En septembre s'amorce donc, sur des données nouvelles, une campagne électorale où la gauche peut aussi jouer son rôle, puisque le récent vote pour la centrale syndicale Histadrouth, considéré comme une répétition générale du prochain scrutin législatif, vient d'infliger au Front ouvrier gouvernemental une perte de 5 % des suffrages au profit des Panthères noires gauchistes, qui se présentent pour la première fois et atteignent le score de 2 %. Tandis que le parti communiste prosoviétique Rakah enlève le tiers des voix des travailleurs arabes.

Guerre

Brusquement, ces menaces en feux croisés s'effacent pour un temps, remplacées par un danger extérieur bien plus grave pour le gouvernement, qui l'avait imprudemment oublié : la guerre.

Ni les ministres responsables ni les chefs de l'armée n'ont tenu compte des rapports des services secrets qui l'annonçaient dès le printemps 1973 et, avec insistance et précision, pendant les derniers jours de septembre. Lorsque, le 6 octobre 1973, se déclenche soudain la double attaque syro-égyptienne. Tous les Israéliens, même les non-pratiquants, respectent la trêve sainte du Kippour ; la plupart des soldats sont en permission, les voitures au garage, les familles priant à la synagogue ou chez soi, sans écouter la radio. Sur tous les fronts, où les généraux pataugent, la déroute se chiffre, d'heure en heure, par centaines de morts, blessés, prisonniers ; le long du canal de Suez, la ligne Bar Lev n'est pas plus efficace que ne le fut en France la ligne Maginot.

La catastrophe totale est frôlée de près, et l'arrière, qui s'organise à la hâte, l'apprend aussitôt malgré la censure et les rodomontades des porte-parole de l'armée. Entre-temps, le général Sharon constate amèrement qu'il a eu raison de dénoncer les erreurs d'un gouvernement de vieux. Il reprend son uniforme et pointe vers le canal à la tête de ses blindés. Furieux d'être réintégré sous les ordres du général Gonen (qui sera accusé, six mois plus tard, d'incompétence, de mensonge, et retiré du service actif), il doit attendre une longue semaine avant d'obtenir le feu vert pour tenter et réussir la traversée du canal et la percée consolidée en Égypte.

Le voilà héros, à nouveau, sacré vengeur de l'humiliation malgré la censure qui interdit le plus longtemps possible de citer son nom. À ses soldats qui crient : « Vive le roi Arik ! » (au lieu de « Vive le roi David ! »), il laisse tomber du haut de son char : « Quelle belle campagne électorale ! »

Élections

À peine interrompue par la trêve de la guerre de seize jours, qui a plutôt échauffé les passions et alimenté l'hostilité envers les dirigeants, la campagne électorale reprend de plus belle malgré le souci de sérénité qui fait reporter le scrutin d'octobre au 31 décembre. De cette compétition, où s'engage l'avenir du pays pendant que son destin est l'enjeu des négociations de Genève, sort un parlement ingouvernable qui ne satisfait personne, image du trouble profond des consciences. Les dissidents travaillistes de la Défense des droits civiques s'emparent de 3 sièges, et les communistes prosoviétiques du Rakah ont 4 députés au lieu de 3, mais plusieurs groupuscules disparaissent. Ainsi les Panthères noires, contrairement aux indications des élections syndicales de septembre. Et, à droite, la Ligue de défense juive dont les électeurs éventuels ont sans doute préféré reporter leurs voix vers le Likoud, qui totalise 39 sièges, soit 7 de plus que lorsque ses candidats se présentaient en ordre dispersé. Ce qui est insuffisant pour gouverner avec un parlement de 120 députés, qui exige une majorité absolue de 61 voix.

Retour au pouvoir presque aussi difficile pour le Front du travail gouvernemental, qui, perdant 5 sièges, n'en totalise plus que 51.

Se croyant l'arbitre absolu de la situation, son allié habituel, le Parti national religieux, qui garde 10 sièges sur ses 12 du précédent Parlement, pose des conditions mises en réserve depuis longtemps. Notamment le droit exclusif pour les autorités religieuses de reconnaître la qualité de juif ou de non-juif à chaque citoyen. Désignée fin janvier pour former un nouveau gouvernement, Golda Meir résiste à ce chantage.