un

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin unus.

Mathématiques, Métaphysique

On distingue l'un ou l'unité numérique et l'un ou l'unité transcendant(e). L'unité numérique est ce qui permet d'engendrer une multiplicité par itération. L'unité transcendante est la propriété que possède tout être formant un tout, quelle que soit la sorte d'unité qui est la sienne.

La définition de l'un numérique n'est pas constamment la même dans l'histoire de l'arithmétique. Tandis que les mathématiciens grecs considéraient l'un comme le « principe des nombres », le premier nombre par lequel on fait aujourd'hui commencer l'ensemble des entiers naturels est 0.

En métaphysique, il est acquis, depuis Aristote, que l'un ou l'unité ne forme pas un genre. On est donc réduit à distinguer diverses sortes d'unités : l'unité d'agrégation (un tas de pierres) ; l'unité d'ordre (un ensemble de causes dont chacune dépend de la précédente) ; l'unité accidentelle (un homme blanc) ; l'unité organique (un corps humain) ; l'unité substantielle (un homme, composition d'un corps et d'une âme) ; l'unité de simplicité (un tout dont les parties sont inséparables mais discernables – par exemple, l'âme humaine, qui est à la fois mémoire, intelligence et volonté) ; enfin, l'identité formelle (une unité qui n'a absolument pas de parties : l'essence divine). Il est donc possible de ranger les différentes sortes d'unités suivant le degré décroissant de séparabilité de leurs parties, jusqu'à parvenir à une unité sans parties.

Selon la formule de Leibniz, « tout ce qui n'est pas véritablement un être n'est pas véritablement un être »(1) : il faut préciser cependant que de la nature d'un être découle l'unité propre qui est la sienne.

Gérard Sondag

Pour Aristote, l'un ne compte parmi les principes que pour autant qu'il est convertible avec l'être : « L'un n'est rien de différent au-delà de l'être.(2) » Pour Plotin, au contraire, l'Un ne peut être principe que si, comme l'idée du Bien chez Platon, il est précisément « au-delà de l'être »(3). En effet, si l'Un est, il est nécessairement un être parmi les autres, et ne peut donc être leur principe. De cet Un absolument transcendant par rapport à tout être quel qu'il soit et absolument simple, rien ne peut être prédiqué : si l'on peut reconnaître dans toute forme postérieure de théologie négative une influence au moins indirecte de Plotin, c'est parce que son hénologie (doctrine de l'Un) est elle-même négative. Si l'Un échappe à toute détermination positive, ce n'est cependant pas qu'il en soit privé, mais au contraire qu'il les possède toutes éminemment, à un degré sans commune mesure avec ce qui procède de lui : il ne saurait nous donner la vie, la conscience et l'intelligence sans les posséder lui-même, mais à un degré tel que vie, conscience et intelligence ne sont chez nous qu'un reflet ou une trace de ce qu'elles sont en lui, comme la chaleur diffusée par le feu n'est que tiédeur par rapport à la chaleur du feu lui-même. Cette métaphore est celle qui rend le mieux compte de la façon dont l'Un est principe de toutes choses : autant il est impossible au feu de ne pas répandre sa chaleur, sans que pourtant il ait égard à rien de ce qu'il échauffe ni en reçoive rien, autant il est de la nature de l'Un de se diffuser. Comme la chaleur du feu s'épuise à proportion qu'elle se diffuse plus loin, de même le peu d'être de la matière marque l'extrême exténuation du rayonnement de l'Un. De plus, si c'est ainsi par participation à l'unité que tout être est – Plotin retrouvant à ce stade l'axiome aristotélicien –, aucun être ne peut se prévaloir d'une unité qui approche de l'absolue simplicité de l'Un lui-même. Enfin, cette participation à l'Un n'est évidemment pas réciproque : si rien n'est qu'en relation à l'Un, lui n'a de relation à rien ; action spontanée plutôt que volontaire, l'émanation n'est pas une création et n'implique aucun souci du créateur pour sa créature.

On peut penser que c'est comme alternative à la doctrine judéo-chrétienne de la Création qu'a été conçu l'émanatisme de Plotin.

Michel Narcy

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Leibniz, G. W., Nouveaux Essais sur l'entendement humain, chap. 27.
  • 2 ↑ Aristote, Métaphysique, Livre IV, 2, 1003b31-32.
  • 3 ↑ Platon, République, VI, 509 b 9.
  • Voir aussi : Aristote, Métaphysique, livre ?, chap. 6.
  • Duns Scot, J., le Principe d'individuation, trad. G. Sondag, Vrin, Paris, 1992.
  • Plotin, Ennéades, V 4.

→ catégorie, être, hypostase, néoplatonisme