Pour Saint-Quentin surtout, cette marque de sollicitude des pouvoirs publics était la bienvenue. Cette ville de quelque 75 000 habitants, la plus grosse localité de l'Aisne, a en effet un passé industriel assez brillant dans les secteurs textile et mécanique. Or, entre 1962 et 1970, le nombre des emplois dans les entreprises industrielles de 10 salariés et plus n'est passé, dans la région de Saint-Quentin, que de 25 380 à 26 535.
Les industries alimentaires, le textile, l'habillement et la métallurgie ont stagné ou même régressé. La chimie a très légèrement augmenté. En 1971, l'évolution n'a pas été meilleure. Le secteur industriel a perdu 317 emplois, dont 260 occupés par des femmes ; mais si l'on inclut le bâtiment, ce sont plus de 440 emplois qui ont disparu.
Ces reculs se produisent à un moment où la population jeune arrive sur le marché du travail : elle est donc obligée d'aller chercher ailleurs un emploi, ceux qui sont offerts sur place n'ayant pas grand-chose pour séduire les jeunes qui ont une qualification technique, commerciale, juridique ou financière.
Il était donc nécessaire de venir en aide à cette partie de l'Aisne qui a toujours eu une vocation industrielle. Il fallait surtout attirer des usines nouvelles pour éponger la crise du textile et faire oublier la cruelle fermeture, en 1964, de Bull (1 500 personnes qualifiées avaient été licenciées).
Ne rien faire comportait le risque de voir basculer vers le sud l'économie du département. Le Sud, en effet, bénéficie en priorité des retombées de la politique qui consiste à freiner la croissance de la région parisienne. Pour une firme de Montreuil ou de Pantin qui étouffe dans ses murs, il est plus attrayant de se décentraliser vers Soissons ou Château-Thierry, à proximité de l'énorme complexe industriel et tertiaire de Roissy-en-France, plutôt que d'aller s'exiler au nord de l'Aisne, dans la Thiérache agricole et à la lisière de la frontière franco-belge. C'est pourquoi, alors que le niveau de l'emploi industriel stagnait dans les régions septentrionales, il connaissait une progression sensible au sud (passant de 10 180 à 12 970 emplois entre 1962 et 1970 dans la région de Soissons, de 4 130 à 6 530 à Château-Thierry).
Mais la prime accordée par les pouvoirs publics n'est pas un remède miracle. En 1972, la SOPAD, filiale de Nestlé, est la seule industrie qu'on cite à l'envi : elle va installer à la limite du canton de Saint-Quentin une usine qui comptera à terme 1 000 à 1 500 emplois. Implantation positive certes, mais qui reste insuffisante par rapport aux besoins.
Si la région a arithmétiquement besoin d'emplois nouveaux, elle a aussi un besoin impérieux d'emplois qualifiés. La plus grosse entreprise de Saint-Quentin, Motobécane (3 300 personnes), se développe et embauche 100 à 200 personnes supplémentaires chaque année ; la très grande majorité des salariés sont des OS. Conséquence : ni la technologie ni le niveau des salaires, donc dans une certaine mesure la masse monétaire régionale, n'y gagnent beaucoup.
Les responsables locaux et les spécialistes de l'aménagement du territoire saisissent d'ailleurs fort bien les limites incitatives du système des primes de développement régional. La subvention n'a qu'un effet temporaire, tandis que les équipements d'infrastructure, qui profitent à toute la collectivité, ont une utilité beaucoup plus durable.
L'industrialisation, en effet, ne dépend pas tant de primes d'État attachées à un canton ou à une ville que d'un ensemble d'éléments attrayants et entraînants qui concernent les infrastructures de transport, les logements, les terrains disponibles, l'appareil culturel, l'environnement, le niveau de qualification et la stabilité de la main-d'œuvre et, enfin, le dynamisme des responsables locaux. Tout n'est pas parfait dans l'Aisne et à Saint-Quentin, mais des efforts se font en faveur de la cité industrielle.
« À plus long terme, Saint-Quentin a des atouts », affirme le maire, le sénateur Braconnier, lui-même directeur commercial d'une entreprise. « C'est d'abord l'autoroute A26 Calais–Reims, qui passera à 2 km de la ville. C'est, ensuite, la mise à grand gabarit du canal de Saint-Quentin, prévue pour le VIIe Plan. C'est, enfin, la réalisation, avec le concours du conseil général, d'une voie express vers Compiègne, qui nous mettra en prise directe avec l'autoroute A1. Car, il ne faut pas se leurrer : la capitale administrative de la Picardie n'est pas Amiens mais Paris. »
Haute-Normandie
Une nouvelle manière de vivre en ville
Rouen est une ville coupée en deux par la Seine. Sur la rive gauche, les activités industrielles, les cités-dortoirs ; sur la rive droite, les activités commerciales, les bureaux, les paisibles rues bourgeoises et, surtout, l'ancienne cité avec ses voies étroites du Moyen Âge et ses vieilles maisons à colombages.