Le régime saoudien affrontait simultanément un autre problème majeur : en raison de l'augmentation des revenus pétroliers, les avoirs saoudiens s'entassaient dans les banques étrangères, tandis que les devises étrangères (en particulier le dollar) se dévalorisaient. L'instabilité monétaire dans le monde menaçait sérieusement les finances de l'État.

Les possibilités d'investissements productifs étant limitées dans le royaume, ainsi que dans le monde arabe (où l'état de guerre endémique interdit des engagements financiers étendus), il ne restait plus qu'à réduire la production pétrolière. Zaki Yamani, le roi Fayçal lui-même, dans des déclarations publiques, ont franchement expliqué dès le printemps de 1973 que le brut enfoui sous les sables du désert avait, à leurs yeux, davantage de valeur potentielle que celui que l'on commercialisait, puisque le prix du pétrole devait inéluctablement augmenter au fil des années.

Washington

La politique de Fayçal ne compromet pas les relations avec Washington, dont les intérêts fondamentaux ne sont pas atteints. Malgré l'embargo, le pétrole saoudien continue à affluer aux États-Unis, comme en témoignent les statistiques publiées par le département du commerce américain. Les bénéfices de l'ARAMCO (la principale société concessionnaire) doublent en 1973 par rapport à l'année précédente, passant de 1,7 milliard à 3,2 milliards de dollars.

La hausse du prix du brut renchérit surtout les produits de l'Europe et du Japon, grands consommateurs de pétrole arabe, avantageant ainsi l'industrie et la balance commerciale des États-Unis. Le taux du dollar se raffermit sur les marchés mondiaux.

Ayant atteint ses principaux objectifs, le roi Fayçal ne tarde pas à manifester d'une manière explicite son amitié pour les États-Unis. Il assouplit ses positions concernant le conflit israélo-arabe, selon les vœux de Washington. Le 14 janvier, il se déclare disposé à lever l'embargo si le président Nixon devait seulement déclarer qu'il était en faveur de l'évacuation de tous les territoires occupés par l'État juif.

Il renonce cependant à cette exigence, et ses représentants votent, à la conférence des producteurs arabes du brut à Vienne, le 18 mars, en faveur de la suppression de l'embargo. Le 25 mars, la reprise des livraisons aux États-Unis reprend officiellement ; quatre jours plus tard, l'ARAMCO est autorisée à accroître l'extraction d'hydrocarbures du sol saoudien. Le 5 avril, les gouvernements de Riyad et de Washington, dans un communiqué conjoint, réaffirment la nature de leurs relations privilégiées et s'engagent à intensifier leur coopération dans tous les domaines.

Le 15 avril, on apprend que plusieurs accords militaires ont été conclus, ou sont en négociation, entre les deux capitales. Washington assurera la modernisation de la garde nationale saoudite (sorte de force prétorienne) pour une somme de 335 millions de dollars. La société Raytheon Corporation of America livrerait un système de défense aérienne coûtant 270 millions de dollars. Selon des informations non confirmées, Riyad dépenserait 850 millions de dollars aux États-Unis pour le développement de sa marine de guerre.

Par comparaison, les achats du roi Fayçal en France demeurent particulièrement modestes. Fin septembre 1973, on apprend que le royaume wahabite acquérera 38 Mirage III. Le 5 janvier, on annonce que l'Arabie Saoudite s'est engagée à livrer à la France, en trois ans, trente millions de tonnes de pétrole en échange d'armement.

La visite qu'entreprend Michel Jobert à Riyad, à partir du 24 janvier, n'aboutit à aucun résultat concret, malgré les efforts du ministre des Affaires étrangères de conclure un accord de troc assurant à la France la fourniture de 800 millions de tonnes de brut en vingt ans.

Bahreïn

Manàma. 220 000. 335. 2,9 %.
Économie. Énerg. (*71) : 7 186.
Transports. (*71) : 11 300 + 4 000.
Information. (68) : *215 000. (70) : *13 000. (70) : 9 800 fauteuils ; fréquentation : 1,4 M. (71) : 13 000.
Santé. (69) : 116.
Éducation. (69). Prim. : 36 612. Sec. et techn. : 13 051. Sup. : 310.
Institutions. État indépendant le 15 août 1971. Constitution du 6 décembre 1973. Chef de l'État et président du conseil d'État (gouvernement) : cheikh Issa ben Salman el-Khalifa.

Rétorsion

Sous la pression des nationalistes au sein de la principauté, et aussi pour répondre aux vœux du roi Fayçal d'Arabie Saoudite avec lequel il est très lié, le cheikh Issa ben Salman el-Khalifa, chef de l'État, s'engage résolument aux côtés de l'Égypte et de la Syrie lors de la guerre d'octobre. Il réduit la production pétrolière (environ 3 millions de tonnes par an) de 35 %, soit 30 % au-delà du taux mensuel fixé le 17 octobre 1973 par l'Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (OPAEP). Il est vrai que les dirigeants de Bahreïn ont intérêt à ne pas épuiser trop rapidement leurs modestes gisements. Malgré tout, les revenus pétroliers pour l'année 1973-74 sont trois fois plus élevés que ceux de l'année précédente, grâce à l'augmentation du prix du brut.