Kenya
Nom officiel : République du Kenya
État d'Afrique orientale, sur l'océan Indien, le Kenya est entouré par le Soudan du Sud et l'Éthiopie au nord, la Somalie à l'est, l'océan Indien au sud-est, la Tanzanie au sud et le lac Victoria et l'Ouganda à l'ouest.
Le Kenya est membre du Commonwealth.
- Superficie : 583 000 km2
- Nombre d'habitants : 54 027 487 (2022)
- Nom des habitants : Kényans
- Capitale : Nairobi
- Langue : swahili
- Monnaie : shilling du Kenya
- Chef de l'État : William Ruto
- Chef du gouvernement : William Ruto
- Nature de l'État : république
- Constitution :
- Adoption : avril 2010
STATISTIQUES : DÉMOGRAPHIE
- Population : 54 027 487 hab. (2022)
- Densité : 76 hab./km2
- Part de la population urbaine (2023) : 30 %
- Structure de la population par âge (2023) :
● moins de 15 ans : 37 %
● 15-65 ans : 60 %
● plus de 65 ans : 3 % - Taux de natalité (2023) : 28 ‰
- Taux de mortalité (2023) : 8 ‰
- Taux de mortalité infantile (2023) : 32 ‰
- Espérance de vie (2023) :
● hommes : 60 ans
● femmes : 65 ans
La population juxtapose de nombreux peuples, parmi lesquels émergent les Kikuyu et les Luhya, de langue bantoue, les Masai, les Luo et les Kalenjin. Plus de 80 % de la population se concentre sur les hautes terres du Sud-Ouest, sur la côte et dans la région du lac Victoria. Les villes les plus importantes sont la capitale, Nairobi (4,7 millions d'hab.), Mombasa (1 million d'hab.), premier port de l'Afrique orientale, et Kisumu (390 000 hab.). Les caractéristiques démographiques sont celles des pays d'Afrique subsaharienne : très faible taux d'urbanisation, forte croissance démographique, indice de fécondité (3,3 enfants par femme) et taux de mortalité infantile élevés, faible espérance de vie.
STATISTIQUES : ÉCONOMIE
- GÉNÉRALITÉS
- PNB (2022) : 111 milliards de dollars
- PNB/hab. (2022) : 2 170 dollars
- PNB/hab. PPA (2022) : 5 680 dollars internationaux
- IDH (2021) : 0,575
- Taux de croissance annuelle du PIB (2022) : 4,8 %
- Taux annuel d'inflation (2022) : 7,7 %
- Structure de la population active (2021) :
● agriculture : 33,0 %
● mines et industries : 15,7 %
● services : 51,2 % - Structure du PIB (2022) :
● agriculture : 21,2 %
● mines et industries : 17,7 %
● services : 61,1 % - Taux de chômage (2022) : 5,5 %
- Tourisme
- Recettes touristiques (2019) : 1 762 millions de dollars
- Commerce extérieur
- Exportations de biens (2022) : 7 418 millions de dollars
- Importations de biens (2022) : 19 122 millions de dollars
- Défense
- Forces armées (2020) : 24 000 individus
- Dépenses militaires (2022) : 1,0 % du PIB
- Niveau de vie
- Incidence de la tuberculose pour 100 000 personnes (2022) : 237
- Part en % des richesses détenues par les 10 % les plus élevés (2021) : 62,0 %
- Part en % des richesses détenues par les 50 % les moins élevés (2021) : 4,8 %
- Dépenses publiques d'éducation (2022) : 4,1 % du PIB
L'amélioration de la situation politique intérieure depuis l'adoption de la nouvelle Constitution, en août 2010, a été favorable à la croissance du Kenya, de 5 à 6 % par an depuis 2011. Son économie s'appuie notamment sur l'agriculture (thé, café, horticulture), qui compte pour 22 % du PIB, et sur un secteur tertiaire en expansion (tourisme, banque, transports, téléphonie). Les transferts de fonds des émigrés ont augmenté. Le gouvernement prévoit des investissements publics dans les infrastructures, notamment dans le secteur des énergies renouvelables (géothermie), tandis que la production de pétrole prévue à la suite de la découverte de gisements dans le nord du pays, en 2012, s'avère incertaine. Dans un environnement politique instable (intervention en Somalie, attentats sur le territoire kenyan, réélection très contestée d'Uhuru Kenyatta en 2017), l'économie du pays reste robuste avec un taux de croissance de 5,4 % en 2019. La pandémie de Covid–19 a eu pour effet un brusque ralentissement de la croissance avant une forte reprise (7,6 %), et estimée à 5 % en 2023. Le taux de pauvreté reste cependant élevé (estimé à 35 % pour l'extrême pauvreté et 69 % en dessous du seuil de 3,65 $ pour les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure) malgré une réduction au cours des dix dernières années. Le Kenya compte aussi parmi les 40 pays les plus vulnérables au dérèglement climatique, en particulier aux sécheresses et aux inondations (index établi par la Notre Dame Global Adaptation Initiative [ND-GAIN).
GÉOGRAPHIE
L'Ouest, montagneux et volcanique, est le domaine des cultures du café et du thé et de l'horticulture (produits exportés par Mombasa). Dans l'Est, formé de plaines, se localisent des plantations de canne à sucre, de bananiers et de sisal. L'élevage est développé, mais revêt souvent une plus grande valeur sociale qu'économique. Le tourisme (réserves d'animaux et littoral aux récifs coralliens) comble une partie du déficit de la balance commerciale. La population, rapidement croissante, juxtapose une quarantaine de groupes ethniques (les Kikuyu étant les plus nombreux).
1. Le milieu naturel du Kenya
1.1. Le relief
Le relief est très diversifié. À l'est, le long de l'océan Indien, la côte, de 400 km de long, tantôt marécageuse et envahie par la mangrove, tantôt sableuse, est bordée d'îlots et de barrières coralliennes. Là affleurent des terrains sédimentaires allant du quaternaire au Karroo (fin du paléozoïque et début du mésozoïque). Elle se rétrécit du nord au sud. Hauteurs et dépressions, exploitant l'inégale résistance des sédiments crétacés et tertiaires, s'y succèdent. Les régions basses périphériques, au nord et à l'est, monotones, proviennent d'aplanissements du socle (comme dans le pays nyika, entre Nairobi, la capitale et Mombasa) ou d'épanchements volcaniques. Leur désolation est accentuée par la sécheresse, par exemple dans la région du Marsabit. Des hauteurs isolées les accidentent localement : reliefs résiduels dans le socle (Kamba, Taita), alignements de cônes volcaniques (Chluyu). Depuis la région côtière, l'altitude s'élève vers l'intérieur, constitué en majeure partie par des plateaux élevés dans le socle précambrien, qui constitue une pénéplaine monotone parsemée d'inselbergs.
La coupure brutale de la Rift Valley, dépression tectonique de 40 à 80 km de largeur, bombement de l'effondrement du vieux socle cristallin, divise ces plateaux en des hautes terres orientales, où se trouve la capitale, Nairobi (1 600 m), et en des hautes terres occidentales, qui descendent vers le lac Victoria, dont le Kenya est riverain. Elle est dominée par les escarpements vertigineux des monts Aberdare, à l'est, et du Mau Escarpement, à l'ouest. Dans la région de la Rift Valley, le socle disparaît entièrement sous d'énormes épanchements volcaniques. Le fond du Rift, très irrégulier, forme lui-même une zone d'altitude. Il s'élève par paliers du lac Turkana au lac Naivaska, avant de redescendre vers le lac Natron, à la frontière tanzanienne. Il existe dans le fond de la Rift Valley de nombreux volcans récents (Suswa, Longonot, Menengai). Cette zone est parfois hachée d'un dense réseau de failles méridiennes. Sur les hautes terres orientales, le mont Kenya (5 194 m), au nord de Nairobi, est un vieil édifice volcanique disséqué par les glaciers quaternaires et actuels. Le mont Elgon est un autre volcan imposant.
De part et d'autre du Rift, les Hautes Terres orientales et occidentales présentent une morphologie différente. Vers l'est s'étendent des planèzes assez régulières. À l'ouest, en revanche, les épanchements volcaniques sont moins considérables. Le socle, cisaillé de failles, apparaît plus souvent : blocs soulevés (pays nandi et kisii, plateau luhya) ou parties effondrées (fossé du Kavirondo, près du lac Victoria).
Une série de lacs jalonnent le fossé tectonique : au nord, le plus grand, le lac Turkana, long de 250 km et large de 40, puis, vers le sud, les lacs Hannington, Baringo, Nakuru, Elmenteita, Naivasha, Magadi et Natron. À l'extrême sud-ouest, les plateaux plongent vers le lac Victoria qui pénètre dans le Kenya par une profonde échancrure, le golfe du Kavirondo.
1.2. Les pluies et les températures
Le climat, équatorial, est rythmé par deux saisons de pluies, centrées sur octobre et avril. Les pluies sont très irrégulières. Les régions basses reçoivent moins de 600 mm, précipitations marginales pour l'agriculture mais suffisantes pour garantir des pâturages d'excellente qualité. La géographie des températures est surtout déterminée par l'altitude. Le contraste fondamental entre Hautes Terres et régions basses est un des traits distinctifs de la géographie kényane. S'il fait chaud sur la côte (26 °C), les hautes terres ont un climat équatorial d'altitude (Nairobi : moyenne annuelle, 17 °C, amplitude annuelle, 3,5 °C, février est le mois le plus chaud). La pluviométrie augmente avec l'altitude et en se rapprochant du lac Victoria, passant de 1 000 mm à 2 000 mm, à l'exception de la Rift Valley (500 à 700 mm) et du nord semi-désertique.
1.3. Le réseau hydrographique
Le réseau hydrographique, désorganisé par les bouleversements survenus au tertiaire, est encore inadapté. La Rift Valley est une zone endoréique. Peu de cours d'eau parviennent à l'océan. Les seuls qui soient d'importance sont le Tana et la Galana. Au nord-ouest, la Kerio et la Turkwel sont tributaires du lac Turkana. Les formations végétales les plus répandues sont les formations ouvertes, de la savane-parc aux steppes du Nord en passant par les savanes herbeuses, domaine des herbivores et des carnassiers.
1.4. Les formations végétales
La grande forêt humide équatoriale n'est conservée qu'en lambeaux exigus sur les hautes terres centrales et sur la côte. Les régions basses sont le domaine des grandes étendues de formations sèches – steppes et savanes à acacia, bush rabougri, voire déserts dans le Nord. Les régions hautes (notamment le mont Kenya et les Aberdare) sont caractérisées par une végétation plus riche, véritable mosaïque disposée selon l'altitude et l'orientation des versants. Présentes entre 1 600 et 2 700 m, les forêts, qui ont été réduites par l'activité humaine, sont souvent remplacées par des formations herbeuses à pennisetum (kikuyu grass) et cynodon (star grass). Plus haut s'étendent des zones de bambous, une forêt d'altitude chargée d'épiphytes et des prairies alpines, au-dessus de 3 700 m. Outre une pluviosité relativement favorable, les régions hautes disposent de sols variés le long des versants, plus riches sur les coulées basaltiques bien que fort honorables sur le socle. On peut alors comprendre que l'opposition des densités, la répartition sommaire du territoire entre régions pastorales et agricoles a des fondements essentiellement écologiques.
2. La population du Kenya
On distingue trois groupes appartenant à des familles linguistiques différentes. Les Luhyas, les Kambas et les Kikuyus (plus de 4 millions) sont de langue bantoue. Les Masais, les Turkanas, les Suks (peuples pasteurs) et les Nandis, ainsi que les Luos des rives du lac Victoria (environ 2 millions), font partie du groupe nilo-saharien. Dans le Nord-Est, les nomades somalis, boranas et ormas appartiennent au groupe chamito-sémitique (couchitique).
Les étrangers sont près de 200 000, dont une moitié environ d'Asiatiques. Beaucoup de grands propriétaires européens – surtout britanniques – des hauts plateaux kényans (les white highlands, au temps de la colonisation) ont quitté le pays après l'indépendance. Un tiers environ de la population est chrétienne. Les musulmans (dont les ismaéliens, fidèles de l'Aga Khan), peu nombreux, se trouvent surtout sur le littoral. La population se concentre sur les hautes terres du Sud-Ouest, sur la côte et dans la région du lac Victoria.
Les caractéristiques démographiques de la population sont celles des pays d'Arique subsaharienne : très faible taux d'urbanisation (30 %), forte croissance démographique, taux de mortalité infantile élevé (59 ‰) et faible espérance de vie (56 ans à la naissance pour les hommes).
Les villes les plus importantes sont la capitale, Nairobi, et Mombasa, premier port de l'Afrique orientale. Après ces deux grandes villes viennent quatre villes moyennes (Nakuru, Kisumu, Eldoret et Thika) et une série de petites villes (les plus importantes étant Nanyuki, Kitale, Malindi, Kericho et Nyeri).
3. L'économie du Kenya
Le Kenya représente la principale économie de l'Afrique de l'Est. L'agriculture reste, de loin, le premier secteur d'activité, mais c'est le tourisme qui est devenu la principale source de devises étrangères, avec notamment les réserves d'animaux, à l'intérieur du pays, et le littoral, avec ses récifs coralliens.
3.1. L'agriculture
L'agriculture occupe près de 70 % de la population active, et la production agricole assure encore environ le quart du produit intérieur brut, bien qu'une très faible partie des terres exploitables soit mise en culture. Plus de la moitié des surfaces cultivées sont consacrées au maïs, aliment de base de la population. Les autres cultures vivrières sont le millet, le sorgho, la manioc, la patate douce. De grandes propriétés (50 % des terres cultivables) et plantations héritées de la colonisation subsistent aux côtés des petites exploitations concédées aux Africains (500 000 réinstallés sur 600 000 ha dès 1970 aux termes d'un vaste programme de rachat des terres financé en partie par la Grande-Bretagne). L'Ouest, montagneux et volcanique, est le domaine des cultures de café et de thé, principaux produits d'exportation. Les sols les plus riches se situent autour d'Eldoret, de Nakuru et de Kitale, où se trouvent les derniers colons (15 % des terres cultivées). Le Kenya est devenu le second exportateur mondial de thé, mais les exportations de café ont décliné. Dans les plaines de l'Est se localisent des plantations de canne à sucre, de fruits tropicaux (bananes), de sisal et de coton. Aux cultures commerciales s'ajoutent les agrumes, le pyrèthre (dont le pays fournit près de 70 % de la production mondiale) et, plus récemment, l'horticulture, à l'ouest, notamment la production et l'exportation de roses vers l'Europe. L'élevage (bovins, ovins, caprins) est important, mais revêt souvent une plus grande valeur sociale qu'économique. Seul le cheptel situé sur les hauts plateaux, en partie propriété des Européens, est rentable. Les terres les plus riches se situent autour d'Eldoret, Nakuru et Kitale.
3.2. L'industrie
Il existe peu de ressources naturelles ou minières, excepté la géothermie et le carbonate de soude du lac Magadi. L'industrie kenyane est une des plus diversifiées d'Afrique orientale. Elle s'est développée dans les secteurs de l'agroalimentaire, de la métallurgie, du textile et de la chimie. Elle se localise surtout à Nairobiet à Mombasa, les deux principales villes. La raffinerie de pétrole de Mombasa fournit les pays voisins, et plusieurs firmes ont monté des usines d'assemblage automobile (dont Volkswagen et Fiat). Cependant, tourné essentiellement vers le marché intérieur, l'industrie n'exporte guère, à l'exception du textile, qui profite de l'ouverture du marché nord-américain.
3.3. Les ressources financières
Le secteur bancaire est en expansion. Le tourisme s'appuie sur l'exceptionnel patrimoine faunistique des grands parcs naturels (Amboseli, Masaï-Mara, Samburu-Shaba, Tsavo) et sur la valorisation du littoral. Les recettes du tourisme international comblent une partie du déficit de la balance commerciale. Les principaux clients et fournisseurs du Kenya sont la Grande-Bretagne, le Japon, l'Allemagne et les États-Unis. La dette extérieure pèse, avec la poussée démographique, sur l'avenir de l'économie. Le pays est en partie dépendant des transferts de fonds de sa diaspora.
3.4. Les sites du Kenya classés à l'Unesco
Plusieurs sites du Kenya sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco :
– parc national et forêt naturelle du mont Kenya ;
– parcs nationaux du lac Turkana ;
– vieille ville de Lamu ;
– forêts sacrées de kayas des Mijikenda ;
– Fort Jésus, Mombasa ;
– réseau des lacs du Kenya dans la vallée du Grand Rift.
HISTOIRE
1. Les origines
Les plus anciens vestiges fossiles des ancêtres de l'homme, appartenant au genre Australopithecus (4 millions-1,5 million d'années), ont été découverts dans la Rift Valley. Des restes datés de 2 millions d'années d'Homo habilis – premier représentant du genre Homo – ont également été mis au jour, ainsi que ceux de leur descendant.
Le territoire de l'actuel Kenya a été peuplé par des vagues d'immigration successives venues d'horizons différents, qui ont progressivement supplanté les premiers habitants, des populations proches des Pygmées et des Bochimans, vivant de chasse et de cueillette. Les peuples couchitiques sont venus du nord-est de l'Afrique et des hauts plateaux éthiopiens, les Bantous – Kikuyus, Kambas, Chaggas et Luhyas – sont partis du sud-ouest de l'Afrique et les peuples nilotiques sont arrivés du Soudan méridional – principalement les Kalenjins, pasteurs et agriculteurs, qui occupent les hautes terres de l'ouest du Kenya. Les Luos, peuple hamite, arrivent sur la côte orientale du lac Victoria au début du xvie siècle, et s'établissent au milieu des Bantous.
À partir du xviie siècle, de grandes vagues de migration quittent le Soudan et le nord-ouest du Kenya voit l'arrivée des Turkanas, et, plus au sud, des Masais, pasteurs et guerriers, souvent restés jusqu'à aujourd'hui fidèles à leurs coutumes ancestrales.
2. La civilisation swahilie et l'intrusion portugaise
Les navigateurs arabes fréquentent très tôt le littoral est-africain, à Mombasa, Malindi, Manda, Paté et Lamu, pour ne parler que des ports kényans, où ils achètent de l'or, de l'ivoire et des esclaves. Ce commerce est particulièrement florissant au xve siècle. Un métissage s'opère avec les populations bantoues du littoral, et donne naissance à une brillante civilisation et à une langue, le swahili, mélange de bantou et d'arabe, qu'illustre une remarquable littérature poétique.
Les Portugais, apparus en 1497 dans l'océan Indien, aident d'abord les cités swahilies à repousser l'invasion d'une tribu cannibale, les Zimbas. Décidés à monopoliser le commerce maritime, ils s'emparent en 1593 de Mombasa (où ils construisent le célèbre Fort Jésus), et occupent les autres ports du littoral de Lamu à Kilwa.
En 1698, Mombasa est conquise par des Arabes d'Oman, qui vont à nouveau contrôler le littoral durant tout le xviiie siècle. Tout en se livrant au commerce, ils développent une agriculture de plantation qui utilise une main-d'œuvre servile importée de l'intérieur. La présence arabe entraîne une islamisation partielle de la population côtière. Les peuples de l'intérieur n'ont pas connu d'organisations monarchiques analogues à celles des sociétés interlacustres de l'Ouganda, et résistent moins bien qu'elles aux vagues d'immigration. Les Masais font régner l'insécurité dans la région des hauts plateaux et rendent impraticables les circuits du commerce de Mombasa avec le royaume du Buganda (en Ouganda), qui doit alors s'effectuer par l'actuelle Tanzanie.
3. La colonisation britannique
3.1. Partage de l'Afrique de l'Est entre l'Allemagne et le Royaume-Uni
La pénétration missionnaire précède de peu la colonisation et le partage de l'Afrique entre les puissances occidentales à la conférence de Berlin (1885). En 1886, le Premier ministre britannique, lord Salisbury, signe un accord avec le chancelier allemand Bismarck pour délimiter les zones d'influence en Afrique de l'Est : les revendications du Royaume-Uni sur le Kenya sont reconnues, en même temps que celles de l'Allemagne sur l'actuelle Tanzanie continentale. En 1888, la British East Africa Company, qui avait obtenu du sultan de Zanzibar la concession de la majeure partie du pays et loué à bail la zone côtière, cède ses droits à la Couronne britannique.
3.2. Du protectorat à la colonie britannique
En 1895, l'ensemble du pays est placé sous protectorat britannique, avant de devenir une colonie en 1920. Le chemin de fer de Mombasa atteint Kisumu, sur le lac Victoria, en 1901. Des colons britanniques arrivent dès 1896, souvent des aristocrates, comme lord Delamere, qui veut faire du Kenya une colonie de peuplement. Ils emploient une nombreuse main-d'œuvre africaine sur de vastes plantations situées sur les « hautes terres », bientôt surnommées, à Londres, « le jardin de la Chambre des lords ». Les Indiens, introduits en grand nombre pour la construction du chemin de fer Mombasa-Kisumu, réclament une place dans l'administration du pays. Entre les deux guerres, l'explosion démographique des Kikuyus accélère la création d'un prolétariat à Nairobi. En 1925, Joseph Kangethe et Jomo Kenyatta créent la Kikuyu Central Association (KCA), qui réclame la restitution des « hautes terres » à son peuple.
3.3. La révolte Mau-Mau et l'ascension de Jomo Kenyatta
Après 1945, le Royaume-Uni accorde progressivement une place aux Indiens puis aux Africains dans le Conseil législatif local, surtout après la révolte des Kikuyus, connue sous le nom de « Mau-Mau », qui, de 1952 à 1956, ébranle le système colonial, malgré une très dure répression : pour une trentaine de Blancs assassinés, les forces de l'ordre abattent 11 000 Noirs et en internent 90 000, tandis que J. Kenyatta, accusé d'être l'instigateur du mouvement Mau-Mau, est arrêté et condamné à sept ans de prison.
La rébellion terminée, deux partis politiques africains se forment sur une base régionale, créant une coupure entre Kikuyus et Luos d'une part, Kalenjins et populations bantoues de la côte d'autre part. Le premier, la Kenya African National Union (KANU), se réclame de J. Kenyatta, et le second, la Kenya African Democratic Union (KADU), plus modéré et fédéraliste, a pour chef Ronald Ngala.
4. Depuis l'indépendance (1963-)
4.1. Jomo Kenyatta (1963-1978)
Après la libération anticipée de J. Kenyatta en 1961 et la reconnaissance du droit à l'autonomie interne, la KANU l'emporte aux élections de mai 1963 sur la KADU (respectivement 75 et 49 sièges). L'indépendance est proclamée le 12 décembre 1963. J. Kenyatta est le premier chef de gouvernement. Un an plus tard, la république est proclamée, et celui-ci devient le premier président du Kenya, qui reste membre du Commonwealth. La centralisation est renforcée par divers amendements à la Constitution ; la KADU est intégrée au sein de la KANU, préparant ainsi l'instauration du monopartisme. La contestation vient de l'aile gauche et marxisante de la KANU, animée par un Luo, Oginga Odinga, qui forme en 1966 un nouveau parti, la Kenya People's Union (KPU).
Une certaine agitation est entretenue par un mouvement qui se réclame des Mau-Mau, tandis que les populations somalies du Nord réclament leur rattachement à la Somalie, qui a toujours revendiqué une partie de cette région. En 1968, une vague xénophobe aboutit à l'expulsion de milliers de commerçants indiens, moins toutefois que dans l'Ouganda voisin. De 180 000, le nombre des Indiens au Kenya tombe alors à 120 000. En juillet 1969, le jeune ministre (luo) Tom Mboya, pro-occidental et considéré comme le dauphin de J. Kenyatta, est assassiné à Nairobi. J. Kenyatta fait alors arrêter O. Odinga et interdit la KPU. Kenyatta est réélu à la présidence en novembre, et, aux législatives de décembre, seule la KANU est autorisée à présenter des candidats.
En septembre 1974, J. Kenyatta, qui vient de décréter le swahili langue nationale, est réélu pour cinq ans, tandis que divers scandales éclaboussent sa famille, dont sa fille, maire de Nairobi. Entre 1975 et 1977, le régime procède à une série d'arrestations, dont celle du grand écrivain kényan, Ngugi Wa Thiongo.
4.2. La présidence de Daniel Arap Moi (1978-2002)
J. Kenyatta meurt le 22 août 1978, et le vice-président, Daniel Arap Moi, un Kalenjin, lui succède. Le régime se durcit et le monopartisme est officiellement instauré en juin 1982. La stabilité du régime est sérieusement troublée, en août de la même année, par une tentative de coup d'État, fomentée par des éléments de l'armée de l'air. Des émeutes éclatent à Nairobi, qui font 150 morts, mais les unités militaires et la police restées fidèles au gouvernement forcent les rebelles à se rendre. Le président Moi dissout l'armée de l'air et ordonne 8 000 arrestations.
L'apparition en 1986 du mouvement Mwakenya (gauche révolutionnaire) inquiète le gouvernement, qui fait procéder à de nombreuses arrestations. Deux vieux alliés politiques du président Moi sont mis à l'écart (le ministre de la Justice, Charles Njonjo, en 1983 ; le vice-président, Mwai Kibaki, un Kikuyu, en 1988), et plusieurs journaux sont interdits. Une réforme des procédures électorales, en 1986, qui oblige les électeurs à s'aligner en file derrière leur candidat, est fortement critiquée, notamment par les Églises. Cette mesure sera maintenue en 1990, tandis que l'assassinat inexpliqué du ministre des Affaires étrangères, Robert Ouko, provoque une vive émotion.
L'intolérance du régime pousse les États-Unis à lier désormais leur aide au respect des droits de l'homme, et le gouvernement rétablit le multipartisme en décembre 1991. Mais, aux élections pluralistes de décembre 1992 (marquées par des irrégularités), l'opposition divisée est battue par le président Moi, qui est reconduit dans ses fonctions, et la KANU obtient la majorité au Parlement. Le gouvernement formé en janvier 1993 est composé exclusivement de membres de l'ancien parti unique. Dans la Rift Valley, les Kikuyus sont l'objet de brimades de la part des Kalenjins et des Masais, qui veulent s'approprier leurs terres, provoquant des troubles graves (1 500 victimes).
L'opposition relève la tête avec la création de nouveaux partis, dont le Forum for the Restoration of Democracy (FORD), que préside Oginga Odinga (ce dernier meurt en 1994). Un parti islamique fondé par Cheikh Balala s'implante à Mombasa. Le FORD se scinde en deux organisations rivales, le FORD-Kenya et le FORD-Asili, que dirige un ancien ministre, Kenneth Matiba. En 1995, une autre formation de l'opposition, Safina (« l'arche de Noé », en swahili), porte à sa tête un Blanc de nationalité kényane, Richard Leakey (fils du célèbre paléo-anthropologue Louis Leakey).
Les divisions de l'opposition permettent cependant au président Moi de remporter les élections présidentielle et législatives de 1997. Il est réélu en devançant M. Kibaki et Raila Odinga (le fils de Oginga Oginga Odinga), tandis que la KANU obtient 107 des sièges de l'Assemblée nationale contre 103 à l'opposition, éclatée en une dizaine de formations.
En politique étrangère, le Kenya avait, en 1980, accordé des facilités militaires aux États-Unis, mais avait renouvelé, en 1987, son traité de défense avec l'Éthiopie, alors marxiste, pour disposer d'un allié en cas de conflit avec la Somalie. Les relations souvent tendues avec l'Ouganda et la Tanzanie avaient provoqué, en 1977, la dissolution de la Communauté économique est-africaine mise sur pied par les Britanniques. Cette communauté a été restaurée en 1994 par un traité entre les chefs d'État de l'Ouganda, de la Tanzanie et du Kenya. Par ailleurs, en 1996 et 1998, Nairobi a abrité, sans résultat probant, des conférences de réconciliation entre les factions armées de Somalie. Depuis l'attentat perpétré, le 7 août 1998, contre l'ambassade américaine à Nairobi, le Kenya opère un rapprochement avec États-Unis face au terrorisme, confirmé par la visite du secrétaire d'État Colin Powell, en 2001 puis en 2005.
4.3. Alternance démocratique sur fond de crise post-électorale
Le président Moi accepte les termes de la Constitution qui lui interdisent de solliciter un nouveau mandat, mais, désireux de garder la haute main sur sa succession, il impose à la KANU la candidature du jeune Uhuru Kenyatta, fils du « père de l'indépendance », Jomo Kenyatta. Ce choix d'un homme sans expérience politique se heurte à l'hostilité des prétendants de longue date et de nombreux membres du parti au pouvoir, dont plusieurs rejoignent les rangs de l'opposition.
Cette dernière, rassemblée au sein de la National Rainbow Coalition (NARC, ou Coalition nationale Arc-en-ciel), remporte très largement les élections générales du 27 décembre 2002, dont les observateurs locaux et internationaux soulignent la fiabilité et la transparence. Son candidat, Mwai Kibaki, un Kikuyu, remporte l'élection présidentielle avec 62,2 % des suffrages devant U. Kenyatta (31,3 %). À l'Assemblée, la NARC obtient la majorité absolue en gagnant 125 sièges contre 64 à la KANU.
M. Kibaki échoue à mettre en œuvre la plupart de réformes promises pendant la campagne électorale. En dépit de la création d'une commission indépendante (chargée notamment de réexaminer l’affaire Goldenberg, qui plombe l'économie kényane depuis 1992) la lutte contre la corruption – « un mode de vie au Kenya » – s'avère rapidement inopérante, si bien que les pays donateurs interrompent leur aide dès 2005. Malgré l'essor du tourisme, le délabrement des infrastructures n'est pas enrayé, la croissance reste modeste et les inégalités sociales demeurent fortes.
Annoncée « dans les cents jours », la réforme de la Constitution divise profondément la coalition gouvernementale. La modification de la Loi fondamentale faisait partie des engagements qui avaient permis à la NARC d'être élue triomphalement lors des élections de 2002. Le poste de Premier ministre faisait également partie du pacte préélectoral scellé avec R. Odinga, l'opposant historique, qui avait permis la victoire de la NARC. En échange des votes de son fief de l'ouest du pays, celui-ci devait obtenir, en cas de victoire, ce poste créé sur mesure. Le 21 novembre 2005, les Kenyans rejettent par 58,3 % de « non » le projet de réforme constitutionnelle soumis à référendum. Prenant acte de cet échec, le président Kibaki annonce un remaniement ministériel : limogé, R. Odinga et le PLD forment avec la KANU une alliance appelée Orange Democratic Movement (ODM), dont une faction dissidente, dirigée par Kalonzo Musyoka, deviendra en août 2007 l'ODM-Kenya.
Après une campagne électorale d'une grande violence (près de 80 morts), les élections générales du 27 décembre 2007 se déroulent dans le calme. L'ODM remporte très largement les législatives avec 99 sièges devant le camp présidentiel restructuré autour du Party of National Unity (PNU, 43 sièges), sans toutefois obtenir la majorité absolue. Le 30 décembre, la commission électorale annonce la victoire – avec une avance de quelque 230 000 voix devant R. Odinga (ODM) – du président sortant, M. Kibaki, qui prête aussitôt serment. Dénonçant une fraude massive dans le décompte des votes, R. Odinga appelle ses partisans à manifester contre la « victoire volée ». S'ouvre alors un cycle de violences, prenant parfois, notamment dans la vallée du Rift, l'allure de conflits interethniques, mais également nourries par d'anciennes rivalités foncières. Au terme de deux mois d'affrontements, le bilan sera de 1 200 morts et de 600 000 personnes déplacées.
Après l'annonce, le 8 janvier 2008, par le président sortant de la composition partielle d'un gouvernement de « large ouverture », l'ODM exige une médiation internationale. Celle-ci, après l'échec d'une tentative lancée par le président ghanéen John Kufuor, est poursuivie par l'ex-secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, qui parvient à arracher un accord de partage du pouvoir entre M. Kibaki et R. Odinga le 28 février. Le 13 avril, le premier nomme R. Odinga à la tête d'un gouvernement de coalition composé de 41 membres et au sein duquel Musalia Mudavadi, le numéro deux de l'ODM, et U. Kenyatta, sont tous deux nommés vice-Premiers ministres.
En avril et août 2010, une nouvelle Constitution est finalement adoptée et largement approuvée par référendum. Promulguée le 27 août, elle prévoit un plus grand équilibre entre pouvoirs et d’importantes limitations des prérogatives présidentielles : institution d’un Sénat représentant les comtés et d’une Cour suprême ; procédure de destitution (impeachment) par les deux assemblées du président qui ne peut plus dissoudre le Parlement ; garantie des libertés civiles dans une Déclaration des droits (Bill of Rights) ; décentralisation… Par ailleurs, une politique foncière visant une répartition plus équitable des terres y est explicitement inscrite. Tandis qu’un calendrier est fixé pour l’application de la nouvelle loi fondamentale, le poste actuel de Premier ministre est provisoirement maintenu jusqu’aux prochaines élections générales, date à laquelle le texte devrait entrer pleinement en vigueur.
Présent dans de nombreuses opérations de maintien de la paix, le Kenya s'implique dans la coopération contre le terrorisme et renforce ses liens avec Israël après l'attentat du 28 novembre 2002 visant un hôtel de Mombasa où séjournaient des Israéliens. Sur le plan régional, il mène une intense politique de médiation. Il accueille les pourparlers de paix sur la Somalie, ouverts en octobre 2002 sous l'égide de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) mais s’engage aussi militairement dans la lutte contre les milices islamistes chabab en les délogeant notamment de leur bastion de Kismaayo en 2012. Le Kenya est également le principal médiateur dans le conflit intersoudanais, auquel met un terme la signature, le 9 janvier 2005 à Nairobi, d'un accord global par le gouvernement et le chef du SPLM/SPLA, John Garang.
4.4. La présidence d’Uhuru Kenyatta (2013-)
En mars 2013, Uhuru Kenyatta, candidat de l’alliance nationale (TNA issue du PNU) mais inculpé par la Cour pénale internationale (CPI) de crimes contre l'humanité pour sa responsabilité dans les violences postélectorales de 2007, est élu de justesse à la présidence de la République avec 50,07 % des voix. Alors que le taux de participation atteint un niveau sans précédent (86 %), son principal adversaire R. Odinga (ODM) finit par accepter sa défaite, soucieux d’éviter de nouvelles violences.
U. Kenyatta a dû s’assurer du soutien non seulement des Kikuyus, dont il est lui-même issu et dont il parle et utilise la langue, mais aussi d’autres ethnies – aucune n’étant majoritaire – dont celle des Kalenjin (la troisième du pays) représentée par son vice-président William Ruto (parti républicain uni, URP). Ce dernier (qui avait soutenu R. Odinga en 2007) est également poursuivi par la CPI pour les mêmes motifs que le président. Au lieu de les desservir, ces inculpations semblent bien avoir joué en faveur du fils du père de la nation et de son allié. Cet accord au sommet se traduit au niveau parlementaire par la Jubilee Alliance coalition, formée principalement par l’alliance nationale et l’URP qui vient en tête des élections législatives et s’assure, avec ses alliés extérieurs dont le Forum démocratique uni de Musalia Mudavadi, d’une majorité au parlement. Le Mouvement démocratique orange (ODM), qui reste le premier parti, prend la tête de l’opposition.
Les craintes d’une réédition des troubles post-électoraux de 2007 dissipées, le nouveau président entre en fonctions le 9 avril après l’annonce d’un programme axé notamment sur une redistribution des richesses et un juste accès à la terre, le développement économique, la lutte contre l’insécurité et la préservation de l’unité nationale par delà les clivages ethniques.
S’il est soutenu par l’Union africaine et l’Afrique du Sud dans son affrontement avec la justice internationale, il doit aussi faire face au défi du terrorisme à la suite de l’attaque meurtrière dans un centre commercial au cœur de Nairobi commis par un commando les 21-24 septembre 2013 et du massacre commis à l’université de Garissa en avril 2015 en représailles à l’intervention du Kenya contre les milices chabab en Somalie.
Sa réélection en août 2017 (avec 54 % des voix) face à R. Odinga est vivement contestée et conduit à de violents affrontements puis à l’annulation du scrutin par la Cour suprême pour des raisons de procédure. Bien que boycottée par l’opposition, dont le chef lance une campagne de désobéissance civile, la nouvelle élection organisée en octobre, à laquelle ne participent que 39 % des électeurs contre 79 % en août, est validée et U. Kenyatta est reconduit pour un second mandat avec 98 % des suffrages.
Si le président est investi le 28 novembre, sa légitimité reste faible dans un pays toujours fragilisé par ses fractures ethniques, régionales et sociales, en dépit de la forte croissance de son économie.