sanglier
Habitant, depuis environ 700 000 ans, les forêts et les régions boisées d'Europe, le sanglier n'a pas changé. Les prodigieuses facultés d'adaptation dont il fait preuve lui ont permis de s'acclimater avec aisance sur tous les continents où l'homme l'a conduit et de devenir le grand mammifère le plus répandu à la surface du globe.
1. La vie du sanglier
1.1. Des animaux facilement adaptables et très sociables
Le sanglier s'adapte à toutes sortes de milieux, forêt, garrigue, maquis, marais ou zones à forte dominante agricole, à condition d'y trouver de l'eau pour s'abreuver et prendre son bain de boue. Demeurant dans son gîte pendant la journée, il sort au coucher du soleil et parcourt son territoire pendant une partie de la nuit.
Très sociables, les sangliers se déplacent par groupes matriarcaux de 2 à 5 animaux, constitués des laies et de leur progéniture. La femelle dominante est la plus âgée et la plus massive. Les jeunes mâles de 1 à 2 ans vivent en périphérie du groupe. Hormis en période de rut, les mâles de plus de 2 ans sont plutôt solitaires.
Dès que l'occasion se présente, les sangliers profitent des trous d'eau et des flaques pour se rouler dans la boue. Ces souilles, parfois utilisées par plusieurs d'entre eux à la fois, sont des lieux de rencontre privilégiés. Lorsque ce bain de boue est terminé, l'animal va se frotter sur les arbres avoisinants, marquant aussi les troncs à coups de canines, ceux des conifères de préférence.
Souffles, grognements, cris, ébrouements ou crissements de dents accompagnent les activités du sanglier. Parmi les sons les plus fréquents, un long soufflement est signal d'inquiétude ou d'alarme, un long grognement bas traduit la méfiance, un grognement sourd (« vrouff ») annonce la fuite.
Un vaste domaine vital
Marchant presque toujours au pas alterné ou au trot, le sanglier parcourt de 2 à 14 km par nuit. En forêt, il utilise toujours les mêmes passages, créant des coulées. Les gîtes, ou bauges, où il passe la journée, sont établis à même le sol ou légèrement creusés avec le boutoir et les pattes antérieures. En règle générale, ils diffèrent d'un jour à l'autre, sauf pour les laies suitées ou proches du terme, qui sont plus sédentaires. Un sanglier sillonne en moyenne en 24 heures un domaine vital de 50 à 75 ha. Le domaine vital mensuel et annuel d'un mâle, plus important que celui d'une femelle, varie de 300 à 15 000 ha. Les sangliers d'un même groupe matriarcal exploitent le même domaine vital saisonnier. D'un groupe à l'autre, les domaines peuvent se recouvrir, mais, alors, ils ne sont pas utilisés simultanément.
Une armure pour les combats
Une armure pour les combats
Les mâles cherchent plutôt à s'éviter, sauf en période de rut, au cours de laquelle ils s'affrontent violemment. S'élançant l'un contre l'autre, ils se frappent de la tête et tentent mutuellement de se renverser en se servant de leurs canines acérées comme d'armes. Avant le rut, une véritable armure protectrice se forme sur les épaules, l'échine et les flancs. Souvent renforcée par une couche de résine que le sanglier acquiert en se frottant aux troncs des conifères, cette masse de tissu conjonctif, recouverte par une peau pouvant atteindre 6 cm d'épaisseur, ne plie pas et, lorsque l'animal marche, fait un mouvement de va-et-vient au-dessus des muscles.
1.2. Un mâle conquérant, une mère attentive
Pendant la période du rut, de novembre à janvier, le mâle adulte recherche activement les femelles réceptives, au point d'en négliger souvent son alimentation. Dès qu'il approche d'une harde, il chasse les jeunes de l'année précédente qui sont encore dans le groupe. Et, si cela est nécessaire, il livre combat contre ses rivaux pour conquérir des femelles – trois le plus souvent, mais quelquefois jusqu'à huit.
Durant les préliminaires, parfois longs, le sanglier mâle salive, urine, émet divers sons et flaire le groin, les flancs et la région ano-génitale de la laie en lui donnant de légers coups de boutoir sur le ventre. Si elle s'éloigne, il la poursuit puis pose son groin sur son dos. Si la femelle refuse l'accouplement et s'arrête pour uriner, il flaire son urine, dont l'odeur le renseigne sur l'état sexuel de celle-ci. L'accouplement, qui peut durer assez longtemps et se renouveler plusieurs fois, a lieu lorsque la laie s'immobilise et prend une posture rigide, reins cambrés. Lorsqu'il a couvert toutes ses conquêtes, le mâle les abandonne et retourne à sa vie solitaire.
La fécondité croît avec l'âge
La gestation est en moyenne de 115 jours (un peu moins de 4 mois), mais peut durer de 100 à 140 jours. Peu avant la mise-bas – celles d'un même groupe sont souvent synchrones –, chaque femelle gestante s'isole à l'abri d'un arbre ou d'un buisson épais et prépare un nid en forme de chaudron, parfois tapissé de végétaux. Une portée peut compter de 1 à 12 petits ; une laie jeune met bas 3 marcassins ; une laie plus âgée et plus lourde a, en moyenne, 6 petits. Ceux-ci, presque glabres, sont fragiles. Leur mère ne les lèche pas, mais les flaire fréquemment. Pour allaiter, elle se couche sur le côté et les appelle avec un grognement bas et continu : chaque marcassin s'approprie une mamelle, qu'il stimule par des massages afin de faire monter le lait. La tétée, toutes les 55 minutes environ, dure quelque 400 secondes (6 minutes 40) la première semaine et moitié moins la deuxième semaine.
Les groupes matriarcaux se reforment de 1 à 5 semaines après les mises-bas. C'est alors une période très importante pour la socialisation des jeunes, qui sont sevrés entre 3 et 4 mois après leur naissance. Les jeunes mâles de l'année s'éloignent entre la fin de décembre et la fin de février, et gravitent quelque temps en périphérie du groupe. Les jeunes femelles ne quittent la harde qu'à la fin d'avril.
1.3. Des glands aux charognes, le sanglier mange tout
Le sanglier est un omnivore qui se nourrit en grande partie de végétaux tout au long de l'année. En Europe, son alimentation est variée : les études ont montré que l'espèce consomme plus de 52 sortes de plantes différentes. Au printemps, le sanglier a une prédilection pour les tiges (chaumes) et les feuilles de graminées. Les fleurs et graines de céréales cultivées et d'essences forestières seraient primordiales en été et à l'automne. Ainsi, au mois d'août, dans l'Hérault, des fèces de sanglier collectées dans des cultures à gibier étaient constituées pour 81 % de leur poids sec par des restes de blé, alors que les restes des glands de chênes verts formaient 93 % de celles récoltées dans le maquis. En fin d'hiver, l'animal peut également se contenter des baies du lierre, par exemple, mais en général ce sont les parties souterraines (bulbes et racines) qui lui permettent de vivre en cette saison et qu'il recherche en fouillant le sol de son groin.
En Camargue, le riz et le maïs représenteraient environ 80 % de l'alimentation des sangliers entre septembre et octobre. En hiver, ils sont remplacés par les bulbes de scirpe maritime (Scirpus maritimus) et les pousses de phragmite commun, ou roseau commun (Phragmites communis).
En Europe centrale, glands et faines sont les plus consommés, en saison, mais les sangliers mangent aussi les feuilles de fougère aigle (Pteridium aquilinum), des épilobes (Epilobium), de la grande berce (Heracleum sphondylium), de l'herbe aux goutteux (Aegopodium podagraria) et du plantain (Plantago).
Des insectes aux poissons
La part des éléments de source animale dans l'alimentation du sanglier est loin d'être négligeable. Elle serait plus importante pour les jeunes sangliers, sans toutefois dépasser 20 % de leur alimentation. Le sanglier peut se nourrir de charognes diverses, de lièvres et de chevreuils blessés par les chasseurs, de rongeurs comme les souris, d'œufs et de petits oiseaux, de lézards, de serpents, de grenouilles, de moules, de sauterelles, de crustacés.
Au cours de ses déplacements, il vermille : avec le groin, il fouille, à la recherche des vers ou les parasites des arbres tels que larves de hannetons et de mouches à scie, ou chenilles de papillons. L'importance des vers de terre (lombrics) dans les selles de sangliers, et donc dans leur alimentation, a également été montrée. Le sanglier se nourrit aussi d'insectes (notamment de coléoptères adultes). Les sangliers observés en Camargue profitent même, en hiver, de poissons trouvés morts.
1.4. Milieu naturel et écologie
Espèce largement chassée, le sanglier a une vaste aire de répartition naturelle. On le rencontre pratiquement de l'Atlantique au Pacifique et il faisait partie de la faune indigène des îles suivantes : Irlande, Corse, Sardaigne, Sri Lanka, Andaman, Japon, Taiwan, Hainan, Sumatra, Java. Il a été exterminé dans les îles Britanniques – avant d'y être réintroduit –, en Scandinavie et en Égypte. En revanche, il a été introduit dans de nombreuses autres îles et aux États-Unis.
Les premiers cochons débarqués aux États-Unis sont ceux qui ont été emportés par les Polynésiens aux îles Hawaii au xe siècle et par les Espagnols dans le sud-est du pays au début du xvie siècle. Le sanglier européen a également été introduit pour la chasse. Aux États-Unis, il est maintenant présent du Texas à la Floride et aux Carolines, en Californie, sur les 8 îles principales d'Hawaii, à Porto Rico et sur les îles Vierges.
En France, on trouve des sangliers sur tout le territoire, excepté en haute montagne au-delà de la limite des alpages dans les Alpes ; mais l'analyse de la répartition des tableaux de chasse montre que les plus faibles densités se situent dans l'Ouest et l'extrême Nord. Les plus fortes concentrations sont dans le Midi et en Corse.
Le sanglier s'adapte à toutes sortes d'habitats pourvu qu'il y ait de la nourriture, une végétation haute où il puisse se dissimuler, de l'eau pour boire et prendre ses bains de boue. Les grands massifs forestiers feuillus ou mixtes sont son domaine de prédilection, surtout s'ils sont peu visités et si leur étage inférieur est riche en fourrés, ronciers ou bruyères, où il peut se bauger au sec et à l'abri du vent. Mais on le rencontre aussi dans le maquis méditerranéen, les garrigues, les landes ou les marais. Il peut même habiter des zones de culture où la surface boisée résiduelle n'atteint que 10 %. En montagne, l'été, il peut monter jusqu'aux alpages les plus élevés. S'il le faut, il nage bien et longtemps. Il supporte aisément les rigueurs de l'hiver grâce à son pelage qui, d'octobre à mai, est constitué de grosses soies et de bourre épaisse.
Il aménage la forêt
Fouillant la terre à longueur d'année, le sanglier l'aère et la modifie. En contribuant à la dissémination et à l'enfouissement des graines, il joue un véritable rôle de paysagiste pour la forêt : il provoque le remplacement de certaines espèces d'arbres par d'autres, ainsi celui des chênes par des bouleaux ou des épicéas, et participe de façon importante au brassage génétique des champignons zoochores (disséminés par les animaux), notamment de ceux à fructifications souterraines (hypogés).
En limitant le nombre de souris qu'il trouve occasionnellement en fouillant la terre, et en mangeant quantité de chenilles et de larves, le sanglier favorise le bon état sanitaire des arbres et peut même être utile aux agriculteurs. Ainsi a-t-on trouvé dans un estomac de sanglier 2 litres de chenilles de bombyx, de 1 500 à 2 000 vers blancs et 1,4 kg de chrysalides de sphinx du pin et de tenthrèdes.
Le goût du sanglier pour les vers de terre l'expose à une grave maladie : la parasitose pulmonaire à Metastrongylus. Une étude a montré qu'en forêt de Chambord, sur les sites de nourrissage favoris des sangliers, 100 % des vers de terre étaient porteurs de larves de Metastrongylus. Cette maladie pourrait entraîner des pertes importantes par pneumonie parasitaire chez les jeunes sangliers non encore immunisés.
Concurrents et prédateurs
Le blaireau occupe une niche écologique voisine de celle du sanglier et peut être pour lui un compétiteur. Il y a également des similitudes saisonnières entre le régime alimentaire du sanglier et celui d'autres ongulés sauvages, comme le mouflon ou le chevreuil.
En Europe occidentale, les prédateurs du sanglier sont rares. On cite souvent le renard du fait d'observations de poils de sanglier dans les laissées de cet animal, mais rien ne prouve qu'il ne s'agit pas plutôt de cas de nécrophagie. Les chiens errants ont peut-être un rôle dans la mortalité des marcassins. En tout cas, il est certain que les loups, dans les régions où ils sont encore abondants, ont une influence sur la dynamique des populations de sanglier. Ainsi, dans la réserve du Caucase, les loups détruisent-ils parfois des hardes entières de sangliers. Mais ils s'en prennent surtout aux petits encore allaités et aux jeunes, évitant les laies et les mâles aux défenses imposantes. Les lynx, les chats sauvages, les panthères des neiges et les léopards peuvent également être des prédateurs du sanglier. Les ours ne le sont qu'occasionnellement, à la différence du tigre, dont le sanglier peut représenter la nourriture principale en Asie du Sud-Est.
En France et dans les pays européens, de nos jours, c'est la chasse par l'homme qui est responsable de la plupart des morts de sanglier.
2. Zoom sur... le sanglier Sus scrofa
2.1. Sanglier (Sus scrofa)
Le sanglier est un mammifère de taille moyenne avec une tête allongée et pointue, un cou trapu, des pattes très courtes et un corps massif de forme cylindrique. Le groin, mobile, est tronqué et muni d'un cartilage circulaire à son extrémité. Il est renforcé par un os spécial, le prénasal, situé sous l'extrémité des os nasaux du crâne. La mauvaise vue est compensée par un odorat, une ouïe et un goût développés.
Le pelage se compose de très grosses soies noires longues de 10 à 13 cm au niveau du garrot et de 16 cm au bout de la queue. Leurs pointes sont rousses, souvent bifides ou même plus divisées. Ces soies dépassent d'une épaisse bourre de poils très serrés. L'ensemble du pelage a une coloration noire, grisâtre ou roussâtre, plus grise en été et plus noire en hiver. Les pattes et le pourtour du boutoir sont noirs. Ce dernier est nu et gris. Les poils des joues sont plus clairs et longs. Une crinière suit la ligne du dos à partir du front et se hérisse en cas de colère. La mue annuelle a lieu en mai-juin, plus tard chez la laie suitée. Elle débute par la perte de la bourre du ventre et finit avec la perte des soies de la crinière. Le sanglier de 6 mois a le poil plus long, rude et roux : on l'appelle « bête rousse ». À un an, il fonce et devient « bête noire », ou « bête de compagnie ». L'année suivante, les défenses sortent de la gueule du mâle, alors appelé « ragot ». Il quitte la compagnie, puis devient successivement « tiers-an », « quartanier », « vieux sanglier » et « grand vieux sanglier » (au-dessus de 6 ans). Un vieux mâle qui vit seul est dit « solitaire ». Un mâle est dit « miré » vers l'âge de 5 ans, quand ses défenses (canines inférieures) se recourbent, ou lorsqu'un grès (canine supérieure) est cassé ou manquant et que la défense correspondante se recourbe jusqu'à pénétrer la peau.
Le sanglier ne transpire pas, à cause de l'atrophie de ses glandes sudoripares. Les bains de boue assurent sa régulation thermique.
Le sanglier est un animal monogastrique : il n'a qu'un seul estomac à 2 chambres, contrairement aux ruminants comme les antilopes, qui ont un estomac à 4 chambres. Malgré cela, son côlon et son cæcum contiennent des acides gras volatils qui résultent de la fermentation microbienne de la cellulose, comme dans le rumen (panse) des ruminants.
La laie est mature sexuellement entre 8 et 18 mois (9 mois en moyenne) ; elle pèse alors au moins 35 kg. Le mâle est mature à 9 ou 10 mois en moyenne, lorsqu'il pèse 30 kilos.
On distingue plus de 25 sous-espèces de sanglier sur des critères morphologiques et en fonction de leur répartition.
SANGLIER | |
Nom (genre, espèce) : | Sus scrofa |
Famille : | Suidés |
Ordre : | Artiodactyles |
Classe : | Mammifères |
Identification : | Stature épaisse, cou court et pattes fines ; pelage dense, museau long et effilé ; canines saillantes chez les mâles adultes. Marcassins : rayures brunes longitudinales |
Longueur : | Jusqu'à 1,80 m. Hauteur au garrot : jusqu'à 1 m |
Poids : | Entre 50 et 350 kg |
Répartition : | Europe (sauf Grande-Bretagne, Irlande, Islande et Scandinavie), Asie centrale et méridionale, Afrique ; introduit en Amérique du Nord |
Habitat : | Forêts de feuillus |
Régime alimentaire : | Omnivore |
Structure sociale : | Solitaires (mâles) ou petits groupes de femelles avec petits |
Maturité sexuelle : | De 8 à 20 mois |
Saison de reproduction : | Rut en hiver, naissance au printemps |
Durée de gestation : | 3 mois, 3 semaines et 3 jours |
Nombre de jeunes par portée : | Jusqu'à 10 marcassins ; parfois 2 portées par an |
Longévité : | Moyenne : 10 ans (potentielle, 27 ans) |
Effectifs : | Non connus avec précision ; plusieurs centaines de milliers d'animaux en Europe |
Statut : | Espèce chassée, non menacée ; la sous-espèce Sus scrofa riukiuanus (Japon) est vulnérable |
Remarque : | Le porc domestique est issu de cette espèce |
2.2. Signes particuliers
Canines
Les canines continuent à pousser pendant toute la vie de l'animal. Le mâle a 4 canines très développées ; celles du bas, ou défenses, qui se recourbent en arrière avec l'âge, sont caractéristiques des suidés ; elles s'aiguisent contre les grès, ou canines supérieures, et sont coupantes comme des rasoirs. Le record de longueur pour les défenses serait détenu par un sanglier mâle abattu en Pologne en 1930 (défenses de 30 cm). Les défenses de la laie sont appelées « crochets » ; elles restent petites et sont invisibles à gueule fermée. La dentition complète définitive est typique d'un omnivore. La formule dentaire est, par demi-mâchoire : I 3/3 ; C 1/1 ; PM 4/4 ; M 3/3.
Groin, ou boutoir
Le groin cartilagineux est un organe à la sensibilité tactile très développée. L'odorat est également très performant et permet à l'animal de repérer ennemis ou nourriture à plus de 100 m de distance.
Pied
Le sanglier a 4 doigts à chaque pied (les doigts 2, 3, 4 et 5), mais les doigts 2 et 5 sont rudimentaires. Les doigts proprement dits comprennent chacun un métatarsien qui est prolongé de trois phalanges. Sur les empreintes du sanglier (de 6 à 7 cm de large), les gardes, ou doigts 2 et 5 (postérieurs), marquent le sol à toutes les allures, quel que soit le terrain. La longueur du pas d'un sanglier adulte est de 30 à 40 cm.
3. Les autres espèces de suidés
La famille actuelle des suidés compte cinq genres. Elle est répartie en Eurasie au sud du 48e parallèle, latitude nord, sur toutes les îles continentales telles les Philippines et les Célèbes, sur toute l'Afrique et à Madagascar. Elle comprend aussi bien des espèces communes comme les phacochères ou les potamochères que des espèces en voie de disparition tels le sanglier nain, le babiroussa ou le sanglier à moustaches. Les rapports entre les différentes espèces et sous-espèces de la famille ne sont pas encore fermement établis (au sein du genre Sus : des sous-espèces ont été élevées au rang d'espèces ; de même, deux espèces de phacochère et de potamochère, là où on n'en voyait auparavant qu'une, ont été distinguées). La poursuite de l'emploi des techniques de génétique moléculaire (A.D.N. mitochondrial par exemple) ou de cytogénétique devraient permettre de mieux préciser encore les relations entre les différentes espèces au sein de la famille.
Les autres espèces de suidés sont :
3.1. Sanglier à moustaches (Sus barbatus)
Identification : longueur de 90 à 180 cm ; poids de 50 à 150 kg. 6 paires de mamelles chez la femelle. Favoris clairs s'étendant du coin de la bouche jusqu'aux oreilles ; faible pilosité. Marcassins rayés horizontalement.
Répartition : péninsule de Malacca (Malaisie), îles de Sumatra et de Bornéo, Philippines.
Comportement : groupes de 4 ou 5 animaux, parfois plus, se cachant le jour et se nourrissant sur les cultures la nuit. Les populations du nord-est de Bornéo entreprennent deux fois l'an une migration vers le sud.
Reproduction : peuvent avoir jusqu'à 11 petits.
Effectifs, statut : les sangliers à moustaches sont intensément chassés sur une grande partie de leur aire de répartition, là où il n'y a pas de tabous alimentaires à l'encontre des porcins. Ils sont souvent tués en raison des dégâts qu'ils causent aux cultures. Bien que leurs effectifs se soient considérablement réduits, l'espèce reste commune.
3.2. Sanglier des Visayas (Sus cebifrons)
Identification : proche du sanglier à moustaches, dont il était jadis considéré comme une sous-espèce. Il n'a pas de moustaches, mais le mâle arbore une grosse touffe de poils hirsutes sur le dessus de la tête.
Répartition : endémique des îles Visayas, dans les Philippines.
Effectifs, statut : en danger critique d'extinction, en raison de la destruction de son habitat, de la chasse et des persécutions – car il est souvent considéré comme un ravageur –, mais aussi à cause de l'hybridation avec d'autres espèces de suidés et de l'existence de maladies introduites.
3.3. Sanglier des Philippines (Sus philippensis)
Identification : ressemble au sanglier à moustaches (mais sans moustaches), dont il était jadis considéré comme une sous-espèce.
Répartition : Philippines.
Effectifs, statut : vulnérable.
3.4. Sanglier des Célèbes (Sus celebensis)
Identification : longueur de 90 à 180 cm ; poids de 50 à 350 kg. 6 paires de mamelles chez la femelle.
Répartition : île des Célèbes. A été introduit dans plusieurs des îles de la Sonde.
Effectifs, statut : espèce commune. Il est chassé ou capturé pour sa viande, commercialisée.
3.5. Sanglier à verrues ou de Java (Sus verrucosus)
Identification : longueur de 90 à 180 cm ; poids de 50 à 350 kg. 6 paires de mamelles chez la femelle. Trois verrues de chaque côté de la tête : une en avant de l'œil, une sous l'œil et une à l'angle inférieur de la mandibule.
Répartition : Java.
Effectifs, statut : espèce menacée par la destruction de son habitat, la chasse (pour sa viande) et les persécutions (parce qu'il cause des dégâts aux cultures).
3.6. Sanglier nain (Sus salvanius)
Identification : longueur de 50 à 65 cm ; hauteur au garrot de 23-30 cm (mâles) ou de 20-22 cm (femelles) ; queue de 22-36 mm. Poids : mâles de 7 à 12 kg, femelles de 6 à 7 kg. Les mâles sont plus grands et ont de plus grosses canines. 3 paires de mamelles chez la femelle. Groin pointu, parfois une bande de poils blancs sur les joues, crête de soies sur l'échine. Nouveau-nés uniformément gris-rose puis rayés.
Répartition : limité à deux réserves (Manas Wildlife Sanctuary et Barnadi Wildlife Sanctuary) du nord-ouest de l'Assam (dans le nord-est de l'Inde). A disparu du Bangladesh, du Bhoutan et du Népal.
Alimentation : racines, tubercules, insectes et autres invertébrés.
Comportement : petits groupes familiaux. Gestation d'environ 100 jours, portée de 2 à 6 petits. Naissances d'avril à juin.
Effectifs, statut : espèce très menacée (en danger critique d'extinction) en raison de la pression des populations humaines (agriculture, urbanisation, déforestation, modification du réseau fluvial). Quelques centaines d'individus dans la réserve de Manas, et sans doute moins de 50 dans celle de Barnadi. Protégé par l'Indian Wildlife Act ; au niveau international, l'espèce est inscrite à l'Annexe I de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction) ; elle fait l'objet d'un programme de reproduction en captivité.
3.7. Potamochère (Potamochoerus porcus)
Identification : longueur de 1 à 1,5 m ; poids de 75 à 130 kg. De brun acajou à noir avec des bringeures blanches ou jaunes. Les jeunes sont rayés. Oreilles longues et pointues avec touffe de poils terminale. Canines supérieures de 76 mm ; canines inférieures de 165 à 190 mm.
Répartition : centre et ouest de l'Afrique au sud du Sahara, Madagascar..
Alimentation : omnivore ; racines, baies et fruits, parfois reptiles, œufs, oiseaux.
Comportement : grégaire et nocturne, se repose la journée dans un terrier ; court vite et nage bien.
Effectifs, statut : espèce largement répandue ; a profité de la raréfaction du léopard, son principal prédateur, et de l'extension des surfaces cultivées. Chassée pour sa viande, elle l'est aussi parce qu'elle peut causer des dégâts importants aux cultures.
3.8. Potamochère du Cap (Potamochoerus larvatus)
Identification : ressemble au potamochère, dont il était précédemment considéré comme une sous-espèce.
Répartition : est et sud de l'Afrique, Madagascar, archipel des Comores.
Effectifs, statut : le potamochère du Cap n'est pas considéré comme menacé. L'espèce a profité des tabous alimentaires à l'égard du porc sur une grande partie de son aire de répartition, ainsi que de l'extension des surfaces cultivées. Comme le potamochère dans le reste de l'Afrique, il est persécuté en raison des dégâts qu'il inflige aux cultures.
3.9. Phacochère commun ou occidental (Phacochoerus africanus)
Identification : long de 90 à 150 cm ; poids de 50 à 150 kg. Canine supérieure de 255 à 635 mm (mâle), de 152 à 255 mm (femelle). Peau et poils noirs. Replis de peau proéminents sur la tête du mâle. Queue redressée lorsqu'il court.
Répartition : Afrique subsaharienne ; presque éliminé en Afrique du Sud.
Comportement : diurne. Dort, élève les jeunes et se protège des prédateurs dans des terriers naturels ou creusés par un cochon de terre (oryctérope). Peut courir à 55 km/h. Beaucoup moins destructeur des cultures locales que les autres cochons sauvages.
Effectifs, statut : très chassée pour sa viande, l'espèce est abondante ; en revanche sa sous-espèce de Djibouti et d'Érythrée (Phacochoerus africanus aeliani) est menacée.
3.10. Phacochère du désert ou oriental (Phacochoerus aethiopicus)
Appelé aussi phacochère du Cap.
Identification : ressemble au phacochère commun, dont il était précédemment considéré comme une sous-espèce. Il n'a pas d'incisives supérieures et ses incisives inférieures sont réduites.
Répartition : Kenya, Somalie ; a disparu d'Afrique du Sud.
Effectifs, statut : l'espèce n'est pas menacée, mais sa sous-espèce d'Afrique du Sud (Phacochoerus aethiopicus aethiopicus) est éteinte.
3.11. Hylochère (Hylochoerus meinertzhageni)
Identification : longueur de 150 à 190 cm ; poids de 160 à 275 kg. Pelage long et noir. Peau nue autour des yeux et à la partie supérieure des joues. Excroissance de peau sous et derrière les yeux. Canines supérieures horizontales.
Répartition : milieux forestiers du Liberia au sud-ouest de l'Éthiopie et jusqu'au nord de la Tanzanie. 3 sous-espèces.
Comportement : diurne ; passe la nuit dans une cavité. Le groupe, dirigé par un vieux mâle, défend un territoire. Les mâles chargent souvent sans raison apparente.
Effectifs, statut : espèce globalement non menacée, mais sa sous-espèce Hylochoerus meinertzhageni ivoriensis (Côte d'Ivoire, Ghana, Guinée, Liberia, Sierra Leone) est vulnérable.
3.12. Babiroussa (Babyrousa babyrussa)
Identification : longueur de 87 à 106 cm ; hauteur au garrot de 65 à 80 cm ; queue de 20-32 cm ; poids jusqu'à 100 kg. Poils rares. Peau grise à marron. Replis de peau sur le ventre. 2 paires de mamelles. Les canines supérieures traversent la peau du groin et se recourbent vers l'arrière. Les habitants des Célèbes disent que les canines sont comme les bois du cerf, d'où le nom « babirusa », qui signifie « cochon cerf ».
Répartition : île des Célèbes, Togian, Sula et Buru. Sa présence sur ces deux dernières îles résulterait de l'introduction par l'homme. Forêts humides, berges des lacs et rivières. 4 sous-espèces.
Alimentation : feuilles et fruits.
Comportement : principalement nocturne. Ne creuse pas. Nage très bien et peut atteindre de petites îles.
Reproduction : gestation de 5 mois. 1 petit, rarement 2 ou 3, par portée. Jeunes non rayés de 15 à 20 cm.
Effectifs, statut : espèce vulnérable à cause de la chasse et de la destruction de son habitat, ainsi que de la prédation par les chiens (domestiques ou retournés à l'état sauvage). Quelques milliers d'individus répartis sur les différentes îles. Situation critique sur les îles Bufu et Sula. Espèce protégée par la loi en Indonésie depuis 1931 et inscrite en Annexe I de la Cites.
4. Origine et évolution du sanglier
Le sanglier est un ongulé, c'est-à-dire un mammifère à sabots. Il fait partie de l'ordre des artiodactyles qui, à quelques exceptions près, ont un nombre pair de doigts ; leurs deux doigts centraux se terminant en sabot. Les plus primitifs d'entre eux sont des non-ruminants regroupés dans le sous-ordre des suiformes, qui comprend les sangliers, phacochères, hylochères, potamochères et babiroussas (famille des suidés) et leurs proches cousins, les pécaris d'Amérique (tayassuidés) d'une part et les hippopotames d'Afrique (hippopotamidés) d'autre part.
Les plus anciens artiodactyles connus vivaient en Amérique du Nord à l'éocène inférieur, il y a une cinquantaine de millions d'années. Ces dichobunidés étaient de petite taille et possédaient encore cinq doigts à chaque membre. Ils ont évolué pour donner les chameau et dromadaire (camélidés), de nombreux ruminants et quelques non-ruminants, les suiformes. La lignée de ceux-ci semble être la première à s'être séparée du tronc commun des artiodactyles en Asie, au milieu du tertiaire, il y a environ 35 millions d'années. Ses représentants ont conservé des traits qui rappellent les dichobunidés : morphologie du crâne et des membres, denture presque complète et estomac à structure simple.
Au miocène, la famille des suidés, qui s'est parfaitement adaptée aux changements climatiques, prolifère. Certains de ses membres traversent l'Asie et parviennent jusqu'en Europe. Parmi ces migrants, le plus ancien connu est Sus minor, qui vivait au pliocène, entre 4,5 et 2,5 millions d'années. D'autres fossiles plus récents témoignent également de la présence de Sus strozzi, sans doute l'ancêtre du sanglier de Java actuel. Il semble que cette espèce ait disparu du paléarctique occidental il y a quelque 700 000 ans. Les premiers restes retrouvés de Sus scrofa, le sanglier européen actuel, datent de cette époque.
Largement répandue en Europe et en Asie, l'espèce se rencontre aussi en Afrique et dans toutes les contrées où l'homme l'a introduite et où elle s'est adaptée : Amérique du Nord et de nombreuses îles, notamment. Seul artiodactyle sauvage non ruminant d'Europe, le sanglier est à l'ancêtre du cochon domestique.
5. Le sanglier et l'homme
Les humains ont des rapports contradictoires avec le sanglier : les uns recherchent sa viande comme un mets apprécié, d'autres refusent de la manger par conviction religieuse. Cependant, le sanglier et son descendant domestique, le cochon, servent à nourrir une grande partie de l'humanité.
5.1. Symbole du courage ou personnification du démon ?
Dans le monde indo-européen, le sanglier a souvent été symbole d'autorité spirituelle. Cela tient à sa vie solitaire dans la forêt, à sa capacité de repérer les truffes (produit de la foudre divine, symbole de la révélation cachée) et au fait qu'il se nourrit des fruits du chêne, arbre sacré par excellence.
Le sanglier est présent dans de nombreuses cultures, et souvent associé à des divinités ou à des épisodes mythologiques. Dans la mythologie grecque, c'est sous les coups des défenses d'un sanglier que meurt Adonis, jeune homme aimé à la fois d'Aphrodite et de Perséphone. Au Japon, le sanglier est associé au courage et à la témérité et sert de monture à un kami, le dieu de la Guerre. En revanche, dans la Roue de l'Existence bouddhique, il apparaît au centre sous forme d'un animal noir, symbole de l'ignorance et des passions. Dans la mythologie égyptienne, le dieu maléfique Seth est souvent représenté comme un animal (ou comme un homme à tête de cet animal) ressemblant à un cochon (peut-être un porc ou un sanglier, ou encore, selon certaines hypothèses, un oryctérope – animal qui n'a rien à voir avec les suidés, mais dont l'allure évoque celle du cochon).
Pour les Gaulois, le sanglier, dédié à Lug, dieu suprême de la mythologie celtique, constituait la nourriture sacrificielle de la fête de Samain. Dans la tradition chrétienne, au contraire, il symbolise le démon : goinfre, lubrique et impétueux. Au xve siècle, Guillaume de La Marck, assassin de l'évêque de Liège, se glorifiait de son surnom de « Sanglier des Ardennes ».
5.2. Interdit alimentaire
L'interdiction de consommer du porc ou du sanglier imposée par l'islam est reprise de la tradition hébraïque. Diverses hypothèses ont été avancées pour expliquer son origine : risque de maladie transmise par la consommation de l'animal, danger de manger de la viande, qui se détériore rapidement sous des climats chauds, opposition entre les nomades, qui n'élèvent que des bovins, et les sédentaires, qui nourrissent des porcs... Mais aucune de ces explications ne fait l'unanimité.
5.3. Du sanglier au cochon
Selon les statistiques de la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture), il y a plus de 950 millions de cochons domestiques à travers le monde (chiffres 2003), dont presque 470 dans la seule Chine, où le porc représente 80 % de la consommation de viande.
Les premières tentatives de domestication du sanglier auraient été faites, 6 500 ans avant J.-C. au Proche-Orient. Depuis, de nombreuses races ont été sélectionnées, car le cochon présente plusieurs avantages : sa maturité sexuelle est précoce, le nombre de petits par portée est important et il se nourrit de tout.
L'Occident médiéval a été surnommé la « civilisation du porc », car les cochons circulaient librement dans les villes en consommant les déchets qu'ils y trouvaient. Mais ce n'était pas sans entraves pour la circulation : ainsi, à Paris en 1131, le fils aîné de Louis VI le Gros se tua-t-il en tombant de cheval devant un porc dans une rue de la ville. Dès lors, les cochons furent interdits en ville – par édit de Louis VI –, mais on en trouvait encore dans Paris quatre siècles plus tard.
En Extrême-Orient, le porc aurait été domestiqué à partir de la sous-espèce Sus scrofa vittatus, et en Nouvelle-Guinée à partir d'un hybride de la sous-espèce Sus scrofa vittatus et de Sus verrucosus.
Outre le cochon domestique, le sanglier est également élevé dans plusieurs régions du monde.
5.4. L'art de détecter les hybrides avec le cochon domestique
Le problème de « pollution » génétique des espèces ou sous-espèces de sangliers sauvages par des cochons domestiques retournés à l'état sauvage se retrouve sur toute l'aire de répartition des suidés, car les sangliers se croisent encore très facilement avec le porc domestique. Le porc domestique est doté de 38 chromosomes, la sous-espèce de sanglier Sus scrofa scrofa en a 36 seulement. La différence entre les deux caryotypes (garniture chromosomique) résulte de la fusion des paires chromosomiques 15 et 17. Cette différence est utilisée pour vérifier la pureté des sangliers d'élevage. Le test est réalisé à partir d'un prélèvement de sang. La pureté génétique des sangliers d'élevage est un réel problème : en effet, 30 % des sangliers d'élevage ont 37 ou 38 chromosomes et sont donc considérés comme des hybrides.
5.5. Mini-cochons de laboratoire et cochons phosphorescents
Le porc domestique est surtout élevé comme source de nourriture, mais c'est également un animal de laboratoire irremplaçable, car sa physiologie digestive (c'est un omnivore), cutanée et vasculaire ressemble beaucoup à celle de l'homme. Il est également utilisé en chirurgie expérimentale lors des études sur les transplantations d'organes et constitue un très bon modèle pour les recherches sur le diabète. Aussi de très nombreux médicaments sont-ils d'abord testés sur le porc avant les premiers essais cliniques sur l'homme.
Pour diminuer les coûts d'entretien des cochons de laboratoire, un porc miniature a été créé dans les années 1950. Ce dernier a été obtenu par sélection génétique à partir de races pures de cochons sauvages de petite taille ou par croisement entre plusieurs races dont une au moins est sauvage et de taille naturellement réduite. Les porcs miniatures de laboratoire ne pèsent qu'environ 15 kg à 6 mois et 40 kg à l'âge adulte.
D'autres manipulations plus surprenantes ont été effectuées sur le cochon. En 2006, des chercheurs (à Taïwan puis en Chine continentale) ont inséré des gènes de phosphorescence de méduses dans des embryons de cochon. Lorsque la manipulation a réussi, la peau et les yeux des porcs génétiquement modifiés issus de ces embryons présentaient, à la lumière du jour, des reflets verdâtres. Mais dans le noir, ces cochons étaient entièrement vert phosphorescent. En janvier 2008, des chercheurs chinois ont annoncé qu'une truie transgénique phosphorescente, croisée avec un mâle non O.G.M., avait donné naissance, sur une portée de 11 porcelets, à 2 petits présentant la caractéristique maternelle d'émettre une lueur verte dans le noir.
5.6. La chasse au sanglier pratiquée depuis la Préhistoire
Le sanglier est chassé depuis la préhistoire. Ainsi les nombreux vestiges de carcasses retrouvés dans une vallée suisse témoignent-ils que ses habitants à l'âge de pierre, environ 4 000 ans avant J.-C., avaient pour plat de viande favori le rôti de sanglier.
Au Moyen Âge, le sanglier était le seul gros gibier que serfs, paysans et roturiers étaient autorisés à chasser, les cerfs, chevreuils et autres grosses pièces étant réservées aux seigneurs. Mais ces derniers ne dédaignaient pas pour autant le sanglier, qu'ils traquaient avec des chiens et achevaient à la lance. C'était là une chasse dangereuse, car le sanglier fait face, chargeant avec force.
Cette chasse donna lieu à des termes de vénerie spécifiques. Les équipages de chasse à courre au sanglier sont des « vautraits ». Une fois rattrapé, l'animal doit être « coiffé », c'est-à-dire que les chiens doivent réussir à le saisir par l'un des seuls endroits qui permettent la prise : les écoutes (oreilles) ou les suites (testicules). La curée s'appelle la « fouaille ». On chassait également le sanglier à l'arc ou à l'arbalète.
Aujourd'hui, on chasse d'un mirador, à l'approche, à la traque, à la poussée, à l'appât ou en battue (des rabatteurs étant chargés de diriger le sanglier vers des chasseurs placés en ligne). En France, le sanglier est classé « gibier » ou « nuisible » selon les départements et les années. S'il est « gibier », la chasse est limitée par un quota, s'il est « nuisible » (désigné comme tel par arrêté préfectoral), c'est-à-dire si les dégâts aux cultures sont importants, le nombre de sangliers qu'il est possible de tuer n'est pas limité.
En Suisse, seules les laies suitées et leurs marcassins sont protégés toute l'année par la loi fédérale. Dans les cantons à permis, la chasse n'est autorisée que pendant les derniers mois de l'année ; dans les cantons à chasse affermée, c'est le locataire de la chasse qui décide quand tirer les sangliers. Lorsque la laie chef de harde est tuée, la harde se met à vagabonder, augmentant l'incidence des dégâts aux cultures…
5.7. Un ravageur de cultures
Depuis que l'homme est devenu agriculteur, il défend ses récoltes contre les sangliers. En Argovie (Suisse) par exemple, au xviiie siècle, il arrivait que les habitants de villages entiers parcourent la forêt armés de tambours et de fanfares pour faire fuir les sangliers. De nos jours, en France, l'indemnisation des agriculteurs en cas de dégâts causés dans leur exploitation par les sangliers (et le grand gibier) est fixé par arrêté préfectoral.
Le sanglier consomme surtout du maïs aux stades des semis et de la maturation, et du blé au stade laiteux. Lorsqu'il mange le maïs, il laisse souvent une partie des épis, qui sont alors enfouis dans le labour. Et, lorsque l'agriculteur sème du blé à la suite du maïs, le sanglier fait alors de plus graves dégâts encore, car il s'attaque non seulement au blé, mais il creuse pour déterrer les épis fermentés et les manger.
En France, les travaux de Vassant ont montré que les clôtures électriques et l'agrainage dissuasif (plantation volontaire de pieds de maïs en forêt destinés aux sangliers) pouvaient être efficaces. Le zoologiste Hainard cite également l'utilisation de répulsif tel que des chiffons imbibés de pétrole et fixés sur des baguettes plantées dans le sol. Cette odeur éloignerait aussi les cerfs, les chevreuils et les lièvres. Dans le canton de Genève, en Suisse, la pose de clôtures électriques a largement fait diminuer le montant des dégâts provoqués par les sangliers.