La formule retenue, en visant à faire disparaître les barrières administratives et psychologiques existant entre diverses activités de formation, aboutit à une utilisation à plein temps des locaux et du matériel. Il s'ensuit une certaine polyvalence des locaux. Ainsi le collège d'enseignement secondaire a aussi vocation de maison de quartier, et chacun des autres groupes scolaires dispose de maisons d'enfants. Les classes – alvéoles aux limites modifiables où s'exercent des activités qui n'ont plus rien de commun avec une pédagogie classique – ne sont plus des milieux clos, mais des espaces privilégiés pour apprendre, d'où les adultes ne sont pas exclus.

Ce décloisonnement, cet échange permanent, qui revêt parfois l'aspect d'une sympathique pagaille, représente un authentique pas en avant vers l'ouverture de l'école sur la vie, même s'il provoque parfois pour quelques enseignants, voire quelques élèves, des troubles d'adaptation bien compréhensibles. Le ministère de l'Éducation nationale, qui en a fait un secteur expérimental, a suivi avec intérêt, tout au long de l'année 1972-73, ces essais de rénovation pédagogique afin d'en tirer des conclusions pour l'avenir de l'enseignement.

Dans les moyens qui sont offerts aux enseignants, figurent bien entendu les ressources techniques du centre audiovisuel. Dans celui-ci s'élaborent déjà les programmes d'une télévision personnalisée, appelés à être distribués grâce au réseau par câbles dont est équipée la Villeneuve.

Mais ce laboratoire se veut largement ouvert lui aussi. Ainsi, quatre mères de famille ont tourné elles-mêmes un film de vingt minutes sur les difficultés qu'a soulevées un moment l'absence de crèches. Des professeurs d'anglais, de français ont fait interpréter des textes par leurs élèves devant la caméra. Une personne âgée a raconté sa vie à la Villeneuve...

Expériences passionnantes qui comportent cependant des écueils. Entre autres celui de voir les équipements collectifs monopolisés par les habitants d'un certain niveau intellectuel, au détriment des individus moins évolués pour lesquels ils sont pourtant plus nécessaires.

Contre cette tendance, les animateurs professionnels, dont les postes ont été créés bien avant l'arrivée des premiers locataires, ont déjà tenté de réagir.

Trop jeune pour être jugée, d'autant qu'une partie des équipements n'est pas achevée, la Villeneuve de Grenoble a au moins le grand mérite d'être un creuset où bouillonnent les innovations. Si elle ne prétend pas « résoudre tous les problèmes de la société française », elle entend au moins réinventer les rapports humains dans les villes et permettre à des citoyens d'exercer pleinement leurs responsabilités dans les domaines les plus divers. Par ces aspects, la Villeneuve n'est sans doute qu'un outil du bonheur. Conviendra-t-il à ceux pour qui il a été fabriqué ?

Bourgogne

Fragilité de l'unité régionale

Une soudaine dégradation de l'esprit régional en Bourgogne s'est produite en 1972. Des querelles ont surgi entre la Côte-d'Or et la Saône-et-Loire : le rôle de Dijon comme métropole d'équilibre a été contesté en Saône-et-Loire, dans la Nièvre et même dans l'Yonne.

Tout cela à cause du projet de la SNCF de construire une voie nouvelle pour turbotrain, directe entre Paris et Lyon, qui éviterait Dijon.

Des études topographiques ont déjà été réalisées : l'ouverture de la ligne entre Saint-Florentin et Mâcon est prévue pour 1978, entre Paris et Lyon pour 1980.

Le projet connu, une Association d'études des liaisons rapides interrégionales (AELRI) se constitue à Dijon sous l'impulsion de Marcel Elias, un jeune cadre de l'industrie, et Z. Kornprobst, directeur de l'IUT et adjoint au maire de Dijon.

Cela se passait au début de 1971. L'association proteste contre un tracé qui oublie les régions intermédiaires entre deux grandes métropoles. Des apaisements sont donnés ; le projet inscrit au VIe Plan est reporté au VIIe.

Mais la polémique s'envenime dans le second semestre de 1972, et l'AELRI publie, fin 1972, un manifeste adressé à 2 000 notables de la Côte-d'Or et des communes traversées en principe par la future voie : « On est en droit, déclare l'association, de se demander quel est le soutien apporté à Dijon lorsque l'on parle de ligne directe par turbotrain Paris–Lyon. Cette politique devient inacceptable au moment où apparaît comme un leitmotiv la notion de villes moyennes... Dijon n'est pas encore une métropole d'équilibre à part entière ; elle n'est sans doute déjà plus une ville moyenne, mais il est certain que son avenir de métropole régionale, pôle d'équilibre dans l'intérieur du triangle Paris–Lyon et Metz–Nancy est lié directement aux futurs réseaux de communication. »