensables dans la guerre mondiale des industries. Cela explique peut-être que, dans leur politique de recrutement à un haut niveau, les entreprises cherchent davantage des fonceurs que des temporisateurs. À cet égard, si la crise parvient à secouer les dirigeants de l'industrie française, ce sera au moins un mérite.

Énergie

La menace de pénurie risque de peser longtemps

L'examen du bilan énergétique de la France et surtout de son évolution depuis le début de la crise en 1973 apporte quelques enseignement significatifs. En cinq ans, la consommation totale n'a augmenté que de 4 %, pas davantage qu'en une seule année avant la crise ; la consommation de pétrole a diminué, alors que c'était elle qui augmentait le plus vite ; enfin l'énergie nucléaire a commencé, en 1978, sa longue marche en avant. Les chiffres montrent l'inévitable lenteur des évolutions dans un secteur industriel lourd et à forte inertie, mais ils sont orientés dans un sens favorable, en tout cas conforme à la politique que la France a mise en vigueur dès 1974.

Effort d'économie

Le plus important est sans doute ce qui se voit le moins, à savoir l'effort d'économie qui a permis de freiner la consommation d'énergie beaucoup plus fortement que ne ralentissait l'activité elle-même (d'augmenter le coefficient d'élasticité énergie/PIB, comme disent les économistes). On a calculé que, sans cet effort, la consommation totale en 1979 atteindrait 204 millions de tonnes-équivalent-pétrole au lieu des 187 actuellement envisagées. La consommation de pétrole, notamment, serait supérieure de 28 millions de tonnes, et la facture pétrolière serait de 76 milliards de F au lieu de 62. Un nouvel effort d'économie d'énergie a été décidé par le gouvernement, le 20 juin 1979.