ordre

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin ordo, « file ».

Philosophie Générale

Organisation de choses permettant une classification intelligible, et assurant une certaine stabilité.

Face au divers des choses, la découverte d'un ordre apparaît comme une manifestation d'un esprit, organisant le multiple en rapport à une unité et lui donnant une cohérence. Celle-ci peut être envisagée comme l'œuvre d'une Intelligence supérieure, qu'il s'agisse du Démiurge du Timée ou du Dieu créateur des monothéismes, permettant de penser le cosmos ou l'univers comme des structures stables, qui obéissent à un certain nombre de lois. La science a pour tâche de mettre en évidence ces lois qui régissent les relations entre les choses, de mettre au jour la structure d'ordre qui régit l'ensemble de la réalité. Mais l'ordre peut également être pensé comme une production du sujet connaissant : comme le montre Kant, nous ne découvrons dans les phénomènes et les objets que l'ordre que nous y mettons nous-mêmes, et, en découvrant l'organisation des choses extérieures, nous apercevons avant tout la puissance classificatrice de notre intellect.

Des pythagoriciens, qui voyaient dans les nombres la clef permettant de comprendre l'univers, à l'économie contemporaine, en passant par la physique galiléenne, la valorisation des mathématiques témoigne de cette exigence organisatrice propre à l'humain, parce qu'elle est, plus que toutes les autres, une science de l'ordre. Pourtant, la science contemporaine, fondée sur la relativité des systèmes mathématiques, l'incertitude microphysique et les théories du chaos, met à mal la croyance ancienne en un ordre immuable. Il faut alors se dessaisir de cette ancienne vision du monde pour lui substituer, non le chaos, mais l'idée d'un équilibre toujours fragile des choses, à réinstituer sans cesse.

Didier Ottaviani

Notes bibliographiques

  • Platon, Timée, trad. L. Brisson, Flammarion, « GF », Paris, 1996.
  • Descartes, R., Règles pour la direction de l'esprit, in Œuvres philosophiques, I, Garnier, Paris, 1988.
  • Heisenberg, W., Physique et philosophie, trad. J. Hadamard, Albin Michel, Paris, 1961.
  • Kant, E., Critique de la raison pure, trad. A. Renaut, Flammarion, « GF », Paris, 2001.
  • Foucault, M., Les mots et les choses, Gallimard, Paris, 1966.

→ causalité, chaos, cosmos, désordre, finalité, jeu, loi, mesure, méthode, multiple, norme, règle, structure, un

Philosophie Cognitive, Psychologie

Relation intelligible dans une multiplicité d'éléments. D'après l'étymologie, l'ordre élémentaire est la succession linéaire des éléments ; mais il existe d'autres types d'ordre, par exemple l'ordre lexicographique, défini sur deux dimensions.

Selon la définition, l'ordre renvoie moins aux choses qu'à l'appréhension et à la compréhension que nous en avons. Bergson, dans l'Évolution créatrice, soutient même que l'ordre c'est « l'esprit se retrouvant dans les choses » et que le désordre est « un autre ordre », que nous n'appréhendons pas comme tel. Comme s'il n'y avait, au fond, aucune différence objective entre ces deux notions opposées, qui ne seraient que des projections anthropomorphiques sur le monde. Cependant, la possibilité et l'efficacité technologique de la science montrent qu'il y a de l'ordre dans les choses, des symétries dans la nature, de l'organisation dans le vivant, des régularités dans les phénomènes socio-économiques ou autres. Descartes considérait la mathématique comme science par excellence de l'ordre et de la mesure. Dépassant tout ce que ce savant, qui avait une conception mécaniste de l'ordre, pouvait espérer, nos « mathématiques du chaos » actuelles ne nous disent-elles pas que des phénomènes extrêmement complexes peuvent être approchés à travers le modèle de systèmes dynamiques non linéaires ? Nos méthodes topologiques qualitatives, les moyens de calcul électronique et les outils statistiques qui servent à l'étude de ces systèmes ont complètement modifié la conception linéaire et purement quantitative que la science classique nous a donnée de l'ordre.

Ordre et désordre ne sont donc pas totalement subjectifs, mais ils sont essentiellement relatifs à la perspective d'approche adoptée et aux moyens, outils et instruments d'investigation utilisés. L'impression de « désordre » est certes corrélative de la difficulté à discerner une quelconque organisation dans un embrouillamini, une quelconque forme dans un chaos. Cette difficulté est d'abord le signe d'un dialogue peu poussé entre un sujet et son environnement. Sous peine d'être submergés par un tas d'informations inutilisables, il nous faut ordonner notre perception du monde pour pouvoir agir sur lui. à un autre stade, l'impression de désordre peut provenir d'une connaissance insuffisante ou d'une instrumentation inadéquate pour voir ou détecter de l'ordre dans les choses. Ainsi la matière noire, qui constitue 90 % de l'Univers et a échappé jusqu'ici aux objectifs des télescopes existants, pourra être indirectement captée par une caméra qu'une équipe d'astronomes français du CEA est en train de mettre au point pour photographier des phénomènes confirmant son existence. Un ordre est donc une certaine corrélation entre un état du monde, un état de notre connaissance et la puissance de nos instruments.

Hourya Sinaceur

→ action, forme, loi, méthode, structure, symétrie